vendredi 8 août 2008

EVIDENCE BASED MEDICINE : LES FONDAMENTAUX

Chers amis,

Je vous propose la traduction d'un article "fondateur" de Sackett concernant l'EBM qui est certes une auberge espagnole mais dont il faut connaître les tenants et les aboutissants.
Certains passages peuvent paraître datés mais c'est parce que la référence est déjà ancienne (1996). Vous pouvez consulter l'original ICI.
Après avoir relu cela il est possible de parler d'EBM... Ce que nous ferons sur le plan théorique dans d'autres articles.

Docteurdu16


Editorial
Médecine par les preuves: ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas : Il s’agit d’intégrer l’expertise clinique individuelle aux meilleures preuves externes.

La médecine par les preuves, dont les origines philosophiques remontent au milieu du dix-neuvième siècle à Paris et encore plus tôt, reste un sujet chaud pour les cliniciens, les professionnels de la santé publique, les payeurs, les planificateurs et le public. Il existe actuellement de nombreuses séances de travail consacrées à sa pratique et à son enseignement ; des programmes d’entraînement pour étudiants (1) et non diplômés (2) l’intègrent (3) (ou pondèrent la façon de l’utiliser) ; des centres britanniques de médecine par les preuves ont été fondés ou plannifiés en médecine d’adulte, pédiatrie, chirurgie, pathologie, pharmacologie clinique, soins infirmiers, médecine générale et chirurgie dentaire ; la Collaboration Cochrane et le Centre britannique de York pour le recensement et la diffusion [ndt : NHS Centre for Reviews and Dissemination de l'Université d'York (Angleterre). Cette institution rassemble, évalue et diffuse en permanence des travaux scientifiques sur les mesures technologiques et organisationnelles du système de santé. Site : http://www.york.ac.uk/inst/crd/] fournissent des revues systématiques des effets des soins de santé ; de nouveaux journaux de médecine par les preuves vont être lancés ; et c’est devenu un sujet commun dans les media grands publics. Mais l’enthousiasme a été contrebalancé par des réactions négatives (4, 5, 6). La critique a tout dit : la médecine par les preuves pouvait être d’un côté une vieille barbe et à l’extrême une dangereuse innovation perpétrée par des arrogants pour aider les coupeurs de crédits et pour supprimer la liberté des cliniciens. Comme l’EBM continue d’évoluer et de s’adapter, il est maintenant utile de reconsidérer la discussion sur ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
La médecine par les preuves est l’usage consciencieux, explicite et judicieux des meilleures preuves existantes pour prendre des décisions concernant la prise en charge d’un patient. La pratique de la médecine par les preuves signifie intégrer l’expertise clinique personnelle aux meilleures preuves cliniques externes obtenues par recherche systématique. Par expertise clinique personnelle nous entendons la compétence et le jugement que chaque clinicien acquiert à travers son expérience et sa pratique clinique. Une amélioration de l’expertise se mesure de différentes manières mais essentiellement par plus de diagnostics effectifs et efficients et dans un meilleur usage raisonné et compassionnel des situations difficiles, des droits et des préférences des patients dans le choix clinique décisionnel les concernant. Par meilleures preuves cliniques externes disponibles nous entendons des recherches cliniques pertinentes, souvent issues des sciences médicales fondamentales, mais essentiellement à partir de recherches cliniques centrées sur le patient comme la pertinence et la précision de tests diagnostiques (incluant l’examen clinique), la puissance de marqueurs pronostiques et l’efficacité et la sécurité des thérapeutiques et des procédures de réhabilitation et de prévention. Les preuves cliniques externes invalident à la fois les tests diagnostiques et les traitements précédemment acceptés et les remplacent par de nouveaux qui sont plus robustes, plus appropriés, plus efficaces et sûrs.
Les bons médecins utilisent à la fois l’expertise clinique personnelle et les meilleures preuves externes disponibles et l’un sans l’autre est insuffisant. Sans expertise clinique la pratique risque d’être tyrannisée par la preuve, car même une preuve externe excellente peut être inapplicable ou inappropriée pour un patient donné. Sans les meilleures preuves existantes la pratique risque de devenir dépassée au détriment des patients.
La description de ce qu’est la médecine par les preuves aide à clarifier ce qu’elle n’est pas. La médecine par les preuves n’est ni vieille ni impossible à exercer. L’argument selon lequel « chacun l’exerce déjà » tombe derrière la réalité des variations importantes existant à la fois dans l’intégration des valeurs du patient dans notre conduite clinique (7) et dans les taux d’intervention des cliniciens à l’égard de leurs patients (8). Les difficultés que rencontrent les cliniciens à se tenir au courant des avancées médicales rapportées par les journaux de soins primaires sont évidentes quand on compare le temps requis pour lire (pour la médecine générale : 19 articles par jour, 365 jours par an (9)) avec le temps disponible (moins d’une heure par semaine pour les consultants britanniques, même dans un questionnaire déclaratif (10)).
L’argument selon lequel la médecine par les preuves peut seulement être conçue depuis des tours d’ivoire et des fauteuils est contredit par des expériences de soin clinique où déjà des équipes cliniques hospitalières en médecine générale (11), psychiatrie et chirurgie assurent des soins issus de la médecine par les preuves à une majorité de leurs patients. Ces études montrent que des cliniciens occupés qui consacrent leur rare temps de lecture à des recherches sélectives, efficaces, conduites par le patient, à l’évaluation et l’incorporation des meilleures preuves disponibles peuvent pratiquer la médecine par les preuves.
La médecine par les preuves n’est pas un livre de recettes médicales. Parce qu’elle nécessite une approche par le haut qui intègre les meilleures preuves cliniques externes avec l’expertise clinique individuelle et le choix des patients, elle ne peut conduire à une approche servile et automatique des soins de chaque patient. Les preuves cliniques externes peuvent informer mais ne jamais remplacer l’expertise clinique individuelle et c’est cette expertise qui décide si les preuves cliniques externes sont applicables à un patient particulier et, si c’est le cas, comment elles doivent être intégrées dans la décision clinique. De la même façon, toute recommandation externe doit être intégrée à l’expertise clinique individuelle pour décider si elle correspond à l’état clinique du patient, sa situation et ses préférences et, ainsi, si elle doit être appliquée. Les cliniciens qui craignent les recettes tombant d’en haut devraient retrouver les avocats de la médecine par les preuves en les accompagnant sur les barricades.
Certains craignent que la médecine par les preuves soit détournée par les payeurs et les décideurs pour couper les crédits de la santé. Cela ne serait pas seulement un mauvais usage de la médecine par les preuves mais suggérerait une méconnaissance fondamentale de ses conséquences financières. Les médecins pratiquant la médecine par les preuves identifieront et appliqueront les interventions les plus efficaces pour optimiser la qualité et la quantité de vie de chacun de leurs patients ; cela pourrait élever plus que diminuer le coût des soins.

La médecine par les preuves, ce n’est pas seulement les essais randomisés et les méta-analyses. Elle inclut la recherche des meilleures preuves externes avec lesquelles on peut répondre à nos interrogations cliniques. Pour déterminer la pertinence d’un test diagnostique nous devons trouver les études transversales appropriées incluant des patients suspects cliniquement de correspondre au problème recherché, pas un essai randomisé. Pour une question pronostique, nous avons besoin d’études appropriées de suivi de patients analysés à un moment commun et précoce de leur maladie. Et parfois les preuves dont nous avons besoin viendront des sciences fondamentales comme la génétique ou l’immunologie. C’est lorsque nous nous posons des questions sur les traitements que nous essaierons d’éviter les approches non expérimentales puisqu’elles conduisent fréquemment à de fausses conclusions concernant l’efficacité. Parce que les essais randomisés et principalement les revues systématiques de nombreux essais randomisés sont probablement plus informatifs et moins susceptibles de nous induire en erreur, ils sont devenus le « «gold standard » pour juger si un traitement fait plus de bien que de mal. Cependant, certaines questions relatives au traitement ne requièrent pas d’essais randomisés (succès pour différentes situations fatales) ou ne peuvent attendre que les essais soient conduits. Et si aucun essai randomisé n’a été mis en œuvre pour la situation de notre patient nous devons suivre la piste de la prochaine meilleure preuve externe et travailler pour elle.
En dépit de ses origines anciennes la médecine par les preuves est une discipline relativement jeune dont les impacts positifs commencent seulement à être validés (12, 13) et qui continuera à évoluer. Cette évolution sera améliorée car de nombreuses formations pour étudiants et médecins, et dans le cadre de la formation médicale continue, l’adoptent et l’adaptent pour les besoins de chacun. Ces programmes et leur évaluation fourniront de plus amples informations et une meilleure compréhension de ce que la médecine par les preuves est et n’est pas.

David L Sackett, William M C Rosenberg, J A Muir Gray, R Brian Haynes, W Scott Richardson
Professor NHS Research and Development Centre for Evidence Based Medicine, Oxford Radcliffe NHS Trust, Oxford OX3 9DU
Clinical tutor in medicine Nuffield Department of Clinical Medicine, University of Oxford, Oxford
Director of research and development Anglia and Oxford Regional Health Authority, Milton Keynes
Professor of medicine and clinical epidemiology McMaster University, Hamilton, Ontario Canada Clinical associate professor of medicine University of Rochester School of Medicine and Dentistry, Rochester, New York, USA
Références :
8)
House of Commons Health Committee. Priority setting in the NHS: purchasing. First report sessions 1994-95. London: HMSO, 1995. (HC 134-1.)
10)
Sackett DL. Surveys of self-reported reading times of consultants in Oxford, Birmingham, Milton-Keynes, Bristol, Leicester, and Glasgow. In: Rosenberg WMC, Richardson WS, Haynes RB, Sackett DL. Evidence-based medicine. London: Churchill Livingstone (in press).
12)
Bennett RJ, Sackett DL, Haynes RB, Neufeld VR. A controlled trial of teaching critical appraisal of the clinical literature to medical students. JAMA 1987;257:2451-4. [Abstract]
13)
Shin JH, Flaynes RB, Johnston ME. Effect of problem-based, self-directed undergraduate education on life-long learning. Can Med Assoc J 1993;148:969-76. [Abstract]

dimanche 20 juillet 2008

Histoires de consultations : troisième épisode

Le rôle social du MG !

