dimanche 24 avril 2011

Contraception hormonale féminine : halte à la drospirénone (Yaz, Jasmine et consorts)!

Kyusaku Ogino en 1924

Nous vous avions déjà parlé ici du fait qu'il ne fallait pas prescrire en première intention de pilules contraceptives non remboursées (Stop aux pilules non remboursées et à la varnoline) pour prioritairement des raisons scientifiques mais aussi pour des raisons d'observance contraceptive et, peut-être, pour diminuer le taux des IVG.
Nous vous avions parlé du fait que Monsieur Xavier Bertrand voulait imposer aux Assises du Médicament le remboursement des pilules non remboursées, contre tout argument scientifique mais sous influence pharmaceutique (Xavier Bertrand : un visiteur médical qui ne lit toujours pas Prescrire) et, je cite, pour des raisons de Santé Publique.
Nous vous avions aussi parlé, avec outrance m'a-t-on reproché, que la spécialité gynécologie-obstétrique était en panne d'arguments scientifiques et sous la coupe de Big Pharma (La gynéco-obstétrique : une spécialité sinistrée ?).

Deux études alourdissent désormais le dossier de la drospirénone qui est contenue en France dans les spécialités suivantes : Angeliq, Jasmine, Jasminelle, Jaminellecontinu et Yaz.

Pas de panique.

Il est possible d'attendre la fin de la plaquette et de changer en consultant son médecin traitant.

Premier essai sur une population américaine. Il s'agit d'un essai (combinaison cas-témoin et cohorte) mené par deux épidémiologistes sur une base de données américaine (femmes de 15 à 44 ans recevant soit drospirénone, soit levonorgestrel, un cas de phénomène thrombo-embolisme non rapporté à une cause clinique identifiée étant apparié à 4 témoins).
Dans l'étude cas-témoin le rapport de cote concernant les phénomènes thromboemboliques entre les utilisatrices de drospirénone et celles de levonorgestrel était de 2,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,6 à 3,2). L'incidence de ces mêmes phénomènes dans la population étudiée était respectivement de 30,8 et de 12,5 pour 100 000 femmes pour drospirénone et levonorgestrel. Je n'ajoute pas que les calculs ont tenu compte des facteurs confondants.
Deux fois plus d'événements thrombo-emboliques sous drospirénone que sous levonorgestrel.

Deuxième essai sur une population britannique. Il s'agit d'un essai similaire avec un recrutement de femmes du même âge. Voici les résultats : Rapport de cote drospirénone vs levonorgestrel : 3,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,4 à 7,6) ; incidence : 23 et 9,1 pour 100 000 femmes, respectivement pour drospirénone et levonorgestrel.

Il existe certes des imperfections dans ces deux essais, notamment parce que les effectifs sont faibles et parce que manquent des données concernant l'obésité ; et parce que des analyses en sous-goupe n'ont pu être faites en raison justement de la faiblesse des effectifs.
Mais ces deux essais vont dans le sens d'essais déjà publiés comme ICI qui indiquaient un risque plus important avec la drospirénone qu'avec le levonorgestrel, notre molécule de référence.

Rappelons encore, mais là, je le conçois aisément, ce n'est pas une bonne chose à dire, c'est même médicalement incorrect, voire sociétalement incorrect, que l'usage d'une contraception hormonale contenant du levonorgestrel, molécule de référence, multiplie par 4 (rapport de cote 3,6) le risque thrombo-embolique par rapport aux non utilisatrices.

mercredi 20 avril 2011

TAMIFLU EFFICACE POUR LE HAUT CONSEIL DE LA SANTE PUBLIQUE : L'IMPOSTURE CONTINUE

Roche Pharma (Suisse) SA

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) n'a pas changé. Ce sont les mêmes experts, les mêmes certitudes, les mêmes raisonnements.
Leur dernière publication, intitulée pompeusement Pandémie grippale : utilisation et dimensionnement des stocks stratégiques nationaux d'antiviraux est un monument à la gloire de l'utilisation des antiviraux (Tamiflu par exemple).
Vous pouvez lire le texte ICI.

Les recommandations sont exactement celles qui ont conduit plus de 1000 professionnels de santé à signer une lettre ouverte / pétition à l'intention de Didier Houssin, directeur de la Santé, rédigée à l'initiative du Formindep en décembre 2009 : ICI.

Je vous avais dit ICI que rien ne changeait, que les experts qui s'étaient déconsidérés pendant la campagne antigrippale 2009 / 2010, n'avaient pas démissionné, n'avaient pas renié leurs écrits, n'avaient pas fait leur aggiornamento et que la future campagne antigrippale 2011 2012 ressemblerait comme une soeur à la précédente, à l'exception peut-être des vaccinodromes.

