dimanche 10 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE VUE DE LA MEDECINE GENERALE : UN FIASCO

Madame Bachelot n'y est pour rien mais la gestion de cette minicrise porcino-mexico-grippale A a été un fiasco total du point de vue de la médecine générale et des médecins généralistes.
Madame Bachelot n'y est pour rien car elle est au sommet (instable) d'une pyramide où la bureaucratie se dispute à la lutte d'influences et aux conflits d'intérêt multiples et variés.

Les médecins généralistes ne sont pas la cinquième roue du carrosse : ils n'existent pas. Pour les observateurs avertis du fonctionnement institutionnel de la médecine française ce n'est pas une nouveauté mais cela mérite que l'on s'y arrête une nouvelle fois.

Il ne s'agit pas de savoir si Madame Bachelot sait, en théorie, qu'il y a des gens qui s'appellent médecins de première ligne en France, il s'agit seulement d'analyser les faits. Les médecins généralistes sont considérés comme quantité négligeable et insignifiante.

Je ne reviendrai pas sur le fait que les médecins généralistes ont de lourdes responsabilités dans cette affaire (en ne revendiquant pas un statut scientifique mais un statut social) mais je me placerai simplement sur le plan de la Santé Publique. Car Madame Bachelot doit s'occuper de Santé Publique, pas seulement de Gestion Médiatique de la Crise.

Les grincheux et les rigolards ont beau jeu de se gausser du fait que la pandémie annoncée n'était qu'une tempête dans une tasse de thé et de s'indigner du tapage médiatique générateur de peur. que les pouvoirs publics ont engendré. Heureusement que la pandémie s'est éteinte ! Dans le cas contraire les grincheux et les rigolards auraient changé leur fusil d'épaule en parlant d'impréparation, de gabegie, de médiocrité de la puissance publique. Mais c'est maintenant qu'ils doivent s'interroger sur les manques de la politique publique et sur leurs propres insuffisances.

Madame Bachelot, vous êtes le chef d'un bordel bureaucratico-administratif qui pourrait faire les délices d'une analyse de cas dans une école de management.

Qui contrôle qui ? Qui contrôle quoi ? Qui est le chef ? Le Ministère de la Santé ? La DGS ? L'INVS ? Les structures locales ? Le Préfet de Région ? Le Préfet de Département ?
Qui donne des consignes ? Qui informe ? Qui connaît l'ordre des priorités ? Qui connaît les intermédiaires ? Qui connaît les correspondants ? Qui sait par quelle voie il est possible de joindre les soutiers de base, i.e. les médecins généralistes et, plus généralement les professionnels de santé ? Qui s'est préoccupé des infirmiers libéraux, des kinésithérapeutes, des pharmaciens, des orthophonistes, des ambulanciers, des brancardiers et autres secrétaires de cabinets médicaux ?

J'ai donné ici des exemples d'interventions multiples et variées au niveau des médecins généralistes qui montraient l'impréparation ministérielle tant intellectuelle que logistique.

Le médecin généralistes est informé par
  1. La presse grand public : les communiqués de presse précèdent les informations destinées au corps médical
  2. Le Ministère de la Santé
  3. La Direction Générale de la Santé par le biais de ses messages DGS-Urgent que seuls reçoivent les médecins abonnés
  4. L'institut National de Veille Sanitaire
  5. Le Ministère de l'Intérieur et l'ineffable Madame Alliot-Marie
  6. Le Conseil de l'Ordre qui relaie (?) les informations avec un délai de quelques jours
  7. Le centre 15, s'il l'appelle
  8. La DASS, s'il en connaît l'existence.
  9. Les professeurs qui s'expriment ici et là sur les ondes en racontant tout et n'importe quoi.
  10. La presse médicale dont l'incompétence ne fait plus aucun doute.
  11. Les Autorités préfectorales.
Le médecin généraliste, chère Madame Bachelot, ne sait pas quand il recevra des masques, quand il disposera de tamiflu, où seront situés les centres de consultation, dans quelle mesure il sera réquisitionné, s'il le sera.

