Je vous ai expliqué pourquoi je ne ferai pas grève entre le 23 (ou le 24) et le 31 décembre (ICI).
Je vais vous donner au moins une raison pour laquelle j'aurais pu faire grève, mais pas ce genre de grève avec fermeture des cabinets sans personne à l'intérieur pour expliquer le pourquoi du comment, sans rassemblements dans la rue, sans pédagogie institutionnelle, sans dénonciation des deux plaies de la médecine, corruption et arrogance, sans défense de la médecine générale, mais surtout : sans programmes de remplacement. Je rappelle quand même que que les organisations grévistes et leur mentor caché ou présent, l'Union Française pour une Médecine Libre, dont nous avons déjà parlé sur ce blog (ICI et LA), ne sont quand même pas très clairs sur ce qu'ils veulent à défaut d'être précis sur ce qu'ils condamnent (les Agences régionales de Santé, la liberté des honoraires, la liberté de prescription -- crestor et inegy par exemple, les cliniques et hôpitaux privés et leurs dépassements -- avec mention spéciale pour les urgences et la cancérologie, tiens, tiens, le mode de nomination des PH, le secteur privé à l'hôpital public, et, en dernier lieu, la défense des patients) et on entend moins parler de la consultation portée immédiatement à 50 euro, de la condamnation des mutuelles suppôts du capitalisme international, de la lutte contre les déserts médicaux ou de la place du médecin généraliste dans le parcours de soins. Voir LA. Pour ce qui est des syndicats traditionnels, le communiqué du 27 novembre 2014 est assez (!) décevant : voir LA, un catalogue peu convaincant qui montre le blocage des propositions.
Voici donc une des raisons essentielles pour laquelle j'aurais pu faire grève :
Voici donc une des raisons essentielles pour laquelle j'aurais pu faire grève :
Le Tiers Payant Intégral Généralisé.
Préambule : le Tiers Payant Intégral existe déjà chez les médecins pour une partie de la population qui en bénéficie de façon temporaire et sous condition : les 210 000 bénéficiaires de l'Aide Médicale d'Etat (AME) (voir ICI), les 6 664 000 bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle (CMU et CMU-C), les vicitimes d'Accident de travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP) pour des soins en rapport avec l'AT ou la MP et durant la période d'ouverture de leurs droits, les patients bénéficiaires d'une invalidité (LA), les patients bénéficiaires d'une Affection de Longue Durée...
Qu'en est-il ? Disons que, grosso modo, et en médecine générale, pour le reste je n'en sais rien, ça marche. Sauf, bien entendu, si les droits des patients ne sont pas ou plus à jour (les responsabilités sont partagées : patients, caisses, et, accessoirement, médecins). Et il est évident que pour des C à 23 euro les conséquences financières ne sont pas les mêmes que dans le cas d'examens complémentaires onéreux.
N'oublions pas non plus que le Tiers Payant Intégral existe chez les pharmaciens quand les assurés sont à jour de leurs cotisations pour la délivrance des médicaments (une nombreuse littérature existe sur le sujet concernant la charge financière qu'entraîne cette mesure pour assurer le recouvrement et cette charge n'est pas concevable pour les entreprises artisanales que sont les cabinets de médecine générale). Mais aussi chez les IDE et les kinésithérapeutes.
Addendum : Que ceux qui n'ont pas connu l'époque d'avant la CMU écoutent : la facilitation du Tiers Payant Intégral Généralisé par l'introduction de la CMU a été un formidable progrès ! Des gens qui ne consultaient jamais, des enfants qu'on ne voyait pas, même pour des rhumes, sont réapparus dans les radars.
PS : Quand je vois des anciens partisans militants de l'Option Médecin Référent (dont je fus un tiède adhérent en pratique) refuser aujourd'hui le Tiers Payant Intégral Généralisé et faire grève avec les fossoyeurs de cette option (et, bien plus, ses ennemis méprisants comme le SML ou la CSMF), j'ai le loisir de pleurer, de ricaner, de rire ou de m'attrister. Les quatre en même temps, sans doute.
Ainsi, je n'accepterais le Tiers Payant Intégral Généralisé que s'il existait un payeur unique, l'Assurance Maladie par exemple, qui me règlerait le prix des différents C et qui se chargerait du recouvrement auprès des Mutuelles.
