mardi 25 novembre 2008

COMMENT EXPLIQUER L'EFFET PLACEBO AUX PATIENTS...


Voici un exemple tiré d’un article paru dans le BMJ (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct30_1/a2281) sous la plume de Nicholas A Christakis, professor of medical sociology, Harvard Medical School, and attending physician, Mt Auburn Hospital, Cambridge, Massachusetts

Dans l’étude ASCOT (Lancet 2003;361:1149-58, doi:10.1016/S0140-6736(03)12948-0) qui a réuni 10000 patients pendant une moyenne de 3,3 ans, il a été montré que 1,9 % des patients qui ont pris l’atorvastatine ont eu un accident cardiaque contre 3 % de ceux du groupe placebo.


Cette différence relative est importante mais nul doute que de nombreux patients n’auraient pas accepté le traitement si on leur avait dit que le placebo « marchait » au moins dans 97 % des cas.


Commentaire : de nombreux médecins continuent de prescrire des placebos dans des affections qui guérissent toutes seules (i.e. des antibiotiques dans une angine virale) en s’en félicitent. Le risque de se tromper est tellement faible…

dimanche 23 novembre 2008

ROSUVASTATINE ET JUPITER CHANGENT-ILS QUELQUE CHOSE ?

Faut-il prescrire de la Rosuvastatine ?

L’étude présentée par Paul Ridker (Brigham and Women's Hospital, Boston, MA)

et publiée on line par le New England Journal of Medicine


[Ridker PM, Danielson E, Fonseca FAH, Genest J, Gotto AM, Kastelein JJP, et al, for the JUPITER Study Group. Rosuvastatin to prevent vascular events in men and women with elevated c-reactive protein. N Engl J Med 2008;359:2195-207.[Abstract/Free Full Text]]

montre que traiter des patients apparemment en bonne santé avec de la rosuvastatine à la posologie de 20 mg / jour réduisait significativement de 44 % par rapport au groupe placebo le critère principal de l’essai à savoir une association d’infarctus du myocarde non fatal, d’AVC non fatal, d’hospitalisation pour angor instable, revascularisation et mort confirmée due à une cause cardiovasculaire.

Cet essai randomisé en double-aveugle rosuvastatine vs placebo, rassemblait 17802 personnes recrutées dans 1300 centres situés dans 26 pays [LDL <> ou = 2] et a été arrêté au bout de 1,9 an sur les 4 ans prévus quand le comité de contrôle a noté une réduction significative du critère principal de l’essai dans le groupe rosuvastatine (142 effets) contre 251 dans le groupe placebo (hazard ratio 0.56; 95% confidence interval 0.46 to 0.69).

L’auteur principal de l’essai a déclaré : « Nous ne pouvons plus assurer que les patients avec un cholestérol bas sont à bas risque [cardiovasculaire]. Cela ne signifie pas que le cholestérol n’est pas important. Nous voulons que les patients avec cholestérol élevé soient traités très agressivement. Mais, dans cette étude, nous avons montré que les patients à bas cholestérol et CRP élevée tiraient un grand bénéfice d’un traitement par statine. »


Les vieux routiers de la lecture des essais cliniques se font déjà trois remarques :
1) Peu sur la mortalité totale
2) Le critère principal d’appréciation est une chimère inventée de toute pièce
3) Les patients étudiés avaient un très faible risque cardiovasculaire.


Les tenants du tout cholestérol sont dans les starting blocks : ainsi, le directeur médical de la British Heart Foundation, un certain Peter Weissberg, affirme que les résultats de l’essai supportent fortement l’approche « plus c’est bas, mieux c’est » pour le cholestérol.
Le docteur Thomas Pearson (University of Rochester School of Medicine, NY) indique qu’il faut replacer les résultats dans le contexte. Il affirme qu’il existe des preuves que les patients à risque cardiovasculaire très bas peuvent bénéficier d’un traitement par les statines mais que le coût-efficience (cost-effectiveness) reste la grande question. Il dit en particulier que traiter 25 patients pendant 5 ans avec un comprimé de rosuvastatine à 3,65 $, coûterait 166 000 $ pour prévenir un infarctus, un AVC, un angor instable, une revascularisation ou une mort pour cause cardiovasculaire. Il ajoute : si, comme Ridker et collaborateurs vous affirmez que l’étude montre que l’on peut prévenir 250 000 événements cardiovasculaires aux Etats-Unis, nul doute que cela représente de l’argent et que cela mérite considération pour traiter.

Les critiques :
1) Les chiffres de l’essai montrent que la diminution relative du risque est importante mais que la diminution absolue est faible : sur 100 patients du groupe contrôle 1,36 ont eu un des éléments du critère principal de l’essai et ce nombre est passé à 0,77 dans le groupe traité. La significativité statistique est non contestable mais est-ce que cela a une pertinence clinique ? On peut en douter.
2) La CRP est-elle un facteur de risque indépendant du LDL cholestérol ? Ses variations dans la vraie vie sont telles (et pour des raisons non liées à une atteinte du système cardiovasculaire) qu’il faut se poser des questions sur sa spécificité.
3) Les auteurs indiquent que les inclus n’avaient pas de facteurs de risque cardiovasculaire mais : la moitié d’entre eux avait un score de Framingham > ou = 10 et plus d’un tiers souffraient d’un syndrome métabolique [Docteurdu16 : syndrome faisant partie du disease mongering] et les premiers résultats indiquent que les événements cardiovasculaires sont survenus chez les sujets les plus à risque…
4) Pourquoi avoir arrêté l’essai si tôt ? Ainsi n’a-t-on pas pu contrôler l’efficacité à long terme et, surtout évaluer les risques éventuels liés à un LDL très bas : cancer, par exemple. Il est noté également par les auteurs une augmentation du nombre de nouveaux diabètes et un taux plus élevé d’HbA1C…

Ainsi, la majorité des commentaires vont dans le sens de la confirmation de l’utilité des statines. Ce qu’il était difficile de ne pas attendre des spécialistes cardio-vasculaires et du cholestérol dont le manque d’esprit critique à l’égard du tout cholestérol est bien connu.

Pour nous, en médecine générale, les conclusions que l’on peut tirer de cet essai Jupiter sont :
1) La rosuvastatine n’a rien prouvé de bien convaincant jusqu’à présent et au contraire [Kjekshus J, Apetrei E, Barrios V, Böhm M, Cleland JGF, Cornel JH, et al, for the CORONA Group. Rosuvastatin in older patients with systolic heart failure. N Engl J Med 2007;357:2248-61.[Abstract/Free Full Text]
2) Cette nouvelle étude n’a pas étudié une stratégie fondée sur le rôle de la CRP, il s’agit tout simplement d’un essai conventionnel mené sur un groupe de patients très sélectionnés. Une étude pragmatique eût consisté à inclure la mesure de la CRP en addition aux autres facteurs de risques connus…
3) Le concept d’abaisser le risque cardiovasculaire en visant des seuils de LDL paraît encore moins pertinent.
4) Doser la CRP paraît prématuré dans n’importe quelle stratégie de prévention cardiovasculaire.
5) Ironiquement, cette étude pourrait entraîner la vente over the counter de statines chez des patients à faible risque cardiovasculaire convaincus par Jupiter et capables de payer.



Je me suis inspiré de ces trois références et de l’article lui-même pour écrire ce papier.

http://www.theheart.org/article/917505.do
http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/nov12_1/a2523

jeudi 20 novembre 2008

LE TABAGISME EST AUSSI UN PROBLEME SOCIAL

Qui a écrit ceci ?

