mercredi 28 avril 2010

UNE JEUNE FEMME ENCEINTE. HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-ET-UNIEME EPISODE


Cette jeune femme est une grande anxieuse mais je ne sais pas pourquoi je vous parle de cela. Je l'aime beaucoup. Elle est fraîche, elle est jolie, elle a de la repartie et elle est intelligente. Que dire de plus ?
Nous avons l'habitude de parler de tout et de rien, en plaisantant, et j'en profite pour placer quelques conseils dits médicaux.
Depuis qu'elle est enceinte elle est à la fois épanouie et tendue.
Epanouie, car elle est heureuse.
Tendue, car elle sait que la famille recomposée vers laquelle elle se dirige ne sera pas facile à vivre. Nous en avons parlé avant qu'elle ne soit enceinte et nous avons continué d'en parler pendant.
Malgré mes réticences, une sorte d'intimité s'est installée entre nous. Je n'ai ni peur du fameux transfert ni du non moins fameux contre-transfert. Notre distance de sécurité est très grande.
Je me méfie pourtant de sa naïveté et de mon cynisme. Je ne voudrais pas qu'elle prenne ce cynisme pour argent comptant.
Son ami l'a accompagnée une fois ou deux et j'ai compris qu'il ne m'aimait pas. Parce qu'il se doute que nous aimons bien parler ensemble.
Aujourd'hui elle a envie de parler d'un truc qui la titille. Je ne m'en rends pas compte tout de suite et elle me surprend.
Avant tout, je voudrais dire ceci : sa grossesse la rend heureuse mais elle déforme son corps. Elle a pris beaucoup de kilos et j'ai peur qu'elle ne retrouve pas complètement son élégance d'avant.
Problème personnel : j'ai beaucoup de mal avec les corps imparfaits et, plus que tout, abîmés par le travail ou par le vieillissement accéléré et, ici, par la maternité.
Voici ce qu'elle dit (et au moment où elle me dit cela je ne sais rien sur ce qu'en disent les Freudiens, les anti Freudiens, les TCC ou les gourous, je n'ai jamais rien lu de tel dans les livres et les romans que je lis depuis plus de cinquante ans, mes maîtres ne m'en ont rien dit, ni Milan Kundera, ni Philip Roth, ni Marcel Proust, ni Joseph Conrad, mais je m'arrête là, pas même Sandor Maraï, je suis sans avis, sans repères, je n'ai jamais entendu parler de cela, c'est vrai, au risque de passer pour un imbécile, malgré toutes mes lectures, malgré le poids de trente ans de conversations avec des femmes enceintes, ayant accouché ou sur le point de l'être, avec des femmes qui ont eu des filles enceintes, avec des hommes qui ont été les compagnons de femmes pas encore enceintes, déjà enceintes ou ayant accouché une fois, deux fois ou trois fois, pas plus qu'avec des femmes qui voulaient interrompre leur grossesse, je suis passé au travers, je n'ai même pas imaginé, je suis surpris, j'en prends un coup dans la figure et, avec un air patelin, j'arrive à encaisser en me demandant comment je dois réagir) : Je n'ai plus envie de faire l'amour avec mon ami (jusque là je suis en terrain connu, j'en ai entendu des tonnes de la part des femmes enceintes qui n'avaient plus envie, qui ne désiraient plus, qui se sentaient mal dans leur corps, la peur des vergetures, la peur de ne pas tout reperdre...) et il le prend un peu mal (air connu) mais sans plus, c'est un type bien, mais j'ai honte de moi, ce n'est pas par manque de désir (là, elle commence à m'intriguer), c'est parce que je ne peux pas faire l'amour alors que le bébé peut nous voir...
Elle continue de parler sur le sujet et, pendant qu'elle parle, pendant que je hoche la tête, pendant que je ne perds pas son regard, pendant que je lui fais comprendre que je la comprends, que sa réaction tout à fait compréhensible (je viens de le comprendre, si j'ose dire, alors que c'est la première fois que j'entends parler une femme d'un tel sujet et que pas plus un homme, car, après tout, je n'ai jamais pensé à ce détail...), je cherche dans ma mémoire des traces de ce que pourrait en avoir dit Françoise Dolto, elle qui me surprit en disant qu'il n'était pas bon qu'un enfant voit la nudité de ses parents, ou Mélanie Klein ou René Spitz...
Je n'y avais jamais pensé.
Est-ce qu'on en parle dans les magazines féminins ?
Cela m'aurait-il échappé ?
J'imagine ceci : serait-il possible que ce fait ait échappé à la sagacité des Freudiens ? Cela m'étonnerait. Mais que disent-ils en cette occasion ? Eux qui prétendent que le moindre geste, que la moindre parole, que la moindre accélération du coeur de la maman, que la moindre musique entendue dans la pièce, sont perçus par le foetus et qu'ils pourraient être à l'origine, bien plus tard, c'est ce qui fait la fortune des analystes, d'une névrose, conseilleraient-ils quand même à cette jeune femme d'accepter de faire l'amour malgré ses réticences ?
J'avoue n'en rien savoir.
Je reste dans un flou artistique, tentant de la rassurer, cette belle jeune femme dont le corps est déformé par les kilos de la grossesse, en lui disant qu'il faut expliquer à son compagnon, elle ne lui a rien dit par peur du ridicule, et qu'il sera toujours temps, après, de faire l'amour à l'abri des regards indiscrets d'un tiers, fût-il le futur enfant du couple...


