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vendredi 25 mars 2011

DIABETE : LES MYTHES SPECIALISES. HISTOIRE DE CONSULTATION 75

Kees Van Dongen - La femme lippue (1909)

Madame A, 84 ans, je ne la vois qu'à domicile, en visite. Je ne pense pas qu'elle soit venue une seule fois au cabinet. Je la connais depuis tente-deux ans, depuis l'époque où je m'occupais de sa mère, une vieille dame qui avait, à l'époque, 78 ans, et qui vivait avec sa fille dans la grande maison où je me rends aujourd'hui. J'ai donc suivi la mère qui était hypertendue et qui est morte, âgée, d'une insuffisance cardiaque aiguë, dans une clinique de notre ville, une clinique qui n'existe plus. Désormais je suis le médecin traitant de la fille qui est aussi devenue une vieille dame.
Je suis installé en zone sensible et ces deux femmes n'ont jamais voulu venir dans mon quartier et je n'ai pas insisté : trop dangereux, disaient-elles.
Pourquoi je vous dis cela ?
Parce que je fais des visites, de moins en moins de visites, presque dix fois moins que dans les années quatre-vingt, et que, pourtant, je fais encore des visites compassionnelles chez les personnes âgées. Compassionnelles, car certaines de ces patientes pourraient se déplacer, elles se déplacent bien chez le cardiologue ou... l'ophtalmologue. Mais quelques personnes âgées se déplacent aussi en consultation bien qu'elles soient vraiment très âgées : une question d'habitude.
Mais Madame A ne conduit pas. Le domicile de Madame A n'est pas proche d'une ligne d'autobus qui passe près de son domicile et de mon cabinet. Je vais donc la voir chez elle, quatre fois par an. Parfois une fois de plus quand Madame A a de la fièvre ou autre chose qui cloche.
Madame A prend trois médicaments : metformine, captopril et pravastatine. Son HbA1C, le critère principal de suivi d'un patient diabétique, est à 7,2 %, ce qui est correct selon le consensus actuel, la pression artérielle est bonne (130/80) et le mauvais cholestérol est dosé à 1,04. Elle présente pourtant des lésions rétiniennes qui l'ont conduite à subir (ou à bénéficier) de (s) séances de laser.
Chez Madame A je m'asseois, toujours sur la même chaise, j'ai ma chaise, et, chez d'autres patients, j'ai mon fauteuil, et elle me montre un courrier qu'elle a reçu de la sécurité sociale. "Qu'est-ce que je dois faire de cela ?" Elle n'est pas inquiète mais préoccupée. Je prends la grande enveloppe, l'ouvre et je comprends : il s'agit des documents que l'Assurance Maladie adresse à certains patients, dont des diabétiques, en leur faisant des recommandations et en leur donnant un tableau cartonné, haut en couleur, on dirait un prospectus pour un médicament, où tout ce que l'HAS a dit qu'il fallait faire en cette occasion est signalé et les performances du médecin sont indiquées : nombre de dosages de l'HbA1C, de la micro albuminurie, nombre de visites chez l'ophtalmologue, et cetera.
Je rassure la patiente qui pensait qu'elle devait répondre à cette injonction et regarde le carton coloré d'un regard distrait. Deux choses me frappent : il est indiqué qu'elle n'a pas vu d'ophtalmologiste depuis un an (c'est une "recommandation" de l'HAS), que l'HbA1C a été dosée deux fois (l'HAS et le CAPI conseillent trois à quatre fois par an) et qu'elle n'a pas vu de pédicure podologue.

