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dimanche 29 avril 2012

Antibiothérapie et Promotion de la Santé : que valent les bonnes intentions ?


La célébrissime campagne "Les antibiotiques, c'est pas automatique" a marqué les esprits des médecins et des patients. Je n'ai pas de chiffres d'impact mais ils doivent être forts dans les deux groupes : c'est une phrase que j'entends souvent en patientèle et de la part de collègues.
Truisme : l'antibiothérapie, comme l'utilisation de toute thérapeutique, doit se faire à bon escient et en cet escient il est nécessaire de choisir la molécule juste.
Parfait.
La bonne conscience indique le chemin : prescrire moins et prescrire mieux.
Nous connaissons tous, les uns et les autres, ce qui nous fait prescrire plus et mal : l'habitude, le manque de temps, la pression des patients, la publicité pharmaceutique, les croyances, la lassitude, l'incompétence... On le voit, il n'est pas difficile de choisir les items qui pourront nous rendre meilleurs.
En médecine comme en d'autres domaines le volontarisme moral ne suffit pas même s'il arrive qu'il produise, rarement, des effets. Il faut savoir en effet d'où l'on part (faire un état des lieux précis), définir ce qu'il est souhaitable d'améliorer, fixer des objectifs, choisir des moyens en tentant de chiffrer les améliorations atteignables et les efforts qu'il faudra consentir pour les obtenir, se donner les moyens d'y parvenir, et pouvoir en constater les effets.
Prescrire moins et prescrire mieux des antibiotiques a au moins deux intérêts : ne pas exposer des individus à la prescription d'un médicament inutile, prescrire le bon antibiotique pour guérir l'affection et préserver l'écologie générale bactérienne en évitant les résistances.
Une équipe anglaise s'est attelée à la tâche de savoir quel pouvait être l'impact d'une campagne volontariste sur la diminution de la prescription d'antibiotiques en médecine générale (ICI).
L'étude menée en médecine générale de façon randomisée auprès de cabinets de médecine générale (68 cabinets, 480 000 patients), intervention multifaceted (sic) sur les MG comprenant séminaires, informations par le net et consultations assistées versus soins "normaux", a montré que sur un an 1) la diminution de la prescription des antibiotiques avait diminué de 4,2 % dans le groupe multifaceted (p = 0,02) ((docteurdu16 : tout ça pour ça !)) ; 2) que cela touchait plus la pénicilline V et les macrolides mais pas les autres antibiotiques ; 3) que les taux d'hospitalisations et le taux de reconsultation dans les sept jours après la consultation initiale n'avaient pas changé... Pas plus que les coûts : quant au coût de l'étude clinique, une moyenne de 3491 euro par cabinet, il a généré une diminution du coût de remboursement de 920 euro par cabinet !
Un éditorial pose, lui, des questions pertinentes sur la signification attendue d'une telle diminution en termes de diminution des résistances, c'est à dire : le jeu en vaut-il la chandelle (LA) ?
Cet éditorial est très provocateur. Il dit d'abord qu'une étude pareille décourage définitivement d'en faire d'autres. Ensuite, il rapporte des chiffres d'autres essais qui sont plus démonstratifs :  In a country-wide programme in Finland, reducing the use of erythromycin by 50% reduced the resistance of group A streptococcal isolates from 17% to 9%.4 Another study found that a decrease of 50 amoxicillin items per 1000 patients per year reduced resistance by 1%.5 Others have found that a 20% reduction in the prescription of ampicillin and amoxicillin resulted in 1% fewer resistant isolates.6 Enfin, il dit que la classique phrase, il faut continuer son traitement antibiotique jusqu'au bout n'est pas scientifiquement fondée. Il vaut mieux même arrêter les antibiotiques, donnés à bonnes doses, dès qu'il n'y a plus de fièvre. Décoiffant ?
Pour certains lever de tels lièvres pourrait être dangereux car il est possible que de tels propos puissent encourager le laisser faire ou le rien faire ce qui, dans le cadre d'une éthique individuelle volontariste, pourrait signifier le renoncement... et se plier à la loi du plus grand nombre.
Dans la même veine, mon éditorialiste favori, Desmond Spence, dénonce ICI une autre vache sacrée : La Promotion de la Santé en disant d'une part qu'elle coûte une fortune et d'autre part qu'elle ne sert à rien. Qu'entend-il par promotion de la santé ? Les campagnes de prévention, par exemple, et, plus particulièrement en ces temps de crise, une campagne gouvernementale qui s'appelle "Chaque contact compte", et qui signifie qu'à chaque contact (médical ou para médical) il faut parler de régime et de tabac car, selon le gouvernement, les brèves interventions "marchent". Le coût ? Une paille : 4,5 milliards d'euro par an. L'efficacité ? Nulle : une étude menée en médecine générale, sensibilisation par les infirmières, a montré une infime diminution du taux de cholestérol (0,1 mmol/L) et de la pression artérielle (3 à 7 mm Hg). Mais aussi, insiste Spence, il faut surtout se méfier des enquêtes où sont rapportées des données auto rapportées : une étude rapportant le nombre de femmes enceintes fumeuses sur la foi d'auto questionnaires s'est trompée de 25 % (prévalence) ! La promotion de la Santé n'a pas abouti à grand chose au Royaume-Uni : le poids a augmenté, l'activité physique a diminué, la restauration rapide progresse, les maladies alcooliques du foie ont augmenté. Seul le tabagisme a diminué mais au prix de mesures drastiques sans commune mesure avec les résultats escomptés et alors qu'un fumeur doit dépenser 3000 livres par an...
Non, la Promotion de la Santé (et nous avions ICI souligné le découragement des médecins généralistes français et LA les effets de vitrine de l'administration sur la prévention) a constitué un écran de fumée (smokescreen) pour masquer l'incapacité des politiques publiques à contrer les intérêts des marchands de nourriture et de boissons pourries (Big Junk Food) et ceux des partisans des inégalités de richesse (sic)...

(Photographie : Georges Bernard-Shaw : 1856 -  1950)


jeudi 15 mars 2012

Haro sur Servier : l'arbre qui cache la forêt.


En ces périodes de suspicion généralisée, de nécessité de transparence comme outil unique de réflexion, de plus pur que moi y a pas et d'éthique de la dénonciation, tirer sur Servier est un exercice facile, un défouloir hardi, une façon élégante de se mettre en avant, une manière d'être à la mode sans trop se mouiller. Ce que l'on appelait jadis se comporter comme un résistant de la dernière heure.

Ma pente naturelle est de me méfier des accusations toutes faites, des certitudes uniques, des condamnations unanimes, de l'effet de meute.
Il ne s'agit pourtant pas d'un plaidoyer pour défendre Servier, le laboratoire Servier, Monsieur Jacques Servier, je ne le connais pas personnellement, il s'agit de démêler ce qui revient à Servier, les pratiques frauduleuses, la concussion, la corruption, la malhonnêteté, que sais-je encore ?, et ce qui revient à un système qui existe depuis de fort nombreuses années, qui continue d'exister et qui, au delà de ses caractéristiques internationales qui seraient le capitalisme mondialisé, s'est développé en France avec l'assentiment de tous et sans que personne, jamais, n'ait eu le courage ou l'envie de collecter des faits et de les étaler au grand jour. Ce que je ne vais pas faire ce jour.

On dira qu'il y a eu des lanceurs d'alerte, des gens qui ont, depuis longtemps, averti, informé, et qu'il a fallu un scandale de trop, le livre d'Irène Frachon dont le titre avait été censuré par Servier, pour que tout éclate. Mais les lanceurs d'alerte précédents, La Revue Prescrire et certains de ses collaborateurs, ont certes dénoncé, mais sotto voce et ils n'ont rien fait pour perdre leurs postes.
Il est aussi amusant de constater que les accusateurs français, si prompts à dénoncer Servier, sont d'une extrême candeur quand il s'agit de dénoncer les scandales mondiaux de la pharmacie, alias Big Pharma, tout en affirmant qu'ailleurs tout est mieux... Et de citer le Sunshine Act comme outil indépassable pour la lutte contre la corruption alors que c'est aux Etats-Unis d'Amérique que les plus gros scandales sont apparus.
Balivernes.
Donc, partout, dans la presse, sur Facebook, sur Twitter, sur des blogs, sur des sites, les purs de la dernière heure, se déchaînent contre l'entreprise Servier (et j'aurai la délicatesse, contrairement à mon habitude, de ne pas citer tout ce que j'ai lu... tellement désastreux). Et, tels des inquisiteurs, ces purs se déchaînent sur tout ce qui bouge, les "faux" journalistes payés par Servier, les vrais salariés téléguidés ou pas qui expriment leur désarroi, les professeurs de médecine à la retraite qui n'ont pas l'heur de croire à la qualité des bases de données de la CNAMTS, et cetera, et cetera.