Cela signifierait qu'il existerait sans doute comme aujourd'hui des délais entre la réalisation de l'acte, sa facturation et son paiement, et... des impayés (très rares et beaucoup plus rares que les patients qui ne paient pas l'AMC), mais ce qui me permettrait de n'avoir qu'un interlocuteur pour mes réclamations et non, comme proposé actuellement, des centaines de mutuelles possibles. (Des salariés de la CNAM m'ont assuré que le guichet unique était la seule solution pratique car eux-mêmes avaient du mal avec le recouvrement auprès des mutuelles ; une salariée du Trésor Public m'a affirmé qu'à Mantes le recouvrement des impayés à l'hôpital de Mantes par la puissance publique demandait d'énormes efforts avec des résultats assez peu convaincants)
L'autre aspect, et non le moindre, est celui du coût de ces mesures, que certains (UFML) valorisent à 3,5 euro par acte. Inacceptable.
Mais il est possible (voir plus haut) que le Tiers Payant Intégral facilite l'accès aux soins d'une certaine partie de la population. Ce qui n'est pas rien. Pas tant pour les consultations de médecine générale que chez les spécialistes libéraux d'organes ou pour effectuer des examens complémentaires où l'avance de frais est demandée tant à l'hôpital public (où le secteur privé prend de plus en plus de place dans l'imagerie) qu'à l'hôpital privé.
Existe-t-il d'autres raisons que pratiques de refuser le Tiers Payant Intégral Généralisé ? Venons-en aux objections les plus fréquentes le concernant et élargissons le champ de nos interrogations.
Vrai, car il est toujours bon de connaître le coût d'un service ou d'un achat. Mais la situation actuelle fait que ce sont déjà les patients qui coûtent le plus cher à l'Assurance Maladie (i.e. ceux qui disposent de l'ALD par exemple) qui ne paient rien directement et qui, sondage personnel, en les interrogeant, ne sont pas au courant des dépenses que leur maladie engendre.
Vrai, car il est clair que certains examens complémentaires sont demandés de façon routinière sans justification médicale évidente. Mais nous y reviendrons.
Vrai, car les prescripteurs, accessoirement les médecins, sont rarement au courant des coûts qu'ils génèrent en rapport avec leurs prescriptions, sauf, bien entendu s'ils en sont personnellement les bénéficiaires.
Discutable, car pour les personnes "aisées" le coût des soins est déjà invisible : les citoyens et patients qui disposent d'une "bonne" mutuelle comme ils disent, soit ne paient déjà rien, soit sont remboursés intégralement et l'avance des frais est pour eux indolore.
Discutable, car s'il est effectivement possible d’avancer que le fait que connaître le prix des choses leur en donne de la valeur, on peut dire qu'à l’inverse l’excès de prix (relatif) de certaines choses ou de biens interdit leur accès ou leur possession à certains membres de la société (par hypothèse : ceux qui ont le moins d’argent).
Discutable, car le Tiers Payant Intégral Généralisé, va au contraire rendre visible le reste à charge puisque les patients ne paieront plus que les dépassements d'honoraires, ce qui permettra aux praticiens en secteur 2 d'être transparents et, éventuellement, d'augmenter leurs dépassements qui seront plus acceptables, dépouillés qu'ils seront de la part obligatoire.
Les patients ne s'y trompent pas : ils savent ce qu'ils peuvent demander à tel praticien et ce qu'ils ne peuvent pas demander à tel autre. Ce sont les médecins dans leur ensemble qui ont "valorisé" leurs actes ou "dévalorisé" leurs actes.
Il est clair qu'en cette période de suractivité des cabinets médicaux, le temps d'attente pour obtenir une consultation s'allongeant, la "gratuité" ne sera pas un facteur freinateur.
Mais si nous parlons de la valeur des actes, il faudrait dire que les actes pratiqués dans les services d'urgence des hôpitaux, sauver des vies par exemple, n'ont aucune valeur puisque les patients "ne paient rien" immédiatement (même si, en l'occurrence, la société paie beaucoup : 250 euro pour une angine...).
Il est possible que cela pourrait avoir tendance à favoriser le consumérisme médical et les consultations "inutiles" ou de confort ou pour obtenir quelque chose. Mais là nous entrons dans un domaine complexe, celui de la nécessité des actes médicaux.