Voici quelques commentaires sur le parcours de soins non respecté par les spécialistes hospitaliers, sur l'Assurance Maladie qui fait le forcing sur le diabète et sur d'autres pathologies auprès des patients (à l'instar du programme SOPHIA) et auprès des médecins (le programme CAPI).
  1. Madame A est suivie par un ophtalmologiste de l'hôpital qui a entrepris des séances de laser pour des lésions rétiniennes, il y a eu (j'ai vérifié) au moins deux séances cette année et à moins que le laser soit effectué par un cardiologue ou par un brancardier... L'Assurance Maladie n'a donc pas pris en compte ces séances de laser (la cotation doit être telle qu'elle n'a pas été "rapprochée" du chapitre Consultation en ophtalmologie, ce qui montre, vous pouvez choisir : a) les problèmes de saisie dans la base de l'Assurance Maladie ; b) les problèmes de cotation de la dite base). Je me souviens d'autant plus de cela que j'ai eu un "léger" accrochage avec l'ophtalmologiste en question. Les faits : il y a deux ans Madame A est allée, avec sa nièce, chez le spécialiste des yeux qui a trouvé des lésions au fond d'oeil, qui a programmé une angiographie rétinienne qui montrera ultérieurement des lésions lasérisables, selon lui, qui a dit que son diabète n'était pas bien équilibré et qui a conseillé fortement à la patiente de consulter un diabétologue... Donc, la nièce en question m'a engueulé par sa tante interposée, je n'avais pas fait mon travail, le diabète n'était pas bien équilibré et patati et patata. Je n'étais pas content. J'ai mis un certain temps à appeler le spécialiste des yeux car l'expérience m'a indiqué que ce genre d'appel ne servait généralement à rien : chacun restait sur ses positions. Voici, en substance ce que nous nous sommes dit. Moi : Je suis le médecin traitant de Madame A, il m'a été dit que vous aviez dit à la patiente et à sa nièce que son diabète était mal équilibré, ce qui, pour une personne de 84 ans avec une HbA1C à 7, me paraît bien difficile à soutenir. Lui : Elle a des lésions rétiniennes qui montrent que son diabète est mal équilibré. Moi : Certes, mais des études indiquent que faire baisser l'HbA1C en dessous de 7 entraîne une sur mortalité. Lui : Vous pensez vraiment que l'équilibre glycémique n'a aucun rapport avec l'état de la rétine ? Moi (énervé) : Non, mais je pense aussi que chez une femme de 84 ans il paraît illusoire, voire dangereux de faire baisser encore plus l'HbA1C, comme le montre l'étude ACCOR... Lui : Je ne connais pas cette étude. Moi : Dernier point : au lieu de demander à la patiente de consulter un diabétologue, vous feriez mieux de prévenir d'abord le médecin traitant, moi-même en l'occurrence. Lui : J'ai fait comme nous avons l'habitude de faire dans le service. Moi : C'est nul. Au revoir.
  2. Les statistiques de l'Assurance Maladie concernant cette patiente sont fausses. C'est peut-être une erreur isolée. Mais cela devrait inciter les signataires du CAPI (voir ici) à vérifier les chiffres qui leur sont communiqués. Avant de s'y lancer et après que les résultats leur sont communiqués. Autres points : a) cette patiente n'a eu que deux dosages d'HbA1C dans l'année et ses chiffres sont "parfaits" ; b) il est pointé par l'Assurance Maladie que les pieds de Madame A n'ont pas été examinés par un podologue, eh bien, mon expérience personnelle est que les podologues, chez les diabétiques, provoquent souvent des lésions qu'il n'aurait jamais eues s'ils n'étaient pas allés les voir ; c) le spécialiste de l'oeil ne lit pas les études sur le diabète et ne croient pas qu'un médecin généraliste puisse s'occuper d'une patiente diabétique.
Ainsi, dans cette affaire, on ne cesse de voir que la disparition de la médecine générale est, comme on dit, actée par l'Assurance Maladie. La disparition programmée de la médecine générale est une tendance lourde qui remonte à loin (1971 et 1979) et qui est liée essentiellement à la volonté de la spécialocentrie. L'Assurance Maladie constate et met en place des procédures pour contrôler l'activité des médecins généralistes (le CAPI) et pour contrôler la sincérité des malades (SOPHIA). L'Assurance Maladie obéit au pouvoir politique qui est conseillé par des experts issus de la spécialocentrie et de l'hospitalocentrie qui demeurent la base de toutes les politiques publiques de santé. Le pouvoir politique ne comprend rien à la médecine et voit la Santé Publique avec les yeux des grands patrons et des experts qui s'auto-entretiennent, s'auto-louent et s'auto-encensent. Mais ils creusent la tombe de tout le monde : l'hôpital se meurt et l'accès au soin va s'effondrer.