Je vais donc dire pourquoi Servier n'est qu'un symptôme et pas une maladie.
Qui pourra d'abord nous faire croire que tous les salariés de l'entreprise Servier, filiales comprises, sont des pourris, des malhonnêtes, des corrupteurs, des tricheurs, des modificateurs de chiffres, des broyeurs de documents ? A moins bien sûr qu'il ne faille considérer que Servier est une secte entrepreneuriale et qu'il est si difficile d'y entrer qu'il est impossible d'en sortir. Mais c'est faux.
Qui pourra nous faire croire que les salariés de Servier, aux différents échelons, sont différents de ceux de Sanofi ou de Pierre Fabre, qu'ils n'ont pas le même cerveau, pas les mêmes membres, pas les mêmes corps, pas les mêmes tripes ?
Qui pourra nous faire croire que seul Jacques Servier recevait chez lui les ministres de la Santé ou de l'industrie, recevait chez lui les présidents de commissions d'AMM, les directeurs de comités économiques, les responsables de la pharmacovigilance tout comme les directeurs généraux de la santé ou les députés des circonscriptions où étaient implantées leurs usines et leurs bureaux ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier donnait de l'argent aux partis politiques ?
Qui pourra nous faire croire que les autres directeurs de groupes pharmaceutiques, qu'ils soient français ou étrangers, n'entretenaient pas des relations d'affaire avec le lobby administrativo-politique qui décide et des politiques de santé et des prix des médicaments et de leurs niveaux de remboursement ? 
Qui pourra nous faire croire qu'il n'y a que Servier qui envoie des patrons dans les congrès, qui leur paie leurs frais d'inscription, leurs chambres d'hôtel, leurs repas et leurs sorties ? Qu'il n'y a que Servier qui permette à des patrons de signer des articles qu'ils n'ont pas écrits, de signer des articles dont ils n'ont vu aucune donnée de base, des articles dont ils ne connaissent pas les protocoles, les façons de randomiser ou les tests statistiques qui ont été appliqués ?
Qui pourra nous faire croire que les fameux leaders d'opinion, les Key Opinion Leaders, ne sont entretenus que par Servier, ne sont formés que par Servier, ne sont payés que par Servier ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier implante des études bidons, des études qui ne seront jamais publiées, des études qui ne seront jamais analysées, dans des services stratégiques en permettant l'acquisition de nouveaux matériels ou l'octroi de primes à des médecins méritants et si mal payés ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier corrompt des revues pour qu'elles publient des articles de merdre en faisant de la publicité et en achetant des tirés-à-part et des abonnements ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier finance les associations de patients ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier entretient une écurie de jeunes internes, chefs de clinique, PU-PH, afin d'en faire des experts des domaines dans lesquels les produits Servier auront besoin d'un coup de main et dans lesquels ins deviendront des experts, locaux, loco-régionaus, nationaux, voire internationaux ?
Qui pourra nous faire croire que seuls les visiteurs médicaux de Servier mentent sur les résultats des études, présentent des résultats enjolivés, cachent les effets indésirables des médicaments, invitent au restaurant ou à des week-ends et ont des moyens détournés de faire des cadeaux ?
Qui pourra nous faire croire que Servier oeuvre dans un monde pur où les fonctionnaires sont intègres, ne sont soumis à aucune pression, où les hommes politiques ne pensent qu'au bien public et non à leur réélection ?
Qui pourra nous faire croire que la politique des prix des médicaments à l'hôpital n'est pervertie que par Servier et que les autres laboratoires ne vendent pas à perte pour implanter leurs produits dans des hôpitaux prestigieux grâce à la pharmacie centrale qui ne voit que le prix du comprimé ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier utilise certains médecins qui font le va et vient entre l'industrie et l'administration, un jour directeur médical, un autre jour sous-directeur à l'AFSSAPS, un jour représentant de l'AFSSAPS à l'agence européenne ?

Personne ne peut croire à de pareilles sornettes.
Je comprends donc que les salariés de Servier expriment, parfois maladroitement, leur désarroi devant ce qui peut paraître être une chasse aux sorcières.

Car les résistants de la dernière heure n'y vont pas avec le dos de la cuillère.
Les mêmes qui ne se manifestaient pas, les mêmes qui protestaient mollement, les mêmes qui participaient sans broncher aux agapes officielles, les mêmes qui n'ont jamais payé un ticket de vestiaire dans un déplacement à l'étranger, les mêmes qui étaient des chefs de service adulés et payés, les mêmes qui dirigeaient des commissions, les mêmes qui siégeaient dans les instances, de la Direction Générale de la santé à la Commission Nationale de Pharmacovigilance, eh bien, ils ruent dans les brancards contre Servier mais ils se limitent à Servier. Servier est le bouc-émissaire à la mode.
Et si des fonctionnaires ont été virés de l'AFSSAPS, et ont d'ailleurs été reclassés immédiatement, ne croyez pas que c'était pour des raisons punitives, non, c'était pour les éloigner, c'était pour les faire taire, c'était pour que la mémoire de l'institution à laquelle ils appartenaient se dissolve, qu'on efface les preuves, qu'on broie les preuves au sens propre et au sens figuré. Et on a même payé des hauts fonctionnaires pour qu'ils se taisent, on a même nommé à des postes prestigieux des lanceurs d'alerte qui avaient lancé mais qui se sont tus juste après pour obtenir des honneurs.
Ne croyez pas qu'il n'y a que chez Servier que les broyeuses ont fonctionné, elles ont aussi fonctionné à l'AFSSAPS pour détruire des dossiers compromettants, à la DGS pour détruire des dossiers et des contrats louches, dans les Centres régionaux de Pharmaco Vigilance où l'imputation des dossiers est faite à la lumière de ce qu'il faut croire ou ne pas croire... notamment quand il s'agit de vaccins...
Et j'entends aussi qu'il faut protéger les lanceurs d'alerte.
Mais qu'est-ce que risque un lanceur d'alerte ? A part le docteur Alain Braillon qui a perdu son poste pour de nombreuses raisons qu'il a longuement expliquées sur son blog, les autres, que craignent-ils ?
La peur du lanceur d'alerte au moment du penalty est une vaste rigolade. Les grands lanceurs d'alerte devant l'Eternel (les milliers de morts de la grippe), ils sont toujours en poste et écrivent toujours des posts qui font autorité, président toujours des instances officielles, font toujours des tournées avec les laboratoires, mentent toujours sur leurs DPI..., recueillent toujours des déclarations d'effets indésirables... Des lanceurs d'alerte membres à vie de leurs commissions, qu'est-ce qu'ils risquent au juste ?
Et qu'est-ce qu'un vrai lanceur d'alerte qui, malgré le poids de ses dizaines de milliers d'abonnés, n'arrive pas à se faire entendre ?
Mais il est vrai que l'on a peu entendu de cadres dirigeants de Servier dénoncer et balancer. Mais dans les autres laboratoires, est-ce si différent ? A-t-on jamais vu des directeurs de recherche dire que les analyses statistiques sont parfois faites au cas par cas pour atteindre la fameuse, et ouvreuse de droits éternels, significativité ? A-t-on jamais entendu des moniteurs d'essai dire que le double-aveugle avait été levé avant la fin de l'essai ? Mais ces gens là, contrairement aux fonctionnaires des Agences, risquent effectivement leurs places et leurs salaires. Il faudrait les aider.
Enfin, qui pourra nous faire croire que les prescripteurs de base n'ont pas une part de responsabilité ? Qui pourra nous faire croire que les corrompus sont à plaindre et que les corrupteurs sont à condamner ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun médecin au courant des risques du Mediator ne l'a pas prescrit, et a fortiori hors AMM ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun abonné de Prescrire n'a jamais prescrit de Mediator ?  Les pauvres obèsologues, les pauvres diabètologues, les pauvres diététologues, les pauvres mésosologues ou aiguillogues ou homéoologues à orientation gros poids, les pauvres généralistes, soit reproducteurs d'ordonnances des précédents, soit initiateurs d'ordonnances pour faire comme des grands, comme ils sont à plaindre d'avoir été abusés par Servier... Abusés, mais pas plus que les grands chefs qui ont touché de l'argent. Pas plus mais pas moins...