En revanche, la banalisation gratuite des actes inutiles et discutables existe déjà en raison de cette "gratuité" à l'intérieur des établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés... Nous y reviendrons.
Cet argument est assez spécieux pour un médecin généraliste en secteur 1. Car ne sommes-nous pas déjà dépendants de l'Assurance Maladie ? Comment pouvons-nous y échapper ? Nous dépendons de la solvabilité de nos patients. Notre dépendance à l'égard de notre payeur va en revanche se compliquer puisque nous allons dépendre des mutuelles pour la part AMC (voir plus haut pour les raisons de mon refus du Tiers payant Généralisé et pour la solution proposée).
Reste également le problème du paiement à l'acte et de son corollaire, le ROSP. J'ai expliqué pourquoi, malgré des réticences majeures, j'ai accepté le ROSP (voir ICI). Il est probable qu'un certain nombre de médecins, au delà des problèmes éthiques et idéologiques (voir Dominique Dupagne ICI), l'ont accepté comme complément d'honoraires (ce qui, pour moi, représente environ 4 % de mon CA). Ce ROSP est certainement l'un des dangers majeurs contre l'indépendance des médecins (les spécialistes d'organes qui sont des donneurs de leçons patentés n'ont eu de cesse que de l'obtenir dans chacune de leurs spécialités) si son importance croît dans la part du CA des médecins. ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour.
Qu'en est-il ? Disons que, grosso modo, et en médecine générale, pour le reste je n'en sais rien, ça marche. Sauf, bien entendu, si les droits des patients ne sont pas ou plus à jour (les responsabilités sont partagées : patients, caisses, et, accessoirement, médecins). Et il est évident que pour des C à 23 euro les conséquences financières ne sont pas les mêmes que dans le cas d'examens complémentaires onéreux.
N'oublions pas non plus que le Tiers Payant Intégral existe chez les pharmaciens quand les assurés sont à jour de leurs cotisations pour la délivrance des médicaments (une nombreuse littérature existe sur le sujet concernant la charge financière qu'entraîne cette mesure pour assurer le recouvrement et cette charge n'est pas concevable pour les entreprises artisanales que sont les cabinets de médecine générale). Mais aussi chez les IDE et les kinésithérapeutes.
Addendum : Que ceux qui n'ont pas connu l'époque d'avant la CMU écoutent : la facilitation du Tiers Payant Intégral Généralisé par l'introduction de la CMU a été un formidable progrès ! Des gens qui ne consultaient jamais, des enfants qu'on ne voyait pas, même pour des rhumes, sont réapparus dans les radars.
PS : Quand je vois des anciens partisans militants de l'Option Médecin Référent (dont je fus un tiède adhérent en pratique) refuser aujourd'hui le Tiers Payant Intégral Généralisé et faire grève avec les fossoyeurs de cette option (et, bien plus, ses ennemis méprisants comme le SML ou la CSMF), j'ai le loisir de pleurer, de ricaner, de rire ou de m'attrister. Les quatre en même temps, sans doute.
Je suis contre le Tiers Payant Intégral Généralisé pour des raisons pratiques.
L'entreprise artisanale qui s'appelle cabinet médical a comme objectif essentiel de dispenser des conseils et des soins. Toutes les tâches administratives, dont je ne nie pas l'utilité pour des raisons réglementaires, viennent en plus et, le temps n'étant pas extensible, viennent en moins de notre activité de soins et de conseils.Ainsi, je n'accepterais le Tiers Payant Intégral Généralisé que s'il existait un payeur unique, l'Assurance Maladie par exemple, qui me règlerait le prix des différents C et qui se chargerait du recouvrement auprès des Mutuelles.
Cela signifierait qu'il existerait sans doute comme aujourd'hui des délais entre la réalisation de l'acte, sa facturation et son paiement, et... des impayés (très rares et beaucoup plus rares que les patients qui ne paient pas l'AMC), mais ce qui me permettrait de n'avoir qu'un interlocuteur pour mes réclamations et non, comme proposé actuellement, des centaines de mutuelles possibles. (Des salariés de la CNAM m'ont assuré que le guichet unique était la seule solution pratique car eux-mêmes avaient du mal avec le recouvrement auprès des mutuelles ; une salariée du Trésor Public m'a affirmé qu'à Mantes le recouvrement des impayés à l'hôpital de Mantes par la puissance publique demandait d'énormes efforts avec des résultats assez peu convaincants)
L'autre aspect, et non le moindre, est celui du coût de ces mesures, que certains (UFML) valorisent à 3,5 euro par acte. Inacceptable.