« Le poids des maladies tabaco-dépendantes tombe de façon disproportionnée sur ceux qui ont le statut socio-économique le plus bas. Les cigarettiers font essentiellement leur proie des pauvres, des moins éduqués, et de ceux qui souffrent de pathologie mentale ou d’addiction médicamenteuse, et, parmi les populations les plus vulnérables, les jeunes. Le tabac est le seul produit commercialisé qui ne présente aucun bénéfice et qui entraîne sans équivoque le plus de risques pour la santé humaine. »

Des gauchistes ? Une organisation non gouvernementale ? Non : un éditorial du New England Journal of Medicine. http://content.nejm.org/cgi/content/full/359/10/1056?ijkey=85e84aef85921ed0ee0d7f16477ce416bed01a8f&keytype2=tf_ipsecsha

COMMENTAIRES

Alors, que l’on cesse de nous bassiner sur les querelles internes des tabacologues français ! Que l’on nous épargne les théories « fumeuses » du grand professeur Robert Molimard, expert mondial auto-proclamé de la lutte contre le tabac ! Que l’on cesse de parler, à propos des campagnes anti-tabac, d’actions liberticides sous le prétexte qu’elles seraient sponsorisées par des laboratoires pharmaceutiques ! Que des associations pures comme le Formindep cessent d’héberger le professeur Molimard [ http://formindep.org/spip.php?article192 ] (dont les conflits d’intérêts sont, jusqu’à preuve du contraire, du domaine ego académique bien qu’il ne dédaigne pas se faire sponsoriser par des associations nord-américaines comme le C.A.G.E. qui sont des officines anti étatiques de la pire espèce défendant, entre autres, le droit de ne pas porter un casque en vélo ou les happy hours dans les cafés de la Colombie Britannique ! Je vous donne les coordonnées de cette association Citoyens Anti Gouvernement Envahissant afin que vous puissiez vous-mêmes profiter de ses bienfaits : http://www.cagecanada.ca/).

Quoi qu’il en soit, le dernier rapport du CDC, tiré d’une grande enquête sur 23000 personnes montre que si le tabagisme décline le plus fortement chez les Afroaméricains (23 à 20 %) et chez les personnes âgées de plus de 65 ans (de 10 à 8 %), la prévalence reste spécialement élevée chez les Indiens Américains (36 %), chez les personnes n’ayant pas fait d’études supérieures (44 %) et ceux qui sont au dessous du seuil de pauvreté (29 %). [http://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/mm5745a2.htm?s_cid=mm5745a2_x]


Il n’est bien entendu pas question d’avaliser les conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique dans la lutte contre le tabagisme mais il faut prendre en compte le fait que lorsque nous abordons la prise en charge du diabète non insulinodépendant et / ou de l’hypertension artérielle , nous prescrivons aussi des médicaments.


Nous reviendrons une autre fois sur le Professeur Molimard.

dimanche 16 novembre 2008

VISITE MEDICALE IZILOX (MOXIFLOXACINE) ET EFFETS COLLATERAUX

1) Visite médicale Bayer.

- Izilox !
(S'ensuit une visite médicale dithyrambique pour le produit)
- Le pneumocoque ?
- Aucun problème, regardez le spectre...
- Quid des effets indésirables et notamment des tendinopathies d'Achille ?
- Pas plus que les autres et, d'après vos confrères, moins que les autres.
- Ah... Et la corticothérapie associée ?
- Alors là, pas de souci. Avec une corticothérapie courte, on n'a jamais rien constaté.
- Rien ?
- Rien.

2) L'utilisation larga manu des quinolones en première intention et hors recommandations dans les pneumopathies aiguës du sujet âgé (mais pas seulement) est préoccupante en termes de résistance et d'effets indésirables.

3) Dans les pneumopathies aiguës du sujet âgé qui n'évoluent pas bien, il faut penser, avant la réanimation, à évoquer une légionellose.

Sachant que nombre de médecins prescrivent des quinolones en première intention dans cette indication il est probable que le nombre de légionelloses mortelles va diminuer et les autorités s'en féliciteront (Plan légionellose).



Y fait pas bien son boulot le laboratoire Bayer ?

jeudi 6 novembre 2008

L'USAGE DU PLACEBO EN MEDECINE : UN DANGER POUR LE PRESCRIPTEUR


Une enquête récente publiée dans le British Medical Journal (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct23_2/a1938) montre ceci :
A peu près la moitié des internistes et des rhumatologues qui ont répondu à l’enquête (679 sur 1200 contactés, 57 %) rapportent qu’ils prescrivent des placebos de façon régulière (46 à 58 % selon les questions posées). La plupart des praticiens (399, 62 %) pensent que cette pratique est éthiquement admissible. Peu rapportent l’usage de comprimés salés (18,3 %) ou sucrés (12,2 %) comme traitement placebo alors qu’une large proportion rapporte l’usage d’analgésiques en vente libre en pharmacie (over the counter) (267, 41 %) et de vitamines (243, 38 %) comme traitement placebo durant l’année pasée. Une petite mais notable proportion de médecins rapporte l’usage d’antibiotiques (86, 13 %) et de sédatifs (86, 13 %) comme traitement placebo pendant la même période. Bien plus, les praticiens qui utilisent les traitements placebo les décrivent à leurs patients comme potentiellement bénéfiques ou comme non classiquement utilisés pour leur maladie (241, 68 %) ; très rarement ils les décrivent explicitement comme des placebos (18,5 %).
Commentaires : des "spécialistes" utilisent largement les traitements placebos sans se poser trop de questions existentielles. Moi-même, dans ma pratique de médecin généraliste, j'utilise parfois des placebos purs (vitamines ou fluidifiants bronchiques par exemple) mais aussi des placebos impurs (antibiotiques dans des affections virales ou antidépresseurs dans des affections neuropathiques) pour des raisons qui ont été largement décrites par la littérature : manque de temps, difficultés à expliquer, découragement, abus de pouvoir, lassitude, croyance dans ma personne comme médicament -cf. Balint-, et cetera. Mais je ne suis pas dupe.
Je vous propose la traduction d'une lettre que j'ai écrite et qui a été éditée dans le British Medical Journal en mai 2008.

Les dangers du placeboLes tenants et les aboutissants de l'usage du placebo en médecine sont malheureusement oubliés par les médecins, surtout quand il s'agit d'essais cliniques contrôlés (1). Ainsi, je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus. Citons Howard M Shapiro : "Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."(2)

Dangers of placebo
The ins and outs of placebo use in medicine are unfortunately forgotten by doctors, especially when controlled clinical trials are concerned.1 So I would emphasise several dangers of placebo use: it spoils the doctor-patient relationship, enhances the asymmetric relationship—paternalism—between physicians who know and patients who suffer, can be medically dangerous—especially when the doctor’s aim is to determine whether patients have an organic disease—and strengthens medical arrogance, infantilising patients even more.
To quote Howard M Shapiro: "Finally we have to consider what may be the greatest danger of all for the physician, that giving a placebo will give him an even higher opinion of his own abilities to help."2

Competing interests: None declared.
References
(1) Spiegel D, Harrington A. What is the placebo worth? BMJ 2008;336:967-8. (3 May.)[Free Full Text]
(2) Shapiro HM. Doctors, patients, and placebos. Yale: Yale University Press, 1986.
CONCLUSION : ce n'est pas parce que les traitements placebo ont toujours été utilisés qu'il ne faut pas se poser de questions sur leur utilité morale et surtout sur leur rapport bénéfices / risques.
(A suivre)

L'illustration vient d'ICI, un article intéressant mais pas convaincant en tous ses aspects.

jeudi 23 octobre 2008

FIEVRE CHEZ L'ENFANT : IBUPROFENE OU NON ?