Servier va être découpé en appartement dès la mort de son fondateur.
Qui va en profiter ?
Les dossiers d'AMM sont toujours aussi indigents et, surtout, sont peu lus avec un esprit critique.
Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, dans la majorité des cas, les effets indésirables graves constatés post commercialisation sont déjà, en filigrane, dans le dossier d'AMM. Et pas seulement pour Mediator. Pour les glitazones, pour les vaccins anti grippe, pour les coxibs... Ce n'est donc pas seulement Servier ou Pasteur ou Pfizer qui ont menti sur leurs données, ce sont aussi les évaluateurs qui n'ont pas vu ou à qui on a dit de ne pas voir...
Mais les industriels, je dirais même plus, les financiers, dans le cas bien improbable où des soupçons sont possibles, font de vagues promesses à des Agences qui savent que les décisions sont politiques et les produits sont commercialisés jusqu'à ce que le fameux point d'équilibre (balance zéro investissements / profits) soit atteint. Les études post-marketing, Prescription Event Monitoring ou autres, sont mises en place avec lenteur, sont suivies avec lenteur, les dead-lines sont constamment repoussées jusqu'à ce que les bénéfices deviennent palpables...
Et c'est là que les influences sont importantes pour ne pas imposer d'études complémentaires ou pour accepter qu'elles ne soient jamais rendues..
Voici les arguments : la balance des paiements, l'emploi, l'économie. Cela fait du chiffre.

Nous ne ferons pas l'économie, en ciblant seulement Servier, d'une réforme des procédures et des hommes qui ne devront pas seulement être transparents mais compétents. N'oublions pas que la transparence ne rend pas intelligent et que la compétence ne s'acquiert pas forcément à l'intérieur des agences gouvernementales comme on le croit trop souvent mais à force de travail, d'abnégation et de publications.

La maison Servier n'est certainement pas un exemple mais se contenter d'en faire la responsable de toutes nos insuffisances, de toutes nos lâchetés, de toutes nos incompétences et de mettre au pilori tous ses salariés, permet de faire l'économie d'une réforme qui commence dès la première année de médecine.

A suivre.

mardi 11 octobre 2011

Santé Publique : Ras le bol du lobby médico-politico-administrativo-industriel !


Hier soir je reçois un courrier émanant de l'ARB - Hôpital Robert Debré, une grande enveloppe, et qu'est-ce que j'y trouve ? Une affiche du Réseau Bronchiolite Ile-de-France annonçant que "Le standard est ouvert". Voir ICI.
Pour quoi faire ? Je croyais que le problème de la kinésithérapie dans la bronchiolite était réglé depuis longtemps : voir ICI.

Il y a quelques jours je vois un communiqué de presse émanant de l'ARS de l'Ile-de-France qui incite les femmes à adhérer au dépistage organisé du cancer du sein en répondant à l'invitation de pratiquer des mammographies.
Aucun avertissement sur le risque de sur diagnostics. Voir ICI.
Mais il est vrai que l'intérêt du dépistage organisé du cancer du sein ne fait l'objet d'aucune "vraie" discussion dans l'espace public français, la parole médiatique étant occupée par David Elia sur Europe 1 (ICI) ; et David Khayat sur France info : le formindep s'en est ému et invite, dans une lettre ouverte, le grand professeur à s'expliquer (ICI).

Pour ce qui est du cancer du colon, où le rapport bénéfices / risques du dépistage par la recherche de sang dans les selles (hemoccult) semble meilleur que dans les exemples précités, les campagnes de publicité ne parlent jamais non plus de surdiagnostics. Il ne faut pas dire la vérité, cela risque de décourager les bonnes volontés. Rappelons que la Revue Prescrire (ICI) parle d'un bénéfice limité du dépistage.

Pour ce qui est de la campagne de vaccination contre la grippe chez les personnes âgées de plus de 65 ans et chez des malades ou des terrains "ciblés", peu de publicité, les autorités ayant été échaudées par toutes les maladresses accumulées lors de la campagne A/H1N1, donc, de la prudence, de la confidentialité, mais le personnel étatique n'a pas changé. Le professeur Daniel Floret, l'homme du Pandemrix, vaccin narcoleptique, est toujours là.
Je reçois par la poste un mailing (courrier en anglais) émanant de Sanofi Pasteur MSD avec une brochurette (luxueuse) de 16 pages intitulée "La grippe saisonnière et sa vaccination. Nouvelles recommandations vaccinales. Questions-Réponses" qui est préfacée par le professeur Bruno Lina. Vous connaissez tous Monsieur Lina qui a affirmé maintes et maintes fois que le fait d'être corrompu par plusieurs firmes annule la corruption en raison de la concurrence de ces firmes... (c'est la doctrine Lina)
(Pour ceux qui ont le temps : la brochurette de propagande, pour quelqu'un d'informé, n'est pas piquée des hannetons. Le nombre de morts annuels (2500) a été révisé à la baisse (on parlait de 5 à 7000 auparavant) mais ne cite pas les "vrais" chiffres (312 l'année de la grande grippe Bachelot N1), pas un mot sur les effets indésirables, un mot en passant sur l'efficacité et on y note qu'elle est évaluée entre 50 et 90 % et qu'elle est plus importante chez les adultes de moins de 60 ans que chez les plus âgés (c'est un scoop !). Enfin, le professeur Bruno Lina, dans son édito (sic ; éditorial fait trop ringard) qu'il a dû écrire lui-même (il n'a pas besoin de ghost writer pour être un bon visiteur médical), veut "combattre", je cite "contre les idées fausses sur la vaccination grippale"... Il parle du rôle fondamental des médecins généralistes (quel hypocrite !) et c'est tout.)

Quant à la prostate...
Les campagnes de l'Association Française d'Urologie pour le dépistage individuel du cancer de la prostate sont développées dans l'espace public sans que le président de la HAS n'ait émis la moindre protestation alors que les recommandations sont claires : ICI.


Quant à la mesure de la glycémie capillaire chez les diabétiques de type II, elle fait l'objet de campagnes indécentes sur les radios de France et de Navarre (voir ICI), pour un bénéfice non démontré.

A quoi cela peut-il bien servir de travailler dans des conditions environnementales aussi défavorables ?
Pourquoi ne sommes-nous pas aidés par nos "maîtres" ?
Pourquoi nos "maîtres" nous ont-ils abandonnés en rase campagne, serait-ce parce que nos maîtres, la majorité d'entre eux, cela va de soi, sont des experts autoproclamés qui ne s'intéressent ni à la médecine ni à la Santé Publique.

Je suis écoeuré....




jeudi 15 septembre 2011

Direction Générale de la Santé : la Main Invisible de la Santé Publique


Je suis étonné que nombre d'ingénus s'ingénient à critiquer (j'en suis, je sais ce que c'est) ou à valoriser (mais si, il y en a : des légitimistes) les différentes Agences Gouvernementales (AFSSAPS) ou les Comités Croupions (Haut Conseil de la Santé Publique) et les sous-sous Comités croucroupionspions, comme le Comité Technique de la Vaccination alors que le cerveau central (la main invisible comme le disait ce bon Adams Smith) est la Direction Générale de la Santé.
La DGS est un repaire de politiques, d'experts maisons, de professeurs politisés, de jeunes loups sortis de l'énarchie, d'exécutants fidèles, de bureaucrates zélés, mais, surtout, la DGS, c'est la politique spectacle, c'est l'affichage avec une réflexion aussi épaisse que l'affiche elle-même.
Ne croyez pourtant pas qu'il n'y ait pas, à la DGS, d'hommes et de femmes de qualité, de scientifiques expérimentés, d'hommes ou de femmes de valeur ou de grandes qualités morales.
Mais ils sont rares ou ils ont oublié : à partir du moment où vous entrez dans une écurie politique, il faut, selon JP Chevènement Fermer sa gueule ou démissionner. Combien démissionnent ?

La DGS, donc, est la cellule politique de la Santé Publique. Toute décision passe par elle. Elle a des bras armés, les ARS (une espèce de cache-sexe qui permettra au gouvernement en cas de coup dur ou de critiques de faire sauter les fusibles ad hoc, fusibles qui seront recyclés cependant dans la Grande Administration Française que le Monde Entier Nous Envie, dans des placards dorés, très bien payés, avec bonne retraite, chauffeur, appartement de fonction et autres agréments de la République à la française), des Agences aux Ordres (et dans l'affaire du Mediator, elle ordonnait à tous les niveaux, Commission d'AMM, Commission Nationale de Pharmacovigilance, voire Commissions sénatoriales) et des fonctionnaires de terrain (de moins en moins nombreux) comme soutiers.