Mais il est possible (voir plus haut) que le Tiers Payant Intégral facilite l'accès aux soins d'une certaine partie de la population. Ce qui n'est pas rien. Pas tant pour les consultations de médecine générale que chez les spécialistes libéraux d'organes ou pour effectuer des examens complémentaires où l'avance de frais est demandée tant à l'hôpital public (où le secteur privé prend de plus en plus de place dans l'imagerie) qu'à l'hôpital privé.
Existe-t-il d'autres raisons que pratiques de refuser le Tiers Payant Intégral Généralisé ? Venons-en aux objections les plus fréquentes le concernant et élargissons le champ de nos interrogations.
Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le coût des soins invisible.
Cet argument est à la fois vrai et discutable.Vrai, car il est toujours bon de connaître le coût d'un service ou d'un achat. Mais la situation actuelle fait que ce sont déjà les patients qui coûtent le plus cher à l'Assurance Maladie (i.e. ceux qui disposent de l'ALD par exemple) qui ne paient rien directement et qui, sondage personnel, en les interrogeant, ne sont pas au courant des dépenses que leur maladie engendre.
Vrai, car il est clair que certains examens complémentaires sont demandés de façon routinière sans justification médicale évidente. Mais nous y reviendrons.
Vrai, car les prescripteurs, accessoirement les médecins, sont rarement au courant des coûts qu'ils génèrent en rapport avec leurs prescriptions, sauf, bien entendu s'ils en sont personnellement les bénéficiaires.
Discutable, car pour les personnes "aisées" le coût des soins est déjà invisible : les citoyens et patients qui disposent d'une "bonne" mutuelle comme ils disent, soit ne paient déjà rien, soit sont remboursés intégralement et l'avance des frais est pour eux indolore.
Discutable, car s'il est effectivement possible d’avancer que le fait que connaître le prix des choses leur en donne de la valeur, on peut dire qu'à l’inverse l’excès de prix (relatif) de certaines choses ou de biens interdit leur accès ou leur possession à certains membres de la société (par hypothèse : ceux qui ont le moins d’argent).
Discutable, car le Tiers Payant Intégral Généralisé, va au contraire rendre visible le reste à charge puisque les patients ne paieront plus que les dépassements d'honoraires, ce qui permettra aux praticiens en secteur 2 d'être transparents et, éventuellement, d'augmenter leurs dépassements qui seront plus acceptables, dépouillés qu'ils seront de la part obligatoire.
Le Tiers Payant Intégral Généralisé ferait perdre aux patients le sens de la valeur des actes médicaux et la consultation médicale, c'est à dire l’acte médical de base, en devenant gratuit, se banaliserait.
La valeur de la consultation, ce sont les médecins qui la crée ou la constitue, c'est ce qu'ils font dans leur cabinet qui donne un contenu aux 23 euros qu'ils demandent (ou qu'ils ne demandent déjà plus). Et ce n'est pas seulement la technique qui entre en jeu mais la façon d'appréhender les symptômes et éventuellement les maladies.Les patients ne s'y trompent pas : ils savent ce qu'ils peuvent demander à tel praticien et ce qu'ils ne peuvent pas demander à tel autre. Ce sont les médecins dans leur ensemble qui ont "valorisé" leurs actes ou "dévalorisé" leurs actes.
Il est clair qu'en cette période de suractivité des cabinets médicaux, le temps d'attente pour obtenir une consultation s'allongeant, la "gratuité" ne sera pas un facteur freinateur.
Mais si nous parlons de la valeur des actes, il faudrait dire que les actes pratiqués dans les services d'urgence des hôpitaux, sauver des vies par exemple, n'ont aucune valeur puisque les patients "ne paient rien" immédiatement (même si, en l'occurrence, la société paie beaucoup : 250 euro pour une angine...).