Ibuprofène : oui ou non chez les enfants fébriles ?



Introduction :
J’avais arrêté de prescrire l’ibuprofène chez l’enfant à la suite de mises en garde sur le risque d’infections cutanées nécrotiques, notamment en cas de varicelle, mais, plus généralement en cas d’infections à streptocoque du groupe A. Comme j’avais d'ailleurs cessé peu de temps auparavant la coprescription d’ibuprofène et de paracétamol en raison d’avis soulignant le risque de confusion chez les parents et par expérience personnelle de ce risque chez mes propres patients. Or j’avais constaté que les urgences pédiatriques de mon hôpital local (CHG de Mantes-La-Jolie) continuaient et de prescrire de l’ibuprofène et de co prescrire avec du paracétamol. Où était le loup ?
La parution récente d’un article dans le British Medical Journal (Hay A, Costelloe C, Redmond N, Montgomery A, Fletcher M, Hollinghurst S, et al. Paracetamol plus ibuprofen for the treatment of fever in children (PITCH): randomised controlled trial. BMJ 2008;337:a1302. (2 September.)[Abstract/Free Full Text] ) les commentaires qui ont suivi me laissent perplexe mais m’encouragent volontiers à prescrire à nouveau l’ibuprofène chez l’enfant mais à éviter la coprescription avec le paracetamol.

L’étude :
Objectifs : Cet essai contrôlé, randomisé à trois bras avait pour but de rechercher si l’utilisation conjointe du paracétamol (P) et de l’ibuprofène (I) était supérieure à celle de chacune des molécules seule pour augmenter la période d’apyrexie et pour soulager l’inconfort lié à la fièvre chez des enfants âgés de 6 mois à 6 ans traités à domicile.
Critères d’appréciation : Les deux critères principaux étaient la période sans fièvre (<>Résultats : En intention de traiter : période sans fièvre dans les 4 premières heures P + I > P (55 minutes – p<0 i=" I"> P (4,4 h – p <> I (2,5 h – p = 0,008) ; délai d’apparition de l’apyrexie : P + I > P (23 minutes ; p = 0,025) mais P + I = I. Pas de différences sur les autres facteurs.


Commentaires sur cette étude :
Les pré requis de ce travail sont quand même curieux : est-ce bien raisonnable de prescrire I + P en même temps ? est-ce bien raisonnable de faire baisser la fièvre sans étiologie ? est-ce bien raisonnable d’utiliser l’ibuprofène sans précautions (est-ce une varicelle ? est-ce une infection à streptocoque A ?) ? Je ne me vois pas, par ailleurs, prescrire EN MEME TEMPS paracétamol et ibuprofène (mais il s’agissait d’un protocole d’étude). Ce qui signifie par ailleurs que les études contrôlées aussi intéressantes qu’elles soient peuvent ne pas être adaptées à notre pratique et, en même temps, par ricochet, nous donner des idées.

Bon, de nombreux commentaires ont été faits par des lecteurs du BMJ et notamment sur l’utilité de faire baisser la fièvre chez les enfants et sur le fait que les parents sont très inquiets et surestiment l’apyrexie comme traitement…. Je retiendrai ce commentaire de Nicholas Moore de l’unité de pharmacovigilance de Bordeaux (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct13_2/a2072) répondant à un courrier soulignant les risques possibles de l’ibuprofène. Il dit, en substance, qu’une seule étude bien faite est disponible et qu’elle ne conforte pas l’hypothèse que les AINS, et plus particulièrement, l’ibuprofène, augmentent le risque de nécroser les infections à streptocoque du groupe A (Ranganathan SS, Sathiadas MG, Sumanasena S, Fernandopulle M, Lamabadusuriya SP, Fernandopulle BM. Fulminant hepatic failure and paracetamol overuse with therapeutic intent in febrile children. Ind J Pediatr 2006;73:871-5.[CrossRef][Medline]). Il ajoute qu’un autre essai conclut que le risque d’infections invasives dues au streptocoque du groupe A est lié à des facteurs démographiques et environnementaux dans un contexte de fièvre élevée persistante (James LP, Alonso EM, Hynan LS, Hinson JA, Davern TJ, Lee WM, et al. Detection of acetaminophen protein adducts in children with acute liver failure of indeterminate cause. Pediatrics 2006;118:e676-81.[Abstract/Free Full Text]) En conclusion il lui semble, à la lecture de la littérature, que ni l’ibuprofène, ni le paracétamol ne sont associés à un risque accru de nécroser les infections des tissus mous. Il ajoute même : « …une fièvre persistante chez des patients recevant ibuprofène ou paracétamol après varicelle est probablement un signe d’infections des tissus mous. » Il ajoute : « Le paracétamol est un bon produit de première ligne mais n’est pas aussi efficace que l’ibuprofène et n’est pas aussi sûr que l’on pense. Malheureusement un excès de crainte à l’égard de l’ibuprofène peut conduire à un excès d’usage du paracétamol qui, en surdosage, et spécialement chez l’enfant, peut être hépatotoxique. »

L’avis de Prescrire [LRP 2008;28(n°300 d’octobre):753] : « AINS : à manier avec précaution, même l’ibuprofène. »


CONCLUSION PERSONNELLE :
En cas de fièvre persistante sous paracétamol (prescrit de principe en première ligne) et après avoir éliminé une varicelle (ou chez un enfant qui a déjà eu la varicelle) envisager l’ibuprofène, volontiers en monothérapie chez un enfant de plus de six mois.
Se méfier des différentes versions de l’ibuprofène sirop dont les dosages sont différents (et donc, ne pas prescrire en dci) : Advil : 4 prises pas jour (une graduation d’un kilo correspond à 7,5 mg d’ibuprofène) ; Nureflex : trois prises par jour (une graduation d’un kilo correspond à 10 mg d’ibuprofène)

Voici une thèse de 2011 (pp 94 et suivantes) bien intéressante. ICI

jeudi 9 octobre 2008

BRONCHITE CHRONIQUE : RIEN QUE DE L'ANCIEN

Spiriva / Tiotropium : la fin ?

Une étude contrôlée comparative versus placebo (respectivement 2987 et 3006 patients porteurs d’une bronchite chronique) qui vient de paraître dans le New England Journal of Medicine (http://content.nejm.org/cgi/content/short/359/15/1543?query=TOC) montre qu’à quatre ans le spiriva / tiotropium améliorait significativement la fonction respiratoire, la qualité de vie et le nombre d’exacerbations (-14 %) mais ne réduisait pas la détérioration du VEMS au cours du temps pas plus que la mortalité.

Commentaires : Spiriva / tiotropium est un bon traitement symptomatique. Pas plus ! Pourquoi faudrait-il le prescrire ?


Nous rappelons ici qu’une méta-analyse publiée par la FDA http://www.fda.gov/cder/drug/early_comm/tiotropium.htm a montré un excès d’AVC dans le groupe spiriva / tiotropium de 2 / 1000.

Spiriva / tiotropium : pourquoi en prescrire ?

samedi 4 octobre 2008

QUAND LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME DEVIENT SUSPECTE

QUAND LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME DEVIENT SUSPECTE
NON AUX CAMPAGNES ANTI TABAC !
Quelle mouche a donc piqué le Formindep, http://formindep.org/, organisme prônant "...une formation et une information médicales indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients" (on m'expliquera qui cela peut laisser indifférent : les professionnels de santé malades ?) et dont le maître-mot est la transparence (nous reviendrons ailleurs sur cette obsession), de fonder l'alter-tabacologie par le truchement du professeur Robert Molimard http://formindep.org/spip.php?article194.

Et qu'est-ce qu'un lecteur non averti pourrait en retenir ?