Existe-t-il dans votre entourage, chère Madame Bachelot, un seul médecin généraliste pratiquant pour vous donner son avis ? Savez-vous que les médecins de première ligne seront vraiment en première ligne si les cas se multiplient, que le SAMU sera très rapidement débordé, que les hôpitaux itou, et les services de l'Etat décimés, non par la grippe elle-même mais par la désorganisation intense qui existe en dehors de toute crise et quand il y a à peine dix cas sur le territoire français (treize à l'heure où j'écris) ?

Les médecins généralistes seront en première ligne et pour quoi faire ? Pour attraper la grippe ?

Quelques conseils, Madame Bachelot :
  1. Décidez une fois pour toutes qui fait quoi et quoi fait qui.
  2. Communiquez de façon unique afin que le message ne soit pas brouillé.
  3. Suivez les consignes qui ont été édictées avant que l'épidémie ne se déclare : Plan Grippe Aviaire, et n'en bougez pas.
  4. Respectez la hiérarchie de l'information : prévenez d'abord la corps médical puis le grand public. Prévenez tous les médecins et pas seulement les experts et les universitaires. N'oubliez pas les professionnels de santé.
  5. Tirez les leçons de cette expérience : nous ne sommes pas prêts et les médecins généralistes pas plus que les autres.
  6. Créez un fichier de tous les médecins de première ligne afin qu'ils puissent être prévenus directement et non par l'intermédiaire de corps inutiles pour la gestion d'une telle crise comme le Conseil de l'Ordre des Médecins...
  7. Simplifiez les circuits décisionnels afin que le site Théodule ne communique pas en même temps que le site Trucmuche, sachez qui est responsable de quoi et qui contacter quand il est nécessaire d'obtenir une information rapide.
Sachez, chère Madame Bachelot, que les médecins généralistes sont avides d'informations, capables de comprendre et sont les premiers à parlers aux patients / malades pour les informer et les rassurer.

La médecine générale existe : je la pratique tous les jours.
J'ai un cerveau, deux pieds, deux mains, un coeur mais je n'aime pas qu'on me prenne pour un con.



vendredi 8 mai 2009

LE CIANE : SEULEMENT LA VERITE QUI NE FACHE PAS SUR LA NAISSANCE

La Revue Prescrire dans son dernier numéro 307 de mai 2009 (pp 376-378) donne en exemple l'association CIANE (Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE) parce que , je cite, elle "... mène une action indépendante et transparente pour améliorer la qualité des soins en périnatalité en France."

L'article étant tellement dithyrambique et sans l'once d'une ébauche de la moindre esquisse d'une critique, je suis allé, curieux, consulter le site.

Je trouve un sujet qui m'intéresse (le syntaxiquement correct eût été d'écrire, comme LRP, "le sujet m'interpelle" et j'aurais pu ajouter, encore plus dans les clous : "au niveau de mon vécu") qui concerne l'accouchement à domicile, je réponds en citant ce blog et ma réponse est publiée et commentée. Le commentaire est cinglant et m'accuse, en gros, de ne pas savoir lire le néerlandais et se termine par une phrase décisive :"Il ne suffit pas de lire les éditoriaux et les résumés d'articles, il faut lire l'étude en entier avant d'en tirer un commentaire aussi définitif !" Dont acte cher Monsieur Bernard Bel. Et le Bel en question de me renvoyer sur les documents de l'affaire, c'est à dire une polémique entre Bel et le BMJ et plus particulièrement un rédacteur que j'aime bien depuis des années, Tony Delamothe et un autre rédacteur, Tony Sheldon. Il s'agit de nombreux courriers échangés entre Bel et le BMJ qui finissent par ceci : Tony Delamothe n'aurait pas dû écrire 51 % des femmes néerlandaises qui avaient décidé d'accoucher à domicile finissent le travail à l'hôpital mais SEULEMENT 51 % des primipares et 17 % des multipares ! Ce qui me paraît énorme ! D'autant que Bel ne conteste pas ceci : le risque de décès intrapartum ou à la naissance augmente de 25 % !

Et là où Bel est malhonnête, je pèse mes mots et je me réfère à un intertitre de La Revue Prescrire laudant l'association "Des propositions fondées sur des données validées", c'est que 1) Il ne publie pas ma réponse et 2) Dans l'argumentaire qu'il a écrit sur le décès d'un bébé dans l'Ariège, il ne cite pas les sources néerlandaises et cite des sources pour le moins contestables et qui, par quelque bout qu'on les regarde, sont aussi près de l'EBM qu'ALLI est près de l'efficacité !