Il est possible que cela pourrait avoir tendance à favoriser le consumérisme médical et les consultations "inutiles" ou de confort ou pour obtenir quelque chose. Mais là nous entrons dans un domaine complexe, celui de la nécessité des actes médicaux.
En revanche, la banalisation gratuite des actes inutiles et discutables existe déjà en raison de cette "gratuité" à l'intérieur des établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés... Nous y reviendrons.
Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant de son payeur, à savoir l'Assurance Maladie, quasiment un salarié, et sans les avantages du salariat.
Reste également le problème du paiement à l'acte et de son corollaire, le ROSP. J'ai expliqué pourquoi, malgré des réticences majeures, j'ai accepté le ROSP (voir ICI). Il est probable qu'un certain nombre de médecins, au delà des problèmes éthiques et idéologiques (voir Dominique Dupagne ICI), l'ont accepté comme complément d'honoraires (ce qui, pour moi, représente environ 4 % de mon CA). Ce ROSP est certainement l'un des dangers majeurs contre l'indépendance des médecins (les spécialistes d'organes qui sont des donneurs de leçons patentés n'ont eu de cesse que de l'obtenir dans chacune de leurs spécialités) si son importance croît dans la part du CA des médecins. ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour.
Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant des mutuelles.
Je ne reviens pas sur mon opposition au fait que la part AMC de nos actes nous soit réglé par les mutuelles et que nous devrions traiter avec des centaines de mutuelles pour obtenir satisfaction.
Un article récent de blog sur Mediapart ICI, bourré d'erreurs factuelles (comme si la CMU était financée par l'Assurance Maladie, voir LA) et, de façon démagogique, orienté uniquement sur la consultation du médecin généraliste alors qu'il s'agit d'une part faible du dispositif, m'a ouvert un horizon qui, je l'avoue, m'avait échappé : le Tiers Payant Généralisé Intégral serait une manœuvre gouvernementale pour privatiser complètement la santé en France. Il suffirait que la part AMO diminue pour que les mutuelles augmentent leur participation et deviennent le rembourseur principal et contrôlent la situation. Il est possible que cela soit vrai mais la menace ne me semble pas forte pour des raisons politiques. Mais, bien entendu, un autre aspect du plan santé est la réticulation des soins (et vous savez combien je suis opposé aux réseaux : LA) qui seraient sous la coupe des ARS et des mutuelles.
Mais, si je peux me permettre, et je ne crois pas l'avoir lu, voici trois conséquences inattendues ou collatérales de la mise en place du Tiers Payant Intégral Généralisé, la première sans doute voulue inconsciemment par les promoteurs du projet (le côté "socialiste" de l'affaire), la deuxième, plus menaçante pour l'exercice libéral mais favorable au néo libéralisme financier et la troisième, anecdotique, sans doute.
Mais une des objections les plus fortes et qui n'est jamais mise en avant est celle-ci :
Un article récent de blog sur Mediapart ICI, bourré d'erreurs factuelles (comme si la CMU était financée par l'Assurance Maladie, voir LA) et, de façon démagogique, orienté uniquement sur la consultation du médecin généraliste alors qu'il s'agit d'une part faible du dispositif, m'a ouvert un horizon qui, je l'avoue, m'avait échappé : le Tiers Payant Généralisé Intégral serait une manœuvre gouvernementale pour privatiser complètement la santé en France. Il suffirait que la part AMO diminue pour que les mutuelles augmentent leur participation et deviennent le rembourseur principal et contrôlent la situation. Il est possible que cela soit vrai mais la menace ne me semble pas forte pour des raisons politiques. Mais, bien entendu, un autre aspect du plan santé est la réticulation des soins (et vous savez combien je suis opposé aux réseaux : LA) qui seraient sous la coupe des ARS et des mutuelles.
Mais, si je peux me permettre, et je ne crois pas l'avoir lu, voici trois conséquences inattendues ou collatérales de la mise en place du Tiers Payant Intégral Généralisé, la première sans doute voulue inconsciemment par les promoteurs du projet (le côté "socialiste" de l'affaire), la deuxième, plus menaçante pour l'exercice libéral mais favorable au néo libéralisme financier et la troisième, anecdotique, sans doute.
Le Tiers Payant intégral va rendre les dépassements du secteur 2 plus lisibles.