dimanche 25 avril 2010

CAPI EN GB (QOF) : 8 CRITERES ENLEVES DONT 5 APPARTENANT AU CAPI !

De nombreux médecins généralistes français bavent devant le système de santé britannique.
Les médecins de gauche parce que le système du paiement à l'acte n'existe plus.
Mais personne ne voudrait être britannique...
Ainsi, l'introduction du CAPI, système de prime à la performance, a-t-elle séduit des médecins dits de gauche car elle semblait introduire une part de forfait dans la rémunération et a-t-elle séduit les médecins de droite parce qu'elle permettait une augmentation des honoraires.
On me dit que ma segmentation des médecins de gauche et des médecins de droite est une connerie. D'abord parce qu'il y a aussi des médecins du centre, des médecins d'extrême-droite et des médecins d'extrême-gauche.
Dont acte.
Et surtout parce que l'argent c'est quand même important, que l'on soit de gauche ou de droite.
Mais on sait ici combien j'apprécie peu le CAPI pour des raisons qui ne tiennent ni à la forfaitisation de l'activité, ni à la prime qui pourrait venir au bout. Ni d'ailleurs au principe lui-même de l'excellence ou de l'amélioration.
Si je suis contre le CAPI, c'est en raison des critères choisis et de la façon de les apprécier. J'ai déjà dit ici et tout le mal que j'en pensais.
Les promoteurs de l'opération se sont, sans nul doute, inspirés du modèle britannique : Quality and Outcomes framework. Pour les curieux nous vous donnons le lien avec le site du NHS sur le système mis en place afin de pouvoir vous faire une idée (en anglais) : ICI.
En anglais parce que les Anglais écrivent dans leur langue. Mais le CAPI n'est pas une bonne traduction en français !

Ainsi, nos amis britanniques, ont-ils enlevé des critères pour la future grille d'évaluation des médecins.