L'organigramme de la DGS est un poème : ICI.
Il est l'exact reflet de la politique pâtissière de notre Administration, un mille-feuilles indigeste conçu pour étouffer le citoyen, pour empêcher toute initiative et pour laisser le grand chef, aujourd'hui Jean-Yves Grall, prendre ses ordres auprès de Xavier Bertrand, dont on connaît l'immense compétence, la bonne foi inébranlable, la rigueur morale et le sens politique infaillible. N'exagérons quand même pas sur les compliments.
Je voulais également rappeler que l'Affaire Mediator ne parle jamais de Lucien Abenhaïm qui fut Directeur général de la Santé (ICI) et qui publia sur les fenfluoramines, épisode oublié qu'il faudra bien un jour aborder.
Revenons à l'organigramme. J'ai essayé pendant au moins dix bonnes minutes de trouver sur le site la déclaration personnelle d'intérêt (DPI) de Jean-Yves Grall, le Directeur Général de la Santé : rien. il y a une biographie sur le net mais pas de liens avec les liens. C'est un homme pur qui ne doit rien à personne.
Je prends au hasard dans l'organigramme de la DGS le nom de Dominique de Penanster (sous-directrice de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques), je fais une recherche sur le net, j'apprends qu'il s'agit d'une femme médecin et je ne trouve toujours pas de DPI. Je retrouve cependant une bio (ICI) qui montre qu'elle est issue d'un filière dite expert mongering (fabrication des experts : LA) : pas de publications dans des revues de qualité avant son entrée dans les sphères gouvernementales, publication ensuite dans des revues croupions de la DGS, et cetera.

Bon, je voulais aussi vous parler aussi de la façon dont l'Administration Française travaille dans le domaine de la Santé.
Elle projette.
Plan Alzheimer ou plan cancer ou plan H5N1.
  1. Appel à projet : des hauts fonctionnaires pondent un rapport épais et théorique qui est coupé de la réalité et inapplicable
  2. On met le paquet pour appliquer l'inapplicable
  3. On se rend compte que ce n'est pas appliqué.
  4. On repond un rapport pour expliquer pourquoi ce n'est pas appliqué.
  5. Ce n'est toujours pas applicable ou seulement en partie. La partie est mise en avant, bien qu'inopérationnelle, effet d'affichage, pour valoriser l'appel à projet initial et pour fustiger les incompétents de terrain
  6. L'IGAS, qui émane de la DGS, pond un rapport qui explique pourquoi cela n'a pas marché a) le projet initial était trop ambitieux ; b) les moyens alloués étaient insuffisants ; c) les dysfonctionnements ont été multiples.
  7. Le ministre dit qu'il va en tenir compte et il n'en tient pas compte puisque ce qui compte c'est l'effet d'annonce et l'effet d'affichage.
  8. Les soutiers se désespèrent et les membres dirigeants de l'administration ne sortent toujours pas de leur placard doré.
  9. Le ratio placardisés dorés / soutiers augmente encore : un effet indésirable est signalé, un service central est mobilisé pour enregistrer (très important en cas de procès) et le cas est enfoui ; une maltraitance sur personne âgée est signalée et de longues semaines se passent avant qu'on ne confirme que le dossier est enterré (mais enregistré)
Et ainsi, comme il y a eu les vaccinodromes, il y a désormais des alzheimerodromes et, qui plus est, des alzheimerodromes concurrents, les uns pilotés par le Conseil général, les autres par l'Etat... dans un joyeux bordel énarchique...

Je vous en reparlerai et vous constaterez que la Haute Administration Française est une coterie qui s'autoentretient, s'autoreproduit et s'autoloue pour le plus grand bien-être des politiques.

(Jean-Yves Grall - Directeur Général de la Santé)

samedi 16 juillet 2011

L'alcoolisme : est-ce oui ou non une maladie ?


J'aime bien poser des questions auxquelles je ne sais pas répondre (voir les effets du tabagisme passif : ICI). Questions dont certains sont persuadés du bien fondé de leur réponse. Et qui, en fonction de ce que vous répondrez, oui ou non, vous considèreront de façon définitive comme in ou out.
Je dois dire que la prise en charge des sur consommateurs d'alcool, je ne sais pas bien comment il faut les appeler, est une question relativement simple dans ma pratique : soit je suis un supplétif pour un patient / malade (citoyen ?) qui a déjà pris sa décision, c'est à dire arrêter ou ne pas arriver à s'arrêter, soit je suis un relai pour permettre au patient / malade (citoyen ?) d'aller consulter un ou une alcoologue distingué (e) qui, au gré des modes et des nouvelles parutions va entamer une pychothérapie non analytique ou analytique, une chimiothérapie légère ou lourde, et cetera.
Je ne me posais aucune question existentielle, qui est malade, qui ne l'est pas, et je lis un article publié sur le site Atoute, L'alcool, ce n'est pas un problème : LA. Et je dois avouer, à ma grande confusion, que je n'ai rien compris à ce texte. Je me suis gratté le caillou plusieurs fois et j'ai eu l'impression de lire un texte ésotérique, écrit pour quelques happy few (les alcooliques et les aidants d'alcooliques), ou pour des hyper spécialistes, ou pour des patients / malades (citoyens) qui avaient besoin qu'on leur dise que tout est dans tout et réciproquement. Ainsi, à la fin de cette lecture puis de cette relecture, j'avais plusieurs options : a) je suis un crétin fini ; b) les enjeux de ce problème me dépassent ; c) je ne suis pas devenu plus opérationnel ; d) dans les dîners en ville (où je vais peu) il faut affirmer de façon péremptoire : L'alcoolisme est une maladie ; et on finit par trouver des arguments ; e) voilà un sujet qui me dépasse...
M'intéressant récemment au blog de Claude Béraud pour des raisons que vous pouvez lire ICI, je "tombe" sur un article qui s'appelle : L'alcoolisme n'est pas une maladie et que vous pouvez lire LA.
Je n'avais pratiquement rien compris à l'article d'Atoute et je suis plutôt en phase avec ce qu'écrit Claude Béraud, beaucoup plus consensuel.
Mais, arrivé à ce stade de raisonnement (?), je me dis que je suis incapable de trancher : il y a un article obscur et un article limpide, qui dit la vérité ?
Parlons alors de préjugés :
1) commençons par Atoute : je remercie le site de m'avoir informé d'une question que j'ignorais et de m'avoir fait douter ; et de me permettre de ne pas conclure ; si un forum d'alcoolique parle de cela, il doit bien y avoir une raison ; ce doit être un point fondamental pour la prise en charge des dits alcoolique, qui, il faut l'avouer, sont de désespérants consultants en clientèle de médecine générale. J'ai donc plutôt une impression favorable. MAIS ! Mais je sais que Dominique Dupagne, l'administrateur, est, dans une autre addiction que je connais mieux, favorable, je dirais même inconditionnellement favorable, aux thèses de Robert Molimard sur le tabagisme, thèse qui m'ont toujours paru touffues et fumeuses (voir ICI) ; donc, c'est simple : Dominique Dupagne publie un article non signé par lui émanant d'un Forum Alcool qui est hébergé par son site, il doit (mais rien n'est moins sûr) y être favorable même si aucune réserve n'a été émise par lui, et cet article ne me "parle" pas même si je pense qu'il doit bien y avoir une raison pour qu'il ait éventuellement raison ; ensuite : Dominique Dupagne promeut dur comme fer les théories molimardiennes auxquelles je ne crois pas ; cela signifie-t-il que, pensant qu'il a tort pour le tabac, je doive penser qu'il a forcément tort pour l'alcool ?
2) continuons par Béraud : son article sur l'alcool m'a paru équilibré et m'a séduit ; pourtant, sur un autre sujet, celui des dépenses de Santé, il ne m'a pas convaincu et il est, selon moi, passé à côté de l'essentiel ; donc, le préjugé défavorable que j'avais sur Claude Béraud va-t-il me faire douter de son article sur l'alcool, tout en sachant que je connais mieux les dépenses de santé que l'alcool ?
A l'aide !

(Le jugement de Salomon - Raphaël : 1518)

jeudi 14 juillet 2011

Tabagisme passif : qui dit et comment savoir la vérité ?