Que les campagnes anti-tabac sont méprisables puisqu'elles sont subventionnées par les marchands de médicaments.

A partir de là, comme dirait le philosophe français Didier Deschamps, il est suggéré que l'Europe a mis en place "une chasse aux fumeurs" et tout cela par le biais de deux laboratoires anglo-américains, parangons de l'hygiénisme... à l'anglo-saxonne.

Diable !

Où le Formindep veut-il en venir ?

Je crains que la Santé Publique ne soit oubliée dans ce combat douteux.

Si j'ai bien compris, l'article du professeur tabacologue se fonde sur sa critique d'un rapport sur le tabagisme passif " Lifting the SmokeScreen, 10 reasons for Smoke Free Europe " publié en février 2006 sous l’égide [c'est le professeur Molimard qui écrit :] de l’European Respiratory Society, de Cancer Research UK, de l’European Heart Network et de l’Institut National du Cancer.


Il oublie de dire que le rapport a été initié par le parlement Européen qui, comme on le sait, est un repaire de lobbyistes anti tabac.


Le professeur Molimard, donc, y relève des erreurs, des approximations et des mensonges et en conclut qu'il s'agit d'une campagne d'intoxication (non tabagique) menée par les laboratoires Pfizer et Glaxo pour vendre leurs molécules (qu'il cite d'ailleurs expressément)... Il finit son intervention formindepienne par une phrase vigoureuse : "La fin ne justifie pas les moyens. Le mensonge décrédibilise les meilleures causes."


Certes. Qui ne pourrait être d'accord ?

Mais quels sont les tenants et les aboutissants de cette affaire ?

Existe-t-il des conflits d'intérêt cachés ?

Ne connaissant pas le professeur Molimard, j'ai tenté de me renseigner sur lui.

J'en conclus ceci :
1) Sur les sites non professionnels, et pour vendre son livre, il tient d'abord un discours pour cours élémentaire sur les trois cerveaux http://www.linternaute.com/femmes/itvw/0402molimard.shtml qui me paraît d'une indigence absolue...

2) Toujours au même endroit, à la question "La solution vient-elle des antidépresseurs ?" il répond souvent prescrire un antidépresseur en première intention, tout en précisant : C'est une frustration, un deuil que l'on fait : c'est normal de se sentir un peu déprimé. Mais ce n'est pas une dépression organique. On est rassurés.

3) Il médicalise l'arrêt du tabac, il fait de la tabacologie une spécialité, et seuls les tabacologues diplomés (par le grand professeur) ont le droit de proposer l'arrêt du tabac. Voici comment les centres, où le professeur conseille d'aller, sont agréés : "si un centre possède un responsable qui est médecin diplômé de tabacologie ou quelqu'un qui a fait la preuve de ses compétences en matière de tabac, par exemple au travers de publications scientifiques sur le sujet."

Le médecin généraliste lambda peut aller se rhabiller.

Il s'agit donc peu ou prou d'une prise d'intérêts dans le domaine de la lutte anti tabac, le professeur Molimard ayant une méthode (les trois cerveaux + la psychiatrie analytique + les anti dépresseurs), brevetée (par la société de tabacologie), un site internet exfumeur.com, et les thérapeutes doivent être diplomés de la société ou avoir publié dans des revues scientifiques, être familiarisés avec l'analyse freudienne (faut-il être analyste analysé et analysant ?), prescrire des antidépresseurs qui ne soient pas le champix (si j'ai bien compris) ou le zyban (ai-je encore compris ?), et être des ex fumeurs.

Molimard a-t-il voulu recréer les AA ?

Mais il y a encore autre chose : serait-ce à la fois un combat contre le tabac et un combat contre l'hygiénisme ?


Le terme hygiénisme a des acceptions diverses mais le professeur Molimard voudrait-il dire qu'il faut combattre le tabac sans stigmatiser les fumeurs ? Ce serait plus acceptable.


J'attends des réponses indignées.


Donc, le titre de ce message était trompeur : le tabac est toujours une saloperie mais seul le professeur Molimard est capable de faire s'arrêter les patients sans les rendre coupables (sinon d'être déprimés).

jeudi 2 octobre 2008

DEPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LES INFORMATIONS GRAND PUBLIC

Le deux octobre 2008, lors de l'émission Télé Matin, une journaliste (?), Brigitte Fanny Cohen, a fait la promotion du dépistage du cancer du sein.

On sait que le dépistage généralisé du cancer du sein par mammographie ne diminue pas la mortalité globale. Enfin, on sait : certaines personnes savent et la majorité des professionnels de santé le cachent ou se le cachent (on pourra discuter longuement du fait qu'il s'agit de mauvaise foi, d'intérêts financiers ou académiques, mais nous parierons sur une autre donnée : l'INCOMPETENCE).

Mais, comme l'a écrit La Revue Prescrire : si on devait aujourd'hui mettre en place un tel système de dépistage en France, on conseillerait de ne pas le faire. Mais, en l'état actuel des choses, ce serait non adéquat d'arrêter (pour des raisons psychologiques).
La Revue Prescrire (2007;288[octobre 2007]: 758-62) Dans la population générale sans risque particulier, avant l'âge de 50 ans, le dépistage du cancer du sein par mammographies n'apporte aucun bénéfice démontré. Entre 50 ans et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est de faible ampleur. Au-delà de l'âge de 70 ans, on ne dispose pas de données d'évaluation suffisantes pour proposer ce dépistage.

Quoi qu'il en soit, qui a-t-on décidé d'interroger ? L'inénarrable professeur David Khayat, celui qui a été viré de l'INCA (Institut national du Cancer) pour des raisons essentiellement de népotisme... Pour le remettre en selle ? Pour que sa consultation se repeuple ?

Il a pontifié sur le dépistage... On ne pouvait s'attendre ni à mieux ni à pire.

Monsieur le professeur a-t-il dit que la principale cause de diminution du nombre de diagnostics de cancers du sein a été l'arrêt (aux Etats-Unis où des données statistiques existent, car, en France les épidémiologistes en sont encore à utiliser un crayon et une gomme) probable des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause depuis plusieurs années. Moins 12 % pour les cancers du sein hormonaux dépendants. Une paille.

Quant à notre ami Didier Houssain, on attend encore un commentaire...

La journaliste (?) de Télé Matin fait le travail qu'on lui demande : croire les experts qui se prétendent indépendants et qui auto affichent leur compétence.