La technostructure médico-administrativo-industrielle est toujours au pouvoir.
Les laboratoires Roche n'ont pas besoin de faire la promotion de leur produit puisque le professeur Perronne, l'homme des squalènes produits naturels sans danger, est là pour assurer, pour écrire des argumentaires, pour faire de la visite médicale grand public.
L'histoire bégaie.

Le HCSP écrit et ne référence pas. Le HCSP a des certitudes et ne sait donner que des avis d'experts. Le niveau de preuve de son discours est faible. Mais il est droit dans ses bottes. Les antiviraux sont efficaces : Circulez, il n'y a rien à voir.

Ainsi, dans ce document d'une maigreur scientifique qui renvoie aux publications étiques de l'INVS connues pour leur manque de données ou aux délires de l'INED, nous apprenons que le tamiflu doit être utilisé larga manu (et je suppose après que les mains auront été aseptisées par le SHA) à titre curatif et à titre préemptif.

Je rappelle ce que j'écrivais le 18 décembre 2009 sur ce blog pour informer le professeur Didier Houssin que je n'appliquerai pas ses "recommandations" :

En effet, la Direction Générale de la santé, dont vous êtes le Directeur, me recommande à la fois de prescrire de l’oseltamivir à doses curatives à tous les patients présentant une grippe clinique (dont vous modifiez à l’occasion les critères diagnostiques cliniques en les simplifiant à l’excès) et de façon préventive aux sujets à risque (risque dont la définition a changé plusieurs fois) ayant été en contact étroit (les critères de ce contact étroit ont également été changés) avec une personne grippée (sic) selon un protocole dit préemptif à doses curatives et hors AMM.

Cette recommandation a comme valeur celle d’un accord professionnel puisqu’elle ne s’appuie, dans votre communiqué, sur aucune référence scientifique publiée, sauf bien entendu, j’imagine pour le traitement préemptif, la notion d’émergence de résistances à l’oseltamivir que vous niiez jusqu’à présent contre toute évidence. J’imagine que si vous possédiez des informations confidentielles d’un haut niveau de preuves que j’ignorerais, vous n’auriez pas manqué de m’en faire part


Je rêve.
Je vous propose de lire les stratégies proposées aux tableaux 1 et 2 qui sont un modèle de la culture administrativo-ignorancielle de nos élites : plus c'est complexe et moins c'est justifié. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement a été oublié par nos énarques sans conflits d'intérêt (sic). Il m'est donc assez difficile de résumer l'affaire, ne voulant pas être un agent du HCSP ou un grouillot fantomatique, puisque même les grands experts n'ont pas réussi à être clairs.

Le HCSP ne connaît que les publications internes des Laboratoires Roche, le HCSP ne connaît pas les publications de la Fondation Cochrane très critiques à l'égard du tamiflu (ICI)ne connaît pas les polémiques entre le chercheur Thomas Jefferson et les Laboratoires Roche (ICI).
Affligeant.

Ne parlons pas des possibles effets indésirables du tamiflu et de l'émergence de résistances comme par exemple ICI. Ceux qui pensaient que le Mediator était derrière nous, se trompaient encore. L'affaire Mediator est derrière nous, en nous et devant nous : les experts sont là.

Ne prescrivez pas de tamiflu, c'est la conclusion.

mardi 19 avril 2011

IDEOLOGIE DE LA LOMBALGIE - HISTOIRES DE CONSULTATION 78

Portefaix à Istambul avec son patron.