Les risques du tabagisme passif semblaient pour moi une donnée évidente dans les années 90, évidente car je ne m'étais pas interrogé sur le sujet.
Influencé probablement par l'évidence du fait, le bon sens, je ne m'étais même pas posé de questions.
Jusqu'à ce que je lise sur le site du Formindep des articles du grand professeur Robert Molimard, repenti connu de Big Pharma, et chantre désormais de la transparence absolue pour ce qui est de la fumée.
J'avais eu le malheur de ne pas être d'accord, non avec ses critiques concernant le rapport européen sur le tabagisme passif (ICI), mais sur ses vieillottes théories concernant le paléo cerveau et la dépression chez le tabagique (que j'avais retrouvées sur internet). Il avait nié (voir les commentaires et les réponses aux commentaires et les preuves qu'il mentait), m'avait traité de suppôt de Big Pharma (et sûrement de Pfizer avec qui le grand professeur a un problème que je ne cherche pas à identifier) et vous ne serez pas surpris que les fidèles de l'alter tabacologie (j'imagine une allusion marquée à l'alter modialisme) soient venus à son secours.
Quant à ses ex liens et / ou conflits d'intérêts, ils ont été effacés d'un coup d'éponge magique par Philippe Foucras que l'on a connu plus virulent à propos d'autres experts.
Où en étais-je ?
Robert Molimard, en substance, prétend que le tabagisme passif n'a pas d'effets sur la mortalité.
Il est vrai qu'en 32 ans d'exercice de la médecine générale libérale je n'ai pas connuu de cancer du poumon chez une femme non fumeuse dont le mari fumait. Mais il ne s'agit pas de statistiques, il s'agit de mon expérience interne.
Cela dit, et pour faire un peu de provocation, fumer dans un appartement où s'ébattent de jeunes enfants, a fortiori s'ils ont des troubles respiratoires, peut être assimilé à mon avis à de la maltraitance.
Ensuite : Catherine Hill. Nous l'aimons bien quand elle nous fait des exposés brillantissimes sur le cancer de la prostate et de l'inutilité de son dépistage (j'ai trouvé cette conférence grâce au site Voix Médicales, une annexe du Formindep : vous cliquez LA et vous cliquez ensuite sur Conférenciers et Catherine Hill). Et voilà, à la suite d'autres articles qu'elle a déjà publiés sur le sujet et qui lui ont valu les foudres du professeur Molimard, que Catherine Hill publie dans le BEH un article (Les effets sur la santé du tabagisme passif : LA en regardant l'article à la page 233) qui rend le tabagisme passif coupable.

Donc, j'aimerais qu'un débat contradictoire pût réunir Catherine Hill et Robert Molimard.
Est-ce possible ?
Sur le site du Formindep ?

Petites réflexions en passant :
  1. L'expertise n'est pas une donnée éternelle : elle doit être soumise à la méritocratie des publications.
  2. Il s'agit d'un exemple patent de conflit d'intérêt interne car il eût été du devoir d'information du Formindep, ouvrant largement ses colonnes à la seule voix du professeur Molimard, de les ouvrir également à Catherine Hill professant (c'est le mot) un avis différent.

Personnellement, je ne sais pas qui a raison.

(Photographies : à gauche : Catherine Hill ; à droite : Robert Molimard)

mardi 12 juillet 2011

Le professeur Claude Béraud "sauve" l'assurance maladie.


Je viens de lire un article du Professeur Claude Béraud hébergé sur le site de Pharmacritique (ICI) et, bien que les commentaires soient à nouveau ouverts sur le site de Madame Elena Pasca, mon commentaire est trop long pour être publié et je n'aime pas être "modéré" au sens propre et au sens figuré.
Je vous demande donc de lire l'article sur le site et de revenir me voir.

L'article de Claude Béraud (CB), "Menaces sur l'assurance maladie : entre fictions et réalités.", et, avant tout, on peut se demander si l'auteur est un lanceur d'alerte (whistle blower) ou un repenti (pentito), je vous laisse choisir sans modération, est une accumulation de clichés, de dénonciations archi connues et nous laisse sur notre faim quant aux solutions possibles.
CB, qui tel Philippe Even, a occupé des postes éminents dans l'administration et dans le privé et ne s'est pas rebellé à l'époque pour des raisons que nous n'analyserons pas ici, se livre au sport favori des Français (mais pas seulement, des exemples étrangers du même type sont nombreux), l'autodénigrement désespérant et insoluble dans l'autosatisfaction. Tels ces experts, dont l'appartenance au lobby de l'automobile ne faisait aucun doute, qui prétendaient dans les années soixante à l'irréductibilité du nombre des morts (17500) sur les routes françaises pour des raisons franco-françaises anthropologiques liées à, je cite entre autres, l'esprit individualiste des Gaulois et leur rapport à la bagnole, et qui nient encore qu'il y ait moins de 4000 morts par an (chiffre de 2010) et que ce soit lié, entre autres, aux limitations de vitesse...
Mais revenons-en à notre Saint Jean Bouche d'Or et ce qu'il dit être les 4 causes principales de l'excès des dépenses de l'assurance maladie. (J'ajoute perfidement qu'il ne parle à aucun moment des dysfonctionnements qui pourraient exister à l'intérieur de cette noble institution).
  1. L'absence d'organisation du système de soins. Et là, contre toute attente, nous avons droit à une attaque en règle des médecins généralistes (MG) selon un procédé rhétorique extrêmement connu : il commence par assigner un rôle aux MG, rôle inventé par le donneur de leçons et authentifié par une référence américaine, qui est de "répondre durant 24 heures, 365 jours par an à la quasi totalité des soins et des urgences et de (...) coordonner les soins délivrés par les spécialistes et les hôpitaux." (Diable !) ; puis il constate que les MG ne le font pas ; puis il donne, comme il dit un, je cite, "bon exemple" (charité bien ordonnée commence par soi-même), celui de l'hospitalisation abusive des personnes âgées. Le professeur Béraud marche sur la tête. Il ne connaît ni les données démographiques, ni les donnée sociologiques, ni les données budgétaires.
  2. Les prescriptions non justifiées par les données scientifiques. CB entonne la vieille rengaine de l'incompétence, de la légèreté et de l'inconscience des médecins (que j'ai déjà dénoncées ici et là sur ce site), et je souligne que lorsqu'il était en poste il n'a rien fait pour s'y opposer. CB, ancien médecin conseil national de la Sécurité sociale (ça en jette !) ne dit pas un mot du CAPI (devoir de réserve), pas un mot de l'HAS (devoir de copinage), pas un mot de la vaccination anti grippale (devoir expertal), et, puisqu'il parle beaucoup des personnes âgées dans son papier, ne dit rien du scandale scientifique et financier de la prescription d'anticholinestérasiques dans la maladie d'Alzheimer qui sont non seulement des médicaments inefficaces et très coûteux mais sont aussi générateurs d'effets indésirables cardiovasculaires jamais recensés.
  3. La médicalisation des souffrances liées aux difficultés et aux contraintes de la vie quotidienne. Là, je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer. Un tel tissu de contradictions, un tel manque de recul, une telle précipitation dans la dénonciation des médecins, et, vous l'aurez noté, des MG en particulier, ces espèces de sous hommes que l'on peut maltraiter comme l'on veut, me laissent indécis. D'un côté notre moraliste nous dit que l'on médicalise la vie et de l'autre que les MG, qui, on l'a vu, doivent être sur la brèche 365 jours par an sauf les années bissextiles, devraient mieux écouter les patients en prenant plus de temps, des patients qui souffrent parce que leur chef de service les harcèle, parce que leur compagnon les trompe, parce que leurs enfants leur disent merdre, en prenant plus de temps et sans prescrire de médicaments ; écouter les plaintes d'un homme dont la femme vient de le quitter n'est pas pour CB une expression sublime du disease mongering généralisé mais le rôle fondamental du MG... CB veut que les MG fassent de la médecine 24 heures sur 24 (sauf les jours de passage à l'heure d'été ou à l'heure d'hiver), de la vraie médecine s'entend, et leur demandent aussi d'être les rafistoleurs du système de production français, sans prescrire de médicaments, sans prescrire, j'imagine, d'arrêts de travail, sans prescrire d'examens complémentaires inutiles, c'est à dire se comporter en emplâtres sur jambes de bois au service des experts qui nous gouvernent et qui savent tout, aux experts qui défendent le droit de l'Assurance maladie à ne plus être solidaire, à faire de la visite médicale académique ou à supprimer le médecin référent...
  4. Le consumérisme médical, poursuit notre Candide, est un important facteur de croissance des dépenses de soin, notamment chez les personnes âgées. Mais comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? CB est le seul à connaître la cause de tout, le deus ex machina de nos errements. Il critique donc les bilans de santé mis en place par l'Assurance maladie pour les nécessiteux et qui  sont élargis à tous les publics, privatisation oblige, il critique les campagnes de prévention (cancer du sein) mis en place par l'Assurance maladie et faisant l'objet de primes pour les médecins s'y prêtant, il critique les tests de mémoire qui sont au centre de la stratégie de prévention de la maladie d'Alzheimer et qui sont favorisés par l'Assurance maladie, il critique les mesures préventives non validées (vaccination anti grippale) destinées aux personnes de plus de 60 ans (en sachant qu'à partir de 65 ans le vaccin est vraiment inefficace) qui donnent aussi lieu à des primes pour les MG qui ont signé le CAPI.
Claude Béraud avait le pied dedans quand il exerçait ses fonctions à l'Assurance maladie ou à la Mutualité française et il a le pied dehors maintenant qu'il est retraité de ces mêmes organismes...
Le professeur CB sait tout, voit tout, entend tout, dit tout, mais trop tard. C'était quand il professait qu'il aurait dû dénoncer et ne pas participer à cette entreprise de gabegie intellectuelle et financière qu'il semble condamner désormais sans retenue.