SECRET MEDICAL EN DANGER DANS LES STRUCTURES PUBLIQUES

SECRET MEDICAL : UNE CHIMERE

Alors que la majorité des auteurs tente d'alerter sur le problème du secret médical vis à vis des assurances privées, il est moins commun d'entendre parler des structures publiques et semi publiques.
Deux exemples (les noms et les maladies ont été changés tout comme les circonstances exactes car ce blog est public) :
Mairies : Il suffit qu'une assistante maternelle soit porteuse d'une hépatite B chronique pour que tout le personnel, les parents, les politiques, soient au courant. Une secrétaire administrative de la mairie de mon lieu d'exercice m'appelle pour me dire qu'il est "scandaleux" que l'on ne retire pas son agrément à Madame H (dont je suis le médecin traitant) sous prétexte qu'elle est peut être contagieuse.
MOI : Comment savez-vous cela ?
ELLE : Je le sais.
MOI : Vous avez des preuves ?
ELLE : Non, mais...
MOI : Premièrement, ce n'est pas à vous de vous occuper de cela, c'est au médecin du travail ; deuxièmement : je vous interdis d'en dire un seul mot, d'autant plus que ce n'est pas forcément vrai, vous m'entendez, un seul mot, à un collègue de bureau, à votre supérieur hiérarchique, à votre mari, à votre voisine, sinon vous seriez sous le coup d'une violation du secret médical.
Commentaires : L'hépatite B chronique n'est pas une maladie à déclaration obligatoire. Une secrétaire administrative ne doit pas être au courant de ce genre de choses et encore moins d'en faire état.
Education Nationale : Le CPE d'un lycée de ma ville m'appelle , en tant que médecin traitant, j'imagine, pour me demander si la maladie de Monsieur M, professeur d'anglais, est grave et si cela présente un danger pour le personnel et pour les élèves.
MOI : Comment avez-vous le culot de me poser une question pareille ?
LUI : Pour la sécurité des usagers du lycée.
MOI : Vous n'êtes pas en charge de cela. C'est le médecin scolaire ou le médecin du travail qui doit prendre des décisions. J'espère que vous n'avez pas diffusé le fait que Monsieur M est malade car vous seriez sous le coup d'une violation du secret médical. Comment l'avez-vous appris ?
Silence au bout de la ligne.
MOI : Cela m'étonnerait que ce soit Monsieur M qui vous en ait parlé.
LUI : Non, ce n'est pas lui.
MOI : J'espère que ce n'est pas en lisant le motif sur l'arrêt de travail.
Silence.
MOI : Je vous interdis d'en dire un quelconque mot autour de vous ou sinon je demanderais à l'enseignant que je vais appeler aussitôt de demander à un avocat de vous assigner en justice.
LUI : Mais...
MOI : J'espère que vous avez bien compris...
Commentaires : L'Education Nationale exige que le motif de l'arrêt soit mentionné et les enseignants donnent toutes les feuilles à l'administration. C'est ainsi que tout le lycée a appris que Monsieur M avait une maladie de Hodgkin.

jeudi 25 septembre 2008

EBM : LES INCERTITUDES, LES CRITIQUES ET LES RETICENCES

L’Evidence Based Medicine (EBM) : une idéologie ou une méthode ?


2) Les incertitudes, les critiques et les réticences
L’EBM, on l’a vu, c’est tenter de relever les défis de la formation continue, de l’intégration méthodique du nombre croissant des publications médicales, de l’évaluation des pratiques et de la communication avec le patient / malade.

L'EBM, c’est l’intégration à l’expertise clinique et aux valeurs du patient des meilleurs faits (ou preuves) issus de la recherche

C’est une aide à la compréhension, au diagnostic et à la décision.

C’est pourquoi s’opposer à l’EBM paraît curieux.
L' EBM, avec ses trois piliers (expertise interne, expertise externe et patient) requiert de la part du clinicien une grande exigence ce qui peut entraîner des inquiétudes chez ses tenants convaincus (pourrais-je jamais être au niveau de ces impératifs inatteignables ?) comme chez ses tenants de circonstance (comment me faire passer pour un bon ebéèmien ?) mais devrait encourager ses adversaires qui peuvent crier en montant sur la table « Vive l’EBM ! » et faire ce qu’ils veulent.
On comprend alors les inquiétudes des tenants de l’EBM mais moins de ses adversaires qui pourraient y voir une porte ouverte sur le "On fait comme d'habitude".
Tout médecin, confronté à une situation clinique et à un patient unique, devrait faire de l’EBM sans le savoir, voilà une phrase que les partisans de l’EBM n’aiment pas (car elle supprime l’exigence) et que ses détracteurs apprécient (parce qu’elle simplifie la tache).
Parce que la méthode EBM implique des contraintes. Les « scientifiques » se voient accuser de privilégier l’expertise externe (et surtout les essais contrôlés) et les artistes de privilégier l’expertise interne (l’intuition libre).

La difficulté fondamentale de l’EBM vient de ce qu’il existe une double relation asymétrique :

- entre l’expertise interne et l’expertise externe d’une part (il est toujours possible de soupçonner l’expertise externe « objective » de dominer a priori l’expertise interne « subjective » et surtout d’induire qu’il existe toujours des « preuves » applicables méconnues susceptibles d’infirmer l’expérience du praticien)

- et entre l’expert praticien et le patient / malade soigné potentiel (dont la seule expertise est sa demande, la façon dont il la vit et le contexte de ses valeurs et de ses préférences – sans compter ses agissements).

Mais le principal problème est : le médecin praticien doit arbitrer entre ces trois angles de vue afin de prendre une décision qui soit le plus en accord avec l’Etat de l’Art et celui de la société dans laquelle vit, pense et agit son patient. On le voit, la véritable asymétrie vient de ce que le praticien est juge et partie et peut se croire le maître du monde en se servant consciemment ou inconsciemment de la méthode EBM).
Dernier problème (et non des moindres) : s'il existe un consensus sur les deux premiers piliers, la partie patient / malade est extrêmement négligée par la littérature. Nous y reviendrons.
EN CONCLUSION : L'EBM définit un cadre théorique dans lequel le praticien se doit de s'intégrer pour pratiquer une médecine "moderne", c'est à dire informée et pratique. En quoi cela pourrait-il être gênant ou contraignant ? Chacun peut y voir une incitation à "mieux" diagnostiquer, prescrire, améliorer le contact avec ses malades.


HEPATITE B ET SEP : LE VACCIN ENFIN EN CAUSE ?

ALERTE !


Nous y reviendrons quand nous aurons lu l'article princeps : dans Le Monde de ce jour (vendredi 26 septembre 2008) Paul Benkimoun signale qu'une étude française, probablement cas témoin, sur le point d'être publiée montrerait un lien entre la vaccination par le vaccin Engerix B et la survenue de sclérose en plaque (SEP) chez l'enfant.


Les lecteurs de ce blog savent combien nous émettons des doutes sur la validité de la préconisation de la vaccination universelle contre l'hépatite B (non recommandée en France malgré les efforts de l'industrie pharmaceutique et de ses agents) en raison des risques de survenue de SEP.

que la seule étude non sponsorisée par l'industrie pharmaceutique (Hernan) montrait un lien entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une SEP dans une population de professionnels de santé.
Il semble que la DGS délibère actuellement et hésite en commençant par publier un communiqué rassurant "Nous allons mesurer la portée de cette étude. Cependant, son analyse préliminaire ne remet pas en question les recommandations de vaccination. En l'état actuel, le ministère de la santé maintient donc les recommandations vaccinales". Le docteur Houssain hésite (vous pouvez faire votre choix) :
a) par ignorance
b) par intérêt académique
c) par intérêt extra académique
d) pour ne pas désespérer Billancourt
e) pour ne pas perdre la face
f) pour aucune raison.
A SUIVRE

jeudi 4 septembre 2008

MEDICALISATION DE L'INFERTILITE

Une étude décoiffante.

Des auteurs écossais ont comparé trois techniques pour obtenir des bébés chez des femmes dont le mécanisme d’infertilité était inconnu.


Critères d’inclusion : Au moins deux ans d’infertilité, perméabilité tubaire avérée, ovulation détectée, et sperme “normal”.

Méthodes : Cette étude a été menée sur trois bras parallèles avec randomisation pragmatique pendant six mois


- groupe témoin : conseils sur la nécessité d’avoir des rapports sexuels, pas de courbe de température, pas de médicaments, pas de kits pour doser la progestérone, pas de visites ou d’examens programmés


- groupe clominofène : les femmes recevaient 50 mg de clominofène entre J2 et J6 de leur cycle. Durant le premier cycle elles subissaient un scanner transvaginal et un contrôle de la progestérone. Les cycles suivants étaient suivis par un contrôle de la progestérone. On demandait aux couples d’avoir des rapports sexuels entre D12 et D18 du cycle. Si au moins trois follicules ovariens étaient détectés dans le premier cycle, le cycle était interrompu et le couple était avisé de ne plus avoir de rapports. Le cycle suivant, les femmes qui avaient été trop stimulés recevaient 25 mg de clominofène et les mêmes mesures que lors du premier cycle étaient effectuées….


