dimanche 11 juin 2023

Bilan médical du lundi 5 au dimanche 11 juin 2023 : soins primaires, gabapentinoïdes, ASCO, Frédéric Valletoux, sur publications, dermatologie pratique, mortalité 2022, loi de Goodhart, zéro défaut, covid nosocomial.



202. Il est temps pour les soins primaires de cesser d'alimenter un système de soins dysfonctionnel (US)

LA

Cet article est un classique du genre pour rappeler l'intérêt de la médecine de famille, terme qui est désormais devenu obsolète tant les structures familiales ont éclaté sous nos climats et il existe une abondante littérature pour indiquer que le suivi longitudinal (dans la durée) des patients est une donnée forte en santé publique.

Cet article, écrit dans un anglais volontiers soutenu, énumère tous les poncifs (j'utilise explicitement ce terme pour indiquer combien ce que l'on raconte depuis des dizaines d'années est devenu un poncif qui n'a jamais intéressé et qui n'intéresse plus les décideurs de santé, les responsables de santé publique, la médecine non familiale en général, l'assurance maladie et ses dépendances, les politiciens, les assureurs et les banquiers, et, bien entendu, l'industrie des médicaments et des matériels) qui jalonnent l'histoire de la création, de la théorisation et de la connaissance  des soins primaires en tant que spécialité et... son abandon.

Chacun d'entre vous, praticiens des soins primaires, de la médecine familiale (recomposée ou non), du premier recours, connaît ces poncifs. Formation à la médecine de famille et pas seulement à la médecine, éducation des futurs soignants à la médecine du doute et de l'incertitude, disposer de temps, respecter chaque patient comme individu et pas seulement comme malade, cesser de remplir des objectifs, cesser de cocher des cases, cesser de devenir un agent administratif de l'Etat, cesser de faire de l'incentive pour répondre à des critères hors-sol et parfois sans conséquences démontrées sur la santé publique.

Savoir que le mauvais état de santé, que la maladie, la mort, sont plus fréquents chez les mal payés, les mal logés, les professionnels utilisant leurs muscles et leur squelette, chez les moins éduqués, et cetera.

Et ainsi le malaise des soignants en soins primaires à qui on oblige de pratiquer des prises en charge intenables, inégalitaires, moralement injustes, les conduit au burn-out, à la dépression ou au mal-être.

Cet article demande, entre autres, que les consultations, toutes les consultations durent plus de dix minutes et que la patientèle ne dépasse pas 500 patients.

On en est loin.

Et l'assurance maladie va à l'encontre de ces améliorations.


toutes les photos : docdu16


203. Rappel (2013). Les gabapentinoïdes ne "marchent" pas vs placebo dans les lombalgies et/ou les douleurs sciatiques

L'article de 2013 est LA.

Gabapentine (Neurontin)

Prégabaline (Lyrica) 

Si vous les utilisez, prévenez les patients que ce sont des placebos


Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente et Andy Warhol
In Bianco 1984



204. ASCO : le lieu de tous les espoirs (déçus ou non).

Tous les ans a lieu à Chicago le congrès de l'ASCO (Association états-unienne de cancérologie clinique en français) dont les objectifs avoués par les industriels (et non avoués) est de faire du hype, du spin, de la promotion, de la publicité, du marketing, à coups de résultats d'études non encore publiées, d'abstracts dont on ne verra jamais l'article final, de symposiums satellites organisées par les firmes...

Et tous les ans cela recommence. 

J'ai commencé un feuilleton à épisodes concernant l'ASCO : c'est ICI. Un chapitre tous les jours sauf le dimanche.

Pendant le congrès de l'ASCO et après, vous pouvez suivre sur twitter @oncology_bg ou Bishal Gyawali

Un exemple : il répond à Eric Topol (déjà abondamment cité sur ce blog) à propos d'un nouveau traitement du cancer du poumon.

Eric Topol fait le buzz et Bishal Gyawali remet les choses en proportion : LA.