Madame A, 84 ans, va bien. Mais sa nièce croit qu'elle est mal soignée. Et l'Assurance Maladie aussi. Pas son médecin traitant (conflit d'intérêt majeur) qui essaie de la laisser tranquille.

mardi 8 février 2011

UN DIABETE VITE FAIT : HISTOIRES DE CONSULTATION 67

La ville de Sucre (Bolivie)

Monsieur A, 58 ans, dont je suis le médecin traitant, vient consulter après qu'il a vu un confrère généraliste pendant les vacances de Noël. J'étais remplacé et il ne voulait pas voir un remplaçant. Il est allé chez le médecin du copain qui a vu le copain parce qu'il avait mal au dos : le docteur B.
Cela fait donc à peu près six semaines.
Eh bien, le docteur B, c'est un rapide.
Monsieur A me montre le bilan que lui avait demandé de faire le docteur B (pour son mal de dos ?). Monsieur A me dit qu'il est diabétique.
Le bilan est délirant. A mes yeux. Pour un malade qu'il n'avait jamais vu et dont il savait qu'il avait un médecin traitant. NFS, VS, CRP, glycémie à jeun, HbA1C, créatininémie, bilan d'une anomalie lipidique, urée, sodium, potassium, SGOT, SGPT, GGT, TP, ECBU et... PSA.
Ainsi monsieur A a-t-il été déclaré diabétique avec une glycémie à jeun à 1,20 (g/l), une HbA1C à 6,8 % (demandée dès la première analyse). Le patient (j'ajoute que je connais ce malade depuis des lustres et que je le soigne habituellement pour des riens, sinon des rhumes, des lombalgies et une grippouillette hivernale) est inquiet et voudrait savoir ce qu'il doit faire. Encore une chose : le docteur B a prescrit un anti diabétique oral (il ne se rappelle pas le nom sur le moment et il me téléphonera une fois revenu chez lui qu'il s'agit de la metformine) que le malade a acheté mais n'a pas consommé parce qu'il avait peur de prendre des médicaments pour le diabète. Le docteur B a aussi prescrit du paracétamol pour les douleurs du dos. Il est dix-huit heures, Monsieur A a pris son dernier repas à midi, léger m'a-t-il dit. La glycémie capillaire est à 0,80 dans mon bureau.
Je lui affirme qu'il n'est pas diabétique, qu'il pourrait en revanche faire un peu de régime (il a déjà commencé) en mangeant moins calorique et moins sucré.
Mais l'affaire n'est pas terminée : le docteur B a aussi, sans être le médecin traitant, fait une demande d'ALD, l'a envoyée et le malade est à 100 % ! En deux coups de cuillères à pot.

Vous voulez une explication de texte :
  1. Je connais de réputation le docteur B comme un fanatique des prescriptions, des bilans et, accessoirement des vaccins (je ne parle pas du PSA).
  2. C'est en plus un escroc en prescrivant autant d'examens à un malade qui venait le voir parce qu'il avait mal au dos. Voulait-il élargir sa clientèle ou son ego ?
  3. On a un exemple parfait de disease mongering de terrain, une knockerie ordinaire : le docteur B a fait de Monsieur A un diabétique imaginaire en élargissant les critères du diabète, en lui prescrivant des médicaments avant de lui prescrire un régime, en rendant diabétique un patient bien portant : j'avais déjà écrit un post sur ce sujet : ICI.
  4. Le docteur B a non seulement prescrit des génériques (il entrera au paradis des bons médecins) mais aussi les molécules ad hoc selon les recommandations : metformine pour le diabète de type 2 et paracétamol comme antalgique. Nous avons donc un cas de disease mongering recommandable.
  5. Monsieur A a désormais la trouille d'être vraiment malade et si un jour il devient diabétique il dira : "Le docteur B me l'avait bien dit."
  6. La CPAM du coin, mon coin, a fait feu de tout bois pour qu'un non diabétique le devienne et puisse désormais bénéficier de soins gratuits.
J'aime pas le docteur B.

jeudi 1 juillet 2010

LE SUIVI DU DIABETE CHEZ LES ANGLO-GALLOIS : PAS TERRIBLE MALGRE LE NON PAIEMENT A L'ACTE

Nous avons abordé longuement abordé ici les problèmes que me posait le CAPI, paiement des médecins généralistes élus et volontaires à la performance, notamment pour ce qui concernait le diabète.
Nous avons aussi parlé du fait que les Français, toujours à la traîne, appliquaient des méthodes qui avaient failli ailleurs, notamment au Royaume-Uni qui serait, pour certains de mes confrères, le parangon des vertus pour l'enseignement de la médecine générale et, surtout (ne nous cachons pas les vraies raisons) pour les revenus des médecins généralistes. Nous sommes les champions de l'immobilisme et quand nous nous y mettons, ici pour le paiement à la performance, ailleurs pour la discrimination positive, des résultats négatifs en ont déjà été tirés. Nous vous avions dit que le CAPI était désespérément à la traîne mais encore à la super traîne car il fixait des objectifs de fréquence d'examens sans avoir la preuve que cela améliorait l'état glycémique du patient et sans définir des objectifs clairs comme le niveau de HbA1C ou de pression artérielle. Je n'avais pas parlé trop vite car les preuves manquent toujours que mesure quatre fois par an l'HbA1C améliorait son niveau, mon expérience personnelle indiquant plutôt le contraire (mais l'expérience personnelle du bon docteur du 16 tout le monde s'en fout, et à juste titre) mais, en revanche, j'avais surestimé les pratiques de nos voisins d'outre Manche.

