jeudi 18 août 2011

Cancer du colon : le chirurgien compte !


Les problèmes posés par le dépistage du cancer du colon par hemoccult sont connus. Je ne vous ferai pas l'injure de les rappeler et notamment le fait qu'à l'échelle d'une population cible, ce qui compte c'est le nombre de patients ciblés qui pratiquent effectivement le test, qui rend compte de l'efficacité du dépistage (plus de 50 % en l'occurrence).
Je précise encore que les patients qui viennent consulter à mon cabinet ont "droit" à une proposition de ma part à pratiquer eux-mêmes l'hemoccult : je suis pour (sans être très excité).
Mais j'ai toujours prétendu, et ce n'est pas seulement dans le cadre du cancer du colon, que dans le cadre du cancer du colon les résultats étaient fortement opérateurs - dépendants. J'ajouterai aussi que les résultats de la chirurgie sont également équipes - dépendants (environnement hospitalier, qualité des soins pré et post op, et cetera).

Un article publié dans le British Medical Journal (ICI) vient opportunément le rappeler.

Avant de vous parler de cette étude (anglaise), trois points qui me sont très chers et qui concernent l'adressage des patients :
  1. On ne prescrit pas un chirurgien en DCI (dénomination commune internationale) ; il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la qualité (supposée ou réelle du chirurgien, supposée ou réelle de la structure) quand on adresse un patient suspect de cancer du colon ; il n'est pas non plus possible de prescrire un oncologue en DCI (mais c'est un autre problème que nous pourrons aborder un autre jour et qui tient compte de la qualité des équipes et de leurs valeurs et préférences)
  2. Dans l'adressage d'un patient à un chirurgien les liens et les conflits d'intérêt sont majeurs (pour ceux qui ne sont pas habitués à cette notion, ils peuvent lire CECI) ; je voudrais donner quelques exemples : le lieu d'exercice a un impact fort à la fois d'un point de vue topographique (de très grande agglomération à village isolé ; de CHU (s) à hôpitaux généraux ; de pléthore à désert médicaux) et institutionnel (le gastroentérologue de l'hôpital X ou de la clinique Y se doit d'adresser au chirurgien de l'hôpital X ou de la clinique Y quelles que soient ses réticences professionnelles ou ) ; les liens d'intérêts : nous avons déjà parlé des contraintes institutionnelles, n'y revenons pas ; mais il existe aussi le copinage, le à toi à moi, les amis politiques, les amis syndicaux, les amis du Rotary, les copains du golf, du tennis, du foot ou de la pétanque, les collègues, les organisateurs de FMC sponsorisées ou non, la contrainte loco-régionale liée simplement au terroir, à l'anti parisianisme ; mais aussi les liens financiers, les retours sur investissement, les caisses de champagne ; et enfin les liens tissés par Big Pharma : la visiteuse qui serait la femme du médecin ou la femme d'un collègue, ou le week-end au golf, le repas au deux étoiles Michelin du coin...
  3. Les dépassements d'honoraires posent de sérieux problèmes d'égalité des soins : certains malades ne peuvent les assumer et / ou décident par principe de ne pas les accepter ; les médecins adresseurs, quelles que soient leurs réticences idéologiques ou politiques ou sociales, finissent par confier des patients à certains chirurgiens malgré le niveau de leurs dépassements ; ou ne le font pas et envoient des patients là où ils n'adresseraient pas leur femme ou leur mari (mais peut-être leur future ex-femme ou leur futur ex-mari...)
Tout cela pour vous dire que l'adressage d'un patient porteur d'un cancer du colon, quelle que soit sa localisation, pose des problèmes pratiques et éthiques considérables. Car le cancer du colon est susceptible de stratégies complexes : chirurgie première ou radiothérapie première, chirurgie traditionnelle ou coelioscopique, anus ou non à la peau, chimiothérapie post op... Il est donc nécessaire de disposer d'une bonne équipe, d'un bon chirurgien, d'un bon gastro-entérologue, d'un bon oncologue, d'un bon centre de radiothérapie et d'un médecin traitant qui est exclu de toutes les décisions par principe et / ou qui ne délègue pas systématiquement pour cause d'encombrement de sa consultation ou d'incompétence prétexte à ne pas continuer de prendre en charge "son" patient.