Monsieur A, 30 ans, manutentionnaire (en réalité responsable de magasin payé comme un manutentionnaire et effectuant aussi un boulot de manutentionnaire), long passé de lombalgique, a pris rendez-vous aux aurores pour me montrer le scanner que je lui ai prescrit avant mon départ en vacances. Il est arrêté jusqu'à ce jour et il s'agit d'un arrêt de travail. Je le regarde marcher pendant qu'il entre dans mon bureau : il a des difficultés.
Je lis ce que j'ai écrit dans son dossier : "Lomboradiculalgies droites avec trajet évoquant une symptomatologie L4L5, pas de troubles sensitifs ou moteurs distaux, les douleurs radiculaires dominant le tableau sur des lombalgies peu intenses. Scanner demandé en raison de la répétition des épisodes douloureux et l'apparition d'une radiculalgie vraie."
"Comment ça va ? - Mal. Je n'arrive pas à marcher, la nuit, c'est terrible, je ne trouve pas de position."
J'ai toujours été embêté par Monsieur A à qui j'ai pratiqué DT Polio (eh oui, cela existait encore) et Rouvax (vous savez, le vaccin qui ne donnait aucun effet indésirable local et général selon ses fabricants et qui, lors de l'apparition des vaccins "modernes" est devenu "indésirable" en raison des effets locaux et généraux qu'il provoquait) quand il était petit car j'ai toujours trouvé qu'il en faisait trop chaque fois qu'il souffrait de lombalgies. Mon remplaçant avait noté dans le dossier "Il exagère..." et je pensais, un peu de même. Quoi qu'il en soit, Monsieur A, que j'appelle par son prénom, Y, est à mon goût trop souvent lombalgique. Il existe aussi, c'est mon côté "freudien", une insatisfaction au travail en raison de sa non reconnaissance professionnelle, qu'il dit, et de son salaire qu'il trouve, comme tout un chacun, insuffisant en proportion des services qu'il rend à son entreprise (c'est toujours la même chanson et vous ne serez pas étonné que l'auteur de ces lignes ait souvent le beau rôle, comme si, lui aussi, rendait des services incomparables à l'état de santé du Val Fourré).
Donc, je suis embêté avec cet homme jeune, pas bête du tout, à qui j'ai suggéré, il y a déjà longtemps, de faire tout (formation, et cetera) pour s'éloigner de la manutention. "Mais, vous comprenez, docteur, à mon âge, avec les enfants, ce n'est pas très facile...", je suis embêté car il me semble que tout ce que j'ai lu sur la gestion des lombalgies, je ne le fais pas ou, pire, je n'arrive pas à le faire en raison d'une sorte d'empathie trop forte à l'égard de cet homme jeune "que j'aime bien" : il me semble que je ne lui rend pas service.
Le scanner (je reproduis le résumé) : "Hernie discale L4L5 droite ayant migré dans l'espace foraminal avec contact probable avec la racine S1 expliquant la symptomatologie."
Bon, il y a concordance anatomo-clinique, ce n'est déjà pas mal pour un "simulateur".
Mais les spécialistes des lombalgies récidivantes ou non savent mieux que moi que le problème ne se situe pas là. Encore que... La concordance anatomo-clinique est aussi une raison de chronicisation de la douleur et de l'arrêt de travail.
"Il y a un truc que je ne comprends pas, on dirait que tu vas plus mal que l'autre fois... - Oui, j'ai horriblement mal. "
A l'examen il existe effectivement, et je suis étonné de la rapidité de l'évolution (j'ai vu le patient il y a exactement treize jours), une difficulté à marcher sur les talons et une petite atrophie du jambier antérieur (d'autant plus objectivable que le patient est droitier).
Mais enfin, rien de très inquiétant malgré tout.
Je vais prolonger le patient (eh oui, c'est mal) et je vais envisager une infiltration foraminale scanno-guidée (malgré les données divergentes de la littérature).
Mais l'histoire n'est pas finie.
Car le patient me dit, que pendant mes treize jours de vacances, il a vu le médecin du travail (j'avais écrit un courrier à ce médecin dans le cadre d'une visite de pré-reprise) qui l'a agressé : 1) Ce n'est pas la peine de faire un scanner ; 2) Il faut reprendre le plus vite possible. Disons quand même que lorsqu'il a été vu par ma consoeur il ne s'était pas "aggravé" et que les douleurs étaient lombaires et radiculaires droites modérées à moyennes. Il me montre le certificat établi par le médecin du travail indiquant "Une possible reprise du travail dans l'entreprise à un poste sans manutention et sans port de charges..."
Mais l'histoire n'est pas finie.
Pendant la consultation ma secrétaire m'indique qu'il y a un courrier qui vient d'arriver de la CPAM et qu'elle me l'apporte. Le médecin conseil stipule que l'assuré social, Monsieur A, peut être considéré comme consolidé à la date de ce jour et le médecin conseil m'engage à rédiger les papiers ad hoc.