Slimane, vingt-sept ans ans, est installé en face de moi, le visage défait.
Je le connais depuis vingt-sept ans.
Pour une raison que nous ignorons tous les deux, surtout moi, je n’ai jamais sympathisé avec lui. Ni même empathisé. Mais nous nous voyons avec plaisir, semble-t-il. Je lui parle de sa famille et il me répond en confiance.
Il me dit qu’il est exténué : par son travail (il est chauffeur de car de tourisme), par son divorce (il le considère comme un échec personnel), par sa séparation d’avec son petit garçon de quatre ans (qu’il ne voit pas beaucoup en raison du déménagement de son ex femme), par la pension alimentaire qu’il doit payer (qu’il considère trop élevée), par le fait qu’il a dû retourner vivre chez ses parents (encore un échec et une renonciation).
Médicalement parlant, il n’y a pas grand-chose à dire : il souffre d’asthénie physique et mentale. Il lui faut du repos, donc un arrêt, éventuellement un inducteur du sommeil pendant qu’il ne travaille pas et surtout pas le début d’entretien psychothérapique : il ne le supporterait pas.
Donc : arrêt de travail.
Il me pose la question suivante : ne faut-il pas que vous me prescriviez des médicaments en cas de contrôle de la sécurité sociale ? Il n’a pas tout à fait tort : si la sécurité sociale fait un contrôle à domicile, voire s’il s’agit de son employeur, le fait de ne pas avoir à ingurgiter des benzodiazépines peut paraître suspect du fait qu’il ne serait pas malade.
Voici cependant ce qu’il me raconte (on vient d’apprendre le matin même que l’instituteur qui avait organisé une sortie en car pour ses élèves et dont un certain nombre, sept, était mort sur un passage à niveau, venait de se suicider, selon la presse, rongé par les remords) : je travaille quinze à seize heures par jour, je travaille avec deux disques… Je déconseille à tout le monde de prendre le car en ce moment : la profession est aussi crevée que moi.
Je lui suggère tout ce qu’on peut suggérer dans ces cas-là, parler avec son patron, aller à l’inspection du travail, à la gendarmerie… Il me dit qu’il a besoin de son travail pour payer la pension alimentaire et que, surtout, sa femme cesse de dire à son fils qu’il est un fainéant.
Que doit faire le docteurdu16 ? Téléphoner à la police ?

jeudi 10 juillet 2008

Histoires de consultations : deuxième épisode.

Le Gardasil sur le comptoir.


Marie-Pierre, dans sa vingt-et-unième année flamboyante, dont j’apprendrai plus tard qu’elle est élève infirmière de deuxième année, s’installe en face de moi avec résolution et pose sur mon bureau une boîte de Gardasil. Je ne la connais ni des lèvres ni des dents.

- Bonjour.
- Bonjour, je viens pour que vous me fassiez le vaccin.

Ma surprise est totale et, bien malgré moi, elle s’exprime sur mon visage.

- Qui vous l’a prescrit ?
- Un médecin à l’école. Il nous a dit qu’il fallait le faire.

Je la regarde avec un air amusé et dubitatif.
- Et qu’est-ce qu’il vous dit ?
- Ben, il a dit que c’était pour empêcher le cancer du col de l’utérus. Que c’était important de le faire.
- Et quoi d’autre ?
- Ben, rien… On a eu un cours.
- Et c’est tout ce que vous avez retenu ?

Elle commence à s’impatienter. J’imagine qu’elle est venue chez le médecin pour être vaccinée, pas pour qu’on lui parle du pourquoi et du comment, ni pour subir une interrogation orale surprise. Elle a croisé ses jambes, signe qu’elle est sur le point de partir pour trouver un médecin un peu plus « moderne ».
- Vous êtes contre ? demande-t-elle, soudain agressive.
Je souris.
- Non, non. Disons que je ne suis pas totalement pour. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Je commence par imprimer le petit mémo que j’ai écrit sur le Gardasil et je le lui tends.
« Prenez d’abord cela. C’est ce que je donne à toutes les jeunes femmes avec lesquelles je parle du Gardasil.
Elle prend la feuille du bout des doigts. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est une sacrée belle fille. Ce qui me donne instantanément une idée.
« Vous savez, le vaccin contre le papillomavirus ne prévient pas tous les cancers du col… Vous a-t-on parlé de la nécessité de continuer à faire des frottis tous les deux ans à partir de 25 ans, disons ?... (a priori non)…

Je continue mon argumentaire et, m’arrêtant brusquement, je lui demande brutalement : « Ca fait combien de temps que vous avez des rapports ? »

Elle n’a pas l’air surprise de la question.
- Chais pas, trois ans, peut-être…

Je n’ai pas vacciné la future infirmière.

A partir de là, comme dirait Didier Deschamps, je vous laisse, cher lecteur, vaticiner sur les conséquences de la publicité pharmaceutique grand public approuvée par les Pouvoirs Publics.

A vos croyances !

mardi 8 juillet 2008

Le docteur House et le médecin généraliste



DOCTEUR GREGORY HOUSE

Le fameux docteur Gregory House est probablement le prototype de l'anti médecin généraliste ou, pour faire moderne, le contre-héros du spécialiste en médecine générale.

Il exerce en institution (Princeton).

Il est chef de service d'une unité de diagnostic (Department of Diagnostic Medicine).

Il est le supérieur hiérarchique de trois assistants avec lesquels il pratique à propos de chaque malade brain storming, maïeutique et perversité.

Il combat la notion d'empathie avec les malades (au point de ne les voir ou, pire, de ne les examiner, qu'à regret et quand il ne peut pas faire autrement) et la dénonce même comme un danger permanent à l'exercice de la médecine.

Il a lu toute la littérature mondiale fût-ce en hindi ou en portugais.

Il ne fait confiance à personne et veut faire tout lui-même ou en ne déléguant à ses assistants que lorsqu'il est frappé de fainéantise ou qu'il veut les ennuyer : du séquençage de l'ADN aux visites à domicile quand les malades sont absents et, au besoin, en crochetant les serrures, et en passant par les ponctions intracraniennes...

Il contrôle les prescriptions de a jusqu'à z, allant même s'assurer de la couleur des comprimés à la pharmacie de l'hôpital, voire dans une pharmacie de ville, ou vérifier les dates de péremption ainsi que vérifier les affaires personnelles des patients.

Il pense que tout le monde ment, à commencer par les patients, et il n'hésite donc ni à mentir, ni à tromper, ni à exercer un chantage à l'égard des malades comme de ses collègues s'il s'agit de trouver un diagnostic ou de faire prendre un traitement (qui est parfois un placebo).

Il croit de façon pure et dure à la sémiologie clinique et radiologique au point de prescrire des examens complémentaires à tour de bras, fussent-ils dangereux voire potentiellement mortels ou seulement justifiés par l'établissement d'une preuve a contrario.

Il se fout du service juridique de l'hôpital même quand l'avocat est son ex femme ou quand un de ses collègues est obligé de se parjurer pour lui éviter des poursuites.

Il se moque des médecins qui considèrent que le thérapeute est le meilleur médicament mais il se sert de ce procédé pour arriver à ses fins.

Il méprise la bobologie au point de refuser les consultations de porte et de répéter partout "Moi, je sauve des malades...", il réfute la fonction sociale de la médecine et des médecins et, selon son ami Wilson, dit qu' "il n'est pas là pour sauver le monde mais pour résoudre le puzzle diagnostique."

Enfin, il déteste les spécialistes. Serait-ce le seul point commun avec le médecin généraliste ? Qui, on le sait, n'éprouve désormais qu'une seule ambition : être reconnu comme spécialiste.

Finalement Gregory House ne peut être un modèle pour nous qui exerçons la médecine de premier recours, la médecine de la famille, la famille de l'individu (non, je ne plaisante pas) mais il peut aussi nous faire entendre que la médecine, c'est aussi une science dure qui ne supporte pas l'à-peu-près et qui exige des connaissances et pas seulement psychologiques de l'approche des patients.
Une de mes malades, africaine, à qui je refusais de prescrire des antibiotiques pour, selon moi, de bonnes raisons, m'a apostrophé ainsi : "Vous n'allez pas devenir docteur House !"

jeudi 3 juillet 2008

Les médecins généralistes vont-ils disparaître ?

Une société sans médecins généralistes ?


La disparition annoncée des médecins généralistes semble ne préoccuper que les médecins généralistes : où sont les déclarations enflammées des associations de malades, des syndicats ouvriers, des forces vives de la Nation contre cette atteinte à la biodiversité médicale ?



Tout le monde s'en fout.



Faut-il s'en offusquer ou faut-il essayer d'en rechercher les raisons ?



On me dira que l'on se préoccupera de la question quand il sera trop tard : n'est-ce pas une règle d'or de l'humanité ? On le voit pour les énergies renouvelables.



Cette disparition est-elle vraie ou probable ?


Les patients comme les malades ont-ils envie de ne consommer que du spécialiste ? Pourquoi ce manque de reconnaissance à l'égard des médecins généralistes qu'on les appelle médecins spécialistes en médecine générale ou médecins de famille ou médecins de premier recours ?



Parce que les médecins généralistes ont cessé de produire du sens. La stratégie du désir des patients / malades ne passe plus par le médecin généraliste considéré peu ou prou comme un prestataire de service, un délivreur d'arrêt de travail, un prescripteur de paracétamol remboursé ou un rédacteur de lettre pour le spécialiste... Le médecin généraliste ne fait plus rêver le patient / malade.


Est-il déjà trop tard pour proposer des solutions ?


Le constat.


Les problèmes se situent au niveau

1) des médecins généralistes eux-mêmes,

2) des médecins spécialistes et

3) du désir des patients / malades s'inscrivant plus largement dans un consensus sociétal à l'égard de la médecine et des médecins.


1) Les médecins généralistes : incapables de s'organiser, divisés, non producteurs de travaux scientifiques (la médecine générale en tant que spécialité est dramatiquement inexistante), méprisés par leurs pairs (qui le font savoir aux patients / malades de façon verbale, non verbale, institutionnelle, administrative), ignorés par l'Université qui ne s'occupe pas de leur formation (par méconnaissance, inintérêt, condescendance), infantilisés par les Autorités de Tutelle, ennemis de la Formation Continue, farouches adversaires du contrôle de leur activité, poujadistes à l'égard de la Sécu, fiers prescripteurs de placebos, ils pensent qu'ils servent encore à quelque chose...


Et, bien entendu, ils servent à quelque chose. Mais ils sont incapables de dire s'ils ont une fonction médicale, sociale, sanitaire ou de prévention ou s'ils sont des amortisseurs sociaux du mal de vivre généralisé des sociétés modernes.


Si l'on voulait être plus méchants on dirait qu'ils sont aussi un instrument économique, soupape de sécurité pour les employeurs voyous, source de profits pour l'industrie pharmaceutique et que leur activité dépend largement de la surmédicalisation de la société à laquelle ils participent pour le meilleur et pour le pire.


L'augmentation des honoraires peut-il entraîner un changement des comportements ? Oui et non.

Commençons par le non : non, s'il n'existe pas une théorisation des pratiques, non, s'il n'existe pas une hiérarchisation des contenus, non si cela ne s'accompagne pas d'une amélioration des connaissances des médecins et des conditions de réception des patients, non, si l'augmentation est trop faible pour que le médecin ait envie de faire quelque chose et pour que le patient n'ait pas envie d'exiger autre chose. Les médecins gagneront plus à nombre égal d'actes mais le contenu de leur consultation sera identique.

Terminons par le oui : oui si cette augmentation est substantielle, suffisamment importante pour marquer le coup, pour que cela dissuade certains patients de venir pour un rhume (et un arrêt de travail), oui, si le patient / malade se rend compte que l'offre de soins a changé, que son médecin peut faire autre chose que ce qu'il imagine normalement.