Je me rends compte que je ne vous ai pas encore parlé de l'étude....
Mais est-ce que cela a une quelconque importance maintenant que vous savez pourquoi j'ai choisi de vous parler du choix des correspondants dans le cas du cancer du colon ? Oui ! C'est important car dans ce cas précis il est rare que la balance bénéfices / risques prise en compte par les auteurs tienne compte aussi du résultat ou des conséquences opératoires du dépistage !
Dans cet essai le taux de réintervention non programmé a été retenu.
Il s'agit en chirurgie d'un bon indicateur (négatif) et particulièrement approprié dans le cas de la chirurgie colorectale qui est fréquente et où les complications sont nombreuses (dont une réintervention dans les 30 jours à cause, par exemple d'infection, de saignement, de blessure ou d'occlusion) ; les commentateurs indiquent que c'est un critère de qualité de technique chirurgicale pure mais il est possible de penser que d'autres facteurs entrent en jeu (qualité des équipes, écologie des services, et cetera) ; mais aussi : stratégie thérapeutique mal choisie, bilan pré opératoire incomplet ou mal fait, manque de coordination des équipes... Par ailleurs, d'autres facteurs de complications sont identifiés comme facteurs indépendants de réintervention (comorbidité, état de déprivation sociale, sexe, site anatomique de la lésion) mais ils sont communs à tous les centres (sauf si certains centres choisissent certains malades et en récusent d'autres...), et, enfin, il est possible que le délai d'adressage par le médecin généraliste ou le délai de prise en charge par le centre (nous sommes en Angleterre) ou le fait que la prise en charge se fasse en urgence ou non, influencent les statistiques... mais ces facteurs ont été pris en compte par l'étude... donc...
Voici ce qui a été constaté.
Il existe des différences de taux de réintervention allant de trois à cinq fois, même dans les grands centres et pour des chirurgiens opérant beaucoup. Pourquoi ? A qui cela est dû ?
Je m'arrête là.
Je répète ceci : adresser ses patients en aveugle est une mauvaise démarche ; nous n'avons parfois pas le choix (urgence) ou parce que les valeurs et les préférences des patients nous y contraignent ou parce que la localisation géographique est problématique ou parce que nos intérêts inconscients nous y invitent ou parce que, de guerre lasse, nous adressons à quelqu'un que nous n'apprécions pas professionnellement ou parce que la CNAM nous y contraint (exemple récent d'un patient que j'avais adressé à Paris pour une écho-endoscopie vatérienne pour laquelle on m'avait demandé pourquoi je n'avais pas adressé au plus près, plus près qui ne le faisait pas) ou parce que le secteur 2 devient impossible à assumer pour les patients...

(Chirurgiens en train d'opérer - Crédit photographique : wikipedia)

Petite histoire pour la route (Coluche) : Pourquoi les chirurgiens portent-ils des masques ? Pour ne pas être reconnus !

mardi 16 août 2011

Louis-Adrien Delarue dénonce les compromissions systémiques des Agences Gouvernementales et fait l'honneur de la médecine générale.


La thèse de Louis-Adrien Delarue (LAD) est un coup de tonnerre dans le monde bien en place du système de santé français.
Commencez par la lire : ICI.
Ou alors, pour vous donner envie de la lire, car une thèse de médecine, c'est peut-être dans votre souvenir aussi excitant qu'une FMC organisée par un laboratoire pour promouvoir la prescription d'un produit inutile dans une indication inutile, ou cela vous rappelle la vôtre, de thèse, aussi épatante qu'un article de Gérard Kouchner dans le Quotidien du Médecin et qui, en plus, vous a demandé un effort considérable et une honte bue pour la façon dont vous l'avez rédigée...
La thèse de LAD est d'abord une thèse courageuse.
Courageuse, car le fait de choisir un tel sujet aurait dû susciter des réticences à l'Université de Poitiers où elle a été acceptée dans son principe et soutenue.
Courageuse, car la façon de traiter le sujet a été pour le moins "directe" et non conventionnelle : LAD a mis les pieds dans le plat.
Courageuse, car l'auteur n'hésite pas à dire ce que beaucoup pensent tout bas sans le formuler de façon aussi convaincante.