Cela dit, je me suis promené sur le site du CIANE, y ai vu des réflexions intéressantes, des choses surprenantes, des expressions maladroites, des points de vue ambigus mais nous sommes loin des ambitions afichées dont celle-ci, qui me laisse pantois : la définition du CIANE "Un collectif qui se voudrait être le porte-parole des parents et des futurs parents, de tous les citoyens." Diable ! Je ne dois pas faire partie des citoyens ad hoc : je suis trop quoi ?

Je reviendrai une autre fois sur la démocratie internet et sur les réseaux bien-pensants de la blogomédicosphère. Ainsi que sur la pseudotransparence de ces réseaux "indépendants".

Pour paraphraser Milan Kundera : Chaleur des sentiments, sécheresse de la démocratie.

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SUITE DE L'AFFAIRE : Monsieur Bel a répondu à 19h59 ce jour. Vous lirez sa réponse (partielle). Sur son blog. Le débat est clos : j'ai compris qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin puisqu'il semble que le CIANE AIT TOUJOURS RAISON !

Je reviendrai donc sur la démocratie participative sur Internet dans un autre billet.

jeudi 7 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE : COMMENT PENSER LA CATASTROPHE



Il semble, au moment où j'écris ces lignes, que le danger de la grippe mexicaine soit écarté. Tant et si bien que tous ceux qui ont glosé sur la médiatisation excessive, la peur engendrée par les différents communiqués de l'OMS, du Ministère français de la Santé, ont beau jeu dire : on vous l'avait bien dit ! Il n'y avait aucun risque ! Et ils ont ainsi évité de s'interroger sur le risque réel, sur l'impréparation de tous et de chacun et de se moquer des prophètes de malheur et autres Cassandre.

Je voudrais, à la suite de Jean-Pierre Dupuy et de Gunther Anders, rappeler le texte que ce dernier a écrit, sous forme de parabole, à propos de l'histoire du déluge.

Noé, fatigué de jouer les prophètes de malheur et d'annoncer sans cesse une catastrophe qui ne venait pas et que personne ne prenait au sérieux...
...un jour se vêtit d'un vieux sac et mit des cendres sur sa tête. Ce geste n'était permis qu'à celui qui pleurait son enfant chéri ou son épouse. Vêtu du costume de la vérité, acteur de la douleur, il repartit à la ville, décidé à tourner à son avantage la curiosité, la malignité et la superstition de ses habitants. Bientôt, il eut rassemblé autour de lui une petite foule curieuse, et les questions commencèrent à se faire jour. On lui demanda si quelqu'un était mort et qui était ce mort. Noé leur répliqua que beaucoup étaient morts et, au grand amusement de ses auditeurs, que ces morts c'étaient eux. Lorsqu'on lui demanda quand cette catastrophe avait eu lieu, il leur répondit : demain. Profitant alors de l'attention et du désarroi, Noé se dressa dans toute sa grandeur et se mit à parler : après-demain, le déluge sera quelque chose qui aura été. Et quand le déluge aura été, tout ce qui est n'aura jamais existé. Quand le déluge aura emporté tout ce qui est, tout ce qui aura été, il sera trop tard pour se souvenir, car il n'y aura plus personne. Alors il n'y aura plus de différence entre les morts et ceux qui les pleurent. Si je suis venu devant vous, c'est pour inverser le temps, c'est pour pleurer aujourd'hui les morts de demain. Après-demain, il sera trop tard. Sur ce, il rentra chez lui, se débarrassa de son costume, de la cendre qui recouvrait son visage et se rendit à son atelier. Dans la soirée, un charpentier frappa à sa porte et lui dit : laisse-moi t'aider à construire l'arche, pour que cela devienne faux. Plus tard, un couvreur se joignit aux deux en disant : il pleut par dessus les montagnes, laissez-moi vous aider, pour que cela devienne faux. (Günther Anders : Endzeit und Zeitende, Munich, C.H. Beck, 1972)
Je vous laisse à vos réflexions en terminant par cette phrase de Jean-Pierre Dupuy (In : Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005) : Le prophète de malheur n'est pas entendu parce que sa parole, même si elle apporte un savoir ou une information, n'entre pas dans le système des croyances de ceux à qui elle s'adresse.