Que faire ? Bosser, produire du sens, des travaux, organiser la recherche en médecine générale, créer une Université de tous les savoirs en Médecine Générale, communiquer, couper les liens avec les universitaires qui méprisent les médecins généralistes, faire une Charte de la Médecine générale, créer des Cercles de Qualité imposant, je ne sais pas, moi, le lavage des mains entre chaque patient, la rédaction systématique de lettres tapuscrites, la connaissance des recommandations, le boycottage des spécialistes ne jouant pas le jeu de la collaboration, le boycottage des services hospitaliers voyous, l'obligation de réunions de pairs, la formation de pôles d'excellence, la désignation, sur un secteur d'activités de médecins généralistes référents dans certains domaines (le droit du travail, l'informatique, la lecture des publications, les relations avec les institutions,...) consultables entre pairs, et cetera, et cetera, dont les réunions de santé publique avec les patients...


2) Les médecins spécialistes. La collaboration sur un pied d'égalité humaine est indispensable. Cette égalité n'est pas innée en raison de la structure des études universitaires (l'enseignement des spécialités survenant après l'obtention du diplôme de médecin qui permet d'exercer la médecine générale).


L'égalité se conquiert.


Cette conquête est liée à plusieurs facteurs : des relations interpersonnelles fondées sur l'excellence scientifique (ce qui présuppose, de chaque côté, des connaissances de sa spécialité et une ouverture sur celle de l'autre) ; une relation donnant donnant : comment exiger que la lettre du spécialiste soit informative et pédagogique si celle du médecin généraliste est quelconque ? une concordance des valeurs, des priorités et des préférences de chacun ; un partage confiant des données.


Les médecins spécialistes ne sont ni des ennemis ni des supérieurs hiérarchiques. Ils n'exercent pas la même médecine non parce que les uns seraient les médecins de la globalité et les autres les médecins des organes mais parce que le contexte de soins est le plus souvent différent : le médecin généraliste est en première ligne alors que le spécialiste est un second choix (sauf en cas d'urgence) ; le médecin généraliste est le médecin de la durée alors que le spécialiste est souvent celui de l'instant ; le médecin généraliste n'a pas toujours besoin d'un diagnostic alors que le médecin spécialiste ne peut rien sans ce diagnostic ; le médecin généraliste, sauf de rares exceptions, reçoit "chez lui" alors que le spécialiste peut recevoir "chez lui" mais surtout dans des structures institutionnelles (clinique ou hôpital) : le médecin généraliste ne répond qu'à lui-même alors que le spécialiste peut devoir à l'institution (plus forte que lui).


L'égalité avec le spécialiste est difficile car le spécialiste a à sa disposition 99 % de publications internationales et il peut, sans n'avoir jamais fait aucun travail de recherche, appliquer directement des principes qui concernent les patients qu'il reçoit (en deuxième voire en troisième main). Le médecin généraliste est, lui, toujours en train de composer entre les données de la science obtenues sur des patients sélectionnés, explorés, testés et diagnostiqués et les données empiriques qu'il a recueillies auprès de son malade. Cette difficulté, au lieu de dévaloriser le médecin généraliste, devrait le grandir. Mais à condition de théoriser.


(Il n'est pas inintéressant de noter que certains spécialistes ne produisant pas d'actes techniques, les pédiatres, les psychiatres, dans une moindre mesure les dermatologues, les gynécologues, sont en train de se paupériser au même titre que les médecins généralistes et qu'au lieu de se rapprocher de leurs pairs ils feraient mieux de collaborer avec les médecins généralistes...)


3) Les patients / malades. Une mauvaise plaisanterie serait de dire que les patients vont voir les médecins généralistes et ne deviennent malades qu'après avoir consulté un spécialiste. Cette boutade a un côté véridique dans l'esprit des patients. Nous devons l'analyser. Nous devons savoir ce qui conduit les patients / malades chez nous, les médecins généralistes, et pourquoi ils désirent aussi aller chez le spécialiste. Qu'est-ce que nous n'avons pas que les patients désirent ? Est-ce un déficit d'informations de notre part, est-ce un déficit de communication, est-ce un déficit d'actes techniques, est-ce un manque d'attention, est-ce un manque de diagnostic, est-ce un renoncement chaque fois que nous adressons un patient / malade chez le spécialiste ?


A l'heure des informations "libres" sur Internet, que doit-on dire "en plus" à nos malades ? Comment doit-on les informer, les former, comment nous valoriser alors qu'existent tant d'émissions médicales à la télévision où les médecins généralistes brillent par leur absence et où les dynamiteurs de service, les Pelloux, les Kouchner, ne cessent de nous comparer à des officiers de santé (des bobologues) ?


Il est probablement nécessaire que nous repensions l'accueil de nos patients / malades, que nous réanalysions le contenu de nos consultations, leur modernité, que nous structurions notre communication externe et interne, que les patients / malades se rendent compte du plus qu'ils ont à venir chez nous plutôt qu'aux urgences ou directement chez le spécialiste ou à consulter Internet.
Il faut réorganiser dans notre tête notre offre de soins. Il faut que le patient / malade, quand il décide d'aller voir son médecin traitant, sache pourquoi il va aller le voir, ce que son médecin généraliste va exiger de lui et ce que lui peut exiger de son médecin généraliste.
La raréfaction des médecins généralistes, ou leur supposée raréfaction, doit constituer une chance pour la médecine générale : la pénurie d'offre ou l'explosion de la demande doivent conduire la profession à structurer sa pratique.
Go !

jeudi 26 juin 2008

Histoires de consultations : premier épisode

Deuil


Madame N consulte pour que je lui vérifie sa tension. Elle est souriante. Je lui demande : « Comment ça va ? ». Elle répond : « Contrairement à ce que je m’attendais, ça peut aller. Je ne sais pas pourquoi, mais ça va. » Tout à l’heure elle va pleurer devant moi. D’ailleurs, ajoute-t-elle comme pour se faire pardonner, j’ai la larme facile. Je la crois.

Madame N a perdu son mari il y a trois mois. Après deux ans de souffrance : un cancer de la prostate métastasé avec blocage du petit bassin. Elle s’est beaucoup investie et je me suis demandé à son propos, et en toute innocence, comment font les gens pour s’investir autant. Traduction en français : est-ce que je serai à la hauteur si cela m’arrivait ?

Ce n’est bien entendu pas la première fois que je la revois depuis le décès de son mari. Mais c’était en passant : elle accompagnait un de ses petits-enfants malades et nous n’avions pas eu l’occasion de « parler ».

Faut-il l’interroger ? Faut-il lui donner la possibilité de laisser « la parole s’exprimer » ? Est-ce que la patiente, pendant que je fixe le tensiomètre sur son bras, est en train de se demander s’il faut parler ou non ? Hésite-t-elle à me cacher quelque chose ? Ou, au contraire : à tout me dire ?

« Vous avez treize huit. » Elle est comme étonnée. Jamais sa pression artérielle n’a été aussi bonne. « On ne pourrait pas arrêter les médicaments ? » Cela se discute. On attendra la prochaine consultation.
« J’aimerais bien quand même que vous me prescriviez quelque chose pour dormir. Ca m’aiderait. – Que se passe-t-il ? – Je m’endors bien mais je me réveille deux heures après. Je me sens coupable… »

Nous y voilà. L’analyste rentré que je ne suis pas mais que tout le monde peut se prétendre, psychiatre, cardiologue, médecin généraliste, directeur des ressources humaines ou technicien de surface, poussé par la propagande analytique ambiante, se frotte les mains de façon non gestuelle.

« Et coupable de quoi ? – Ben, je ne sais pas, si j’avais montré mon mari à de grands professeurs sur Paris… Il s’en serait peut-être sorti… » Elle me regarde, quêtant une approbation. Se rend-elle compte qu’elle exprime une critique à mon égard : si vous en aviez fait plus, vous, son médecin traitant, il serait peut –être encore là ?

« Pourquoi vous sentiriez-vous coupable ? Depuis le début nous savions que c’était quasiment désespéré, nous en avions longuement parlé (assez longuement ?). On avait alors deux possibilités, en faire le maximum dans le style acharnement ou ne rien faire du tout et l’aider à ne pas souffrir. On a choisi la troisième solution : faire les deux en même temps. – Il n’y avait donc vraiment aucun espoir ? Parce que, à un certain moment, il allait mieux, quand même… – Il peut y avoir un répit, une rémission, et même on a déjà vu des situations s’améliorer à la grande surprise des médecins. Pas seulement à Lourdes. Mais dans le cas de votre mari la situation était perdue dès le départ. La seule question que l’on doit se poser, non, excusez-moi : un des questions que l’on peut se poser : a-t-il beaucoup souffert ? – Oui, énormément. » Et elle se met à pleurer doucement.

Je comprends ici que les objectifs n’ont pas été atteints. Le patient a souffert.

(Je réfléchis à deux choses pendant que je tends un mouchoir en papier à la femme qui pleure en face de moi : est-il possible de faire comprendre à la société que tous les hommes sont mortels ? Est-il possible, avant de mourir, de ne pas souffrir du tout ?)

Dois-je aller plus loin ? Elle m’a dit d’abord qu’elle était étonnée de sa façon de réagir (bien) puis qu’elle se sentait coupable. Par où commencer ?

« Je ne pense pas que vous devriez vous sentir coupable. Je vous ai observée et, sans vouloir vous flatter, vous avez eu une attitude formidable. Je me suis demandé si je me serais comporté comme vous… Non, non, c’est la vérité. Vous n’êtes donc coupable de rien de ce point de vue. Personne n’aurait pu se conduire mieux que vous, c’est du moins mon avis. »

Il y a quelques années j’aurais parlé autrement et me serai abstenu de commencer par donner mon avis : « Ne vous sentez-vous pas coupable d’autre chose ? – De quoi voulez-vous parler ? – Coupable de vous sentir aussi bien malgré la mort de votre mari, par exemple. » Elle m’aurait regardé surprise puis : « Je ne pensais pas pouvoir continuer à vivre aussi facilement. D’ailleurs, mes enfants semblent en être contents. Ils m’ont dit : ‘Profites-en’ et j’ai décidé d’en profiter. Mon mari, d’ailleurs, n’était pas facile. Il m’a toujours mené la vie dure, il était très jaloux et me demandait toujours ce que je faisais et l’heure à laquelle j’allais rentrer… Il était jaloux avant que je parte, pendant que j’étais partie et quand je revenais, c’était le pompon... Je dois avouer que depuis qu’il n’est plus là, quand je sors de l’aquagym deux fois par semaine, vers neuf heures et demi, je suis contente de ne pas avoir à affronter ses reproches… La vie n’a pas toujours été simple, les quatre enfants et sa jalousie maladive. » Elle ne parlera pas de l’alcool pour lequel je ne suis pas sûr qu’elle soit au courant que je sais.