Un article récent vient éclairer les choses.
Pour évaluer les pratiques et les améliorer grâce à des mesures incitatives, le NICE (National Institute of Clinical Excellence) a institué le système QOF (Quality and Outcomes framework) dont je vous ai déjà parlé en détail (ici). Ce qui permet de récompenser les médecins observants.
Pour ce qui concerne le diabète neuf critères annuels, je répète, annuels, ont été retenus : HbA1C, Indice de Masse corporelle, pression artérielle, albuminémie, créatininémie, cholestérolémie, examen ophtalmologique, examen des pieds, et contrôle du statut de fumeur ou non.
Eh bien, malgré ces critères "faciles" à atteindre en théorie (les médecins généralistes français sont des phénix), un tiers des patients avec un diabète de type 1 et la moitié des patients avec un type 2, avaient "droit" aux 9 tests ! Il faut dire que les médecins généralistes anglo-gallois partaient de loin : lorsque l'audit a commencé en 2003 - 2004 seuls 11 % des patients avaient été contrôlés pour les 9 points.
Voyons la suite : seuls deux tiers des patients diabétiques de type 2 et un tiers des patients avec diabète de type 1 atteignaient les objectifs du NICE, à savoir une HbA1C inférieur ou égale à 7,5.
Et les résultats sont bien pires chez les plus jeunes : entre 16 et 39 ans les chiffres sont respectivement de 20 et 35 % pour respectivement les diabétiques de type 1 et de type 2 et de 34 et 51 % chez les patients âgés de 40 à 84 ans. 90 % des patients du panel avaient été vus au moins un fois par les médecins en charge.
Cet audit a concerné 1,7 million de diabétiques suivis dans 5920 cabinets en Angleterre et 517 au Pays de Galles. Il a montré également que la prévalence du diabète était passée, durant ces six ans, de 3,3 à 4,1 % de la population.

Ainsi, et avec mon enthousiasme habituel et ma façon de conclure à l'emporte-pièce, voici quelques conclusions :
  1. Les résultats obtenus par les Anglo-Gallois sont quand même nuls
  2. Le système de paiement à la performance paraît, pour le diabète, une catastrophe
  3. Le CAPI mis en place en France est d'une nullité encore plus affligeante car il n'exige aucun résultat
  4. Le non paiement à l'acte ne rend pas les médecins vertueux


vendredi 21 mai 2010

LA PUB POUR LES LECTEURS DE GLYCEMIE


Dans ma très grande naïveté j'avais simplement dénoncé l'ouverture des vannes par l'Assurance Maladie, c'est à dire la généralisation annoncée des lecteurs de glycémie à tous les diabétiques, eh bien, cela n'a pas traîné !
La Stratégie de Knock en marche comme je vous en avais déjà parlé dans un message précédent.
Voilà qu'une campagne grand public a été déclenchée pour vanter les bienfaits des lecteurs de glycémie : ici et qu'elle est relayée par les sites sponsorisés : .

On va de nouveau passer du temps à expliquer aux patients...
Lassant....

vendredi 5 mars 2010

LE DIABETE DE TYPE 2 : UN CAS D'ECOLE POUR LA STRATEGIE DE KNOCK


La stratégie de Knock (ou disease mongering) consiste, dans le cas du diabète sucré de type 2 (ou diabète gras ou diabète de la maturité) à



  1. Dramatiser sa fréquence à partir de chiffres vérifiables mais peu vérifiés : deux millions de Français seraient porteurs d'un diabète de type 2 et il en existerait 600 000 qui s'ignoreraient (diabétiques "invisibles") selon Wikipedia. Trois millions selon la Mutuelle Nationale Territoriale.