jeudi 30 avril 2009

GRIPPE MEXICAINE : LES DERNIERES NOUVELLES DU BORDEL AMBIANT

Les Autorités sanitaires françaises viennent d'annoncer l'entrée de la France en phase 5

J'ai reçu à 12h 24 un communiqué DGS -Urgent
Assez peu informatif.
Mais surtout : clair comme du jus de chique. Je vous disais dans un message précédent écrit ce jour

combien il apparaissait que la direction des opérations, s'il en existe une, était un joyeux bordel. Ca se confirme !
Dans ce message DGS-Urgent il est dit que l'on peut aller vérifier les informations sur le site de l'INVS (où la référence est grippe porcine...) et que d'autres informations seront transmises sur le site du Ministère de la Santé.
Une direction centralisée des opérations aurait-elle fait peur aux différentes parties prenantes ou s'agit-il de luttes d'influenceS ?

J'ai reçu à 13h 41 un avis de mon Conseil Départemental de l'Ordre rapportant des consignes de l'INVS datant du 25 avril ! Le titre était : "La grippe mexicaine est aux portes de l'Europe."

Le Conseil de l'Ordre met du temps à réagir.

J'ai écouté un entretien sur France 5 entre le journaliste Thierry Guerrier et un professeur d'infectiologie marseillais qui a dit : il n'y a pas de contrôles sérieux aux frontières, les vols avec le Mexique devraient être interrompus depuis longtemps et, accrochez-vous, les stocks de tamiflu sont périmés mais ils seront utilisés quand même !

A suivre !

GRIPPE MEXICAINE : LES AUTORITES FRANCAISES DE SANTE PRENNENT LES GENERALISTES POUR DES CONS

L'OMS vient d'annoncer cette nuit le passage à la phase 5, c'est à dire l'entrée dans la période pandémique.
Les autorités françaises n'ont pas encore pris de mesures pour la phase 4 (cf. le document à la page 56.)

Les médecins généralistes ont reçu, seulement les abonnés, un avis urgent de la Direction Générale de la Santé samedi dernier après-midi alors que le grand public avait déjà été averti.

De qui se moque-t-on ?

Les autorités françaises font un point presse tous les jours ce qui évite aux journalistes d'enquêter.

Le grand public, et les médecins savent-ils quel est le taux de pénétration possible d'un nouveau virus en population générale ? Entre 25 et 60 % de la population globale.

Le grand public et les médecins savent-ils combien il y a de morts en France par an dus à la grippe saisonnière pour laquelle il existe un vaccin ? Entre 4 et 5000 ! (Et nous n'entrerons pas ici sur a) l'inefficacité relative du vaccin anti grippe saisonnière chez les personnes les plus à risques comme nous l'avons analysé ici ; b) sur la surestimation des chiffres par Byg Pharma et sur la sous-estimation des chiffres par les autorités sanitaires)

Le grand public et les médecins savent-ils où sont actuellement stockés les doses de Tamiflu et de relenza ? Sur des bases militaires top secret !

Les médecins généralistes savent-ils d'ores et déjà que tout malade qui tousse et qui est fébrile ne devait entrer dans une salle d'attente de médecine générale qu'en portant un masque chirurgical ?

Les médecins généralistes portent-ils d'ores et déjà un masque "soignant" FFP2 chaque fois qu'ils sont confrontés à un patient qui tousse ?

Les centres de consultation sont-ils prêts ?

Où sont-ils situés dans chaque agglomération ?

Ici, à Mantes, je ne sais pas quel est le centre de consultation qui sera désigné et où il sera localisé.

Les médecins généralistes vaccinent-ils préventivement contre le pneumocoque chez tous les patients à risque (Situation 4A : pre07)

Qui sait combien l'organisation du plan pandémie est un joyeux bordel administratif où tout le monde se marche sur les pieds : cf. l'organigramme de la page 21 du Plan Grippe aviaire ?

J'aimerais savoir à l'heure où j'écris ces lignes (9 h 24) qui est au courant de quoi.