Mais le professeur Béraud :
  1. Oublie les aspirations des Français au sacro-saint Droit à la santé, la République des Droits, que l'Etat de gauche ou de droite, l'Etat comme entité hypostasiée d'une volonté générale, leur a inculqué depuis des années au nom d'idées généreuses, l'Enfer est toujours pavé de bonnes intentions, d'idées qui se déclinent encore sous forme d'incantations vidées de leur sens (lutter contre les inégalités), que le citoyen devait vendre son âme à l'Etat qui allait, dans sa grandissime bonté, pourvoir à tout ; incantations humanistes dans le genre "La Santé n'a pas de prix", proposition malhonnête qui sous tend qu'il faut tout faire pour sauver une vie, commercialiser des anticancéreux de troisième ligne à des prix défiant toute concurrence et sans aucune garantie de sécurité d'emploi, et augmentant, dans des essais randomisés, l'espérance de vie de trois semaines (et là, je suis optimiste), à demander encore plus et encore plus de mammographes (CGR ?) pour dépister et dépister encore, à ne pas fermer des services de réanimation obsolètes où il y a plus de morts que de vivants à la sortie (exagéré-je ?) ; incantations humanistes dans le style "Il vaut mieux prévenir que guérir", incantation largement démentie par les faits et par Sackett (ICI), qui fait accepter n'importe quoi, du Gardasil au taux toujours plus bas de mauvais cholestérol. Et ainsi le citoyen a-t-il pactisé avec le Diable de la médecine toute-puissante qui fait dire à un maire de ville ou de bourgade que la lutte contre les inégalités signifie que des services d'urgence soient prêts chaque minute que Dieu fait à recevoir un malade souffrant de rhume et que le sérum physiologique devrait être remboursé pour les mêmes raisons.
  2. Oublie l'arrogance médicale qui participe à la confusion généralisée qui mélange sans discernement la médecine, l'hygiène, le mode de vie, l'anthropologie, la culture et les conditions de travail. L'arrogance médicale c'est considérer que tout ce qui est arrivé de bien à l'humanité (pas partout, cela va sans dire), je veux dire le recul de la mortalité infantile et maternelle, la disparition de certaines maladies, les progrès de la chirurgie, le contrôle des naissances, l'augmentation de l'espérance de vie brute et sans douleurs, mais la liste n'est forcément pas exhaustive, nous pourrions y passer la soirée, est lié à la compétence médicale. Ce tour de passe passe idéologique permet, comme on l'a vu, de tout commercialiser, de tout rentabiliser et, surtout, de ne pas s'interroger sur la validité des hypothèses de départ. Il est aussi trop tard pour revenir en arrière dans de nombreux domaines comme le dépistage de certaines affections.
  3. Oublie l'arrogance sociétale du lobby administrativo-industriel qui, au nom de la liberté, laisse passer les publicités diabétogènes (junk food) à la télévision et propose des diagnostics et des traitements aux diabétiques qui n'ont jamais été aussi nombreux, non seulement en raison du mode de vie pléthorique de nos sociétés, mais aussi en raison de l'abaissement des seuils permettant de considérer un individu bien portant comme un intolérant aux glucides. Ce sont les mêmes qui commercialisent Mc Do et qui vendent les antidiabétiques.
  4. Oublie le sort réservé à la médecine générale : pas d'enseignement à la faculté ; numerus clausus favorisant les spécialités universitaires ; allocation de ressources négligeable et diminuant au cours des années ; spécialistocentrisme ; hospitalocentrisme malgré les revers continuels de cette politique et le sort réservé aux hospitaliers qui souffrent encore plus que les MG.
  5. Oublie les dernières réformes (Agences régionales de Santé) qui sont magnifiques dans les intentions mais qui, en pratique, sont l'expression achevée de l'inorganisation administrative française : peuplement des bureaux dorés et dépeuplement des hommes et des femmes de terrain ; accumulation de couches administratives, de règlements incompréhensibles, de discours de la vitrine, de lâchetés vis à vis des personnels, d'amoncellements de privilèges pour les nantis... Gabegie générale en quelque sorte.
  6. Oublie surtout les liens d'intérêts qui corrompent la médecine et l'administration du haut au bas de la pyramide ; oublie les conflits d'intérêts qui rendent la médecine infréquentable et dont témoignent la composition des Agences dites gouvernementales qui ne sont que des Agences liées à Big Pharma par inconscience et inconséquence plus que par volonté délibérée. Pas un mot de CB. Et pourtant, dans ses différents postes, il a dû en voir des compromissions tacites, des chèques passés sous la table, des déjeuners et des dîners mangés aux frais de la princesse, des congrès payés pour la bonne cause de la science triomphante et des échanges internationaux entre spécialistes, des interventions de ministres pour ne pas pénaliser tel laboratoire installé dans sa circonscription, de diktats de la DGS inspirés par la Santé Publique...
Claude Béraud a raison d'écrire de longs articles dans Pharmacritique dans lesquels il se donne le beau rôle mais cette longueur ne fait que plus souligner les oublis d'un professeur qui fut aussi haut fonctionnaire et patron dans le privé.

Que le lecteur ne pense pas que je défende le système contre Claude Béraud, ce blog en est le témoignage, mais il y en a assez de ces discours convenus, les uns approbateurs, les autres critiques, qui ne font pas avancer le propos en enfumant le débat comme dirait ce bon Even, le spécialiste de l'enfumage.

Je terminerai donc par ce beau texte de David Sackett qui non seulement fut à l'origine de l'EBM mais aussi de beaux discours sur la médecine.

La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations.

(Le martyre de Saint-Sébastien - Andrea Mantegna - 1431-1506)

vendredi 11 mars 2011

LES ASSISES DU MEDICAMENT : UNE VASTE BERTRANDERIE

Henri à Canossa

Notre ami Xavier Bertrand est un fin politique : pour cacher ses responsabilités, pour épargner l'administration, pour ne pas faire trop déplaisir à l'Industrie du médicament (alias Big Pharma) et pour faire illusion devant le bon peuple, il a organisé les Assises du Médicament.
Ce machin est une entreprise d'enfumage afin qu'au bout du compte Xavier Bertrand ne perde pas son poste, qu'Antoine Flahault soit toujours directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes (LA), que Robert Cohen puisse toujours dire la vérité sur les vaccins en publiant Infovac, que l'AFSSAPS fasse semblant d'avoir une quelconque importance, que Françoise Weber continue de publier des rapports bidons sous le sigle de l'InVS, que Roselyne Bachelot continue de couler des jours heureux dans les ministères et que Sanofi-Aventis puisse faire la pluie et le beau temps sur le marché pharmaceutique français... Je suis désolé, j'en ai oublié plein, qu'ils me pardonnent, leur tour est déjà venu ou viendra, ils sont toujours là, cachés derrière leur ombre ou derrière leurs certitudes, mais INAMOVIBLES.
Ces gens là ne connaissent pas l'usure du pouvoir.
Mais ils ne sont pas élus (à part Xavier Bertrand). Ils sont nommés et, bien entendu, es qualités.

Les Assises du médicament sont nées de l'affaire Mediator.

Les Assises du médicament sont faites pour remettre de l'ordre dans l'organisation de la Santé Publique, de la commercialisation des médicaments depuis le début des essais de phase II jusqu'à l'AMM en passant par la fixation du prix remboursé et en passant par la surveillance après commercialisation.