Commentaires :
1) J'ai du mal à gérer les lombalgiques en général et j'ai tendance à les arrêter plus longtemps que nombre de mes confrères (expérience du groupe de pairs). Est-ce dû à un problème particulier de ma part tendant à culpabiliser devant les douleurs physiques dues au travail ou à culpabiliser par rapport à ce que l'on appelait, avant, la classe ouvrière ? A moi Freud, deux mots !
2) Le dogme, faire reprendre le plus tôt possible les lombalgiques, est probablement justifié par nombre d'essais et les réflexions d'Agnès et de Philippe Nicot m'ont fait énormément progresser sur la voie de la compréhension des phénomènes et notamment ICI, mais il ne doit pas être considéré comme une référence "morale" ou éthique dans les relations avec les patients.
3) Les examens complémentaires, comme le scanner ou l'IRM, ne sont pas inutiles, en sachant que la différence des coûts est minime quand on sait que des radiographies du rachis lombaire face profil sont presque toujours suivies d'un scanner et / ou d'une IRM.
4) Ce dogme peut aussi faire des ravages sur le plan social puisqu'il présuppose que le malade qui ne reprend pas est un feignant, que le médecin traitant qui prolonge est un incompétent, que les examens complémentaires sont un gâchis économique et que l'employeur est un saint.

Il ne me restait plus qu'à téléphoner au médecin conseil (ou plutôt à la plate-forme de la CPAM des Yvelines) afin de lui indiquer que les nouvelles données de la science (glup !) me faisaient proposer un nouveau projet thérapeutique (sic).

lundi 18 avril 2011

RETOUR DE VACANCES


Agra (Inde) : L'entrée du Taj Mahal - avril 2011 - (photographie docteurdu16)

A mon retour de ces vacances pratiquement sans internet (en Inde je me suis assez peu branché sur les wifi locaux) et après une première journée de travail où je me suis dit que les vacances étaient un médicament sans AMM, non remboursé par l'Assurance Maladie et avec un effet placebo notable (pour l'effet nocebo, je n'ai encore rien constaté), j'ai lu les nombreux mèls qui se sont déposés en couches dans ma boîte à lettre et j'ai eu le sentiment de l'infini : je n'étais pas là, mon nom n'apparaissait pas et les mêmes continuaient de discuter et les commentaires que j'aurais pu faire et qui, dans le feu de l'action, m'auraient paru urgents, devenaient, à force de ne pas les avoir écrits, déjà obsolètes. Ainsi le monde continue-t-il de tourner quand on n'ouvre pas (ou peu) son ordinateur.

J'ai réfléchi aux commentaires de mon anonyme favorite (CMT) et je me suis dit qu'il faudrait quand même que je réponde à Elena Copyright Pasca. Mais pas sur Pharmacritique, site valeureux mais qui ressemble de plus en plus à un autel au pied duquel viennent s'agenouiller les croyants et les adorateurs de la philosophe de Francfort, car il ne m'est pas possible de penser que mon message, selon qu'il plaira ou non à sa gouroute, sa Mère puisque je reviens d'Inde, sera ou non publié : j'y verrais une sorte d'instrumentalisation de ma pensée. Je répondrai donc, mais avec lenteur.

J'ai lu en diagonale les deux derniers numéros du British Medical Journal que je n'avais pas encore regardés et je me suis encore rendu compte que c'était la meilleure revue de médecine que je connaissais, celle du moins que je lisais avec le plus de plaisir, bien que le New England ne soit pas loin en qualité, mais un peu plus loin de mes préoccupations (légitimes) de médecin généraliste.
J'ai appris, entre autres, dans ces deux numéros que Big Pharma avait voulu censurer des articles à paraître dans Gastroenterology concernant Januvia et Byetta indiquant des risques de pancréatites et de cancers : ICI.
J'ai appris que les décès après chirurgie pour cancer du colon étaient, chez les Britishs, plus élevés que prévus, soit 5,8 % dans les 30 jours post op : ICI.
J'ai lu que le traitement de la bronchiolite était toujours aussi décevant : des données indiquent pourtant que l'adrénaline inhalée pouvait être intéressante chez les patients à domicile mais que chez les enfants hospitalisés, rien n'était concluant : ICI.
J'ai lu, à partir d'entretiens avec des médecins et des infirmières en oncologie, que les chimiothérapies terminales étaient, bien que considérées comme inutiles, proposées pour ne pas abandonner : ICI.

Je me suis dit que le blog de Borée était un vrai blog de médecin généraliste et que le niveau allait décourager son auteur.

J'ai encore réfléchi à la transparence à propos de commentaires, encore une fois sur Pharmacritique, mais aussi en reprenant des articles du site Formindep et je me suis dit qu'il fallait que j'écrive l'Article sur la question avec comme titre idiot : "Idéologie de la transparence et transparence de l'idéologie". J'ai remarqué sur le site du Formindep (et c'est repris sur Atoute) que le livre de Marc Rodwinn "Conflicts of Interest and the Future of Medicine" est vanté par un texte sorti d'Amazon, ce qui est quand même un conflit d'intérêt majeur quand on connaît les liens d'intérêt de cette firme avec la censure et son rôle majeur dans la disparition des petits libraires en France (c'est mon côté plus formindepien que moi, tu meurs).