2013 !


Publicité dans les rues de Chicago

Devons-nous accepter des essais  qui s'empilent en faveur des nouvelles molécules et non en faveur des patients ?


Lire l'article ICI : il est gratuit après inscription facile sur Medscape.


205. Frédéric Valletoux, au service du néant et du mensonge.


Frédéric Valletoux est un des fossoyeurs du système hospitalier français.

Il est membre du parti (dont j'ai oublié le nom) d'Edouard Philippe, ex premier ministre d'Emmanuel Macron, qui a comme ambition de succéder à Macron.

L'ambition de Frédéric Valletoux dont le principal axe de communication politique est de cracher sur les soins primaires qui ne seraient pas assez ça ou trop ci, en mentant sur les déserts médicaux et sur les possibilités de les combler tout en affirmant que les médecins généralistes ne travaillaient pas assez et ne voulaient pas discuter... Bref, l'ambition de Valletoux, journaliste sans diplôme mais avec un bon carnet d'adresse, est d'être le futur Ministre de la Santé d'Edouard qui se droites chaque fois qu'il ouvre la bouche.

Les propos de Valletoux par exemple : LA

Il y a aussi C'est une proposition de loi (PPL pour les intimes) trans partisane sur les déserts médicaux qui n'est pas piquée des hannetons : ICI pour la PPL et LA pour le mur des khons.


Mais il n'est pas le seul coupable, ils ne sont pas les seuls coupables.



Robert Doisneau via @thierryLacombe5


206. Y a pas que Raoult qui publie beaucoup

Un article d'El Pais version anglaise, LA, nous raconte qu'un certain José Manuel Lorenzo a publié 176 articles l'année dernière, ce qui pose quand même un sacré problème de crédibilité scientifique.

Nous avons retrouvé un petit joueur français non raoultien a priori.

JM Molina, élu par le journal L'Express, une des plus prestigieuses revues scientifiques mondiales, comme l'infectiologue des infectiologues, a signé en 5 ans (2018-2023) 243 articles (source PubMed), soit 4 par mois ou 1 par semaine.

Un lecteur écrit ceci sur twitter en commentaires :


Cela fait beaucoup quand même... Non ?


207. Dermatologie pratique : un site

Recommandé par @phtiriasis, une dermatologue que nous aimons bien sur twitter : LA

Comment gagner du temps en consultation.


Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol
China Paramount 1984


208. Mortalité en France en 2022

Berrod : https://twitter.com/nicolasberrod/status/1666098565985488898

INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7628176

Je vous conseille de lire Berrod pour aller à l'essentiel et l'INSEE pour pouvoir consulter tous les chiffres.

Je n'ai pas eu le temps de tout lire (INSEE) et je ne fais pas de commentairesprobablement inappropriés (et le sujet est d'importance).




209. Rappel de la loi de Goodhart (évaluation des hôpitaux, des médecins)

ICI.

La loi de Goodhart, du nom de l'économiste Charles Goodhart qui l'a formulée pour la première fois en 1975, indique que « lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure »1, car elle devient sujette à des manipulations, directes (trucage des chiffres) ou indirectes (travailler uniquement à améliorer cette mesure)2,3.


Un article US dont je ne peux que vous transmettre l'abstract (LA) décrit le coût humain et financier du reporting dans les hôpitaux.


Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol
Heart Attack 1984


210. Zéro défaut en Santé publique.

Quelques propos décapants (la dermatologie mène à tout à condition d'en sortir) par @dermatopoulos sur twitter. Le fil complet est LA.

La crème solaire, n’est pas faite pour revenir bronzé sans avoir de coup de soleil. Bronzer, est un mécanisme de défense de la peau contre l’excès d’UV, une cicatrice transitoire. Si l’objectif c’est 0 risque de cancer cutané, alors, il faut revenir non bronzé de ses congés.