  2. Dramatiser l'augmentation des nouveaux cas réelle et prévisible en parlant d'une maladie épidémique.

  3. Imposer une stratégie de lutte reposant sur un rationnel éprouvé (sinon prouvé) : combattre les complications cardiovasculaires et microcirculatoires sans preuves réelles (oeil et rein).

  4. Promouvoir une stratégie thérapeutique simple et univoque en visant trois critères de substitution : l'HbA1C ou hémoglobine glyquée inférieure à 7, le LDL cholesterol inférieur à 1 et la pression artérielle inférieure à 140 - 90.

  5. S'appuyer sur un leitmotiv univoque qui serait que "The Lower the better" ou, en français "Moins c'est mieux".

  6. Privilégier les essais sponsorisés par Big Pharma qui n'apportent rien sur le plan essentiel de la diminution significative de la mortalité totale mais qui autorisent la vente de nouveaux médicaments qui n'ont fait la preuve ni de leur efficacité ni de leur innocuité (cf. les glitazones).

  7. Négliger l'article fondateur du traitement du diabète ou UKPDS (pour United Kingdom Prospective Diabetes Study) qui privilégie uniquement la metformine.

  8. Faire des campagnes nationales grand public pour "sensibiliser" les patients et, surtout, les futurs malades. En France comme à Abidjan.

  9. Mobiliser les associations de patients comme l'AFD (Association Française des Diabétiques) dont on connaît les liens, il suffit de regarder la page d'accueil, avec l'industrie pharmaceutique et les marchands de diététique. Mais une recherche rapide sur google est impressionnante : ici et .

  10. Mobiliser les experts de tous poils afin que, tels des Hare Krishna, les leaders d'opinion internationaux, nationaux, locorégionaux psalmodient partout "MOINS C'EST MIEUX !", à tous les coins de rue, dans les Congrès comme dans les restaurants où ils mangent au frais de Big Pharma, dans les hôpitaux comme dans les Formations Médicales Continues sponsorisées par Big Pharma, par la CPAM ou par les syndicats médicaux... dans les allées du pouvoir (la DGS) comme dans les locaux des Agences Gouvernementales (HAS) ou presque (InVS). Hare Krishna, Hare Krishna.

  11. Investir tous les lieux de pouvoir afin de promouvoir le traitement (voir le CAPI), le dépistage, le surdépistage et la propagation des fausses rumeurs, tout ceci, au nom des experts, et le faire assumer par la CPAM, bon toutou de la HAS et des industriels, qui agit sous le masque de l'amélioration des performances et de carottes budgétaires pour les médecins.




Il est également nécessaire de cacher, de taire, de réduire au silence tous les arguments contraires et de nier tous les faits qui s'opposent à cette fantastique stratégie d'intoxication.

Et les experts peuvent compter sur le silence de la presse médicale qui est, à quelques exceptions près, aux ordres, sur le silence de la presse grand public dans le même métal, le silence des politiques qui ne savent qu'emboîter le pas sur celui des leaders d'opinion qui leur permettent de faire du sentiment (sauver des vies !) et d'engranger facilement des voix.


Quels sont les principaux arguments contre le tout diabète (LE MOINS EST L'ENNEMI DU MIEUX)
  1. Il n'existe quasiment qu'une seule étude qui montre une diminution de la morbimortalité en traitant le diabète de type 2 : l'étude UKPDS et vous verrez ici les commentaires que j'en ai faits (l'étude, brandie comme un étendard par les experts dits indépendants, est d'une très faible qualité méthodologique, surtout vers la fin puisque le nombre des perdus de vue est aussi important que dans le cas d'une étude menée par l'InVS et qu'elle est non comparative). Elle est surtout favorable à la metformine (glucophage, stagid en France), ce dont les industriels et donc les experts ne sont pas SATISFAITS puisque la molécule est génériquée depuis de nombreuses années

  2. Le critère de substitution HbA1C est sujet à caution ou plutôt l'application de la formule "The Lower the Better" n'est pas appropriée le concernant : un essai récent (Lancet 2010;375:481-9) a montré qu'une HbA1C en dessous de 7 entraînait plus de morts qu'une HbA1C supérieure à 7 et qu'une augmentation de mortalité réapparaissait au dessus de 9 ! Etonnant, non, pour les experts du Toujours Moins ? Et cet essai dit observationnel confirme trois essais contrôlés dont je vous ai déjà parlé ici. Ce qui n'empêche pas les recommandations grand public de préconiser un chiffre inférieur à 7 sur le net comme dans la rue !