Je n'ai pas eu le temps de commenter l'article de Sandblom sur le suivi pendant 20 ans de patients dépistés ou non pour le cancer de la prostate, article qui indique que cela ne sert à rien (ce qui va dans le sens de ce que j'ai toujours pensé). Je ne l'ai pas fait car je n'avais pas tout compris. Je vous propose de lire l'article en accès libre (ICI) et les commentaires, dont ceux du Formindep (ce qui m'a fait doucement rigoler car il s'agit d'un commentaire signé par 5 auteurs dont certains sont manifestement incapables de l'avoir écrit -- cela s'appelle comment quand c'est Big Pharma qui le fait ?), les autres commentaires sont très critiques et inspirés par le lobby urologique mais ne laissent pas d'être dérangeants.

Je n'ai pas encore eu le temps, non plus de commenter un article de Martin Winckler / Marc Zaffran sur son projet d'Ecole des Soignants (ICI), tellement décevant, tellement intellectuellement parigoparisien malgré l'éloignement canadien, tellement peu au courant de Carol Gilligan et de Joan Trento.

Du pain sur la planche.

samedi 2 avril 2011

UN NOUVEAU MALADE ET UN ANCIEN MEDECIN - HISTOIRES DE CONSULTATIONS 76 ET 77

Les Arcs (Savoie) - Février 2010 - (Photo Docteurdu16)
76
Monsieur A, 51 ans, a pris pour la première fois rendez-vous au cabinet. Son médecin est parti à la retraite et il a donné mon nom comme médecin pouvant lui succéder.
Quel honneur !
Le patient n'a pas encore récupéré son ancien dossier. Il n'y avait pas pensé et l'ancien médecin traitant non plus. Enfin, c'est la version que l'on me donne.
Il me montre un bilan sanguin daté de décembre 2010 avant même que je n'aie cherché à l'interroger sur ses antécédents.
Tout va bien jusqu'à ce que j'arrive au chapitre PSA. Le PSA est à 5,8 (pour une normale inférieure à 4). Le malade me sort alors un autre dosage (de mars) avec un PSA à 4,5 et avec un rapport PSA libre / PSA total égal à 0,15 (les spécialistes apprécieront). Monsieur A ajoute : "Il faut refaire un dosage pour voir si le PSA diminue encore depuis que je prends le traitement du docteur B." Il me montre alors la dernière ordonnance de son médecin traitant, écrite à la main, qui indique : "Permixon, 2 cp par jour et Tamsulosine LP, un comprimé par jour, pendant six mois."
Je suis dans le rouge.
Je me retrouve avec un patient péèssaïsé et un dosage douteux. Quid ? J'ai le doigt dans l'engrenage. Et ce, d'autant, que le brave garçon ajoute : "Le docteur B m'a dit d'aller consulter un urologue." Ce n'est plus mon doigt mais ma main qui est coincée dans l'engrenage.
Je temporise. Je l'interroge sur sa symptomatologie urinaire. Rien de terrible. La pollakiurie nocturne est passée de 2 à 1 sous phytothérapie / alpha-bloquants. J'aurais aimé qu'il se lève douze fois la nuit et qu'il soit impérieux le jour, je me serais dit, une banale hypertrophie de prostate. Et basta.
Je prescris donc quelque chose d'inutile : une échographie de prostate pour connaître le volume de la prostate (et bien que je sache que la symptomatologie urinaire n'a aucun rapport avec le volume prostatique) et sa structure (et bien que je sache que c'est un mauvais examen et que le cancer est indépendant de toute symptomatologie).
Mais la consultation n'est pas finie.
Il me dit aussi qu'il aimerait bien repasser un hemoccult. Je l'interroge, blablabla, et il me dit que cela fait deux ans qu'il ne l'a pas fait, certes, je lui demande s'il a reçu la convocation, oui, nous convenons qu'il la rapporte lors de la prochaine consultation. Je lui demande également s'il y a des antécédents dans sa famille, et il me fait cette réflexion stupéfiante : "On m'a déjà enlevé deux polypes." Oups ! Moi : Il y a combien de temps ? Lui : Environ 5 ans. oui, c'est cela, c'était le docteur C. - Je le connais. - C'est pourquoi le docteur B me faisait refaire un hemoccult tous les deux ans..."
Ouaf ! Glups !
Je lui dis avec prudence que la coloscopie est l'examen de choix au décours de la résection de polypes coliques, fussent-ils bénins. Il a l'air surpris. Moi aussi.
Donc Monsieur A n'est pas un cadeau : son ex médecin traitant pratiquait le dosage du PSA par principe et organisait le suivi de la résection de polypes coliques avec l'hemoccult...
(Je mets en lien un article plutôt bien fait --mais pas exact à 100 %-- sur le sujet du dépistage colorectal ICI, quant au PSA, je vous renvoie au blog LA et LA)