Il semble que les autorités de santé en soient restées à la phase 4, puis maintenant, je l'espère, la phase 5A. mais la phase 5B est pour demain avec commes mesures immédiates :

suspension du système du médecin traitant
réquisition des médecins généralistes par les préfets

isolement des malades à domicile ne nécessitant pas d'hospitalisation avec visites régulières de médecins (lesquels ?)

organisation de structures intermédiaires d'hébergement pour le regroupement de malades isolés dont l'état ne justifie pas une hospitalisation

regroupement des cas graves dans les hôpitaux

Bon, où sont les instructions ? Où sont les Médecins généralistes ?

A suivre.



jeudi 23 avril 2009

CRITIQUER LA MEDECINE PAR LES PREUVES / EBM : UN FONDS DE COMMERCE QUI RAPPORTE

Critiquer la Médecine par les preuves, alias l'Evidence Based Medicine, est une attitude intellectuelle qui rapporte de l'audience.
Dans un autre domaine que celui de la médecine, on appellerait cela du populisme.
Et pour faire plaisir à tout le monde il existe un populisme de gauche et un populisme de droite.
Nous avons analysé ici quels étaient les enjeux de l'Evidence Based Medicine.
Ces critiques, et je suis le premier à m'y associer, sont salutaires quand La Médecine par les Preuves est brandie comme un instrument infaillible de la nouvelle pratique de la médecine.
Mais ne nous y trompons pas, un certain nombre de ces critiques ne sont qu'une façon inélégante de se débarrasser de toute contrainte pratique et de donner l'occasion au médecin, dans le cadre de son colloque singulier, de faire ce qu'il veut "à la bonne franquette".
Je ne parlerai ici que des Médecins Généralistes (MG) dont on me dit que, par l'opération du Saint-Esprit, ils sont devenus des spécialistes, on ne critique bien que ce que l'on connaît, me réservant les critiques sur les spécialistes dans le cours du texte.
*
Critiquer l'EBM parce qu'elle serait une sorte de scientisme : danger.
Un certain nombre de MG, échaudés par le contenu de leur formation et par les relations qu'ils entretiennent avec les hospitaliers en général, assimilent l'EBM à la science délivrée verticalement par l'Olympe académique qui pourrait se résumer à ceci : Circulez, y a rien à voir !
Mais la meilleure façon de s'opposer à cet abus de pouvoir n'est pas de penser autrement au nom d'une spécificité généraliste qui ne se fonderait que sur la pratique mais d'entrer dans le domaine des professeurs (dont la scientificité est souvent à démontrer) pour leur dire combien ils se trompent ou combien ils ont raison !
Lire, lire et relire, s'informer, prendre les bonnes sources, voilà la méthode.
Discuter avec ses pairs dans le cadre des groupes de pairs pour pouvoir discuter avec les spécialistes dans le cadre des courriers ou dans les échanges professionnels.
Avoir peur de la science c'est avoir peur de soi-même, c'est avoir peur de ne pas être au niveau, c'est revenir en arrière au temps où les articles médicaux étaient non des 'Ce que les études disent' mais 'Ce que mon expérience dit'. Et refuser le dialogue avec les Académiques qui ne connaissent que leur pratique hospitalière !
Car, rappelons-le, l'EBM c'est trois parties, dont la Science, les études contrôlées pour simplifier, n'est que le Tiers-Etat.
Refuser l'étude des études contrôlées et les prendre pour l'EBM tout entière est un non sens et une façon de dévaloriser la pratique de la Médecine Générale !
C'est aussi ouvrir grande la porte aux études non contrôlées, ou contrôlées (au sens sponsorisées) par l'industrie et ne plus "croire" que ce que l'on lit dans le Quotidien du Médecin...
Bien entendu il est nécessaire d'avoir un oeil très critique sur ces études contrôlées tant pour leur indépendance, que pour leurs protocoles, leurs critères d'inclusion et de jugements et leurs implications pratiques.
Il faut aussi savoir que l'Etat de la Science signifie parfois des révisions déchirantes et que le changement des Recommandations ne signifie pas que les Recommandations précédentes étaient des faux mais qu'elles ont été modifiées grâce à l'apport de nouvelles données.
*
Mettre en avant la pratique individuelle de chaque Médecin Généraliste contre la Science et l'EBM : malin.