Rappelons auparavant que le QOF comprend quatre domaines (% de participation à l'évaluation) :
  1. Un domaine clinique avec 80 indicateurs recouvrant 19 champs cliniques (65 %) : pathologie coronarienne (10 indicateurs), insuffisance cardiaque (3), AVC et AIT (8), HTA (3)... et vous pourrez vous reporter à la page 8 du document du NHS Information Centre
  2. Un domaine organisationnel avec 36 indicateurs sur cinq aires organisationnelles (16.75 %) : dossiers et informations (12), information des patients (2), éducation et formation (7), organisation pratique (7) et contrôle des médicaments (8)
  3. Un domaine patients comprenant 5 indicateurs (14.65 %) : longueur des consultations, gestion des rendez-vous et surveillance des patients.
  4. Un domaine de services additionnels (3.6 %) : frottis cervical, surveillance de la santé de l'enfant, maternité, contraception.
Et donc, pour l'an prochain, un certain nombre de critères vont être enlevés comme le décrit un article du BMJ car ils paraissent peu discriminants et peu contributifs : mesures de la pression artérielle (insuffisance coronarienne, diabète, AVC ou AIT), prises de sang pour mesurer l'HbA1C (diabète), cholestérolémie totale (diabète) ou créatininémie (diabète, patients traités par lithium), fonction thyroïdienne (patients traités par lithium, hypothyroïdisme). Et lisez ceci : c'est parce que la récompense concernait plus l'action de pratiquer tel ou tel geste plutôt que de proposer une réponse clinique à des résultats ou à des indicateurs intermédiaires comme la pression artérielle ou le taux de cholestérol... Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Néanmoins des facteurs intermédiaires seront maintenus en ces domaines comme par exemple la proportion de patients dont la pression artérielle sera inférieure à 145 / 85 dans les quinze mois précédents chez les diabétiques...

On voit donc le retard de notre CAPI et le fait que les décideurs restent de marbre en constatant les "erreurs" étrangères qu'ils nous proposent de copier.

Le meilleur système de santé du monde est à la traîne...

samedi 24 avril 2010

VINGT-TROIS EURO !

23, c'est le nombre de coups de couteau qu'a reçus Jules Cesar avant de mourir !
23 euro, c'est le chant du cygne de la médecine générale française
23 euro, c'est le baiser de Judas de Sarkozy à sa clientèle électorale
23 euro, c'est le début de la fin des augmentations d'honoraires
23, c'est le nombre de trahisons de...
23, ce n'est pas le prix de la "spécialisation" du médecin généraliste
23 euro, c'est la base de remboursement pour les mésothérapeutes, les homéopathes, les nutritionnistes, les aromathérapeutes, les injecteurs de collagène,
23, c'est aussi le moyen de faire taire les grincheux
23 euro, c'est aussi le moyen de faire revenir les médecins généralistes dans la Creuse (23) !
23, nombre premier ou nombre dernier ?

Je vous l'avais dit
Pour ne pas pratiquer comme un spécialiste
Et j'ai été exaucé
En restant médecin généraliste non spécialiste
Je vais toucher 23 euro
Sans changer d'un iota le contenu de ma consultation
Je vais toucher un euro de plus
Sans me former plus
Je vais toucher un euro de plus
Sans lire plus de revues "sérieuses"
Je vais toucher un euro de plus
Sans m'interroger plus sur ma fonction
Je vais toucher un euro de plus
Sans améliorer mon diagnostic
Je vais toucher un euro de plus
Sans améliorer mes relations avec mes patients
Je vais toucher un euro de plus
Sans m'intéresser plus aux conditions de vie de mes patients
Je vais toucher un euro de plus
Sans me poser plus de questions EBM
(Médecine par les preuves)
Je vais gagner un euro de plus

Elle est pas belle, la vie ?


jeudi 22 avril 2010

LE DOCTEUR BORIS HANSEL FAIT DE LA PUB


Ce brave garçon, chef de clinique en endocrinologie à l'Hôpital de la Pitié-Salpétrière, fait de la pub sur France 2 dans l'émission Télé Matin dont il est possible de dire que les "journalistes" scientifiques ne connaissent rien à la réglementation sur la déclaration des liens d'intérêt.
Ce brave docteur est interrogé par une certaine Christelle Ballestero qui a fait son sujet sur le périmètre abdominal, notion contestée et contestable. Cette journaliste a elle-aussi des conflits d'intérêt : ici avec le cranberry.
Il s'agit de promouvoir une campagne de mesure du tour de tailles des patients hommes et femmes dans les pharmacies ! Le syndrome métabolique est de retour ! Après l'échec d'un médicament dont le critère intermédiaire d'efficacité était la diminution du tour de taille, que nous prépare Big Pharma ? A moins que le docteur Hansel ne soit là que pour vendre son livre. Toujours est-il qu'on voit un brave pharmacien qui mesure la taille d'un homme et d'une femme habillés et qui leur donnent des conseils hygiéno-diététiques pour prévenir les problèmes cardiovasculaires.
La maman de Boris Hansel doit être fière que son fils passe à la télé.
Le Conseil de l'Ordre des médecins ne devrait pas être fier.
Car le bon docteur Boris Hansel, endocrinologue dans le public, n'a pas parlé de ses conflits d'intérêt.
Vendre son livre qu'il promeut sur un site "scientifique".
Faire de la surenchère sur un site connu pour sa dépendance éditoriale et financière à Big Pharma. Voici le titre : Le syndrome métabolique : Désamorcer maintenant une véritable bombe à retardement. Selon une bonne vieille tactique de la stratégie de Knock : dramatiser, faire peur... Voir ici sur ce blog.
Faire plaisir à ses sponsors : comme Danone.