211. Les hôpitaux anglo-écossais encore plus khons que les soins primaires (anglo-écossais).

Un article anglo-écossais indique que lorsque l'on a cessé de tester le covid avant hospitalisation le nombre de cas de Covid a augmenté !

Qui aurait pu le croire ?

Qui a eu cette idée de génie

Et les médecins hospitaliers n'auraient rien dit. 

L'article est LA.

En France on ne fait pas d'études sur des sujets aussi futiles...




samedi 10 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : B. ou le triomphe de l'incompétence. 5.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

5

B. ou le triomphe de l'incompétence.


Un des assistants de Milstein, dont Gers ne dira pas le nom pour ne pas risquer d’être repéré ou dénoncé, appelons le B., ne sait rien (en médecine mais, en d’autres domaines, c’est pareil), ne comprend rien (en médecine mais, en d’autres domaines, c’est pareil), est nul en anglais, est incompétent en statistiques (il ne connaît qu’un seul test, le chi-deux, et répète à l’envi, « corrélation n’est pas causalité »), ne regarde jamais avec attention les images des scanners ou des IRM (mais en lit les comptes rendus en les critiquant), survole les informations qu’on lui glane, intervient toujours à tort dans les staffs, et reçoit des personnalités en consultations privées à cinq cents euros la séance. 

Que faire ? A qui le dénoncer ? A qui en faire part ? Gers pourrait crier haut et fort qu’il s’agit d’un danger public, d’un faiseur, d’un ignorant dont la caractéristique principale est de se montrer arrogant avec tout le monde, de mettre la main aux fesses des étudiantes en médecine, de faire des réflexions désobligeantes sur tout ce qui bouge autour de lui, de se faire interroger par Le Figaro Magazine à chacun de ses retours de Chicago ou d’une autre destination prestigieuse, de participer à des boardsrémunérateurs de l’industrie pharmaceutique et de signer des articles qu’il n’écrit jamais et qu’il ne relit pas plus. Ce qui est plus préoccupant, et Gers fait partie de ces préoccupations puisqu’il sait, se tait, ne dit rien et n’intervient pas, est qu’il s’est auto promu spécialiste français des cancers de la partie proximale de l’appendice iléo-caecal et qu’à ce titre il reçoit des princes fortunés, des industriels très riches et des gogos smicards qui ont le droit, disent-ils, de consulter un tel spécialiste et pas un cancérologue de quartier. Sa collection de briquets Dupont et de stylos Mont-Blanc qui s’alignent dans son bureau dans une armoire vitrée du plus mauvais goût témoigne de la reconnaissance de ses patients fortunés et que l’incompétence n’empêche pas la guérison. 

B. sera (ou est déjà) son adversaire le plus farouche et le plus déterminé pour l’empêcher d’obtenir son poste de PU-PH. Mais à part faire preuve d’intégrité, faire le job, se rendre indispensable dans le service, cirer les pompes de Milstein et regarder ailleurs quand il trompe sa femme, quelles sont ses possibilités hospitalières d’avancement autres que médiocres et déloyales ? Quels sont les réseaux mafieux qu’il pourrait mobiliser pour rendre B. improbable ? B est un fake qui le déteste et dont les facultés de nuisance sont infinies mais il est possible que lui et Milstein sortent de leur chapeau un outsider venu de nulle part et faisant partie d’un deal improbable.

Gers, dans cette salle des ambitions qu’est le salon VIP de Roissy en attente d’un vol pour Chicago, a aperçu B et son moral est tombé dans les chaussettes… Comment faire B. ? 


(Pour reprendre au début : ICI)


vendredi 9 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Pierre Gers, la conjuration des imbéciles et l'industrie. 4.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

4

Pierre Gers, la conjuration des imbéciles et l'industrie.