  3. La baisse jusqu'auboutiste et de la pression artérielle et du LDL cholesterol conduit également à des effets inverses (la fameuse courbe en U) ou n'entraîne pas les effets escomptés.
  4. Des études indiquent que la baisse de la mortalité cardiovasculaire chez les diabétiques s'est déjà produite avant que l'on ne s'occupe de faire baisser strictement l'HbA1C (Fox CS et al. JAMA 2004;292:2495-9 ; Dale AC et al. BMJ 2008;337:a236) et que le nombre des dialyses rénales pour diabète a diminué de 40 % aux Etats-Unis entre 1996 et 2006 alors que c'était la période où l'accès à la dialyse était devenue plus facile (Burrows NR et al. Diabetes Care 2010;33:73-7)
  5. Le slogan "Toujours moins !" induit une débauche de prescriptions tant pour la baisse de l'HbA1C (jusqu'à la trithérapie) que pour la baisse de la pression artérielle (tri voire quadrithérapie) et du cholestérol (bithérapie) avec, en outre, de l'aspirine pour délayer le tout. Les interactions médicamenteuses font florès et sont rarement prises en compte.
Nous sommes bien au coeur de la Stratégie de Knock : le diabète est une cause nationale, tout le monde doit s'en préoccuper, les médecins, les malades comme les futurs malades, les sociétés ssavantes, les associations de patients, les politiques, les Autorités de santé dans une gabegie formidable de fonds, d'allocations, de ressources.
Tout le monde y croit. Tout le monde se sent concerné.
Les industriels du médicament et des dosages vont ganger de l'argent.
Les médecins également par le biais du nombre de consultants et des honoraires accordés par la prime à la Performance (appelée CAPI).
Mais il s'agit, à n'en pas douter, de mauvaise médecine. comme l'écrit Des Spence, médecin généraliste à Glasgow (un des endroits du monde avec la Karélie finlandaise où le taux d'infarctus du myocarde est un des plus élevés de la planète), dans le British Medical Journal.
Je vous livre sa conclusion avec laquelle, comme d'habitude, vous me connaissez, je ne suis pas d'accord à cent pour cent, mais je vous laisserai conclure : Le diabète de type 2 est véritablement de la mauvaise médecine car il a autorisé les médecins à se vautrer dans le confort facile d'un modèle de maladie, évitant le chaos froid d'une politique sociale s'attaquant à l'obésité. Il est temps pour les médecins de promouvoir la santé plutôt que d'être payés pour promouvoir Big Pharma.


dimanche 28 février 2010

DIABETE, HEMOGLOBINE GLYQUEE ET CAPI

Une nouvelle publication parue dans la revue britannique The Lancet (et que je ne peux vous mettre en ligne pour des raisons de droits) indique, encore une fois, que le mieux serait l'ennemi du bien. Cette étude observationnelle regroupant 28000 patients diabétiques suivis en médecine générale montre qu'une HbA1C inférieure à 7 % est associée avec la plus forte mortalité (de même niveau que celle associée à une HbA1C de 9 %) et que le meilleur taux d'HbA1C associé serait de 7,5 !

La référence : Currie CJ, Peters JR, Tynan A, Evans M, Heine RJ, Bracco OL, et al. Survival as a function of HbA1c in people with type 2 diabetes: a retrospective cohort study. Lancet 2010;375:481-9

Les lecteurs de ce blog ne seront pas surpris. Cette étude observationnelle corrobore un certain nombre de données que nous avions évoquées ici et qui étaient tirées d'essais contrôlés : ACCORD, ADVANCE, et VADT.

Ces données sont aussi à comparer à celles de l'UKPDS prolongée, essai non contrôlé d'un faible niveau de preuves, qui avait montré que le fait de contrôler très strictement l'HbA1C dans la première année de traitement produisait des effets cardiovasculaires bénéfiques plusieurs années après. Mais, et c'est Lehman R et Krumholz HM qui le souligne dans un numéro récent du British Medical Journal (ici mais vous ne pourrez lire que si vous êtes abonné), ces malades bénéficiaires n'avaient pas atteint un niveau moyen de HbA1C inférieur à 7 !

Il est intéressant de noter qu'une HbA1C inférieure à 7 est un des objectifs du NICE anglais et que les auteurs que je viens de citer demandent un moratoire. Par ailleurs le National Committee on Quality Assurance aux Etats-Unis vient de suspendre cet objectif !