Et Xavier desogestrel Bertrand (voir un post précédent) est un expert dans l'organisation de l'agitation moléculaire et de la mécanique quantique aboutissant au néant originel et à l'absence de décisions.

Seule Sainte Irène Frachon croyait encore à Xavier Bertrand. Il m'étonnerait qu'elle y crût encore. Et je rappelle ici à ceux qui l'auraient oublié que la sainteté d'Irène (non, ce n'est pas un film d'Alain Cavalier ni même un livre d'Aragon) a été décrétée en haut lieu et qu'il n'est pas possible de penser le contraire sous peine de crime contre l'autorité révélée. C'est bien la première fois que Cassandre est béatifiée.

Quoi qu'il en soit, l'organisation des Assises du Médicament est une affaire médiatique sans média puisqu'il n'est pas possible de filmer ou d'enregistrer les débats sous peine de poursuites.
L'organisation des Assises du Médicament, censée lutter contre l'opacité, ne considère pas que les liens d'intérêt (ne parlons pas des conflits) soient investigables mais seulement déclarables.
Les Assises du Médicament, censées faire le point sur les dysfonctionnements du système, réunissent les anciens participants du système qui viendront jurer de leur bonne foi, qu'on ne les y reprendra plus et qu'ils seront honnêtes et respectueux par la grâce de la Providence.
Ah, il y a bien des strapontins. Des strapontins occupés, par exemple, par La Revue Prescrire, par l'Association Formindep ou par le site francophone le plus consulté, je veux dire Atoute.org de Dominique Dupagne.
La Revue Prescrire vient de publier un document en forme de plaidoyer justifiant sa participation à ces Assises : ICI. Ce plaidoyer comprend deux volets : d'abord (on se demande bien pourquoi) un programme de 57 propositions pour, je cite, "redresser le cap de la politique du médicament" ; ce catalogue est d'un grand idéalisme et ressemble en bien des points à un programme politique d'une formation qui n'arrivera jamais au pouvoir. Ces propositions font semblant de croire que la France n'appartient pas à l'Europe, que les décisions ne se prennent pas à Saint-Denis mais à Londres, que la chasse aux conflits d'intérêt pourrait très bien être cruelle pour la Revue elle-même ; ce sont donc 57 propositions sur lesquelles nous reviendrons en détail dans un autre post... Ensuite une justification en 7 points des raisons pour lesquelles La (prestigieuse) Revue Prescrire a accepté de manger avec les diables. Le point 6 est intéressant ( Prescrire a demandé que les Assises du médicament se déroulent en toute transparence devant l’ensemble de la société (par enregistrement vidéo). Demande restée vaine jusqu’à présent. ) car il est en contradiction complète avec le point 4 (Prescrire contribuera aux travaux des Assises tant que les conditions de sa participation lui permettront d’être utile pour l’accès de tous à des soins de qualité. )
Le Formindep a accepté lui-aussi de participer à ces Assises (allez voir son site, il a changé -- en mieux : ICI) et a dû, pour ce faire, lever des fonds (9600 euro), ce qui montre que l'indépendance a un prix.
Enfin, Dominique Dupagne y est allé une fois, a exprimé son désaccord sur les méthodes (ICI) et a annoncé sur France Inter, dans une intervention où il n'a pas mâché ses mots, qu'il n'y retournerait plus (ICI).

Il ne sert à rien d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Les Assises du Médicament sont mal parties.

Mais n'oublions pas quand même que la Santé Publique a encore un atout dans sa manche : le futur rapport des professeurs Bernard Debré et Philippe Even ! Nous nous en léchons les babines d'avance : ils ne manqueront pas d'être sanglants.

lundi 31 janvier 2011

LECONS DE H1N1 : ET SI UNE IMMUNISATION PARTIELLE POUVAIT ETRE CONTRE PRODUCTIVE...


(Je reprends et traduis les commentaires faits dans La revue Inside Vaccines à propos d'un article que j'ai pu lire dans la revue Nature )
L'article : Monsalvo, A.C., et al, Severe pandemic 2009 H1N1 influenza disease due to pathogenic immune complexes. Nature Medicine (2010)
Voici les commentaires :

L'essai : a) comprenait des malades hospitalisés en 2009 en Argentine pour grippe H1N1, des malades témoins hospitalisés sans grippe H1N1, et étudiait des tissus pulmonaires de patients décédés de la grippe en 1957 ; b) tentait de comprendre pourquoi la grippe H1N1 de 2009 avait touché une faible partie d'adultes d'âge moyen et pas les plus jeunes et les plus âgés, contrairement aux modèles typiques de la grippe et étudiait une série de marqueurs immunitaires parmi des patients ayant présenté différentes sévérités de grippes.

Les résultats fondamentaux :
  1. La charge virale du H1N1 2009 était plus faible que celle constatée dans les épidémies saisonnières antérieures. Ce résultat était cohérent parmi tous les patients atteints même dans les formes les plus sévères. La pandémie H1N1 2009 fut effectivement moins sévère et moins dangereuse que que les épidémies saisonnières antérieures.
  2. Les personnes âgées avaient un haut niveau d'anticorps protecteurs contre H1N1 2009 qu'ils avaient acquis lors d'expositions à des virus identiques dans le passé.
  3. Dans les cas les plus sévères (adultes d'âge moyen) il existait de forts taux d'anticorps non protecteurs contre H1 (une faible avidité antigénique incapable de neutraliser les antigènes). En revanche les patients d'âge moyen avaient des anticorps à forte avidité pour H1 1999. Une exposition antérieure à une maladie identique (ou à un vaccin) a entraîné la formation d'anticorps se fixant sur les antigènes mais incapables de les neutraliser.
  4. Les cas les plus sévères avaient de hautes concentrations de marqueurs de la maladie des complexes immuns : le système immunitaire s'attaque aux complexes immuns (AC/Ag) dus à la maladie initiale. Dans le cas de H1N1 cette maladie des complexes immuns a conduit aux formes respiratoires les plus sévères, voire à la mort alors que les cas sévères non H1N1 ne présentaient pas ces marqueurs. Les anticorps anti H1N1 non protecteurs ont entraîné la maladie des complexes immuns qui a causé les cas les plus sévères.
  5. Les études sur les tissus pulmonaires de la pandémie H2 1957 ont aussi retrouvé des marqueurs de la maladie des complexes immuns.
CONCLUSION : la maladie des complexes immuns est un candidat sérieux à la survenue de pandémies grippales où, globalement, le virus est léger mais peut entraîner des maladies sévères dans une population atypique comme celle des adultes d'âge moyen.

(Il est à noter que la maladie des complexes immuns avait été à l'origine de l'arrêt des essais du vaccin contre le VRS (virus respiratoire syncitial) dans les années soixante.)

Cette étude n'est pas une preuve définitive.
Il s'agit d'une piste. Sérieuse.
Mais elle invite à se rappeler les opinions toutes faites débitées par les experts pendant la pandémie grippale, experts qui devaient connaître de tels faits mais qui ne pouvaient se permettre de mettre des bâtons dans les roues de la grande machine OMS / Big Pharma lancée à grand frais sur l'autoroute de la connaissance et du bien-être des populations.

Voici les questions, cependant, que l'on doit se poser à la lumière de ces faits :
  1. Est-ce que les études faites sur les vaccins antigrippaux vérifient que les anticorps produits ont une forte avidité ?
  2. Est-ce que les anticorps à faible avidité retrouvés chez les adultes présentant une maladie sévère sont dus au vaccin ou à des expositions précédentes à la grippe ?
  3. Est-il réellement avisé de proposer la vaccination de toute la population au risque de rendre toute la population vulnérable si un virus identique survient et que les anticorps ont une faible avidité ?
Cette étude a le mérite de poser de vraies questions.
Cette étude renforce l'idée que le raisonnement scientifique se doit d'être en première ligne et non les solutions militaires : on vaccine tout le monde et personne ne bouge.
Trouver des solutions sanitaires efficaces fondées sur des approches pragmatiques et ciblées en ciblant les populations à risque est probablement le meilleur moyen de sauver des vies et d'éviter les dégâts collatéraux des initiatives médicales de masse volontiers non nécessaires et pobablement contre productives.

dimanche 28 novembre 2010

ACTUALITES D'IVAN ILLICH


Ivan Illich (1926 - 2002)

A l'occasion de ma lecture du livre de Jean-Pierre Dupuy, La marque du Sacré, dont je vous parlerai une autre fois, permettez-moi de vous rapporter une partie des propos tenus par Ivan Illich le 14 septembre 1990 à Hanovre. Le titre de la conférence était : Health as one's responsability ? No, thank you ! ICI !
Ces propos sont éclairants mais, à mon avis, outranciers, en cela qu'ils risquent de livrer les plus démunis (et je ne parle pas seulement en termes économiques) aux risques du laisser faire et du laisser aller. Ce qui ne pourrait manquer de plaire aux partisans définitifs du désengagement de l'Etat comme exprimé hypocritement par les adhérents des Tea Parties aux Etats-Unis. Hypocritement car ces libéraux ne souhaitent pas dans le même temps le désengagement de l'Etat dans le domaine militaire... Mais ces réflexions d'Illich sont indispensables pour tenter de comprendre vers où nos sociétés occidentales sont entraînées en raison de la contre-productivité des grandes institutions de la société industrielle (Ecole, Santé, Transports, Energie...) Mais nous y reviendrons aussi un autre jour. Je ne voudrais pas que vous puissiez bouder votre plaisir de lire ces quelques phrases.