- insémination intra-utérine non stimulée : on demandait aux femmes de monitorer les concentrations matinales de LH à partir du douzième jour du cycle et l’insémination était effectuée….

Résultats : 580 femmes ont été randomisés dans les trois groupes témoin (193), clominofène oral (194) ou insémination intrautérine non stimulée (193).

Les trois groupes étaient comparables.

Le nombre de naissances a été respectivement de 17 %, 14 % et 23 % (NS). Significativement plus de femmes randomisées dans les groupes 2 et 3 (repectivement 94 et 96 %) ont trouvé l’étude acceptable que celles du groupe témoin (80 %).

Conclusion : Pour les couples présentant une infertilité non expliquée, les traitements comme l’usage empirique du clominofene et l’insémination intrautérine non stimulée n’apportent pas un taux de naissances supérieur à la méthode non médicalisée.


Johnstone, S Kini, A Raja and A Templeton
McQueen, H Lyall, L Johnston, J Burrage, S Grossett, H Walton, J Lynch, A
S Bhattacharya, K Harrild, J Mollison, S Wordsworth, C Tay, A Harrold, D

Pragmatic randomised controlled trial
management for unexplained infertility:
insemination compared with expectant
Clomifene citrate or unstimulated intrauterine
BMJ 2008;337;a716

http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/aug07_2/a716

jeudi 28 août 2008

EVIDENCE BASED MEDICINE : DEFINITIONS

L’Evidence Based Medicine (EBM) : une idéologie ou une méthode ?
1) Aujourd'hui nous allons aborder les modalités théoriques de l'EBM
2) La prochaine fois : les incertitudes, les critiques et les réticences
3) Enfin : EBM et médecine générale : ICI.


1) Les modalités théoriques



Comment traduire EBM en français : médecine par les preuves, médecine fondée sur la preuve, médecine basée sur des faits prouvés, médecine des preuves, médecine factuelle, et cetera. J’ai commencé à utiliser le terme Médecine par les Preuves mais cela me semble réducteur. Nous y reviendrons.


Comment la définir. Il existe bien entendu plusieurs définitions.

Il en est une que j’aime bien (et que j’ai adaptée) :
Intégrer l’expertise interne (l’expérience clinique du praticien) à l’expertise externe (les meilleures preuves disponibles et applicables issues de la recherche) pour mieux prendre soin d’un patient / malade qui a ses propres valeurs et préférences.
Il est possible, à ce moment, de dire qu'il s'agit plus d'une méthode que d'une idéologie.

Elle est aussi un apprentissage : Pratiquer l'EBM, selon ses promoteurs, c'est s'investir dans un processus d'apprentissage permanent centré sur la résolution de problèmes rencontrés dans notre activité clinique qui crée un besoin de repères fiables en matière de diagnostic, de pronostic, de traitement, ou d'autres domaines touchant à la santé des patients.
Ici on entre dans le plus discutable, le plus interprétable.
Elle peut devenir une idéologie si l'on considère que l'EBM se propose :

1) de transformer ces besoins d'information en questions claires auxquelles il est possible d'apporter une réponse ;
2) de rechercher, aussi efficacement que possible, les meilleurs arguments pour y répondre (qu'ils soient fournis par l'examen clinique, le diagnostic biologique, les données de la littérature ou par d'autres moyens) ;
3) d'évaluer ces arguments de manière critique aux plans de leur validité (degré de fiabilité) et de leur utilité (faisabilité pratique) ;
4) d'appliquer effectivement les conclusions dansnotre pratique ;
5) d'évaluer nos résultats ultérieurs.


Il s’agirait alors, pour l'EBM, de répondre aux défis de la formation continue, de
l’intégration méthodique du nombre croissant des publications médicales et de l’évaluation
des pratiques.
L'EBM ne serait-elle pas, alors, une nouvelle façon d'être la médecine ?

Je me suis inspiré, outre des articles de la littérature, d'une thèse de médecine de Savardhttp://www.techniques-psychotherapiques.org/documentation/ArticlesAccesLibre/DEASavard.pdf qui est consultable en ligne.

vendredi 8 août 2008

EVIDENCE BASED MEDICINE : LES FONDAMENTAUX

Chers amis,

Je vous propose la traduction d'un article "fondateur" de Sackett concernant l'EBM qui est certes une auberge espagnole mais dont il faut connaître les tenants et les aboutissants.
Certains passages peuvent paraître datés mais c'est parce que la référence est déjà ancienne (1996). Vous pouvez consulter l'original ICI.
Après avoir relu cela il est possible de parler d'EBM... Ce que nous ferons sur le plan théorique dans d'autres articles.

Docteurdu16


Editorial
Médecine par les preuves: ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas : Il s’agit d’intégrer l’expertise clinique individuelle aux meilleures preuves externes.