Gers est un grand dissimulateur : il voit beaucoup de crétins autour de lui et fait semblant de ne pas les remarquer. Il côtoie des débiles avec des titres ronflants et se permet de ne pas les contredire ou de le faire avec souplesse et intelligence en tentant toujours de se mettre en valeur et de flatter les puissants. Il est avant tout compétent, avenant, et évite de faire des réflexions en privé qui risqueraient, les mauvaises langues sont légion, de devenir publiques et de nuire à son trajet semé d’embûches jusqu’à son but final, l’agrégation. Car Gers, parce qu’il connaît son sujet et qu’il est gosse-beau, suscite les jalousies, les jalousies des incompétents comme celles des plus doués. Outre ses qualités d’auteur, il est l’un des meilleurs faiseurs de littérature scientifique de la place de Paris, il est au courant de tout ce qui est publié, de tout ce qui est annoncé et sa fantastique mémoire lui permet, à la seconde et sans consulter ses notes ou son portable, de rappeler à un interlocuteur un peu moins professionnel que lui que le taux d’amélioration de la PFS est en moyenne de 32 % pour le produit A et de 37 % pour le produit B. 

Il s’amuse, mais il finira bien par cesser de s’en amuser, de constater combien ses collègues sont de gros feignants qui comptent sur lui et sur d’autres pour glaner des informations qu’il suffit de ramasser sur le web ou en feuilletant les revues en ligne. Il a compris depuis longtemps que la compétence médicale ne se mesure ni au lit du malade par des qualités diagnostiques, ni par l’intelligence des raisonnements ou des propos, mais par la pure politique de la vénération des chefs et de l’appartenance à des réseaux. On dira que ce mode de promotion et les injustices qu’il génère n’est pas réservé au milieu hospitalier et qu’il règne partout ailleurs, mais convenons, sans faire de morale à deux sous, qu’il s’agit quand même de la santé des gens et qu’il doit bien y avoir un moment où la conjuration des imbéciles a un retentissement sur la qualité des soins. A moins, et c’est une théorie répandue, que le système soit plus fort que les individus, que la complexité des interactions entre les différents rouages de l’institution, ici hospitalière, et son immersion dans une société tout aussi complexe qui interfère avec elle, soit plus fort que la qualité des membres du système, les humains en quelque sorte, qu’ils aient moins d’effets, le professionnel consciencieux contre le pourri paresseux, pour transformer ou améliorer les choses.

Gers n’est pas non plus dupe sur le rôle de l’industrie. Il sait que pour réussir il doit accepter la corruption des voyages transatlantiques en business, des hôtels quatre étoiles, des grands repas dans les meilleurs restaurants de France et de la planète, mais aussi les conférences pour délivrer la bonne parole à Paris comme à Clermont-Ferrand ou à Nice, et, surtout, on en parlera dans l’avion, accepter les modifications de données ou leur suppression pour que les résultats des études auxquelles il participe soient positifs.

jeudi 8 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : l'ASCO. 3.

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

3

L'ASCO



Milstein, le patron de Gers, n’est pas encore arrivé. Invité par un autre laboratoire pour une autre étude qu’il présentera lui-même, une étude internationale de haut niveau dont il est l’investigateur principal et le Key Opinion Leader de la zone Europe. L’autre firme a dû lui réserver un accueil hyper VIP avec limousine en bas de chez lui et champagne dans le mini bar et un simple salon privé d’aéroport aurait pu ne pas correspondre à son standing de grand ponte de l’oncologie française ayant ses entrées dans Paris-MatchLe Journal du dimanche ou CNEWS

Tout ce beau monde se rend à l’ASCO (American Society of Clinical Oncology), la messe mondiale de la cancérologie qui réunit chaque année au mois de juin l’élite des oncologues de la planète dans la bonne ville de Chicago. C’est l’occasion pour les firmes pharmaceutiques de réunir en un seul lieu l’élite universelle de la cancérologie, de mener des actions de marketing globalisées à coups de présentations en plénière, de séances de posters, de formations intégrées, et, bien entendu, tous frais payés pour les participants, ce qui leur permet d’inonder la planète médicale et pas seulement cancérologique de données extraordinaires sur leurs produits et de tenter de noyauter les grandes agences mondiales afin que l’autorisation de commercialisation de leurs molécules miracles soit la plus rapide possible et que leur prix de vente soit le plus élevé qui soit.