77
Monsieur A, 45 ans, a eu un très grave accident de voiture il y a environ 20 ans et son handicap porte essentiellement sur ses deux membres inférieurs (fractures ouvertes compliquées ayant nécessité plus d'un an d'hospitalisation entre les réinterventions, les sepsis et autres fadaises, douleurs multiples et variées et syndrome dépressif secondaire avec perte de l'estime de soi, incapacité à reprendre une vie normale dans la société, haine de son handicap, haine de ses jambes, et cetera...). Quoi qu'il en soit, cela fait des années qu'il consulte, cela fait des années qu'il refuse de voir un psychiatre, cela fait des années qu'il vit dans son handicap en vase clos et cela fait des années que son médecin traitant, moi-même, ne le "voit" plus, ne l'examine plus, discute de choses et d'autres, essaie bien difficilement de le persuader de reprendre une vie relationnelle et sociale et lui represcrit "ses" médicaments auxquels il tient absolument. Depuis environ un an je tente, avec succès, de supprimer tous les antalgiques et autres neuroleptiques qu'il prenait plus par addiction aux antalgiques que pour cause de douleurs. La liste récente des 77 médicaments n'a eu que peu d'effets.
Je m'imagine ainsi, "récupérant" le patient après que le docteurdu16 eut pris sa retraite, que ne dirais-je pas sur ce médecin ? Voyons ce qui reste sur l'ordonnance que, depuis quelques mois, j'ai essayé de simplifier : efferalgan codéine x 6 / jour ; rivotril XXXV gouttes par jour ; betaxolol x 1 ; noctran x 2. Il y a au moins deux médicaments (rivotril et noctran) qui sont considérés comme "dangereux" et ce, d'autant plus, qu'ils sont associés à la codéine. J'en ai parlé au patient qui m'a demandé ce qu'il risquait. Je lui ai répondu. Il m'a dit qu'il ne voulait pas changer. Que devais-je faire ? Le menacer ? Lui dire qu'il devait changer de médecin ? Renoncer à 20 ans de coopération entre lui et moi ? Il est possible que nous nous soyons assoupis dans une relation faite d'habitudes, d'empathie et de bons sentiments. Et que je n'ai pas assez insisté sur sa "réinsertion" sociale : il ne sort que très peu, il vit avec son ordinateur, la télévision et... sa mère, sa soeur et sa grand mère dans une grande maison agréable. N'est-ce pas son choix ?
Enfin, l'ordonnance que je renouvelle tous les mois ou presque, à cause du noctran, n'est pas "montrable". Elle ferait se dresser sur la tête les cheveux des bons docteurs qui lisent Prescrire (comme moi) ou d'autres revues indépendantes. Nous sommes en plein questionnement EBM : les agissements du médecin sont en conformité avec les désirs du patient et opposés aux preuves externes.
La médecine n'est pas simple et surtout les relations inter humaines et surtout les va et vient entre le savoir et la connaissance et entre la bonne et la mauvaise conscience.

jeudi 31 mars 2011

UN COMMUNIQUE (IMAGINAIRE) DU PROFESSEUR DANIEL FLORET

Squale (haine) - Grand requin blanc (inoffensif).

Le professeur Daniel Floret, Président du Comité Technique des Vaccinations, vient de réagir par uncommuniqué relayé par L'Agence Infovac Presse (AIP) à l'annonce par l'Agence Médicale Suédoise (Läkemedelsverket) de la suspension de la vaccination des personnes de moins de 20 ans par le vaccin pandemrix à la suite d'un essai de cohorte indiquant un risque 4 fois supérieur de faire une narcolepsie dans cette tranche d'âge par rapport à des personnes du même âge non vaccinées. Vous pouvez consulter le communiqué ICI.
(Cette étude vient à la suite des narcolepsies finlandaises post pandemrixiennes, 60 enfants et adolescents entre 4 et 19 ans, dont je vous avais parlé LA).
Voici le communiqué (imaginaire) : "Le vaccin Pandemrix est un vaccin sûr. Les données dont nous disposons en France indiquent que la narcolepsie n'a pas franchi les frontières, qu'elle est restée cantonnée en Finlande, en Suède et en Islande. La narcolepsie ne passera pas, pas plus qu'une éventuelle toxicité adjuvante squalénique ne peut contaminer notre pays. Le dossier d'AMM de Pandemrix est limpide. La pharmacovigilance française, que le monde entier nous envie, n'a pas constaté de phénomènes similaires. Pas d'inquiétudes à avoir : les virus sont bien gardés."