Si la thèse n'était que courageuse elle passerait pourtant à côté de sa qualité primordiale. Car la caractéristique essentielle de la thèse de LAD est qu'elle est compétente. La compétence est une donnée fondamentale de la médecine. La compétence, c'est une attitude, quelque chose qui ne se décrète pas, c'est une vision portée par les autres, c'est une façon de se comporter, techniquement et relationnellement. Mais je m'arrête là : je n'ai jamais vu LAD, je ne connais que sa prose par mails interposés. C'est une impression de ma part.

La thèse de LAD est donc compétente car elle apporte des informations décisives.
Que ce soit un thésard qui en remette aux grands patrons, aux grands fonctionnaires (on dit "hauts fonctionnaires", pardon), à ceux qui écrivent des rapports pour le gouvernement, ou pour la CNAM, ou pour l'AFFSAPS, ou pour l'IGAS : chapeau !
Car LAD ne dénonce pas seulement, il expose des faits, donne des exemples, fournit des preuves. Et ces données évidentes, de nombreuses personnes les ont exposées ici ou là, sous le masque de l'anti capitalisme ou des bonnes intentions, mais la thèse de LAD n'expose que des faits déjà connus de beaucoup et qu'ils rassemblent.

La thèse de LAD est aussi une percée phénoménale contre l'académisme universitaire.
L'académisme universitaire qui se retranche derrière la méritocratie de ses diplômes mais pas la véritable méritocratie, celle qui se mérite à chaque instant.
L'académisme universitaire qui défend ses privilèges moraux et financiers et qui a cessé de s'interroger (mais vous me direz qu'il y a des exceptions, certes, il y a des exceptions, et heureusement, et fort nombreuses) sur ses pratiques.
Elle montre également et paradoxalement l'ouverture des universitaires de Poitiers qui ont accepté qu'elle soit écrite et soutenue bien qu'ils ne soient pas d'accord, a priori, ni avec ses tenants ni avec ses aboutissants ou qu'ils n'en comprennent pas les enjeux réels.

Cette thèse est donc une brèche.
Si j'en parle ici, c'est pour la populariser.
J'aimerais que tous les bloggers médicaux et non médicaux puissent la diffuser, l'expliquer, l'amplifier et la rendre indispensable à toute réflexion future sur la Santé Publique en France.

A mon sens, la thèse de LAD montre surtout que la vérité sur la médecine ne peut plus venir de l'Université toute seule comme le croient encore le pouvoir politique et ses experts inamovibles.
Elle montre que les universitaires, pas tous, bien entendu, on va me citer x ou y, z ou w, ont perdu le sens commun. Ils ont oublié dans quel monde ils vivaient. Ils ne perçoivent la Santé publique que comme un monde institutionnalisé s'arrêtant à la porte de leur institution, un monde partagé entre institution et media où les valeurs et préférences des citoyens sont à entendre par démagogie mais pas à écouter pour prise en compte sinon pour application. Ce n'est pas une déconnexion des élites mais une déconnexion des institutionnels vis à vis de ce qui vit en dehors de l'institution. Le phénomène est connu, décrit, répertorié, dénoncé mais il explose dans cette thèse.
La thèse montre que la vérité sur la médecine doit venir aussi et surtout des médecins généralistes et, ici, le fait qu'il s'agisse d'un doctorant en médecine générale, au milieu du gué, en quelque sorte, à cheval entre l'hôpital dont il est chassé et la médecine générale à laquelle il n'a pas été formé, est symptomatique également de notre propre sclérose et de notre incapacité à nous sortir de nos querelles intestines de médecins généralistes qui, au sein de leur position d'infériorité académique, ont cherché à se faire des positions de "bons" médecins généralistes, de donneurs d'alerte ou de whistle blowers (dénonciateurs du système)...

LAD a donc osé.
LAD a donc écrit et bien.
LAD est l'avenir de la médecine générale, une médecine générale qui publie, une médecine générale qui ne fait pas que récriminer, une médecine générale qui ne fait pas que dénoncer, une médecine générale qui affirme son identité et ses pratiques.