Les médecins invités, les journalistes embeddés, les attachés de presse free-lance ou non, ont droit à toutes les gratifications parce qu’il est nécessaire tous les ans de dire et redire combien les progrès des médicaments anti cancéreux sont un bien commun qui justifie des prix de vente pharamineux. Tous n’ont pas droit à autant d’égards que Gers et la plupart voyagent en classe éco tout en logeant dans des hôtels moins prestigieux. Mais le seul fait de partir pour l’ASCO les rend importants aux yeux d’eux-mêmes et aux yeux de leurs collègues, surtout aux yeux de ceux qui n’y ont pas été conviés. 

Les économistes, les boursiers, les agents de change, les traders, les clubs d’investissement, en savent plus sur le poids financier de l’oncologie que les grands professeurs qui la pratiquent et que les thuriféraires qui la vantent. L’oncologie est un marché porteur. Claude Martin, le spécialiste économique de la première chaîne d’information privée française, parle du premier marché de l’industrie pharmaceutique mondiale avec une croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires depuis déjà plusieurs années. Il fait partager son pur enthousiasme : c’est l’exemple parfait d’un progrès médical ininterrompu, l’oncologie sauve des vies, soutenu par un capitalisme triomphant, seul capable d’assumer des résultats aussi fracassants (il a utilisé ce terme dans une de ses chroniques). L’alliance de la morale et de la finance… 



(Les chapitres précédents : LA)

mercredi 7 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Salon VIP. 2.

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

2

Salon VIP


Le salon Air France a autant de charme qu’un décor Ikea revisité par un Finlandais : sa seule fonction est de faire croire aux passagers de la première classe et de la classe affaire qu’ils sont des privilégiés par rapport à ceux de la classe éco, alias classe bestiaux, et non de simples vaches à lait des compagnies aériennes. Gers apprécie d’en être, ce qui est le but recherché. 

Des cadors de l’oncologie français sont déjà là en train de consommer et de s’autoadmirer parce qu’ils en sont. Gers vient saluer avec prudence et respect ceux qu’il connaît, sachant que sa carrière est peut-être en train de se dessiner dans cette zone VIP d’aéroport où il y a quand même un peu plus de science que dans un cabinet d’ostéopathe. Dans un coin il y a aussi quelques alter ego avec lesquels il fraternise plus facilement et, pour certains et certaines avec très peu de franchise tant l’hypocrisie est de mise en ce milieu où les prétendants sont nombreux et les places très chères.

A trente-et-un ans Pierre Gers a fait un début de carrière éclair. N’étant issu ni d’une famille de médecins, ni d’une famille de hauts fonctionnaires pas plus que d’une famille ayant de quelconques relations dans et avec la médecine, il a eu la chance d’être adopté par un des grands patrons de la cancérologie française qui, lassé qu’on lui reproche de n’avoir jamais d’assistants goys, a pris Gers sous sa coupe non sans avoir noté qu’il était plutôt vif, intelligent et volontiers compliant pour populariser urbi et orbi son service comme le meilleur du monde (personne ne rit). 

Chef de clinique et bientôt PU-PH Gers a toutes les qualités du bon gendre, ce qui n’est bien entendu pas au programme de son patron, avec son air de beau gosse blond à la frange retombant sans cesse sur son œil droit, frange qu’il ramène en arrière soit par un délicat mouvement de tête, soit d’une main douce, les yeux bleu vert, une taille respectable, un mètre quatre-vingt-quatre, sportif comme pas deux et svelte comme une figure de mode. Le fait qu’il parle anglais couramment avec un accent français à peine perceptible favorise ses échanges internationaux et le rend indispensable quand il faut communiquer aux étrangers incultes et demeurés l’excellence de l’oncologie française dans la langue véhiculaire de la médecine, l’anglais scientifique, et dans la langue vernaculaire de l’oncologie, l’anglais dithyrambique.