Aujourd’hui je n’ai rien dit de tel. Est-ce par manque de temps ? Par sentiment de puissance par rapport à la patiente dans le style « J’ai de l’expérience », une sorte d’abus de pouvoir ? Est-ce parce que je ne crois plus aux vertus supposées de la catharsis ou de la maïeutique ? Je me suis remis à parler pour avancer ou pour affirmer mon autorité de thérapeute ou, hypothèse plus séduisante, pour ouvrir des espaces de réflexion…

« Je crois qu’il faut que vous soyez contente et non surprise du fait que vous alliez bien. Comment pensiez-vous que vous vous comporteriez ? – Je ne sais pas, plus abattue, plus atteinte. Enfin, je ne sais pas.» J’essaie de savoir si je peux lui dire ceci : « Vous savez, vos sentiments sont ambigus parce que vous êtes partagée entre le soulagement et la souffrance. Le soulagement dû au fait que votre mari ne souffre plus et la souffrance de son absence définitive. » Est-ce qu’elle aurait aimé que je lui dise cela ?

« Hier », reprend-elle, « je suis allée au cimetière. J’y vais presque tous les jours. J’ai eu une drôle d’impression… Comme si je n’avais plus besoin d’y aller. C’est le contraire de mon dernier fils, Dominique, que vous connaissez… Lui, il commence à y aller… »

Elle n’a pas encore prononcé l’expression magique « Faire son deuil », expression qui rend le thérapeute, ou prétendu tel, content que la théorie et la pratique se rencontrent de façon aussi harmonieuse et qui lui donne l’occasion de tester la force de son non verbal : la tête penchée en avant et les yeux qui se plissent d’approbation (les mains croisées ?).

« Vos enfants n’ont donc pas tous réagi de la même façon ? – Oh, non. Ma fille aînée, que vous ne connaissez pas, elle n’a rien laissé paraître, elle était triste mais pas effondrée, elle a à peine pleuré. – Qu’est-ce que vous en pensez ? – Pensé de quoi ? – De son attitude. »
Elle me regarde, les mains sur les genoux, gênée. Elle essuie une larme d’un revers de la main. Elle reprend : « Je n’ai rien pensé. – Je ne vous crois pas. – C’était quand même son père. – Elle lui reprochait quelque chose ? – Il a toujours été très sévère avec les enfants. Je crois qu’elle lui en voulait. – Et de quoi ? » Cette fois, je suis allé trop loin : elle se ferme. L’histoire est la suivante : pendant un moment, il a tapé sa femme et ses enfants puis il s’est arrêté. Me le dira-t-elle ? Ainsi la patiente se reproche-t-elle la façon dont elle a réagi et la façon dont sa fille aînée réagit. Comment la soulager ?
« Vous savez, je crois que tout le monde se comporte comme il peut après le décès d’un proche. Certains, que l’on croyait forts, s’effondrent. D’autres, que l’on croyait faibles, résistent. Et tout est possible entre les deux. Je dirais même plus : chacun se comporte en fonction de l’idée qu’il a de lui-même, l’idée qu’il a de ce que ses proches attendent, l’idée de ce que la société attend d’eux et, parfois, rien ne se passe comme prévu et il arrive que tout le monde déçoive tout le monde. Ce qui compte finalement pour vous c’est comment vous vous êtes comportée du vivant de votre mari. Comment vous l’avez accompagné. Mon avis est que vous avez été formidable. »

Madame N pleure à nouveau.

mardi 10 juin 2008

Histoires de visites à domicile : premier épisode

Hernie hiatale
Le mari et la femme sont plutôt agréables. Je me rends à leur domicile pour le mari qui vient de se casser la jambe et qui ne peut se déplacer. Mais madame a aussi envie de « consulter ».
Madame L souffre depuis des années de brûlures gastriques et de reflux qui sont liés, le gastro-entérologue l’a attesté lors d’une fibroscopie effectuée il y a quelques années, à un état pathologique somme toute très banal, une hernie hiatale, « Sans gravité » selon le compte rendu. Avant que j’arrive, c’est à dire dans les jours précédents, Madame L a déjà pris un traitement qui est considéré comme « approprié » en fonction des symptômes qu’elle décrit et des antécédents que je connais. Je la réinterroge, je lui donne des conseils alimentaires qu’elle connaît déjà par cœur, et quid ?
Une attitude fréquente chez les médecins, quand la pathologie est bénigne, quand les plaintes sont gênantes mais inintéressantes d’un point de vue scientifique est :
a) de prendre le malade pour un idiot (et, ici, il s’agit d’une malade alors que les livres de médecine sont remplis de phrases assassines pour les femmes « hystériques » -- aucun rapport avec Charcot, encore moins avec Freud : le terme est passé dans la langage courant et signifie le plus souvent une injure misogyne), c’est à dire de minimiser, de renvoyer le malade à sa propre personne (« Vous n’êtes pas malade, vous êtes une fonctionnelle », soit une folle en quelque sorte) et de lui prescrire n’importe quoi. On s’entend : des médicaments le plus souvent inoffensifs, sans effets réels, remboursés pour d’obscures raisons historiques tenant à l’époque où ces remboursements étaient obtenus en pleine ignorance ou pour faire plaisir à l’industrie pharmaceutique de l’époque, ou, parfois plus vraisemblablement, par attitude paternaliste du corps médical dans le genre « Puisque des malades souffrent de symptômes dont on ne connaît pas l’origine, dont on ne sait à quelle maladie les rattacher (c’est à dire une vraie maladie, noble, avec des conséquences et des risques), donnons leur des médicaments qui servent théoriquement – pour des raisons pharmacologiques vraies ou supposées—à soulager ces symptômes ;
b) de faire semblant de ne pas prendre la malade pour un idiot en lui prescrivant des médicaments quasiment identiques à ceux qu’il a déjà pris auparavant en arguant de leur nouveauté et de leur meilleure efficacité (cette attitude est une double imposture : vis à vis du malade à qui le médecin cache qu’il le prend pour un crétin et vis à vis du médecin lui-même qui se cache à lui-même qu’il ne sait pas quoi faire ou que le malade ne l’intéresse pas…) Le médecin pense finalement que c’est le temps qui va améliorer l’affaire et qu’il est donc nécessaire qu’il en gagne en donnant des médicaments semblables aux précédents, donc, théoriquement adaptés à la situation… ;
c) enfin, de dramatiser la situation, qui n’est pas dramatique aux yeux du médecin (mais qui pourrait cependant l’être dans certains cas très rares qui constituent le plus souvent ce que l’on appelle des « histoires de chasse ») en prescrivant des examens complémentaires sans intérêt et, parfois, coûteux dans le but, encore une fois, de gagner du temps mais aussi, prétexte scientifico-psychologique de « rassurer le patient ».
J’ai donc, par des bonnes paroles, et pour la énième fois, rassuré la patiente, joué la grande démagogie (il s’agit de symptômes gênants mais non dangereux que je vais traiter pour votre confort de vie), prescrit des médicaments pas tout à fait les mêmes mais pas tout à fait différents et, ajouté, comme pour démentir le discours que je venais de tenir sur la non dangerosité des symptômes, qu’au terme de se traitement il serait nécessaire, s’il n’y avait pas d’amélioration, de refaire une fibroscopie. J’ai donc joué sur tous les tableaux (ce qui est une façon de se valoriser par rapport au malade et, par la même occasion, de le satisfaire en proposant toutes les pistes) en étant, presque, content de moi.
Mais il est une piste que je me suis refusé d’ouvrir explicitement : celle du psychosomatique.
La théorie veut que ce genre d’attitude médicale soit le fait du médecin qui ne souhaite pas s’impliquer dans la relation médecin-malade et refuse d’aborder les causes « réelles » des maladies, à savoir les troubles du psychisme et surtout en raison du temps qu’il peut consacrer à cette relation. Je me refuse à entrer dans ce jeu. Par manque de temps, probablement, mais aussi pour ne pas céder à l’ego du thérapeute (bien que, on l’a vu plus haut, l’ego du thérapeute ne soit jamais très loin) et, surtout, aux fantasmes de l’analyse psychanalytique « sauvage ».
Madame L a cinquante-sept ans. Elle est porteuse d’une hernie hiatale qui explique, dans son esprit au moins, la symptomatologie dont elle souffre. Faut-il que je la rende encore plus malade qu’elle n’est (après tout ses aigreurs gastriques, ses remontées acides ne la gênent pas tant que cela) en la faisant entrer dans la zone de la remise en question d’elle-même et de son existence ? De quel droit ? La hernie hiatale est une maladie banale, que l’on opère parfois, que l’on opérait beaucoup il y a quelques années pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici, mais faut-il, car chacun d’entre nous, dans le cadre des pathologies bénignes, a « sa » hernie hiatale, psychanalyser ou psychiatriser ou psychologiquer la terre entière ?
Les psy diraient, à mon sujet, que je « résiste » et que refuser à « ma » malade l’aide de la révélation de l’inconscient (je fais exprès d’utiliser une expression idiote qui ne veut pas dire grand chose) est dû à mon propre refus de recourir à ces procédés à mon endroit. Peut-être.
On verra la prochaine fois que Madame L demandera de l’aide.

jeudi 22 mai 2008

STATINES ET AFFECTIONS MUSCULAIRES CHRONIQUES

Alertez les Myocytes

Le retrait de la cérivastatine a rapidement fait long feu dans l'esprit des médecins qui se sont remis à prescrire beaucoup (trop) de statines en suivant des recommandations, certes fondées sur des études, mais des études réalisées le plus souvent dans des régions et sur des patients à très haut risque...
Une étude cas-témoins récente, réalisée dans la région toulousaine (volontiers épargnée selon l'étude MONICA par rapport au Nord de la France et de l'Europe sur le plan des complications cardiovasculaires à profil lipidique identique) montre que les affections musculaires chroniques chez les adultes de plus de 50 ans sont plus corrélées qu'attendu à la prise de statines que chez les témoins .
Les auteurs ajoutent que le rôle de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons est à éclaircir.
Increased exposure to statins in patients developing chronic muscle diseases: a 2-year retrospective study
L Sailler 1, C Pereira 1, A Bagheri 1, M Lapeyre-Mestre 1, J L Montastruc 1, P Arlet 2, E Arlet-Suau 2, E Uro-Coste 3, H Roussel 4, D Adoue 5, B Fournie 6, L Zabraniecki 6, M Laroche 7, P Cintas 8
1 University of Tolouse, Toulouse, France 2 Internal Medicine Department, Salles Le Tallec-Tapie, Pavillon Dieulafoy, CHU Purpan, Toulouse, France 3 Pathology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France 4 Direction Régionale du Service Médical, CNAMTS, Toulouse, France 5 Internal Medicine Department, Pavillon des Médecines, CHU Purpan, Toulouse, France 6 Rheumatology Department, CHU Purpan, Toulouse, France 7 Rheumatology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France 8 Neurology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France
http://ard.bmj.com/cgi/content/full/67/5/614?ijkey=0tdJExCaCBRCg&keytype=ref&siteid=bmjjournals

Voici ce par quoi les auteurs concluent :
Les cliniciens doivent être avertis de la possibilité se myopathies inflammatoires induites par les statines et, peut-être, par les inhibiteurs de la pompe à protons même chez ceux traités depuis longtemps ; arrêter l traitement chez tous les patients porteurs d’une dermatomyosite / polymyosite et systématiquement reconsidérer la pertinence de la prescription de statines.

Que faire en pratique ?