La médecine par les preuves, dont les origines philosophiques remontent au milieu du dix-neuvième siècle à Paris et encore plus tôt, reste un sujet chaud pour les cliniciens, les professionnels de la santé publique, les payeurs, les planificateurs et le public. Il existe actuellement de nombreuses séances de travail consacrées à sa pratique et à son enseignement ; des programmes d’entraînement pour étudiants (1) et non diplômés (2) l’intègrent (3) (ou pondèrent la façon de l’utiliser) ; des centres britanniques de médecine par les preuves ont été fondés ou plannifiés en médecine d’adulte, pédiatrie, chirurgie, pathologie, pharmacologie clinique, soins infirmiers, médecine générale et chirurgie dentaire ; la Collaboration Cochrane et le Centre britannique de York pour le recensement et la diffusion [ndt : NHS Centre for Reviews and Dissemination de l'Université d'York (Angleterre). Cette institution rassemble, évalue et diffuse en permanence des travaux scientifiques sur les mesures technologiques et organisationnelles du système de santé. Site : http://www.york.ac.uk/inst/crd/] fournissent des revues systématiques des effets des soins de santé ; de nouveaux journaux de médecine par les preuves vont être lancés ; et c’est devenu un sujet commun dans les media grands publics. Mais l’enthousiasme a été contrebalancé par des réactions négatives (4, 5, 6). La critique a tout dit : la médecine par les preuves pouvait être d’un côté une vieille barbe et à l’extrême une dangereuse innovation perpétrée par des arrogants pour aider les coupeurs de crédits et pour supprimer la liberté des cliniciens. Comme l’EBM continue d’évoluer et de s’adapter, il est maintenant utile de reconsidérer la discussion sur ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
La médecine par les preuves est l’usage consciencieux, explicite et judicieux des meilleures preuves existantes pour prendre des décisions concernant la prise en charge d’un patient. La pratique de la médecine par les preuves signifie intégrer l’expertise clinique personnelle aux meilleures preuves cliniques externes obtenues par recherche systématique. Par expertise clinique personnelle nous entendons la compétence et le jugement que chaque clinicien acquiert à travers son expérience et sa pratique clinique. Une amélioration de l’expertise se mesure de différentes manières mais essentiellement par plus de diagnostics effectifs et efficients et dans un meilleur usage raisonné et compassionnel des situations difficiles, des droits et des préférences des patients dans le choix clinique décisionnel les concernant. Par meilleures preuves cliniques externes disponibles nous entendons des recherches cliniques pertinentes, souvent issues des sciences médicales fondamentales, mais essentiellement à partir de recherches cliniques centrées sur le patient comme la pertinence et la précision de tests diagnostiques (incluant l’examen clinique), la puissance de marqueurs pronostiques et l’efficacité et la sécurité des thérapeutiques et des procédures de réhabilitation et de prévention. Les preuves cliniques externes invalident à la fois les tests diagnostiques et les traitements précédemment acceptés et les remplacent par de nouveaux qui sont plus robustes, plus appropriés, plus efficaces et sûrs.
Les bons médecins utilisent à la fois l’expertise clinique personnelle et les meilleures preuves externes disponibles et l’un sans l’autre est insuffisant. Sans expertise clinique la pratique risque d’être tyrannisée par la preuve, car même une preuve externe excellente peut être inapplicable ou inappropriée pour un patient donné. Sans les meilleures preuves existantes la pratique risque de devenir dépassée au détriment des patients.
La description de ce qu’est la médecine par les preuves aide à clarifier ce qu’elle n’est pas. La médecine par les preuves n’est ni vieille ni impossible à exercer. L’argument selon lequel « chacun l’exerce déjà » tombe derrière la réalité des variations importantes existant à la fois dans l’intégration des valeurs du patient dans notre conduite clinique (7) et dans les taux d’intervention des cliniciens à l’égard de leurs patients (8). Les difficultés que rencontrent les cliniciens à se tenir au courant des avancées médicales rapportées par les journaux de soins primaires sont évidentes quand on compare le temps requis pour lire (pour la médecine générale : 19 articles par jour, 365 jours par an (9)) avec le temps disponible (moins d’une heure par semaine pour les consultants britanniques, même dans un questionnaire déclaratif (10)).
L’argument selon lequel la médecine par les preuves peut seulement être conçue depuis des tours d’ivoire et des fauteuils est contredit par des expériences de soin clinique où déjà des équipes cliniques hospitalières en médecine générale (11), psychiatrie et chirurgie assurent des soins issus de la médecine par les preuves à une majorité de leurs patients. Ces études montrent que des cliniciens occupés qui consacrent leur rare temps de lecture à des recherches sélectives, efficaces, conduites par le patient, à l’évaluation et l’incorporation des meilleures preuves disponibles peuvent pratiquer la médecine par les preuves.
La médecine par les preuves n’est pas un livre de recettes médicales. Parce qu’elle nécessite une approche par le haut qui intègre les meilleures preuves cliniques externes avec l’expertise clinique individuelle et le choix des patients, elle ne peut conduire à une approche servile et automatique des soins de chaque patient. Les preuves cliniques externes peuvent informer mais ne jamais remplacer l’expertise clinique individuelle et c’est cette expertise qui décide si les preuves cliniques externes sont applicables à un patient particulier et, si c’est le cas, comment elles doivent être intégrées dans la décision clinique. De la même façon, toute recommandation externe doit être intégrée à l’expertise clinique individuelle pour décider si elle correspond à l’état clinique du patient, sa situation et ses préférences et, ainsi, si elle doit être appliquée. Les cliniciens qui craignent les recettes tombant d’en haut devraient retrouver les avocats de la médecine par les preuves en les accompagnant sur les barricades.
Certains craignent que la médecine par les preuves soit détournée par les payeurs et les décideurs pour couper les crédits de la santé. Cela ne serait pas seulement un mauvais usage de la médecine par les preuves mais suggérerait une méconnaissance fondamentale de ses conséquences financières. Les médecins pratiquant la médecine par les preuves identifieront et appliqueront les interventions les plus efficaces pour optimiser la qualité et la quantité de vie de chacun de leurs patients ; cela pourrait élever plus que diminuer le coût des soins.

La médecine par les preuves, ce n’est pas seulement les essais randomisés et les méta-analyses. Elle inclut la recherche des meilleures preuves externes avec lesquelles on peut répondre à nos interrogations cliniques. Pour déterminer la pertinence d’un test diagnostique nous devons trouver les études transversales appropriées incluant des patients suspects cliniquement de correspondre au problème recherché, pas un essai randomisé. Pour une question pronostique, nous avons besoin d’études appropriées de suivi de patients analysés à un moment commun et précoce de leur maladie. Et parfois les preuves dont nous avons besoin viendront des sciences fondamentales comme la génétique ou l’immunologie. C’est lorsque nous nous posons des questions sur les traitements que nous essaierons d’éviter les approches non expérimentales puisqu’elles conduisent fréquemment à de fausses conclusions concernant l’efficacité. Parce que les essais randomisés et principalement les revues systématiques de nombreux essais randomisés sont probablement plus informatifs et moins susceptibles de nous induire en erreur, ils sont devenus le « «gold standard » pour juger si un traitement fait plus de bien que de mal. Cependant, certaines questions relatives au traitement ne requièrent pas d’essais randomisés (succès pour différentes situations fatales) ou ne peuvent attendre que les essais soient conduits. Et si aucun essai randomisé n’a été mis en œuvre pour la situation de notre patient nous devons suivre la piste de la prochaine meilleure preuve externe et travailler pour elle.
En dépit de ses origines anciennes la médecine par les preuves est une discipline relativement jeune dont les impacts positifs commencent seulement à être validés (12, 13) et qui continuera à évoluer. Cette évolution sera améliorée car de nombreuses formations pour étudiants et médecins, et dans le cadre de la formation médicale continue, l’adoptent et l’adaptent pour les besoins de chacun. Ces programmes et leur évaluation fourniront de plus amples informations et une meilleure compréhension de ce que la médecine par les preuves est et n’est pas.

David L Sackett, William M C Rosenberg, J A Muir Gray, R Brian Haynes, W Scott Richardson
Professor NHS Research and Development Centre for Evidence Based Medicine, Oxford Radcliffe NHS Trust, Oxford OX3 9DU
Clinical tutor in medicine Nuffield Department of Clinical Medicine, University of Oxford, Oxford
Director of research and development Anglia and Oxford Regional Health Authority, Milton Keynes
Professor of medicine and clinical epidemiology McMaster University, Hamilton, Ontario Canada Clinical associate professor of medicine University of Rochester School of Medicine and Dentistry, Rochester, New York, USA
Références :
8)
House of Commons Health Committee. Priority setting in the NHS: purchasing. First report sessions 1994-95. London: HMSO, 1995. (HC 134-1.)
10)
Sackett DL. Surveys of self-reported reading times of consultants in Oxford, Birmingham, Milton-Keynes, Bristol, Leicester, and Glasgow. In: Rosenberg WMC, Richardson WS, Haynes RB, Sackett DL. Evidence-based medicine. London: Churchill Livingstone (in press).
12)
Bennett RJ, Sackett DL, Haynes RB, Neufeld VR. A controlled trial of teaching critical appraisal of the clinical literature to medical students. JAMA 1987;257:2451-4. [Abstract]
13)
Shin JH, Flaynes RB, Johnston ME. Effect of problem-based, self-directed undergraduate education on life-long learning. Can Med Assoc J 1993;148:969-76. [Abstract]

dimanche 20 juillet 2008

Histoires de consultations : troisième épisode

Le rôle social du MG !