Je ne me fais pourtant pas dire ce que je ne veux pas dire : loin de moi l'idée d'idéaliser les pratiques de la médecine générale (voire ses agissements), loin de moi l'idée d'idéaliser les médecins généralistes qui ont cependant l'excuse de ne pas avoir été formés par leurs "maîtres" à la profession qu'ils allaient exercer (mais tout le monde le sait et tout continue comme avant et ne cesse même de s'amplifier), loin de moi de penser que les compromissions des médecins généralistes et de la médecine générale sont moins condamnables que celles des universitaires et des spécialistes libéraux...
Mais que les médecins généralistes qui réfléchissent, qui lisent, qui publient, qui tentent de respecter les équilibres fondamentaux de leur profession (dans le cadre, par exemple, de la Médecine par les Preuves), osent.
Osez dire, tel LAD, que les Agences Gouvernementales ne font pas leur boulot.
Osez dire, tel untel et untel, que les recommandations concernant la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ne sont pas fondées scientifiquement, que l'utilisation du tamiflu hors AMM est une vaste rigolade, que le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate est plus néfaste que bénéfique, que l'utilisation des statines en prévention primaire est d'une inutilité criante, que les traitements dits préventifs de l'ostéoporose sont peu fondés et risqués, que la baisse à tout prix de l'HbA1C chez le diabétique est néfaste, que l'aspirine chez le diabétique n'est pas d'une évidence absolue...
La liste serait encore longue.
N'attendons pas de l'Université, celle qui ne nous a pas formés, qu'elle se remette en question et qu'elle chasse d'elle-même les marchands du Temple, prenons-nous en mains mais ne cédons pas à l'ivresse de notre nouveau pouvoir, continuons de mener nos combats contre nous-mêmes, aussi.
Lisez donc la thèse de Louis-Adrien Delarue.
Elle s'intitule :
Les Recommandations pour la Pratique Clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle ? A propos de trois classes thérapeutiques.
Les trois classes thérapeutiques sont les anti alzheimer, les antidiabétiques dont surtout les glitazones, les AINS dont surtout les coxibs. Elles ont conduit à 4 recommandations "gouvernementales".

Je voudrais souligner trois points fondamentaux qui paraissent majeurs dans cette thèse :

Aucune des quatre Recommandations pour la Pratique Clinique choisies pour cette thèse n’est conforme aux données acquises de la science.


Bon nombre des experts sont en situation de conflits d’intérêts majeurs et les autorités sanitaires dont ils dépendent, ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d’indépendance qu’elles s’étaient fixées ou que la loi leur impose.


Il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l’industrie pharmaceutique.


Bonne lecture.

(PS : je me réserve la possibilité, privée, de faire quelques commentaires critiques sur cette thèse)

(François Marie Arouet, dit Voltaire. Crédit photographique : Wikipedia)

lundi 15 août 2011

J'aime bien le blog de Richard Lehman et je commente un de ses commentaires sur le dépistage du cancer du colon chez les personnes âgées.