Certains spécialistes (des experts) avaient jadis conseillé que la prescription de statines se fasse après dosage des CPK (et, éventuellement des SGOT / SGPT) pour 1) détecter les patients à CPK élevées de façon constitutionnelle (notament les habitants de l'Afrique subsaharienne) et de rares maladies musculaires préexistantes et 2) pour disposer de chiffres de base en cas d'apparition de myalgies après usage de statines.
Cette proposition n'avait pas été retenue pour, écoutez bien, ne pas alourdir le coût des statines.

Or cette étude, dont il faut reconnaître toutefois qu'elle n'est pas d'une robustesse statistique inattaquable et qui n'explique pas le rôle éventuel des inhibiteurs de la pompe à protons, montre que la pathologie musculaire chronique peut persister très longtemps après l'arrêt des statines et que dans un quart des cas de patients porteurs d'une pathologie dermatomyosite / polymyosite les statines auraient pu induire la pathologie !

lundi 5 mai 2008

Les prescriptions d'ezetimibe montent en flèche aux US, mais pas au Canada !


POURQUOI ?




On apprend d’abord que le poids du marketing mix est déterminant dans l’appréciation par les médecins de la qualité d’un produit.







Aux USA comme au Canada la promotion de l'ezetimibe a été intense chez les médecins et, bien qu’il n’y ait aucune preuve que l’ezetimibe prévienne les événements cardiovasculaires ou freine la progression de l’athérome, et donc aucune raison pour qu’il soit recommandé comme traitement de première ligne en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire, les ventes d’ezetimibe représentent aux USA et au Canada respectivement15 et 3,4 % des prescriptions d’hypolipidémiants.







Pourquoi une telle différence ? Parce qu’au Canada il n’est pas possible de faire de la publicité directe de médicaments auprès des patients !




A l’heure où se préparent à Bruxelles des manœuvres pour que l’industrie puisse contrôler l’observance des patients, il serait utile de se servir de ces données nord-américaines pour convaincre les décideurs qu’il vaudrait mieux s’abstenir d'ouvrir la porte aux industriels.

mardi 15 avril 2008

Hépatite B : interdiction professionnelle


Une jeune femme de dix-sept ans ne peut s’inscrire en Faculté de Médecine !

Actuellement, en France, et sans la moindre preuve scientifique, il est interdit de s’inscrire en Faculté de Médecine si l’on n’est pas vacciné contre l’hépatite B.

LES TEXTES
Arrêté du 6 mars 2007 fixant les conditions d’immunisation
des personnes visées à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique
Art. 4. − Avant leur entrée en fonction, ou au moment de leur inscription dans un établissement
d’enseignement, les personnes visées à l’article 1er (cf. infra) sont tenues d’apporter la preuve qu’elles ont bénéficié des vaccinations exigées. A défaut, elles ne peuvent exercer une activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents biologiques tant que les conditions d’immunisation ne sont pas remplies.

Art. 1er. − Les obligations vaccinales des personnes visées à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique concernent toute personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de soins ou de prévention, exerce une activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents biologiques tel que le contact avec des patients, avec le corps de personnes décédées ou avec des produits biologiques soit directement (contact, projections), soit indirectement (manipulation et transport de dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques, de linge ou de déchets d’activité de soins à risque infectieux).
Le médecin du travail apprécie individuellement le risque en fonction des caractéristiques du poste et prescrit les vaccinations nécessaires.

Sans la moindre preuve scientifique : il n’existe aucune donnée française indiquant le nombre d’étudiants en médecine / médecins qui sont contaminés par an, durant leur exercice professionnel, par le virus de l’hépatite B. Pas plus qu’il n’existe de données concernant le nombre de patients / malades contaminés directement par un médecin porteur d’une hépatite B.
LES FAITS : Une jeune femme de dix-sept ans refuse de se faire vacciner contre l’hépatite B car son oncle a déclaré une SEP post vaccinale il y a quelques années (nous ne discuterons pas ici l’imputabilité du cas ; nous ne disposons pas du dossier de l’oncle).
Elle pourrait toujours s’inscrire en première année, passer le concours (le réussir ou le rater) mais elle serait rattrapée par la médecine du travail et les textes car il lui faudra bien, à un moment ou à un autre, justifier la vaccination complète et / ou un taux d’anticorps immunisant.


LES TEXTES : Le Conseil supérieur d’hygiène publique (CSHP) dans un avis du 8 mars 2002 a considéré que « lorsque la vaccination est envisagée chez une personne atteinte ou ayant une apparenté du premier degré (père, mère, frère ou sœur) porteur de sclérose en plaque (SEP), il faut évaluer au cas par cas le bénéfice individuel de la vaccination au regard du risque de contamination par le virus de l’hépatite B. » Bien plus : « Les antécédents de SEP ne constituent pas une contre-indication (circulaire DGS 97-267 du 8 avril 1997) formelle à la vaccination contre l’hépatite B et il appartient au médecin d’apprécier le risque, comme indiqué dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de certains vaccins contre l’hépatite B sous la rubrique « mise en garde – précautions d’emploi » du résumé des caractéristiques du produit.
Le CSHP, malin (et super éthique), précise également que ces mesures sont faites pour protéger les soignants et les soignés alors que nous ne disposons d’aucune donnée fiable.

Cette jeune femme est coincée.

Une seule solution : un faux certificat de vaccination complète effectuée avant treize ans.

Pourquoi faudrait-il en arriver là ?

Elle ne "fera" donc pas médecine.

dimanche 30 mars 2008

EZETIMIBE : SUITE ET FIN ?

Nous avons déjà communiqué en janvier 2008 sur l'ezetimibe dans l'essai Enhance : Ezetimibe : une enquête du Congrès étatsunien oblige à publier une étude négative


Désormais nous pouvons juger sur pièce car l'article est paru.
Kastelein JJP, Akdim F, Stroes ESG, et al. Simvastatin with or without ezetimibe in familial hypercholesterolemia. N Engl J Med 2008;358:1431-1443

Plutôt que de paraphraser l'essai, voici deux commentaires du New England Journal of Medicine dans le même numéro :

1) Does ENHANCE Diminish Confidence in Lowering LDL or in Ezetimibe?
Par B. Greg Brown, M.D., Ph.D., and Allen J. Taylor, M.D.

Pour l'instant le clinicien avisé peut adopter la stratégie prudente suivante (qui est la même que celle recommandée par L'American College of Cardiology en janvier dernier) : Premièrement, atteindre les cibles de LDL et HDL cjholesterol (ou le ration cholesterol total / HDL cholesterol) en utilisant les statines et, en plus, les molécules qui ont montré des effets bénéfiques cliniques en association (acide nicotinique, fibrates, et résine échangeuse d'ions) et leur tolérance ; Deuxièmement, utiliser l'ezetimibe chez les patients qui, en dépit de l'utillisation des thérapies précitées, n'atteignent pas les cibles individuelles fixées ; et troisièmement, attendre des études éclairantes.

2) Cholesterol Lowering and Ezetimibe
Par Jeffrey M. Drazen, M.D., John A. Jarcho, M.D., Stephen Morrissey, Ph.D., and Gregory D. Curfman, M.D.

Jusqu'à ce qu'une nouvelle étude soit disponible (ezetimibe : 2011) il semble prudent d'encourager les patients dont le niveau de LDL cholesterol reste élevé en dépit d'un traitement utilisant des doses optimales de statine, de redoubler leurs efforts de contrôle diététique et d'exercice physique régulier. Acide nicotinique, fibrates et résines devraient être prises en compte quand régime alimentaire, exercice physique, et statines n'ont pas atteint leurs objectifs et réserver ezetimibe aux patients qui ne tolèrent pas les traitements précédents.
Qui pourrait dire mieux ?
JCG : Il est probable que nous traitons TROP les malades dyslipidémiques en France (ce n'est pas ce que disent les experts) pour une raison essentielle : les études de morbi-mortalité ont été le plus souvent effectuées dans des populations à TRES HAUT risque cardiovasculaire (la Scandinavie pour l'étude simvastatine 4S, l'Ecosse pour la pravastatine et WOSCOP) et sans tenir compte des données de MONICA sur le gradient de risque entre le Nord (élevé) et le Sud (plus faible). Retenons notre main avant de nous être assurés que le risque en vaut la chandelle et que les patients suivent les conseils (certes pénibles) que nous leur avons donnés sur le régime alimentaire et l'activité physique.

Revenus des Médecins Généralistes anglais


Les MG anglais qui travaillent en solo gagnent en moyenne 168 240 euro par an, soit environ 33135 euro de plus que ceux travaillant en cabinets de groupe selon un rapport officiel récent.
Bien plus, les revenus moyens des GP ont doublé en valeur réelle depuis 20 ans !
Encore mieux : Les chiffres montrent que les revenus des médecins augmentent à mesure que le MG vieillit jusqu’à l’âge de 60 ans avec un revenu moyen de 150155 euro dans le groupe d'âge 50-59 ans.
Commentaires :
1) Les médecins français favorables à l'abandon du paiement à l'acte devraient exulter quand on sait que pour les MG français l'excédent moyen de CA est, selon des sources AGA concernant les revenus de 2006, de 76711 euro. Cependant, il serait illusoire de croire que, du jour au lendemain, on augmenterait d'autant les revenus des médecins français parce qu'on changerait de système de paiement.
2) Le rapport précise également de grandes différences selon le lieu d'exercice et la taille des list-sizes (bémol pour les égalitaristes qui souhaiteraient qu'il n'y eût plus de concurrence entre les médecins)
3) Les syndicats médicaux français devraient, eux, s'interroger sur leurs actions depuis 20 ans : les revenus des MG français sont très nettement en dessous de ceux de leurs confrères britanniques. D'après les chiffres de mon AGA (agaps) seuls les anesthésistes et les orthodontistes ont un excédent de CA supérieur à celui d'un MG exerçant seul (respectivement 180519 euro et 180670 euro).

Ce message a été rédigé à partir d'un article paru dans le BMJ

GPs working in singlehanded practices earn most
Adrian O’Dowd


http://www.bmj.com/cgi/content/full/336/7646/686-b



lundi 24 mars 2008

Dépistage du cancer du sein : le rendement de la mammographie dépend du radiologue !

Une étude menée aux Etats-Unis par le National Cancer Institute (fonds institutionnels) sur le diagnostic du cancer du sein par mammographie montre que la sensibilité de l’examen et le taux de faux positifs dépend du radiologue (my god !).[1]

On le savait depuis longtemps mais cela va mieux en le redisant.

(traduction libre d'un article de AM Kaunitz In Journal Watch Women’s Health January 10,2008.)

L’essai – Les investigateurs ont testé les performances de 123 radiologues pour leur interprétation de 35000 mammographies diagnostiques chez des femmes présentant des signes ou des symptômes de cancer du sein.
Les mammographies étaient considérées comme positives si elles soupçonnaient ou étaient hautement suggestives de cancer ou si elles entraînaient la recommandation d’une biopsie ou d’une consultation chirurgicale.
On considérait que les femmes avaient un cancer du sein si un carcinome invasif ou un cancer in situ était diagnostiqué dans l’année suivant la mammographie.
La sensibilité était définie par le % d’examens positifs chez les femmes ayant un cancer du sein.
Le taux de faux positifs était défini comme le % d’examens positifs chez des femmes n’ayant pas de cancer du sein.