Et ainsi, j'en reviens à mon dada, le très français CAPI (Contrat d'Amélioration des Pratiques Individuelles), dont je vous ai déjà dit ici tout le bien que j'en pensais (c'est de l'humour) était, heureusement, très en retard (il n'a donc pas besoin de revenir sur ce qu'il aurait pu suggérer) mais il propose une logique du trois à quatre dosages d'HbA1C par an (les bons médecins) sans préciser de seuil, tout en développant une logique dans ses documents officiels du "toujours moins".
Donc, toujours plus de dosages et toujours pas de cibles définies pour ce que l'on mesure La CPAM innove : mesurer, mesurer, il en restera toujours quelque chose, mais pour quoi faire ? Mystère et boule de gomme.

A suivre.

dimanche 8 mars 2009

FAUT-IL OU NON TRAITER LE DIABETE OU LE MIEUX EST-IL L'ENNEMI DU BIEN ?

La vieille certitude médicale, toujours moins, est-elle en train de voler en éclat ? Le traitement du diabète sucré est-il à la croisée des chemins ?
Depuis de nombreuses années il était acquis que moins l'HbA1C (un marqueur glycémique) était élevée et plus les patients diabétiques étaient protégés des complications macro et microangiopathiques. Trois études parues cette année semblent dire le contraire.

Les faits.
Contrairement à toutes les idées reçues et malgré le nombre colossal de malades diabétiques dans le monde, une seule étude contrôlée existait dans la littérature mondiale montrant des bénéfices à traiter les patients diabétiques : l'UKPDS ou United Kingdom Preventive Diabetes Study (1) ! Et l'étude date de 1998 !

Qu'est-ce qu'on en apprenait au bout de dix ans ?
  1. Que les nouveaux patients diabétiques traités par sulfamide hypoglycémiant et par insuline avec comme objectifs glycémiques à jeun respectivement 1,08 et 1,26 g/l a permis de réduire non significativement les complications de la microangiopathie (et notamment le recours à la photocoagulation rétinienne : - 25 %) par rapport à un groupe témoin.
  2. Que chez les patients en surpoids (traités surtout par metformine) il y avait en plus réduction (non significative) des complications de macroangiopathie et de mortalité.
  3. Enfin, dans les groupes contrôle strict l'HbA1c était en moyenne de 7 % contre 7,9 dans le groupe contrôle.

Un certain nombre de chercheurs se sont posé la question : ne faut-il pas, pour mieux contrôler les complications du diabète, augmenter les exigences et abaisser l'objectif de contrôle de l'HbA1c ?

La réponse est non.
Trois études sont parues récemment :
  1. ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes : 10251 patients, âge moyen = 62 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (2) n'a pas montré de diminution du risque d'infarctus non fatal, d'AVC non fatal ni de mort pour cause cardiovasculaire dans le groupe où la moyenne de l'HbA1c était de 6,4 contre 7,3 % dans l'autre groupe. En réalité l'essai a été arrêté avant son terme en raison d'un excès de mortalité dans le groupe intensif.
  2. ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Diseases : 11140 patients, âge moyen = 66 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (3) a trouvé une petite réduction de tous les événements dans le groupe strict (6,4 % versus 7,3 % dans l'autre groupe) largement due à la réduction (- 21 %) de la néphropathie (nombre de nouveaux cas de microalbuminurie) mais sans effets sur la macroangiopathie.
  3. VADT (étude chez les militaires vétérans américains : 1791 patients, âge moyen = 60,5, durée moyenne = 5,6 ans) (4) n'a montré aucune différence significative entre le groupe intensif (6,9 %) et le groupe normal (8,4 %).
Ces trois essais vont dans le même sens : un contrôle plus strict de l'HbA1c chez des patients présentant un diabète de type 2 évoluant depuis des années et notamment en l'abaissant en dessous de 7 % :
  1. Ne diminuent pas les complications cardiovasculaires.
  2. S'accompagnent d'une augmentation du nombre des accidents hypoglycémiques
  3. Entraînent une augmentation des coûts : soit en raison du passage à l'insuline (dosages de la glycémie capillaire) ou en raison de la prescription d'un antidiabétique en plus pour atteindre les objectifs
  4. Pourraient entraîner un excès de mortalité.
Mais il y a eu la publication des résultats de la prolongation de l'UKPDS (étude non contrôlée) ; 3277 patients, âge moyen à l'entrée dans l'essai = 54 ans ; durée de suivi 10 + 7 ans) (5) qui ont montré que les patients qui étaient bien contrôlés pendant la première année, même si les traitements initiaux n'étaient pas maintenus, tiraient un certain bénéfice par rapport à ceux qui n'avaient pas eu un contrôle strict. Mais cette étude a un très faible niveau de preuves.