Quand des reportages aussi nuls cesseront-ils de passer sur la télévision publique ?
Quand le décret sur la déclaration des liens d'intérêt sera-t-il respecté (Art. L4113-13 du Code de la santé publique) ?

mardi 13 avril 2010

CLAUDE EVIN : EXFILTRATION VERS LE LIBERAL ETATISME


Dans l'indifférence générale, le nouveau président de l'Agence Régionale de Santé de l'Ile-de-France, Monsieur Claude Evin, ex diplômé d'une école d'éducateurs spécialisés, ex membre du PSU, et désormais Sarkozy boy, est en train de mettre en place un organisme monstrueux, dont l'objectif n'est pas de faire du mieux-disant en santé publique, mais de dépecer les structures anciennes au nom de l'efficacité libérale, mais de placer dans un organigramme digne des plus grandes bureaucraties mondiales les copains des copains des hauts fonctionnaires bien-pensants et incapables dont on ne savait quoi faire et qui exigeront du reporting dans leurs placards dorés avant une retraite bien méritée, mais d'éloigner du terrain les structures actives et agissantes, mais de fragiliser les structures médicales, mais de déplacer les personnels au nom de la mobilité, mais, au bout du compte, de préparer la libéralisation totale de la santé en annihilant les quelques volontés de contrôle et de solidarité qui persistaient...
Claude Evin n'aime pas le dialogue. Claude Evin s'aime. Claude Evin n'aime pas les syndicats. Claude Evin n'aime pas les médecins, des personnels comme les autres, Claude Evin, l'homme de la loi anti tabac, n'aime pas la santé publique, il y nomme des fonctionnaires sans titres et travaux, Claude Evin s'aime, Claude Evin soigne son libéralisme, Claude Evin fait du manageriat à la française, pas d'opérationnalité mais de la paperasse, des couches successives de contrôle étalées les unes sur les autres, imbriquées, sans queue ni tête et, encore plus, venues d'En Haut.
Claude Evin a intégré le libéralisme étatique à la française, version adaptée du sarkozysme qui est plutôt du libéralisme autoritaire, à ses ambitions personnelles.
Ainsi, la crise de la grippe A/H1N1v qui est en train de s'essouffler dans des problèmes de conflits d'intérêt qui permettent de cacher l'essentiel, à savoir l'inefficacité quasiment ontologique des vaccins anti grippaux, se reproduira-t-elle en d'autres domaines et est-elle en train de se reproduire pour l'introduction prochaine des nouveaux vaccins pour la nouvelle campagne de vaccination. Qui en parle ? Que dit actuellement Roselyne Glaxo ? Rien. Elle attend pour nous balancer au dernier moment ce qui aura été décidé par les nouveaux anciens experts de la grippe et, lors d'une conférence de presse où le grand Didier HousSAin sera présent avec un ou deux sous-fiffres de l'AFSSAPS ou du Comité Technique des Vaccinations, et nous dira qu'il faut se dépêcher, ne plus réfléchir et agir.
Claude Evin fait de même. Il décide, il tranche, il charcute, il dépèce. Sans concertation.
Claude Evin est en train de faire plus de mal que les autres transfuges, les Kouchner, Bockel, Besson et autres Amara.
Les médecins, faisons un peu de corporatisme, seront les plus mal lotis. Et les médecins généralistes encore plus. Monsieur Evin a déjà dit qu'il ne les aimait pas. Qui réagira ?
A suivre.