Les radiologues – Trois quarts d’entre eux (âge moyen : 49 ans) interprétaient des mammographies depuis au moins dix ans. Six % exerçaient dans un contexte universitaire, 3 % avaient fait des formations complémentaires. La plupart d’entre eux (87 %) ne consacrait que 40 % de leur temps à faire de la radiologie du sein.

Les Résultats
La sensibilité médiane de la mammographie diagnostique était de 79 %
Le taux médian de faux positifs était de 4,3 %
La sensibilité variait même chez les radiologues qui avaient le même taux de faux positifs.
Les radiologues universitaires avaient une sensibilité interprétative plus grande (88 % vs 76 %) et un taux de faux positifs également plus élevés (7,8 % vs 4,2 %) que les autres radiologues.
Commentaires
La prévalence du cancer du sein est dix fois plus élevée chez les femmes soumises à une mammographie diagnostique que chez celles soumises à un dépistage.
La variabilité des interprétations des radiologues est inquiétante. Le taux de faux positifs augmente avec la sensibilité, ce qui tend à prouver que les « meilleurs » radiologues entraînent aussi plus de procédures invasives et d’anxiété.
JCG : on est bien avancés ! On savait que l’interprétation d’une radiographie dépendait largement de l’opérateur (et encore plus pour les échographies où les images restantes sont difficiles à interpréter après coup). Comment faire ? Qui connaît la « sensibilité » des radiologues exerçant autour de son cabinet ? Faut-il envoyer les femmes uniquement dans les centres de radiologie ne faisant que de la mammographie ? Faut-il n’envoyer les femmes que dans des centres chirurgicaux ne faisant que du sein ?

[1]Miglioretti DL et al. Radiologist characteristics associated with interpretive performance of diagnostic mammography. J Natl Cancer Inst 2007 Dec 19; 99:1854.

jeudi 20 mars 2008

HTA ET ANALYSE DE LA STRATEGIE PRESCRIRE

HTA ANALYSE DE LA STRATEGIE PRESCRIRE
LECTURE CRITIQUE D’UN ARTICLE DE LA REVUE PRESCRIRE CONSACRE AU TRAITEMENT DE DEUXIEME LIGNE DE L'HTA

Dans la rubrique Stratégies de son numéro de mars 2008 La Revue Prescrire (LRP) fait le point sur le traitement de deuxième ligne de l’hypertension artérielle (HTA)[i].

J’ai essayé de lire l’article avec l’œil d’un médecin généraliste exerçant en patientèle et selon deux perspectives : l’analyse stricte des données et la praticité interventionnelle.

(Les phrases issues de LRP sont reproduites en italique et en bleu).

Pour les patients hypertendus, les objectifs, les seuils d’intervention, et les médicaments de première ligne sont assez bien connus (lire en encadré page 199).

Eh bien, justement, ce n’est pas aussi clair que cela.


- Si les objectifs sont la réduction des accidents cardiovasculaires liés à l’HTA il est possible d’être d’accord, encore qu’il faille faire la part, comme cela est fait plus bas dans l’encadré, entre les complications mortelles ou non. Dans une perspective prescririenne les distinctions entre, d’une part, mortalité totale et mortalité liée à la pathologie, et d’autre part, entre mortalité et morbidité, mériteraient d’être mieux signalées et mieux documentées.


- L’encadré précise également que l’objectif est de réduire les chiffres tensionnels en dessous de 140 / 90 mm Hg, c'est-à-dire chez les patients les plus « faciles », sans diabète ni complication cardiovasculaire associés. Mais cette phrase est en contradiction avec des propositions prescririennes de 1999[ii], confortées en 2004[iii] et reprises en 2006[iv] où l’objectif de réduction était situé en dessous de 150 / 90 mm Hg ! Pas un mot non plus dans l’encadré des objectifs à atteindre pour les patients avec complication (s).


- Pour ce qui est des seuils d’intervention, LRP, a le mérite de ne pas changer : Chez les adultes sans diabète ni complication cardiovasculaire […] le seuil d’intervention est de 160 / 95 mm Hg [iii]. Mais il faut savoir que LRP « propose » un seuil d’intervention différent de toutes les recommandations « officielles » dont celles de WHO-ISH[v] dont LRP se sert pour définir les strates d’hypertendus mais en tirant des conclusions différentes, par manque de données, dit LRP [i, iv].

Rappel :
Selon WHO-ISH on peut classer les hypertendus en trois groupes (grades I, II et III) :
Grade I (PAS : 140 - 159 ; PAD : 90 – 99)
Grade II (PAS : 160 – 179 ; PAD : 100 - 109)
Grade III (PAS > 179 ; PAD > 109)


et
définir le risque qu’ils ont d’avoir dans les dix ans un infarctus du myocarde (mortel ou non) ou un AVC (mortel ou non) : risque faible <> 20 %
Quant aux facteurs de risque (FR), toujours selon WHO-ISH, ils sont de trois ordres :
- Cardiovasculaires : tabagisme, hypercholestérolémie, obésité.
- Signes de retentissement sur les organes cibles : HVG, rétinopathie hypertensive
- Affections cardiovasculaires patentes : AVC, IC

Ce qui donne, selon WHO :
Grade I : risque faible ou moyen selon qu’il n’existe respectivement pas de FR ou au moins un.
Grade II : risque faible, moyen ou fort s’il existe respectivement pas, un ou deux FR.
Grade III : risque fort quel que soir le nombre de FR.

On le voit : c’est peu clair et très flou de la part de WHO-ISH.

Quoi qu’il en soit, WHO-ISH recommande 1) pour les hypertendus à risque faible ou moyen, d’abaisser la PA en dessous de 140 / 90 mm Hg et 2) pour les hypertendus à risque élevé une PA en dessous de 130 / 80 mm Hg.



- Les médicaments de première ligne : rien n’est moins simple puisque nous retrouvons des données contradictoires à la lecture de LRP. Déjà, dans la version de 2006 reprise en 2004 on pouvait, certes lire, les diurétiques sont les traitements de première ligne… Certains bêtabloquants sont indiqués en deuxième ligne, certains IEC sont indiqués en troisième ligne et certains IC en quatrième ligne, et rien sur les AAII, sauf dans le texte Une petite place pour le losartan (associé à un diurétique) et dans un tableau rapportant Les antihypertenseurs d’efficacité démontrée sur des critères cliniques. En mars 2006, LRP écrivait L’essai ASCOT-BPLA ne change pas la stratégie thérapeutique [vi] tout en rapportant que le losartan / hydrochlorothiazide prévenait mieux les AVC que les BB (qui faisaient partie de la stratégie de deuxième ligne de LRP)… Je ne sais pas si vous me suivez.

Ce qui donne les choix suivants de traitement de première ligne si on lit le texte des propositions de LRP en 2004 comme en 2006 chez l’adulte présentant une HTA non compliquée sans diabète associé :

Propositions 2004 / 2006 de LRP
Adulte jusqu’à 65 ans : 1) Diurétiques thiazidiques 2) Bêtabloquants, 3) IEC, 4) AAII
Adulte de plus de 65 ans et jusqu’à 80 ans : 1) diurétiques thiazidiques 2) bêtabloquants à doses réduites
Adulte de plus de 80 ans 1) diurétiques thiazidique OU bêtabloquants (les deux à doses réduites).


Or, dans le dernier numéro de LRP, il est écrit dans l’encadré consacré au traitement de première ligne (p 199) : En première ligne, certains médicaments appartenant à 5 classes pharmacologiques différentes, ont une efficacité démontrée pour réduire la morbimortalité des patients hypertendus. J’ai dû rater quelque chose. Sans compter que ce rappel omet de citer, ce qui n’est pas rien Les autres associations à base de diurétiques dont il était fait mention en 2004 comme en 2006 ! Cet oubli est un peu ennuyeux quand on sait que LRP a fait un choix que nous reverrons plus loin entre monothérapie et bithérapie pour la deuxième ligne. Quoi qu’il en soit,

voici les propositions 2008 de LRP :

Adulte d’âge inférieur à 60 ans : 1) Diurétiques thiazidiques 2) Bêtabloquants OU IEC OU IC OU AAII

Avouons que ce n’est pas d’une clarté évangélique. On se rapproche des recommandations internationales, aux diurétiques près.
Pourtant, LRP modère son propos et rapporte des données dont il faut tenir compte :

Il y a eu des différences modestes mais statistiquement significatives en termes de morbidité.
* Risque d’infarctus du myocarde : valsartan : 1,2 fois plus que l’amlodipine.
* Risque d’insuffisance cardiaque : certains IC : 1,15 fois plus que certains IEC
* Risque d’AVC : certains IEC : 1,15 fois plus que IC
* Risque d’AVC : certains BB : 1,25 fois plus que certains IC ou AAII
Mais ces données, on le voit, pour démonstratives qu’elles soient, sont peu prospectives et sont par là-même difficiles à appliquer facilement en pratique courante (avis personnel).

Chez l’adulte de plus de 60 ans il semble judicieux de ne pas prescrire de BB, le risque d’AVC étant statistiquement significatif plus important qu’avec les autres classes pharmacologiques


Mais, venons-en au point fondamental de l’article : LRP a fait le choix, en deuxième ligne, d’une nouvelle monothérapie et non d’une bithérapie.

En préambule, revenons sur le choix du traitement de première ligne selon LRP :

Résumé. Des données de bon niveau de preuve conduisent à proposer des diurétiques thiazidiques (chlortalidone, hydrochlorothiazide) en première ligne pour le traitement de l’HTA non compliquée. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte : seule la chlortalidone a fait l’objet d’un essai randomisé comparatif[vii] d’un très bon niveau de preuve, l’hydrochlorothiazide et les associations thiazidique plus épargneurs de potassium ayant fait l’objet d’études moins robustes. Mais nous n’avons pas le choix car la chlortalidone n’est pas commercialisée en France…

Nous n’avons pas recensé d’essai clinique spécifiquement conçu pour évaluer l’effet d’un traitement antihypertenseur de deuxième ligne en prévention cardiovasculaire. Notamment pas d’essai clinique bithérapie versus monothérapie en cas d’échec des diurétiques thiazidiques. L’explication est fournie plus loin, dans l’encadré que nous avons déjà cité : Hypertension artérielle : le traitement de première ligne, en bref, page 199. Le bénéfice est toutefois modeste chez les patients hypertendus sans complication cardiovasculaire. Il est de l’ordre (c’est moi qui souligne) d’une réduction d’environ 2 à 10 AVC pour 1000 patients traités pendant 2 à 6 ans ou encore une réduction d’environ 2 à 5 infarctus (mortels ou pas) pour 1000 patients traités pendant 2 ans à 6 ans.
Ces données expliquent pourquoi il n’existe pas d’études randomisées comparant mono et bithérapie… le nombre de malades serait par trop impressionnant par groupe. Mieux vaudrait dans ce cas des essais cas-témoins. Mais qui financera des essais pareils quand on connaît le prix des diurétiques ?… Seules des agences gouvernementales sont capables de le faire comme dans les pays où existe, d’une part, une opinion consumériste forte, et d’autre part, des épidémiologistes capables de mener à bien des essais.