Richard Lehman est boulimique. Voici qu'il publie le 15 août 2011 de nombreux commentaires (qu'il faudrait commenter en détail et qu'il ne faut surtout pas prendre pour argent comptant : l'ami Richard a le droit de se tromper, a le droit d'avoir des avis, a le droit d'avoir des a priori, a le droit d'être aveugle ou hémiplégique ou des préférences, ce serait quand même casse-pied un type froid qui serait abstinent, et cetera, et cetera...) à propos de 15 articles qu'il a lus dans différentes revues de bonne qualité (ICI).
Je ne le connais ni des lèvres ni des dents, je ne sais pas quel est le poids de son âge, je n'ai même pas essayé de connaître ses liens ou ses conflits d'intérêt, j'aime bien le lire, un point c'est tout.
Comme je suis encore en vacances, je commenterai peu ce qu'il a écrit et qui concerne pêle-mêle : les antibiotiques, la ménopause, l'insuffisance rénale, la poésie, l'apnée du sommeil, le rivaroxaban, le sida, les laxatifs, les hépatites, le tabac, la mélatonine, les conflits d'intérêt, les adolescents fébriles, et la plante du jour.
Ouf !
Vous lirez donc.
Je ne vous parlerai donc que du dépistage du cancer du colon par recherche de sang dans les selles.
C'est une étude américaine dont vous trouverez l'abstract (LA). Aux US le taux de coloscopie est faible après test positif chez les personnes âgées, ce qui est lié à un manque de suivi, notamment chez les Veterans.
212 patients de plus de 70 ans dont le test de recherche de sang dans les selles était positif ont été suivis pendant 7 ans. Ils ont été classés en 3 catégories d'espérance de vie (EV) : bonne, moyenne et mauvaise en fonction des pathologies coexistantes.
56 % des patients (118 sur 212) ont subi une coloscopie avec pour résultat la découverte de 34 adénomes significatifs et de 6 cancers. 10 % de ces patients (12 sur 118) ont eu une complication sévère due à la coloscopie ou au traitement du cancer.
46 % des patients qui n'ont pas subi de coloscopie (43 sur 94) sont morts pour une autre cause que digestive dans les 5 ans contre 3 qui sont morts de cancer du colon dans la même période.
87 % des patients classés dans le groupe "mauvaise EV" (26 sur 30) contre 70 % des patients du groupe "moyenne EV" (92 sur 131) et 65 % des patients du groupe "mauvaise EV" (35 sur 51) n'ont pas tiré bénéfice de la coloscopie (p = 0,48).
Les auteurs en concluent que le dépistage du cancer du colon doit être plus volontiers centré sur les patients âgés en bonne santé.
Et notre ami Richard Lehman commente : "Je ne sais pas ce que l'on peut en tirer pour le système anglais mais cela souligne le fait... (je résume) qu'un système robuste de suivi est nécessaire pour ne pas manquer des cancers et que cela confirme mes sentiments que la recherche de sang fécal est une façon infecte (lousy) de dépister le cancer du colon en mobilisant des ressources diagnostiques importantes et en faisant plus de mal que de bien."
Je rappelle ici : 1) que je fais pratiquer l'hemoccult à mes patients convoqués par la CNAM par l'intermédiaire de l'ADMY ; 2) que le dépistage du cancer du colon par hemoccult est organisé en France pour les personnes âgées de 50 à 74 ans ; 3) que la prévention est un art difficile qui exige de la réflexion sur les moyens à mettre en place, sur la façon de suivre les patients, sur la pondération du rapport bénéfices / risques et sur les moyens d'apprécier l'impact de ces actions sur la Santé publique.

Je vous parlerai un autre jour, à propos de ce blog, de l'insuffisance rénale chronique et de sa détection en médecine générale.

PS - Un article de Welch publié le 4 mai 2016 dans le New England Journal of Medicine : LA.

(Richard Lehman - Crédit photographique : BMJ Group).

jeudi 4 août 2011

Paracétamol : les Etats-Uniens n'en font-ils pas (un peu) trop ?


La firme Johnson & Johnson qui commercialise le Tylenol Extra Fort (1000 mg par comprimé d'acétaminophène (merci les commentateurs, heureusement que je ne me modère pas, confondre paracétamol et chloraminophène...), (alias paracétamol en dci) annonce que le conditionnement va désormais être limité à 6 g par boîte au lieu de 8 g et qu'un nouveau libellé apparaîtra dans les boîtes cet automne pour limiter les surdosages.
La firme annonce également qu'elle conseillera en 2012 une dose maximale de 3 g par jour de paracétamol pour se conformer aux instructions formulées en 2009 par un groupe de travail de la FDA (ICI) en raison des risques d'atteintes hépatiques.

Plusieurs interrogations :
  1. Pourquoi la firme Johnson et Johnson a-t-elle mis autant de temps à se conformer aux recommandations de ce groupe de travail même si l'on sait que la FDA n'avait pas repris les recommandations à son compte ?
  2. S'agit-il d'une opération marketing pour permettre le lancement d'une nouvelle molécule ou d'une nouvelle association de molécules nouvelles ou anciennes, plus chères et moins éprouvées sur le plan du rapport bénéfices / risques ?
  3. S'agit-il d'une simple crainte de procès ?
Toujours est-il que le paracétamol a entraîné aux EU 153 décès en 2008 dont 30 non intentionnels.