En effet, la somme payée en secteur 2 sera le dépassement d'honoraires. Le patient ne se posera plus de questions, quand il s'en posait, sur la valeur du dépassement demandé. Cette meilleure lisibilité permettra aussi aux praticiens d'augmenter facilement les honoraires du secteur 2. Quand les assurés, en outre, auront une "bonne" mutuelle, l'avance qu'ils feront leur sera complètement remboursée. A Mantes la C de base à 23 euro chez l'enfant de plus de 5 ans sera "gratuite" chez le médecin généraliste et "vaudra" 29 euro chez le pédiatre (tarif actuel = 52 euro). Ainsi, une mesure de lisibilité deviendra une possibilité de surfacturation.
Mais une des objections les plus fortes et qui n'est jamais mise en avant est celle-ci :
Le Tiers Payant Intégral Généralisé est le premier pas vers l'industrialisation complète de la médecine.
Car la mise en avant des honoraires payés aux praticiens est une astuce pour cacher le coût exorbitant des examens complémentaires, des "nouveaux" examens complémentaires "innovants" qui, tels les "nouveaux" médicaments "innovants", ne sont ni plus performants, pour certains, ni plus pertinents, pour d'autres, que les anciens, mais beaucoup plus chers et qui, surtout, sont prescrits à tort et à travers, notamment en urgentologie et en oncologie, sans que les médecins hiérarchisent selon des critères de sensibilité / spécificité très rationnels. Brigitte Dormont avait souligné dans un article paru dans Esprit (voir mon commentaire LA) que c'étaient les examens complémentaires qui coûtaient cher chez les personnes âgées, pas l'allongement de l'espérance de vie.
Ainsi le Tiers Payant Généralisé est-il l'assurance donné aux fabricants de matériel et aux administrateurs de cliniques (et d'hôpitaux, car le problème est le même) que les nouveaux scanners et autres IRM sur puissants (sic) pourront être vendus encore plus chers et rentabilisés en douceur par une inflation d'utilisation. J'ai déjà montré dans le billet précédent (LA) que les fonds de pension internationaux sont derrière, tant pour les mutuelles que pour les groupes d'hospitalisation privée, surfant sur la vague du Droit à la santé et du consumérisme (parce que je le vaux bien) pour "explorer" tout le monde et "diagnostiquer", c'est à dire sur diagnostiquer et sur traiter avec l'assentiment des agences gouvernementales et des conférences de consensus sponsorisées.
Les malades numérotés, diagnostiqués, protocolisés, étiquetés avec des bracelets aux couleurs chatoyantes, seront algorithmés et, tels du bétail, sans rien payer (enfin, il y aura encore l'impôt, et les cotisations de mutuelles), pourront être baladés d'un service à un autre, les fameux réseaux mutualistes approuvés par les ARS (mais ces réseaux existent déjà dans l'intimité des hôpitaux publics et privés -- le cabotage interne entre spécialistes de niveaux de compétence différents, et dans le copinage loco-régional des adressages au mépris des règles élémentaires de l'intérêt du malade), et "chargés" financièrement... Les tâches considérées comme subalternes, mesurer la pression artérielle, vacciner les enfants, seront effectuées par des structures ad hoc et seront supervisées par les fonctionnaires de l'ARS qui diront la médecine sans les médecins...
Enfin, petit point dont je ne perçois pas les conséquences réelles :
Le Tiers Payant Intégral Généralisé va rendre les centres de santé inutiles et / ou les cabinets libéraux pluri disciplinaires inutiles.
Tout le monde sera logé à la même enseigne.Dans un prochain billet, je vous parlerai des réseaux de soins et du fait que les médecins généralistes, encore une fois, sont les dindons de la farce, combien certaines spécialités ont des difficultés bien réelles et comment les ARS sont les relais de l'industrialisation de la médecine.
Ainsi aurais-je pu faire grève, mais pas cette grève, car j'ai d'autres raisons de mécontentement mais surtout celle-ci : la médecine générale est encore une fois la dernière roue du carrosse. Et j'interroge systématiquement mes patients sur ce qu'ils ressentent de ce qu'ils ont entendu et vu dans les medias sur les raisons de ce mouvement : c'est pathétique.
A suivre.
Crédit photographique : Grève des mineurs en GB (1984). The Guardian.