dimanche 11 avril 2010

jeudi 8 avril 2010

JE NE SUIS PAS UN SPECIALISTE EN MEDECINE GENERALE


Aujourd'hui la Cour de Cassation a indiqué, selon les recommandations de la CPAM, que les médecins généralistes n'étaient pas des spécialistes et qu'en conséquence ils ne pouvaient coter Cs à 23 euro. Je laisse les commentaires aux experts syndicaux mais regrette la déclaration de notre ministre qui a continué de mentir comme une arracheuse de contrats avec Glaxo.
Cela dit : JE NE VEUX PAS ETRE UN SPECIALISTE !
Je n'ai d'ailleurs pas fait la demande de reconnaissance de spécialité à mon Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins.
Non pas que je me pense inférieur ou supérieur à un spécialiste reconnu comme un cardiologue, un neurologue ou un dermatologue...
Mais eux n'en ont rien à foutre de la tarification en vigueur ou du moins un grand nombre d'entre eux : ils dépassent allègrement le Cs. Et certains malades aiment cela.
Alors pourquoi devrions-nous nous abaisser à quémander une augmentation de un euro en tentant de soutirer une sous-qualification ?
JE NE VEUX VRAIMENT PAS ETRE UN SPECIALISTE.
Je reste un médecin généraliste et, ce blog en témoigne, je ne reste pas les deux pieds dans le même sabot et je tente d' aller chercher des informations ici et là dans l'étonnant maquis des publications médicales.
J'ai essayé, lors de la création de ce blog, de définir ce que pouvait être la médecine générale, discipline exercée par une soixantaine de mille de médecins généralistes en France, et qui pourtant manque de substance. Qu'il y ait ici et là parmi eux, et je ne citerai pas ceux à qui je pense pour ne pas avoir à regrette ceux que j'aurais oublié, de grandes gueules, des savants, des lettrés, des intellectuels qui dissertent sur la médecine générale ne doit pas faire oublier la désespérante indigence de la publication centrée sur la médecine générale et, le plus souvent, de son inintérêt pratique.
QU'EST-CE QUE LA MEDECINE GENERALE ? Voilà la grande question à 23 euro. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations de spécialité. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations de ville de spécialistes. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations institutionnelles de spécialité. Et, malheureusement, c'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les publications médicales à de rares exceptions près.
La médecine générale, c'est la vie : avec une pointe de médecine ; avec une pointe de santé publique ; avec une pointe de connaissance du milieu ; avec une pointe de familiarité avec les patients ; avec une pointe d'empathie ; avec une pointe de sympathie ; avec une pointe d'antipathie. Et merdre pour les discours convenus sur l'attitude que doit observer le médecin dans sa relation avec son patient. Les gens qui disent cela ne voient pas de vrais malades, non au sens diagnostique mais au sens humain du terme.
Nos consultations de médecine générale sont, effectivement et parfois, peu structurées, sont, effectivement et parfois, peu techniques ; sont, effectivement et parfois, bon enfant... Et alors ?
JE NE VEUX PAS ETRE UN SPECIALISTE CAR JE NE VEUX PAS SINGER L'IMMENSE MAJORITE DES SPECIALISTES QUE JE VOIS A L'OEUVRE ! JE NE VEUX PAS LEUR RESSEMBLER !
Je reçois des individus, des patients, des malades, des faux patients, de vrais malades, ou l'inverse, mais je ne suis pas un faiseur d'ECG, un faiseur de frottis, un faiseur de biopsies cutanées, un faiseur de radiologies, et ad libitum. Je laisse cela aux techniciens. Je suis un intellectuel, je réfléchis non seulement à la valeur des choses mais à la valeur qu'il faut leur donner en fonction du patient que j'ai devant moi, dont, généralement, je connais la femme, les enfants ou les parents ou les cousins ou les belles-soeurs et dont, souvent, je connais l'intérieur de la maison. Je fais de la médecine totale sans avoir besoin de faire MOI-MEME des actes que je pourrai coter pour faire du chiffre. Je suis un intellectuel, je