Faut-il donc que les citoyens lambda qui se suicident au paracétamol dictent leur loi aux citoyens qui ne mésusent pas le paracétamol ou qui sont au courant des doses à ne pas dépasser ?
Et que l'on ne vienne pas nous parler du principe de précaution en médecine puisque le principe de précaution ne peut s'appliquer que lorsque l'on ne sait pas, pas lorsque l'on sait. Rappelons le bel aphorisme de Jean-Pierre Dupuy : le principe de précaution ne peut s'appliquer à lui-même.

Il serait étonnant que plusieurs dizaines de molécules n'aient pas entraîné plus de 153 morts aux EU d'Amérique en 2008.

(Paracétamol en 3D : source wikipedia)

dimanche 31 juillet 2011

Vacances été 2011



Je suis en vacances depuis huit jours et je continue de lire vos commentaires avec toujours autant d'attention.
Je suis parti avec quelques projets de posts (sur le "care" et la médecine générale, sur les dépenses de santé chez les personnes âgées, sur Des histoires de consultations) et de la lecture.
Je souhaite de bonnes vacances à ceux qui sont partis et à ceux qui vont partir et beaucoup de courage à ceux qui ont déjà repris.
Amitiés à tous.

(San Francisco du haut de Lombard Street - Photographie de docteurdu16)

samedi 23 juillet 2011

L'Agence européenne protège le pandemrix pour des raisons incompréhensibles.


Pour des raisons que nous ignorons et qui doivent tenir à notre ignorance du fonctionnement, forcément complexe, des cerveaux composant l'aréopage de la sous commission de l'EMA (Agence Européenne du Médicament), intitulée Committee for Medicinal Products for Human Use (CMPHU), lorsqu'ils sont confrontés à une situation inattendue et pour le moins évidente pour le vulgum pecus ou le médecin généraliste de base, le Pandemrix, vaccin anti grippal adjuvé, n'est plus recommandé chez les moins de 20 ans sauf si le vaccin trivalent n'est pas disponible et lorsque la vaccination contre H1N1 est nécessaire (c'est à dire chez les personnes qui risquent les complications ou l'infection). Les cerveaux sus-cités ont dû se creuser la cervelle pour pondre une phrase aussi alambiquée. Il eût été si simple de dire : "Il ne faut plus vacciner les personnes de moins de 20 ans avec le vaccin Pandemrix." Il eût été encore plus simple de dire solennellement : "Le vaccin Pandemrix est retiré."
Mais les cerveaux évolués de l'EMA ne sont pas faits comme ceux des autres, ce sont des experts et pas seulement des experts en vaccinologie (interdit de rire), ils ont aussi convoqué des neuropédiatres, des immunologistes, des spécialistes des troubles du sommeil, des épidémiologistes, des experts (sans plus de précision) de Health Canada, de l'OMS et de l'ECDC (European Center for Disease Prevention Center)...
Ils n'oublient pas d'affirmer que le rapport bénéfices / risques du Pandemrix était globalement favorable (cela ne vous rappelle pas quelque chose ?).
Ils n'hésitent pas non plus, les impudents qui savent que jamais personne ne viendra leur chercher des poux dans la tête, à affirmer que le risque d'attraper une narcolepsie post vaccinale avec ou sans catalepsie est de 6 à 13 fois plus importante que si la population suédoise et finlandaise des 4 - 19 ans n'avait pas été vaccinée, ce qui correspond à une augmentation de trois à sept cas de plus pour 100 000 vaccinés.
Et cela ne les gêne pas.
Je voudrais dire ceci : dans une population comme celle de la Finlande avec environ 5,3 millions d'habitants, il y a eu 56 décès dus à la grippe en 2009 et 60 enfants et adolescents qui ont souffert d'une narcolepsie post vaccinale. Est-ce cela le rapport bénéfices / risques globalement favorable ? Aurions-nous accepté qu'en France il y eût 660 enfants et adolescents du même âge atteints ? Pour 344 décès de la grippe en France pendant la même période... Alors que l'immense majorité de ces enfants aurait eu une grippe bénigne (la grippette de notre ami Bernard Debré qui préconisait pourtant la vaccination des nourrissons)...
L'affaire du Mediator (et ses 500 morts pendant de nombreuses années) est une rigolade par rapport à ces 60 cas de narcolepsie en une seule campagne de vaccination...
J'avais demandé en février 2011 au professeur Daniel Floret et au Comité Technique des Vaccinations de dégager (voir ICI). Ils n'ont pas dégagé. Ils sont toujours là. Et ils se moquent des narcolepsies finno-suédoises (sans compter les Islandaises) : il doit bien y avoir des facteurs ethniques et génétiques qui permettront d'innocenter les squalènes dont Monsieur Perronne clamait l'innocuité puisqu'ils étaient naturels lors de la fameuse conférence de presse tenue au Ministère de la Santé par Madame Bachelot (voir ICI).
Quant à la pharmacovigilance française, où a-t-elle mis les cas de narcolepsie qui lui ont été déclarés ? A la poubelle ou dans la catégorie non imputable (ce qui est la même chose) ?
J'éprouve un profond dégoût.
Jusqu'où la passion de Glaxo ira-t-elle ?
Le retrait du Pandemrix eût été la position la plus juste.