Voici le corps de l’argumentation de LRP.
LRP a décidé de privilégier les monothérapies successives après échec du traitement diurétique plutôt que les bithérapies d’emblée à partir de sources qui, selon LRP, sont d’un faible niveau de preuve[viii] : selon cette étude, quelle que soit la première monothérapie utilisée (diurétique, bêtabloquant, IEC ou IC) seuls 39 % des patients ont atteint l’objectif de réduction de la pression artérielle (en dessous de 140 / 90 mm Hg) sans différence entre les monothérapies tandis que 73 % des patients ont atteint l’objectif avec au moins une de ces monothérapies testées successivement pendant un mois.

LRP ne mentionne pas l’autre possibilité (ou ne la critique pas) qui eût été, sauf dans le cas d’effets indésirables des diurétiques thiazidiques ou de contre-indications apparues secondairement (insuffisance rénale par exemple), d’associer au diurétique thiazidique un IEC ou un AAII (voire un BB chez les sujets de moins de 60 ans) mais pas un IC. Et ce, d’autant que LRP a déjà affirmé : Associations d’antihypertenseurs : priorité aux diurétiques.[ix]

Enfin, si les effets indésirables des diurétiques thiazidiques sont rapportés en note par LRP, encore une fois sont omis par LRP : a) le risque significatif de déclencher un diabète sucré quand on traite une HTA par diurétiques versus autre traitement… parce que LRP a écrit ailleurs que le traitement diurétique n’a pas modifié l’avantage des diurétiques en termes de mortalité ! b) les dangers d’une intervention antihypertensive chez les personnes âgées s’il existe un risque de chute : certaines recommandations indiquent qu’il vaut mieux (en terme de mortalité) ne pas traiter une HTA plutôt que de risquer de provoquer une chute chez une personne âgée (mais les diurétiques ne sont pas il est vrai les seuls impliqués) … c) la surveillance attentive de la fonction rénale, les thiazidiques devenant contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale et les hypokaliémies étant un danger réel en termes de mortalité. d) les associations avec des diurétiques qui avaient été rapportées comme d’efficacité démontrée en 2004 et 2006.

On le voit les choses ne sont pas si simples que cela et mériteraient une présentation plus pratique et plus opérationnelle.

Le passage des recommandations de 2004 / 2006 à 2008 n’est pas non plus une mince affaire et je pense que LRP aurait dû plus insister sur les modifications, tant en première qu’en deuxième ligne…

Un autre point manque qui peut paraître évident mais ce sont les coûts. Nul doute que les diurétiques sont moins chers même s’ils exigent des contrôles de la fonction rénale plus fréquents.

En conclusion : le médecin généraliste, devant une telle complexité, avec un nombre si important de facteurs à mettre en œuvre, avec de telles imprécisions et un nombre de contradictions non négligeable entre les différentes versions de LRP, serait bien aidé s’il pouvait disposer d’un algorithme et ne soit pas laissé seul en rase campagne, je veux dire dans son cabinet.

Jean-Claude GRANGE
Médecin Généraliste.


[i] Hypertension artérielle : traitement de deuxième ligne. D’autres monothérapies. Rev Prescrire 2008;28(293):196-9
[ii] Prévention cardiovasculaire primaire et secondaire – médicaments antihypertenseurs – Diurétiques et bêtabloquants sont les mieux évalués. Rev Prescrire 1999 ;19(194) :281-2 et 288-96
[iii] Hypertension artérielle de l’adulte. Des repères pour réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaires. Rev Prescrire 2004;24(253):601-11
[iv] Les Thématiques Prescrire. HTA chez les adultes. Session mai-août 2006 : partie I, page 13.
[v] 2003 World Health Organization / International Society of Hypertension statement on management of hypertension. J Hypertension 2003;21(11):1983-92
[vi] Rev prescrire 2006 ;26(270) :205-6
[vii] ALLHAT. Major outcomes in high risk hypertensive patients randomized to angiotensin-converting enzyme inhibitor vs diuretic. JAMA 2002 ; 288(23):2981-97
[viii] Dickerson JEC et al. Optimisation of antihypertensive treatment by crossover rotation of four major classes. Lancet 1999;353:2008-13
[ix] Rev Prescrire 2005;25(261) :337-8

jeudi 6 mars 2008

LA PUB DIRECTE POUR LES PATIENTS AUX US : CA MARCHE !

Pourquoi pensez-vous que les laboratoires font de la publicité grand public aux Etats-Unis d'Amérique pour des produits de prescription ?

Parce que ça marche !

Un sondage mené par USA TODAY (le quotidien américain le plus lu aux US), la Kaiser Family Foundation et la Harvard school of Public Health a montré que presqu' un tiers des Américains demandait à leur médecin un produit pharmaceutique dont ils avaient vu la publicité grand public et que 82 % des patients qui avaient fait cette demande rapportaient que leur médecin prescrivait dans 44 % des cas le produit demandé, dans un peu plus de 50 % un produit équivalent et, parfois, les deux !

On comprend pourquoi les dépenses de publicité pharmaceutique grand public sont passées de 2,6 milliards de dollars en 2002 à 4,8 milliards de dollars en 2006 !

Le président de la Fondation Kaiser (http://www.kff.org/) fait les commentaires suivants :
" Alors que l'on se pose des questions sur l'utilité de telles publicités pour les patients, il n'en est pas moins vrai que cela coûte encore plus d'argent à la collectivité."

Ce sondage a été réalisé en janvier 2008 sur 1695 adultes. Il a montré que 47 % des interrogés avaient une bonne impression de l'industrie pharmaceutique alors que 44 % pensaient le contraire en citant notamment le prix élevé des produits, les profits importants et la cupidité des firmes...
Il a aussi montré que, en raison des coûts, 29 % des Américains n'avaient pas, dans les deux dernières années, suivi la prescription, que certains coupaient les comprimés en deux ou sautaient des prises pour rendre le traitement plus long... Enfin, et ce n'est pas le moindre : acheter des médicaments est parfois un problème pour 41 % des familles...

Commentaires : ne vous faites pas avoir par les tonitruantes publicités gardasil et consulter le site de Martin Winckler pour des informations balancées puisque La Revue Prescrire est pour (vous n'y trouverez que du positif).

jeudi 21 février 2008

PAS D'EGALITE DEVANT LA MALADIE !

C'est une antienne que les sociologues, les marxistologues, les moralistes de toutes les obédiences et... les dames patronnesses entonnent tous les jours avec plaisir pour mieux conforter leurs croyances et dans le laisser-faire institutionnel et nul doute que le titre, accrocheur, va les mobiliser et les faire saliver. "Nous vous l'avions bien dit !"
**
Eh bien, oui, une étude américaine (nul doute que les Américains font des études, ce qui n'est pas beaucoup le cas de nos amis français donneurs de leçons) menée par le National Registry of Cardiopulmonary Resuscitation Investigators (NRCPR) [n'oublions pas qu'en France il n'existe aucun registre des maladies ; les hypothèse suivantes pour l'expliquer : les médecins sont incapables de déclarer les maladies ; les ressources informatiques ne sont pas suffisantes ; les médecins ne sont pas assez payés / formés ; c'est la faute à la médecine fonctionnarisée ; c'est la faute à la médecine libérale ; c'est la faute au paiement à l'acte ; c'est la faute au non dépassemnt d'honoraires ; c'est la faute à la CPAM ; mais surtout : la médecine française n'aime rien moins que de ne pas faire d'études prospectives mais surtout d'analyses post hoc afin de savoir si l'étude mise en route a eu un intérêt, permet un retour sur investissement, peut avoir des conséquences pratiques ou sert / ne sert à rien...] et publiée dans le JAMA (Peberdy M, Ornato JP. Larkin GL, et al. Survival from in-hospital cardiac arrest during nights and weekends. JAMA 2008; 299:785-792) montre qu'en cas d'arrêt cardiaque :
1) Qu'il vaut mieux être hospitalisé le jour ou le soir que la nuit ! La différence est significative (p<0,001 pour l'ensemble des quatre indicateurs suivants (% : nuit vs jour, soir):
Survie à 24 heures : 28,9 vs 35,4
Survie après hospitalisation : 14,7 vs 19,8
Retour à la circulation (plus de 20 minutes) : 44,7 vs 51,1
Complications neurologiques : 11 vs 15,2

2) Qu'il vaut mieux être hospitalisé en semaine que le week-end pour survivre.

Commentaire : On le voit tous les commentaires peuvent être faits et les commentateurs ont enfilé les poncifs sur la fatigue pendant la nuit, les juniors vs les seniors, la quantité de personnel, et cetera... Où est l'origine sociale des patients ?

vendredi 15 février 2008

La médecine dans un seul pays.

L'affaire de l'hormone de croissance illustre un certain nombre de travers de la médecine française : son incapacité à ne pas se voir comme la meilleure du monde, la suffisance de ses élites, son chauvinisme et son refus de la réalité.
Car c'est le centralisme étatique à la française (tous les malades devaient passer par un organisme unique, France-Hypophyse) qui a conduit à refuser les hormones synthétiques fabriquées par trois firmes étrangères.
Car c'est l'aveuglement scientifique des mandarins (ou leur cupidité) qui leur a fait refuser de prendre en compte les conseils de prudence du professeur Montagnier (qui n'était pas encore le co-découvreur du virus du sida).
Car c'est l'impunité dont jouissent les grandes institutions comme, ici, l'Institut Pasteur et la Pharmacie Centrale des Hôpitaux, qui est à l'origine du réveil tardif des Autorités.
Car c'est le chauvinisme qui a fait que l'on a écarté et les techniques non françaises et les études non françaises prônant l'utilisation des hormones de synthèse.
Car c'est le refus de la réalité qui fait qu'encore maintenant les dénommés Job et Dray affirment qu'à l'époque on ne pouvait pas se douter des dangers des hormones prélevées avec des tringles à rideaux sur des cadavres sdf.

La médecine dans un seul pays, c'est aussi, pour élargir mes propos, rappeler que la suffisance à la française s'est déjà exercée dans de nombreux autres domaines (en France, ce n'est pas pareil) : l'affaire du distylbène que les gynécologues français continuaient de prescrire malgré les risques connus dans d'autres pays ; le Traitement Hormonal Substitutif de la ménopause qui n'aurait pas été dangereux pour les femmes, seulement en France ; l'attente d'un test français pour tester les serums des donneurs de sang alors que des tests étrangers existaient déjà ; les avis rassurants de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de Santé quelques jours avant le retrait mondial du marché du rofecoxib ; le nuage de Tchernobyl qui contourne la France ; les lignes de coke qui épargnaient la France avant que cela ne devienne un problème de santé publique...