Slimane, vingt-sept ans ans, est installé en face de moi, le visage défait.
Je le connais depuis vingt-sept ans.
Pour une raison que nous ignorons tous les deux, surtout moi, je n’ai jamais sympathisé avec lui. Ni même empathisé. Mais nous nous voyons avec plaisir, semble-t-il. Je lui parle de sa famille et il me répond en confiance.
Il me dit qu’il est exténué : par son travail (il est chauffeur de car de tourisme), par son divorce (il le considère comme un échec personnel), par sa séparation d’avec son petit garçon de quatre ans (qu’il ne voit pas beaucoup en raison du déménagement de son ex femme), par la pension alimentaire qu’il doit payer (qu’il considère trop élevée), par le fait qu’il a dû retourner vivre chez ses parents (encore un échec et une renonciation).
Médicalement parlant, il n’y a pas grand-chose à dire : il souffre d’asthénie physique et mentale. Il lui faut du repos, donc un arrêt, éventuellement un inducteur du sommeil pendant qu’il ne travaille pas et surtout pas le début d’entretien psychothérapique : il ne le supporterait pas.
Donc : arrêt de travail.
Il me pose la question suivante : ne faut-il pas que vous me prescriviez des médicaments en cas de contrôle de la sécurité sociale ? Il n’a pas tout à fait tort : si la sécurité sociale fait un contrôle à domicile, voire s’il s’agit de son employeur, le fait de ne pas avoir à ingurgiter des benzodiazépines peut paraître suspect du fait qu’il ne serait pas malade.
Voici cependant ce qu’il me raconte (on vient d’apprendre le matin même que l’instituteur qui avait organisé une sortie en car pour ses élèves et dont un certain nombre, sept, était mort sur un passage à niveau, venait de se suicider, selon la presse, rongé par les remords) : je travaille quinze à seize heures par jour, je travaille avec deux disques… Je déconseille à tout le monde de prendre le car en ce moment : la profession est aussi crevée que moi.
Je lui suggère tout ce qu’on peut suggérer dans ces cas-là, parler avec son patron, aller à l’inspection du travail, à la gendarmerie… Il me dit qu’il a besoin de son travail pour payer la pension alimentaire et que, surtout, sa femme cesse de dire à son fils qu’il est un fainéant.
Que doit faire le docteurdu16 ? Téléphoner à la police ?

jeudi 10 juillet 2008

Histoires de consultations : deuxième épisode.

Le Gardasil sur le comptoir.


Marie-Pierre, dans sa vingt-et-unième année flamboyante, dont j’apprendrai plus tard qu’elle est élève infirmière de deuxième année, s’installe en face de moi avec résolution et pose sur mon bureau une boîte de Gardasil. Je ne la connais ni des lèvres ni des dents.

- Bonjour.
- Bonjour, je viens pour que vous me fassiez le vaccin.

Ma surprise est totale et, bien malgré moi, elle s’exprime sur mon visage.

- Qui vous l’a prescrit ?
- Un médecin à l’école. Il nous a dit qu’il fallait le faire.

Je la regarde avec un air amusé et dubitatif.
- Et qu’est-ce qu’il vous dit ?
- Ben, il a dit que c’était pour empêcher le cancer du col de l’utérus. Que c’était important de le faire.
- Et quoi d’autre ?
- Ben, rien… On a eu un cours.
- Et c’est tout ce que vous avez retenu ?

Elle commence à s’impatienter. J’imagine qu’elle est venue chez le médecin pour être vaccinée, pas pour qu’on lui parle du pourquoi et du comment, ni pour subir une interrogation orale surprise. Elle a croisé ses jambes, signe qu’elle est sur le point de partir pour trouver un médecin un peu plus « moderne ».
- Vous êtes contre ? demande-t-elle, soudain agressive.
Je souris.
- Non, non. Disons que je ne suis pas totalement pour. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Je commence par imprimer le petit mémo que j’ai écrit sur le Gardasil et je le lui tends.
« Prenez d’abord cela. C’est ce que je donne à toutes les jeunes femmes avec lesquelles je parle du Gardasil.
Elle prend la feuille du bout des doigts. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est une sacrée belle fille. Ce qui me donne instantanément une idée.
« Vous savez, le vaccin contre le papillomavirus ne prévient pas tous les cancers du col… Vous a-t-on parlé de la nécessité de continuer à faire des frottis tous les deux ans à partir de 25 ans, disons ?... (a priori non)…

Je continue mon argumentaire et, m’arrêtant brusquement, je lui demande brutalement : « Ca fait combien de temps que vous avez des rapports ? »

Elle n’a pas l’air surprise de la question.
- Chais pas, trois ans, peut-être…

Je n’ai pas vacciné la future infirmière.

A partir de là, comme dirait Didier Deschamps, je vous laisse, cher lecteur, vaticiner sur les conséquences de la publicité pharmaceutique grand public approuvée par les Pouvoirs Publics.

A vos croyances !

mardi 8 juillet 2008

Le docteur House et le médecin généraliste



DOCTEUR GREGORY HOUSE

Le fameux docteur Gregory House est probablement le prototype de l'anti médecin généraliste ou, pour faire moderne, le contre-héros du spécialiste en médecine générale.

Il exerce en institution (Princeton).

Il est chef de service d'une unité de diagnostic (Department of Diagnostic Medicine).

Il est le supérieur hiérarchique de trois assistants avec lesquels il pratique à propos de chaque malade brain storming, maïeutique et perversité.

Il combat la notion d'empathie avec les malades (au point de ne les voir ou, pire, de ne les examiner, qu'à regret et quand il ne peut pas faire autrement) et la dénonce même comme un danger permanent à l'exercice de la médecine.

Il a lu toute la littérature mondiale fût-ce en hindi ou en portugais.

Il ne fait confiance à personne et veut faire tout lui-même ou en ne déléguant à ses assistants que lorsqu'il est frappé de fainéantise ou qu'il veut les ennuyer : du séquençage de l'ADN aux visites à domicile quand les malades sont absents et, au besoin, en crochetant les serrures, et en passant par les ponctions intracraniennes...

Il contrôle les prescriptions de a jusqu'à z, allant même s'assurer de la couleur des comprimés à la pharmacie de l'hôpital, voire dans une pharmacie de ville, ou vérifier les dates de péremption ainsi que vérifier les affaires personnelles des patients.

Il pense que tout le monde ment, à commencer par les patients, et il n'hésite donc ni à mentir, ni à tromper, ni à exercer un chantage à l'égard des malades comme de ses collègues s'il s'agit de trouver un diagnostic ou de faire prendre un traitement (qui est parfois un placebo).

Il croit de façon pure et dure à la sémiologie clinique et radiologique au point de prescrire des examens complémentaires à tour de bras, fussent-ils dangereux voire potentiellement mortels ou seulement justifiés par l'établissement d'une preuve a contrario.

Il se fout du service juridique de l'hôpital même quand l'avocat est son ex femme ou quand un de ses collègues est obligé de se parjurer pour lui éviter des poursuites.

Il se moque des médecins qui considèrent que le thérapeute est le meilleur médicament mais il se sert de ce procédé pour arriver à ses fins.

Il méprise la bobologie au point de refuser les consultations de porte et de répéter partout "Moi, je sauve des malades...", il réfute la fonction sociale de la médecine et des médecins et, selon son ami Wilson, dit qu' "il n'est pas là pour sauver le monde mais pour résoudre le puzzle diagnostique."

Enfin, il déteste les spécialistes. Serait-ce le seul point commun avec le médecin généraliste ? Qui, on le sait, n'éprouve désormais qu'une seule ambition : être reconnu comme spécialiste.

Finalement Gregory House ne peut être un modèle pour nous qui exerçons la médecine de premier recours, la médecine de la famille, la famille de l'individu (non, je ne plaisante pas) mais il peut aussi nous faire entendre que la médecine, c'est aussi une science dure qui ne supporte pas l'à-peu-près et qui exige des connaissances et pas seulement psychologiques de l'approche des patients.
Une de mes malades, africaine, à qui je refusais de prescrire des antibiotiques pour, selon moi, de bonnes raisons, m'a apostrophé ainsi : "Vous n'allez pas devenir docteur House !"