lundi 28 mars 2011

DIABETE : LA TECHNOCRATIE MEDIATIQUE EN MARCHE

Préambule : Voici le cheminement de ce post :
Je reçois la lettre d'information du docteur H Raybaud que vous pouvez consulter ICI. Parmi les têtes de chapitres, je trouve un commentaire sur le diabète qui me renvoie à un site qui s'appelle ESCULAPEPRO.COM que vous pouvez consulter ICI et dont le titre, pompeux, est Sept propositions pour faire face à l'épidémie du (sic) diabète. Article qui est lui aussi le commentaire d'un livre, Le Livre Blanc du Diabète, écrit par Alain Coulomb (ancien président de l'ANAES), Serge Halimi (endocrinologue hospitalier grenoblois) et Igor Chaskilevitch (directeur d'Edinews, une boîte de communication). Je n'ai donc pas lu le livre en question. Je commente l'article qui commente le livre. Ce n'est pas bien mais cela me suffit.

Introduction : Les technocrates à la tête des Agences Régionales de Santé (ARS) ont décidé d'appliquer les méthodes "modernes" de management à la Santé Publique. Comme ce sont des technocrates, des hauts (?) fonctionnaires et, plus fréquemment des fonctionnaires qui n'ont jamais mis les pieds dans le privé, qui ne connaissent du management que sa théorie et surtout pas sa pratique et dont l'emploi est une placardisation dorée de leur incompétence antérieure, ils osent tout et son contraire. Ils sont entrés dans une croisade néo libérale mais surtout ils s'emploient à plein temps à se médiatiser eux-mêmes et à médiatiser leurs actions sans penser une seconde qu'ils touchent à la Santé Publique qui est une structure fragile faite d'hommes et de matériels, les hommes ayant une valeur et les matériels un prix. Ces ARS sont des machins bureaucratiques dont la fonction régionale est de valoriser leurs chefs, potentats locaux qui ne risquent pas de voir arriver les forces de la coalition jusque dans son repère, mais qui sont les cache-sexe du pouvoir politique et de son bras armé dans le domaine de la Santé, à savoir la Direction Générale de la Santé de sinistre mémoire grippale. Vous remarquerez que cette fameuse DGS est épargnée par le "scandale" du Mediator, le ministre Bertrand tirant tous azimuts sauf dans sa direction et dans celle de Didier Houssin, le chirurgien aux mains nues.

Ainsi la machine bureaucratique est-elle en marche avec ses seniors, Philippe Even et Bernard Debré, ses liquidateurs, Jean-Luc Harousseau pour la HAS et Dominique Maraninchi pour l'AFSSAPS, ses contrôleurs, Frédéric Van Roekeghem et Hubert Allemand, créateurs du CAPI et de SOPHIA, ses larbins, les directeurs des ARS, ses journalistes croupions (voir La Lettre de Galilée) et ses lampistes, les anciens employés des DDAS... qui font la loi à l'hôpital comme en ville. L'hôpital, comme nous le verrons, ou plutôt les hospitaliers disent la super loi et les médecins généralistes sont encore une fois considérés comme la dernière roue du carrosse : de quoi pourraient-ils se plaindre, ils vont disparaître ?

Envisageons les 7 propositions de ce livre dont les trois auteurs résument très bien la politique de Santé Publique française : le technocrate, le patron hospitalier et le communicant.