La médecine dans un seul pays c'est se refermer sur soi-même en croyant qu'on est les meilleurs. Le réveil est toujours violent.

jeudi 14 février 2008

Quinolones : Quand les MG dérapent avec l'aide de l'industrie

Voici, chers amis, le dernier message de la DGS.
Le 12/02/2008 - Réf : 2008-inf-3 Objet du Message "Recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST) à gonocoques"

Une recrudescence générale des IST est signalée par l'Institut de veille sanitaire dans son dernier bulletin épidémiologique du 5 février 2008. Le fait marquant est la poursuite de la progression des infections à gonocoques et de leur résistance à la ciprofloxacine : près d'une souche sur deux est désormais résistante à cet antibiotique ce qui peut favoriser leur diffusion en cas de traitement inadapté.La Direction générale de la santé rappelle les recommandations émises en septembre 2005 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sur la prise en charge de ces pathologies et en particulier sur la nécessité de faire pratiquer un prélèvement bactériologique, de traiter en première intention par la ceftriaxone injectable et en deuxième intention par le céfixime per os en prise unique.Vous pouvez consulter ces informations sur :http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/10/mp140905.pdf

Commentaires :

Pourquoi les quinolones de deuxième génération ont-elles été largement diffusées en ville ?
Sous la conjonction de deux lobbys : celui de l'industrie fabricant les quinolones et celui des MG (pourquoi ce qui est prescrit à l'hôpital ne pourrait-il pas l'être en ville ? Non mais !)
L'idée originelle était que les pneumopathies communautaires et les pyélonéphrites (et, accessoirement les prostatites -- surtout non documentées) ne devaient pas transiter par l'hôpital (idée généreuse et, théoriquement, gagnant / gagnant pour les malades).

Il s'est passé que les pneumopathies communautaires comme les pyélonéphrites sont rares et que les chiffres de vente des dites quinolones ont cependant explosé.
Parce que, comme le supputaient et le désiraient les laboratoires (qui ont mis le paquet en visite médicale), les quinolones 2 ont été prescrites larga manu dans les bronchites et les cystites.

Contrairement à toutes les recommandations, officielles et prescririennes (La Revue Prescrire).


Moralité : on peut faire confiance aux labos et aux MG (fussent-ils spécialistes en médecine générale) pour faire que les MG se comportent en "grands", c'est à dire prescrivent comme à l'hôpital, et confondent les infections communautaires virales et les infections nosocomiales bactériennes dans le grand barnum de la médecine probabiliste...

Amitiés non BYGPHARMAIENNES.

JCGRANGEDOCTEURDU16

dimanche 10 février 2008

C dans l'air : pourquoi Robert Cohen ment-il ?

Lors de l'émission du vendredi 8 février de C dans l'air consacrée à la vaccination contre l'hépatite B et à l'hormone de croissance
http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_article=249
je me suis fait la réflexion suivante : puisque les tenants de la vaccination contre l'hépatite B ont tous les éléments en main pour confondre leurs détracteurs (et je souligne ici que je n'ai pas encore fait mon choix : j'explore), pourquoi Robert Cohen (RC) a-t-il menti de façon aussi effrontée ?
Voici ses mensonges :

1) RC a dit qu'il existait onze études contre une (l'étude Hernan) qui démontraient que le vaccin contre l'hépatite B n'entraînaient pas de SEP post vaccination.
En réalité il y a six études publiées, dont l'étude Hernan, qui ont étudié ce fait particulier.

2) RC a dit que l'étude Hernan était, parmi les douze études (je ne peux que continuer à citer son premier mensonge), l'étude qui comportait le moins de malades. C'est encore faux.

Ces études sont les seules à êtres des essais cas / témoins dûment publiées prenant et portant effectivement sur le risque neurologique chez des sujets sains au moment de leur vaccination.

Elles sont présentées : auteur (année) n cas / n témoins / n total.
Touzé et al (2000) 121 / 121 / 242 ; Touzé et al (2002) 236 / 355 / 591 ; Ascherio et al (2001) 192 / 645 / 837 ; de Stefano et al (2003) 440 / 950 / 1390 ; Hernan et al (2004) 163 / 1600 / 1763 ; Mikaelof et al (2007) 143 / 1122 / 1265

3) RC, pour faire le malin, a dit que les Français étaient la risée des autres pays en raison de nos réserves sur la vaccination : il oublie de dire que l'étude Hernan est une étude américaine faite sur des cas / témoins anglais. Il a encore menti.

Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.

4) RC a aussi menti sur ses conflits d'intérêts lors de l'émission. Contre l'évidence. En affirmant par ailleurs que ces conflits d'intérêts pouvaient ne pas le disqualifier. Ca peut effectivement se discuter.

En conclusion, je voudrais, au delà des polémiques que mes propos peuvent susciter, que chacun s'attachât à déméler le vrai du faux dans le cas des affirmations de RC et, au fond, des raisons qui l'ont poussé à mentir.
A suivre.

Références :
Ascherio A, Zhang SM, Hernan MA et al. Hepatitis B vaccination and the risk of multiple sclerosis. N Engl J Med 2001; 344(5):327-32.
DeStefano F, Verstraeten T, Jackson LA et al. Vaccinations and risk of central nervous system demyelinating diseases in adults. Arch Neurol 2003; 60(4):504-9.
Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.
Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M et al. Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset multiple sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med 2007b; 161:1176-82.
Touzé E, Fourrier A, Rue-Fenouche C et al. Hepatitis B vaccination and first central nervous system demyelinating event: a case control study. Neuroepidemiology 2002; 21:180-6.
Touzé E, Gout O, Verdier-Taillefer MH, Lyon-Caen O, Alperovitch A. [The first episode of central nervous system demyelinization and hepatitis B virus vaccination]. [French]. Rev Neurol (Paris) 2000; 156(3):242-6.

dimanche 3 février 2008

Les désillusions de l'accouchement à domicile

Rappelez-vous dans les années quatre-vingt les controverses sur les accouchements dans l'eau (pour ne pas stresser le foetus à son arrivée dans un monde supposé "hostile") prônés par les obstétriciens de Pithiviers.
****
C'était le combat de la médecine "écolo" contre la médecine académique, le combat des "naturalistes" contre les scientifiques, le combat des protecteurs des droits inaliénables du foetus contre les sans coeurs de la Faculté (i.e. les réactionnaires), le combat des freudo-kleino-freudo-doltoïens contre les debray-ritzeniens...
***
Où en est-on aujourd'hui ?
***
Tony Delamothe rapporte, dans un éditorial du British Medical Journal, à propos des accouchements à domicile, le fleuron de l'obstétrique néerlandaise, que quelque chose de non prévisible est arrivé : les Pays-Bas ont maintenant le deuxième taux le plus élevé d'Europe de morts périnatales. La moitié des femmes qui ont choisi un accouchement à domicile ont dû être transférées à l'hôpital en raison de la survenue de problèmes durant le travail. L'accouchement à l'hôpital entraîne une augmentation de risques de mort in utero et néonatales d'environ un quart !
10.1136/bmj.39472.657384.DB

S'agit-il d'une conséquence extrême du freudisme jusqu'au-bout-iste ou des limites de la démédicalisation de la médecine ?

jeudi 31 janvier 2008

Ezetimibe : une enquête du Congrès étatsunien oblige à publier une étude négative

Merck et Shering-Plough, les fabricants de l'ezetimibe, sont obligés de publier, après intervention du Congrès étatsunien, un essai négatif pour leur molécule : 356 patients traités par ezetimibe (10 mg) + simvastatine (80 mg) ne se "portaient" pas mieux que 360 traités par simvastatine seule.
*
L'essai ENHANCE, puisque c'est de lui dont il s'agit, il faut le dire pour ses concepteurs, était un essai à la con : il s'agissait de mesurer en critère principal (primary end-point) l'épaisseur de l'intima de la carotide interne ! Essai à la con pour deux raisons, l'une anecdotique, l'autre fondamentale : 1) Pour l'anecdote, les essais sur l'épaisseur de l'intima ont toujours été des histoires sans intérêt où tous les labos se sont cassés les dents et, quand ils ne se sont pas plantés, les résultats étaient éminemment discutables. EN L'OCCURRENCE LE GROUPE EZETIMIBE S'EST AGGRAVE. 2) Pour le fond : prendre comme critère principal des critères de substitution (surrogate end-points), c'est comme faire des études sur l'HTA en ne prenant que la baisse de la PA comme facteur essentiel d'efficacité. Il y a belle lurette que tout le monde sait que cela ne sert à rien, qu'il n'y a pas de rapports entre l'efficacité antihypertensive d'une molécule et la morbi-mortalité. Pour le cholesterol c'est kif kif.
*
Les deux firmes ont eu beau publier des pleines pages de pub dans le Wall Street Journal et le New York Times, l'étude était à la con et je leur conseille de virer les concepteurs, chefs de projet médicaux et marketeurs et de les envoyer faire de la visite médicale en présentant des études à la con à des médecins qui auront lu l'article.
*
JCG : Rappelons ici que les statines n'ont aucun intérêt en prévention primaire chez les femmes et chez les hommes de plus de 65 ans (Lancet 2007;369:1078). BIEN QUE LES STATINES FASSENT BAISSER LE CHOLESTEROL (critère de substitution).
JCG : MEME CHEZ LES HOMMES A HAUT RISQUE CARDIOVASCULAIRE IL FAUT TRAITER 238 PATIENTS PAR AN POUR EVITER UN INFARCTUS DU MYOCARDE.

Rosiglitazone : GSK a été prévenu avant publication

Des informations indiquent qu'un relecteur de la méta-analyse de Nissen (Steven Haffner du New England Journal of medicine) a communiqué le texte à Glaxo dix-sept jours avant publication dans le New England Journal of Medicine. C'est un article de la revue Nature qui le rapporte : Vastag B. Reviewer leaked Avandia study to drug firm. Nature 2008; 451:509. Steven Haffner, le fuiteur, a révélé qu'il touchait de l'argent de GSK depuis des années mais, s'il n'a pas voulu en révéler la somme, elle a été évaluée par Charles Grassley, un sénateur républicain de l'Indiana, à 75 000 dollars.
Rappel des faits : la publication de la méta-analyse de Nissen, suggérant une augmentation du risque d'Infarctus du Myocarde sous rosiglitazone,avait conduit à une chute boursière de GSK et à des avertissements émis par la FDA et par d'autres autorités de régulation sur l'utilisation de la molécule. Le fait que GSK ait été prévenu auparavant a permis à la firme de préparer sa défense et à lever l'anonymat d'une de ses études qui montrait le contraire.
Les propos du sénateur Grassley sont d'une étonnante vigueur : il dit avoir déjà montré, et cela fait des années qu'il mène des investigations dans le domaine pharmaceutique, que la FDA a des relations très proches de l'industrie pharmaceutique, que l'industrie pharmaceutique donne énormément d'argent pour influencer la prescription des médecins et qu'il peut désormais affirmer que des scientifiques sont victimes d'intimidation pour ne pas parler dans les congrès et que même les revues avec comités de lecture (peer-review) sont affectées par ces problèmes. [Statement of Senator Charles E Grassley before the United States Senate. January 30, 2008. Available at: http://www.senate.gov/~finance/press/Gpress/2008/prg013008.pdf.]


JCG : ne prescrivez pas de rosiglitazone et évitez de prescrire des produits GSK.