fais de la médecine intellectuelle sans faire trop de médecine manuelle et ainsi je sais lire une radiographie, je sais lire un ECG, je sais lire une prise de sang (tiens, ne sont-ce pas des médecins spécialisés en biologie qui les font ?). Je fais de la médecine intellectuelle car je connais un peu la littérature médicale et que je sais combien il est difficile de l'appliquer à des vrais patients qui n'ont pas participé à un essai clinique. Mais je sais aussi que sans ces essais cliniques il n'y a pas de médecine générale. Je sais que la médecine générale c'est l'école de l'humilité, c'est la pratique de l'humilité, pas de triomphalisme, seulement de la distance, non de la distance à l'égard des patients, car, comme le dit mon ami DB qui se reconnaîtra, cette distance elle se prend inconsciemment, non, de la distance à l'égard de soi-même, c'est cela, de l'humilité, nous ne sommes qu'un chaînon, le chaînon manquant dans cette société de fous, le chaînon manquant entre les patients et la complexité de la médecine. Car notre métier, mais pas seulement celui de médecin généraliste, est un métier de chien, un métier éprouvant, la médecine est comme cela, compliquée, difficile, pleine de hasards, de faux semblants, de pièges et nous devons lutter contre notre propre arrogance, la fameuse arrogance médicale décrite dans la littérature, la vraie, par les grands auteurs, depuis Molière jusqu'à Bernard Shaw en passant par Susan Sontag...
C'est cela, la médecine générale, c'est cela aussi : prendre en compte les patients, nous poser des questions en demandant l'avis, non pas l'avis médical, mais l'avis des patients sur leur santé et sur leur vie. Ne pas décider pour eux. Ne pas prendre pour de grands savants, ne pas jouer aux spécialistes. JE NE SUIS PAS UN SPECIALISTE ! Mettez-vous bien cela dans la tête. Les spécialistes, ce sont aussi les experts, ce sont aussi les virologues qui n'ont jamais vu un patient, qui ne connaissent que les éprouvettes et les paillasses de leur laboratoire, quand ils s'y rendent. Halte au paternalisme, halte à la placebothérapie comme expression de la puissance de l'ignorance sur l'ignorance, halte à l'arrogance et au mépris, halte aux idées toutes faites, halte à la prévention généralisée des maladies qui n'existent pas pour alimenter la pompe à phynances, halte à la prévention qui conduit à l'angoisse des populations. Dans le secret de nos cabinets nous pouvons exercer cette médecine tolérante, humaine et informée qui se moque de l'avis péremptoire des urologues sur le cancer de la prostate, sur l'avis péremptoire des cardiologues sur le toujours plus bas du mauvais cholestérol, des diabétologues sur le toujours plus bas de l'hémoglobine glyquée, des gynécologues sur le toujours plus de frottis (tous les ans) ou sur la gardasilisation de la jeunesse, des neurologues et autres rhumatologues et internistes prescrivant des antiépileptiques comme anti douleurs, des alzheimerologues diagnostiquant à tout va et prescrivant des anticholinestérasiques comme s'il s'agissait de bonbons Haribo...
Mais je m'arrête là.
Vous l'avez compris, 22 euro c'est pas assez, mais 23 pour ressembler à un spécialiste, c'est trop.
Cela dit, j'ai des amis spécialistes, j'ai des correspondants spécialistes, j'ai des hyperspécialistes charmants et compétents. Je suis pour la coopération et le travail en commun. Ce que je voulais dénoncer, c'était l'ambition de mes collègues généralistes, sous prétexte de gagner un euro de plus de céder à la tentation de la Mimesis et de vouloir ressembler à ceux qu'ils détestent le plus au fond d'eux.
ALLEZ, JE PLAISANTAIS : j'aimerais tant être un spécialiste.
D'ailleurs, les spécialistes ont tellement besoin de nous pour qu'on les débarrasse de la vraie vie. Je ne pense pas qu'ils votent en majorité pour la disparition des médecins généralistes...
J'écrirai bientôt un article pour vanter les mérites de la coopérations avec nos amis spécialistes.
C'est mon côté bien pensant, multiculturel, consensuel.