1. Inventer pour réduire l'impact du diabète. La première phrase est assez gratinée : Il est primordial d'inventer une nouvelle offre de soins pour les 2,5 millions de patients pour lesquels l'hôpital n'est pas un passage obligé.
Le trio part donc du principe que tout diabétique doit, devra ou a dû fréquenter un hôpital ! Cela commence mal ! Et ensuite, dans une envolée sarkozyenne du plus mauvais aloi, ils parlent de façon dithyrambique des ARS, comme c'est bizarre, dont la seule fonction est de couper dans les coûts et de rationnaliser la médecine parle haut. Les ARS, grâce aux connaissances et aux expériences de terrain des professionnels de santé spécialisés dans le diabète... Qui sont-ils ? Ah oui : les diabétologues.
2. Médiatiser le diabète pour mieux le prévenir. Nous sommes en plein dans la communication pro domo. Le représentant de l'Agence de Com fait son marché ou, comme on dit, son marketing mix, en proposant des actions médiatiques qu'il facturera au prix fort en remettant une couche d'ARS et en alignant les voeux pieux comme "agir auprès des professionnels de l'agro-alimentaire". Il est possible que la médiatisation du diabète passe aussi par les publicités pour les aliments sucrés pour enfants aux heures où les enfants regardent la télévision...
3. Centrer l'organisation sur le malade et non pas sur la maladie. On touche au sublime. Après avoir convoqué les spécialistes du diabète (c'est à dire les prétendus spécialistes d'une maladie qui serait en phase épidémique, ils doivent se prendre pour l'OMS), on parle de "Projet de vie, milieu social, capacité à être autonomes, souhaits, désirs d'ordre culturels..."
Ainsi les auteurs inventent-ils le communautarisme médical : les diabétiques n'ont pas les mêmes goûts que les non diabétiques, ne lisent pas les mêmes livres, n'écoutent pas la même musique, ne regardent pas les mêmes expositions, ne zappent pas de la même façon devant leur poste de télévision... Notre trio vient d'inventer les gender studies pour diabétiques. Ouaf !
4. Améliorer la qualité de vie des malades.
Certes, comment ne pas être d'accord ? Pourquoi ne pas enfiler les perles du médicalement correct ? Et vous savez comment on améliore la qualité de vie des malades (diabétiques) ? Grâce à la télémédecine ! Je cite :"Elle devient pour le diabète un outil formidable pour prévenir l'hospitalisation." C'est tout ? C'est tout ! C'est tout pour la qualité de vie. Les auteurs ont séché. Je pourrais cependant leur souffler des idées. Ou des images. Des diabétiques en train de courir les bras en l'air dans un champ inondé de soleil en marchant sur des betteraves à sucre.
5. Orchestrer les synergies et mises en réseau des professionnels pour assurer une meilleure prise en charge des patients. Onze professionnels de santé sont cités (dont un coach sportif) et qui arrive en onzième position ? Le médecin généraliste. Vous avez envie de continuer ?
Je sens que non mais je continue quand même : pour y parvenir nos auteurs avisés proposent d'une part de renforcer les points forts de l'hôpital et d'autre part de permettre au diabétologue hospitalier ou libéral d'être au centre de l'organisation du système de soins... Et tout le reste est l'avenant.
6. Mieux former les professionnels de santé à l'éducation thérapeutique (ETP). La reconnaissance de l'ETP est une des grandes victoires des diabétologues ! Il n'y a qu'eux qui le savent. ET là, je ne peux m'empêcher, avec malice, de citer la phrase suivante qui fera plaisir aux signataires du CAPI considéré comme une avancée vers la médecine au forfait : A la ville le paiement au forfait mériterait d'être expérimenté pour les professionnels de santé qui souhaitent s'impliquer dans des actions d'ETP (après avoir été formés par les diabétologues pionniers).
7. Innover vers une recherche translationnelle et transversale commune à la majorité des maladies chroniques et explorer de nouvelles voies. Et dans ce chapitre jargonnant les auteurs arrivent à placer, comme dans un exercice de style, les mots translationnel, proximité, sciences cognitives... Pour terminer par : Les diabétologues pourraient faire des sciences cognitives leur nouveau cheval de bataille après celui de l'éducation thérapeutique.
On rêve.

Ce que je pense de cela ? Non, non et non !
Les ARS hospitalocentrisent, les ARS, spécialocentrisent, les ARS veulent recréer des réseaux qui n'ont jamais fonctionné, des réseaux hiérarchiques dirigés par l'hôpital et par les spécialistes, les ARS, forts du rapport de l'IGAS de 2006 (Améliorer la prise en charge des maladies chroniques : ICI), veulent associer l'Education Thérapeutique du Patient et le Disease Management (qui est aussi le cheval de Troie de Big Pharma) en omettant le médecin traitant (comme le rapporte fort justement et, selon moi, très maladroitement, un article de F Baudier et G Leboube : ICI). Les ARS mentent et font mentir.
Voilà une nouvelle sauce à laquelle nous allons être mangés.
celle concoctée par les diabétologues, ces diabétologues qui n'ont rien vu venir avec les glitazones, ces diabétologues qui prescrivent à tout va de nouvelles spécialités non validées, de nouvelles drogues dont le seul bénéfice est de faire maigrir les patients en baissant anecdotiquement l'HbA1C et, de toute façon, sans agir sur la morbi-mortalité.