jeudi 21 juillet 2011

Prévention du cancer du col : une étude qui interroge !


Une équipe néerlandaise de Nimègue a publié une étude dans l' American Journal of Obstetrics and Gynecology (ICI en accès libre) qui pose des questions pertinentes sur la prévention du cancer du col de l'utérus. Tout le monde s'accorde pour dire que la prévention du cancer de l'utérus par le frottis cervical est la meilleure mesure connue. Même si les tenants de la vaccination par le gardasil font le forcing.
Voyons donc les objectifs et les résultats de cette étude. Il s'agissait, à partir des dossiers de 401 femmes chez qui un diagnostic de cancer du col de l'utérus invasif avait été porté entre 1991 et 2008, de savoir pourquoi, malgré le programme de prévention mis en place aux Pays-Bas, les femmes en question étaient passées au travers.
Précisons qu'aux Pays-Bas un programme national de dépistage avait été mis en place en 1988 : les femmes entre 35 et 53 ans étaient invitées à un frottis cervical tous les trois ans ; programme qui avait été modifié en 1996 pour améliorer son efficacité et son efficience : l'âge des femmes avait été porté à 30 - 60 ans et l'intervalle de frottis de 3 à 5 ans. Entre 1990 et 2006 l'incidence et la mortalité du cancer du col avaient diminué respectivement de 28 et 42 % La sensibilité du test de papanicolaou est assumé à 60 - 70 %
Les auteurs ont donc analysé les causes qui auraient pu mener à l'échec et notamment en relisant les lames.
Les frottis ont été effectués par des spécialistes et / ou des médecins généralistes mais nous ne connaissons ni la proportion, ni la qualité comparée des examens.
Les résultats sont les suivants : voir le camembert de début d'article.
17 % des femmes ont été non répondeuses au dépistage, 33 % des femmes ne faisaient pas partie de la population cible selon l'âge (11 % parce qu'elles étaient trop jeunes et 22 % parce qu'elles étaient trop âgées), 9 % des femmes ont été diagnostiquées lors du premier dépistage (donc trop tard par rapport à l'initiation du dépistage), 17 % des femmes ont été dépistées mais plus de 5 ans avant le diagnostic, dans 13 % des cas il y a eu une erreur d'interprétation et dans 8 % des cas il y a eu erreur d'échantillonnage des cellules analysées et / ou une tumeur d'apparition rapide, enfin dans 3 % des cas le cancer est apparu malgré un dépistage intensif (cytologie / colposcopie).
Il est frappant de voir, me semble-t-il, que cette campagne de dépistage est un fiasco : le taux de non réponse aux invitations est plutôt faible (17 % ; malgré les commentaires des auteurs qui affirment qu'il s'agit du facteur prédominant) comparé aux 33 % des femmes ne faisant pas partie des âges-cibles du programme et aux 24 % d'échec total du dépistage pour différentes raisons tenant soit au prélèvement lui-même, soit à l'analyse du prélèvement.

Qu'en tirer comme conclusions générales ?
Qu'il faut vacciner avec le gardasil ?
Qu'il faut mieux inciter les femmes mais comment ?
Que la prévention du cancer du col, donné en exemple partout, n'est pas aussi exemplaire que cela mais qu'elle doit être, surtout, poursuivie et améliorée.
Que ce genre d'étude est capital. Qu'il faut remercier les auteurs et que nous sommes avides d'études de ce type en France et ailleurs.