Aucun masque dans la pièce fermée malgré la queue de la pandémie Covid qui continue de sévir un peu partout dans le monde. Une endémie mondiale s’est installée et certaines personnes ont déjà reçu leur huitième dose d’ARN messager avec des taux d’anticorps ridicules qui frisent ceux des immunodéprimés après plusieurs cures de chimiothérapie. Mais personne ne semble plus s’en émouvoir tant l’enthousiasme de la reprise des affaires a envahi la planète. 



(Le chapitre précédent : LA)

Le mur des khons : les politiques et les soins primaires

B

Berete Fanta.




C

Clouet


Citation : 



F

Firmin Le Bodo




G

Garot



Citation



H

Hignet




M

Maudet






R

Robinet




V

Valletoux







Vigier

Citation : 



mardi 6 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Pierre Gers. 1.

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

 1

Pierre Gers


Ce n’est pas la première fois qu’il se rend dans un grand congrès aux États-Unis mais il est excité comme une puce car c’est la première fois qu’il s’y rend en VIP, qu’il va prendre l’avion en classe affaire, loger dans un hôtel de luxe et il a hâte d'en être comme un enfant découvrant ses cadeaux aux pieds du sapin de Noël. 

Les représentants de la Firme l’attendent à Roissy. Ils lui ont payé le voyage, ils vont lui offrir un séjour sur place all inclusive et vont le chaperonner, le chouchouter afin qu’il soit dans les meilleures conditions pour faire une présentation parfaite dans son anglais ferme et fluide en utilisant les mots et les phrases qui souligneront encore plus l’intérêt de la molécule qui permet de financer l’affaire. 

Il s’est habillé en touriste sans beaucoup de recherche mais avec son élégance naturelle : une veste sport en cuir marron qui souligne sa carrure, une chemise blanche en coton, une ceinture de cow-boy pas trop voyante, un jean étonnamment neuf, certainement un 501, et des mocassins sans pompons d’un brun perçant. 

Les employés du laboratoire sont au top. Le directeur des études cliniques, un Italien à l’accent amusant, porte un costume bleu pétrole de la meilleure coupe, une chemise à rayures bleu et blanc et une pochette crème au pli parfait. La représentante du marketing est habillée comme une directrice d’agence immobilière haut de gamme qui aurait oublié qu’elle a vingt ans de trop pour porter une robe si courte et une veste si voyante.

Sa femme l’a prévenu avant de partir qu’elle saurait, à la seconde où il rentrerait à la maison, dans six jours exactement, s’il l’avait trompée. Il n’en doute pas. Mais il ne se fait aucun souci, il n’est pas fait de ce métal, non pas celui de ne pas tromper sa femme, il est un homme facile, mais celui de ne pas se faire pincer.

Il y a aussi la cheffe de la division oncologie, Marie DeFrance qui ressemble à une pharmacienne coincée mais plutôt jolie dont les traces de sa scolarité dans un institut religieux huppé de Versailles et son mariage avec un polytechnicien sévère la rendent rigide et excitante comme un éditorial d’Ivan Rioufol dans Le Figaro

Quelques comparses sont aussi là qu’on lui présente et à qui il tient des propos entendus, préoccupé qu’il est de faire bonne impression. La Firme a aussi invité Steiner, un PU-PH de petite taille, qu’il a déjà rencontré dans d’autres conférences, un type puant qui se prend pour la future star de l’oncologie et qui, pour l’instant, joue au petit chienchien avec toutes les firmes qui lui proposent de l’argent pour vanter leurs produits. Sans compter de Viran, un agrégé aussi antipathique que nul dont la mauvaise réputation le précède partout, un exécrable orateur qui se la pète et qui sait à peine signer son nom.

C’est quand il aperçoit la professeure Edmée Vachon qu’il comprend que son séjour à Chicago ne sera pas de tout repos.