Qu'en conclure ?
  1. Que le mieux est l'ennemi du bien ?
  2. Que les nouveaux patients (comme dans l'étude UKPDS) doivent être particulièrement suivis, éduqués, traités et qu'il est nécessaire de comprendre que la durée est un élément essentiel de leur maladie et qu'il est peut-être possible, notamment chez les patients en surpoids, de diminuer les complications macroangiopathiques ?
  3. Que les patients déjà traités depuis des années et qui présentent des HbA1c élevées (> 10 %) sont particulièrement à risques et qu'il est nécessaire de tenter quelque chose ?
  4. Que chez les patients déjà traités depuis des années, avec des antécédents d'hypoglycémie sévère, et/ou avec une espérance de vie mimitée, et/ou avec des complications macro et microangiopathiques déjà sévères et/ou des comorbidités importantes et/ou des diabètes pour lesquels il paraît difficile de changer et les habitudes de vie et les traitements, il est nécessaire de ne pas se fixer des objectifs trop drastiques ?

FINALEMENT :
  1. Première étape : conseils d'hygiène de vie + metformine
  2. Deuxième étape : ajouter sulfamides hypoglycémiants et / ou insuline si nécessaire
  3. Troisième étape : passer à l'insuline ou intensifier l'insuline
  4. Quatrième étape : pas d'autres produits car non validés sauf cas exceptionnels.





Références

(1) UKPDS Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk complications in patients with type 2 diabetes. Lancet 1998;352:854-65.
(2) Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2545-59
(3) ADVANCE Collaborative Group. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2560-72
(4) Duckworth W et al. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. NEJM 2009;360:129-39
(5) Holman R et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. NEJM 2008;359:1577-89

jeudi 15 janvier 2009

GLAXOSMITHKLINE SAVAIT POUR LA ROSIGLITAZONE / AVANDIA !

Le Wall Street Journal qui, comme vous le savez, est un journal gauchiste, mais, comme vous le savez aussi, préfère probablement les intérêts américains à ceux d'un groupe britannique (GSK), révèle dans son numéro du 14 janvier dernier [Mundy A, Favole J. Glaxo's emails on Avandia reveal concern. Wall Street Journal, January 14, 2009. Available at www.wsj.com.] que la firme GSK disposait des mêmes informations que les chercheurs sur les risques cardiovasculaires de leur molécule rosiglitazone / avandia.
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Nous ne rappellerons pas ici qu'un des relecteurs du New England Journal of Medicine avait prévenu GSK de l'imminente publication de la méta-analyse de Steven Nissen [Nissen SE and Wolski K. Effect of rosiglitazone on the risk of myocardial infarction and death from cardiovascular causes. N Engl J Med 2007; 357: 100. ] qui montrait que la rosiglitazone augmentait significativement le nombre des infarctus du myocarde (+ 43 %) et augmentait le risque de décès cardiovasculaire de 64 % (limite de la significativité).
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Ce relecteur, Steven Haffner, avait permis à GSK de publier précipitamment des données qui ne montraient pas les mêmes effets délétères cardiovasculaires [Home PD, Pocock SJ, Beck-Nielsen H, et al. Rosiglitazone evaluated for cardiovascular outcomes-an interim analysis. N Engl J Med 2007; 357: 28-38. ]. Par la suite on avait appris qu'Haffner avait reçu de l'argent de GSK (400 000 dollars en huit ans !) et GSK n'avait eu de cesse que les résultats de cet essai soient inclus dans la méta-analyse de Nissen...
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On sait donc maintenant que les chiffres de l'étude Nissen n'avaient pas surpris Moncef Saoui, directeur de recherche et développement chez GSK, mais que GSK reprochait à Nissen d'avoir tiré des conclusions trop hâtives.
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Mais le Wall Street Journal souligne que la FDA est également sous pression pour ce qui est de la conduite de l'affaire. En juin dernier la FDA avait décidé de laisser le produit sur le marché dans l'attente de l'analyse des nouvelles données tout en durcissant les avertissements, mais on sait maintenant qu'elle connaissait les données de Nissen un an avant leur publication !