Il ne m'apparaît pas qu'il soit nécessaire aux Etats d'avoir une politique nationale de "santé", cette chose qu'ils accordent aux citoyens. La faculté dont ces derniers ont besoin, c'est le courage de regarder en face certaines vérités :
- nous n'éliminerons jamais la douleur ;
- nous ne guérirons jamais toutes les affections ;
- il est certain que nous mourrons.
C'est pourquoi, nous qui sommes dotés de la faculté de penser, nous devons bien voir que la quête de la santé peut être source de morbidité. Il n'y a pas de solutions scientifiques ou techniques. Il y a l'obligation quotidienne d'accepter la contingence et la fragilité de la condition humaine. Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L'urgence s'impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu'individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l'Etat.
Oui, nous avons mal, nous tombons malade, nous mourons, mais il est également vrai que nous espérons, nous rions, nous célébrons ; nous connaissons les joies de prendre soin les uns des autres ; souvent nous nous rétablissons et guérissons par divers moyens. Si nous supprimons l'expérience du mal, nous supprimerons du même coup l'expérience du bien.
J'invite chacun à détourner son regard et ses pensées de la poursuite de la santé et à cultiver l'art de vivre. Et, tout aussi importants aujourd'hui, l'art de souffrir et l'art de mourir.

La Marque du Sacré. Jean-Pierre Dupuy. Champs Essais, 2010

PS du 4 juillet 2019 : un hommage de Richard Smith à Illich : ICI.

jeudi 23 septembre 2010

CANCER DU SEIN : TOUJOURS DE MAUVAISES NOUVELLES

Une étude norvégienne vient d'être publiée dans le New England Journal of Medicine. En voici l'abstract : ici.

Résumé des épisodes précédents (vous avez neuf articles sur ce blog qui concernent le cancer du sein : ici) :
Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire.

Qu'est-ce que l'étude norvégienne ? :
Un programme de dépistage du cancer du sein a été initié en Norvège dès 1996 et a été étendu géographiquement durant les neuf années suivantes. On a proposé aux femmes âgées de 50 à 69 ans de subir une mammographie tous les deux ans. Les auteurs ont comparé les taux d'incidence mort par cancer du sein dans quatre groupes :
  1. Entre 1996 et 2005 : un groupe de femmes vivant dans des régions (comtés) où se pratiquaient le dépistage
  2. Entre 1996 et 2005 : un groupe de femmes vivant dans des régions (comtés) sans dépistage
  3. Deux groupes dits "historiques" de femmes étudiées entre 1986 et 1995 appariées aux deux groupes précédents.
Résultats : Les données concernant 40 075 femmes porteuse d'un cancer du sein ont été analysées.
  1. Le taux de mortalité dû au cancer du sein a été diminué de 7,2 morts pour 100 000 personnes par années dans le groupe dépistage par rapport au groupe "historique" apparié (RR 0,72; 95 % intervalle de confiance : 0,63 à 0,81)
  2. et de 4,8 morts pour 100 000 personnes par années dans le groupe non dépisté par rapport au groupe "historique" apparié (RR 0,82. IC 0,71 à 0,93) (p inf 0.001)
  3. MAIS pas de différence significative au profit du groupe de dépistage
  4. AINSI la différence de mortalité attribuable au dépistage seul est de 2,4 morts pour 100 000 personnes par années. Soit le tiers de la réduction de 7,2 morts observée...
C'est donc tristement désespérant.
Est-il possible de ne pas penser aux nombreux surdiagnostics ? Aux amputations de seins et aux tumorectomies à tort ? A la radiothérapie adjuvante ? A la chimiothérapie adjuvante ? A l'anxiété des femmes et de leur famille ? Aux conséquences physiques et psychologiques de ces traitements ?

Il n'est probablement pas possible, en raison de la propagande officielle des sénologues, des oncologues, des mammographistes, des radiothérapeutes, des chirurgiens, des marchands de mammographes, de médicaments et de prothèses mammaires et des Instituts officiels (dont les URML) de revenir en arrière et de se demander avec sérieux ce qu'il faut faire et comment améliorer les choses.
Mais il faut tenter d'informer les femmes de la faible efficacité du dépistage sur la mortalité du cancer du sein, de son inefficacité sur la mortalité globale et des risques qu'une politique menée avec un bandeau sur les yeux fait courir à de nombreuses femmes innocentes et naïves qui ne seraient jamais mortes de leur cancer du sein et qui vivent désormais avec la hantise d'une rechute et des seins mutilés.

mercredi 18 août 2010

DIDIER HOUSSIN : LE RETOUR

J'étais tranquillement allongé dans mon lit attendant que les vacances se terminent et j'entends à la radio le professeur Houssin qui prévient de l'apparition d'entérobactéries antibio multi résistantes liées à la New Dehli-bétalactamase 1 (NDM-1)... qui serait liée au tourisme médical.
Et je me suis demandé si j'étais réveillé ou s'il s'agissait encore du cauchemar qui avait troublé mes nuits pendant la campagne anti grippale de l'hiver dernier.

Le professeur Houssin n'a en effet pas changé de voix, n'a pas changé d'arguments, n'a pas changé de suffisance, n'a pas changé de ton...

Un cauchemar, vous dis-je.

Nous avons aussi eu droit à la citation du premier expert (le type de garde pendant le mois d'août) : le professeur Patrick Nordmann de l'INSERM (ça en jette grave) de l'Unité, je cite, "Résistances émergentes aux antibiotiques". Pas de problèmes, a dit l'expert. Alors que l'article du Lancet disait le contraire (d'autres experts).

Je suggère d'ores et déjà différentes hypothèses et avertissements (à choisir au hasard par le professeur Houssin) :
  1. Le tourisme médical ne concerne pas les Français qui disposent du meilleur système de santé du monde
  2. Les bactéries infectées par NDM-1 s'arrêteront aux portes de la France (grâce au mur érigé par la DGS, l'INVS et Roselyne IMC Glaxo)
  3. Des estimations faites à Rennes (EHESP) mais qui dépendent, cela va sans dire, du taux de pénétration de la bactérie, indiquent entre 500 et 10000 morts pour cet hiver
  4. Un nouvel antibiotique est en cours de préparation et d'expérimentation par les laboratoires de l'Armée et il obtiendra son AMM (accélérée) dans les semaines qui viennent. Roselyne IMC Glaxo assure déjà de son innocuité.
  5. Réactivation des masques FFP2
  6. Les réseaux Sentinelles et GROG sont opérationnels et toucheront de nouvelles subventions dans les jours qui viennent
  7. Le prochain rapport de l'INVS est en cours de rédaction
  8. Le principe de précaution nous oblige à prendre des mesures préventives drastiques : il vaut mieux qu'on nous reproche d'en avoir trop fait que pas assez, communiqué déjà pré-rédigé et prêt à être adressé à l'AFP
  9. Des formations sont prévues pour les spécialistes en médecine générale afin de leur apprendre comment prescrire les antibiotiques
  10. La France s'en tire mieux que les autres pays européens...
  11. Les ARS sont à la pointe de la santé publique et montrent déjà l'intérêt qu'il y avait à les créer
  12. Renvoi des souches ROMS-1 et ROMS-2 par charters en Roumanie et en Bulgarie
Nous sommes d'ores et déjà rassurés par les mesures prises par la task force et le think Tank de la DGS.

Citoyens, vous pouvez bronzer tranquilles.