Valoriser la pratique individuelle de la Médecine Générale (contre la Science dite Académique) est également une façon adroite de se défausser et de donner bonne conscience au MG qui a décidé de ne pas s'encombrer de travaux annexes qui s'appelleraient s'informer, lire, discuter la Science (alias les études contrôlées) : il a déjà tant de travail !
Ce deuxième pilier de l'EBM, l'expérience personnelle, n'est pas une valeur en soi si elle n'est pas étayée par les deux autres piliers de l'EBM. Mais quoi de plus flatteur que de penser que la subjectivité est au centre de la démarche professionnelle ! Une subjectivité qui s'affranchirait de la science, des études sur sa propre activité, sur ses propres résultats, sur ses propres modus operandi au nom d'un Art inclassable, inanalysable échappant à toute épistémologie et, aussi, à toute influence externe.
Je n'y crois pas une seule seconde.
Tout l'intérêt de notre pratique de Médecin Généraliste est d'améliorer notre pratique en tenant compte des données des études cliniques contrôlées pour les adapter aux situations et aux patients / malades. Mais, pour ce faire, faut-il encore connaître les données de la Science et ne pas s'asseoir dessus.
Pour échapper à la Science il faut la connaître et, ensuite, éventuellement, s'asseoir dessus.
Mais l'autre étape indispensable est la connaissance institutionnelle et scientifique de la Médecine Générale. Nous ne saurions trop conseiller aux bougons et aux réfractaires de prendre en compte le travail énorme de la Société Française de Médecine Générale.
Car comment raisonner si l'on ne dispose pas d'un corpus ? Comment énoncer si l'on ne travaille pas à partir de données chiffrées ? Comment s'analyser si l'on ne dispose pas d'outils de comparaison ? Et dans la valorisation de la pratique individuelle il y a cet aspect scientifique de la publication de données de Médecine Générale pour éclairer les pratiques et leur donner un sens ou une opportunité.
Pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup de publications contrôlées en Médecine Générale ? Nous reviendrons sur cette question une autre fois.
Car l'aboutissement de la mise en avant de l'expérience individuelle conduit aussi à l'Evaluation des Pratiques Professionnelles, ce à quoi une grande majorité de MG ne semble pas prête.
*
Refuser les Valeurs et les Préférences des patients en refusant l'EBM : subtil !
Un des motifs cachés du refus de l'EBM au nom du subjectivisme individuel des médecins, c'est probablement refuser que les patients / malades prennent part au processus décisionnel. Car cette participation a un côté inquiétant pour le MG de base qui pense que le patient / malade doit avant tout obéir aux décisions du Grand Spécialiste en Médecine Générale. Nous sommes les héritiers d'une médecine paternaliste où le médecin prend la décision à la place du malade, au nom du malade parce qu'il y en a un qui sait et un autre qui ne sait pas. Et si le MG, déjà dévalorisé par les institutions académiques, se voit contrarier par le malade, où va-ton ?
Je ne disconviens pas sur le fait que la parole du patient / malade peut être équivoque et que l'accès aux informations sur Internet peut conduire à des interprétations délirantes et non conformes aux données de la Science ou, comme ondit, à l'Etat de l'ART. Mais si le MG est au courant de l'Etat de l'Art, quel plaisir que de dialoguer et d'informer un patient qui pose des questions sur lui-même ?

En résumé : critiquer la Médecine par les Preuves / EBM est une nécessité absolue de la part du MG. Mais cette critique doit être fondée sur une connaissance parfaite des Données de la Science, l'acceptation d'une évaluation personnelle qui ne soit pas seulement une autoévaluation et la prise en compte des Valeurs et Préférences du patient. Vaste programme. Mais méfions-nous des démagogues de tout poil qui, au nom d'une attitude pragmatique, veulent jeter le bébé avec l'eau du bain !






vendredi 10 avril 2009

CANCER DE LA PROSTATE : QUAND LE PROFESSEUR BERNARD DEBRE S'EN MELE

Le cancer de la prostate est un sujet trop sérieux pour être confié aux urologues.

Nous vous avions indiqué dans un article récent que les deux dernières études (l'une américaine, l'autre européenne) publiées sur l'intérêt du dépistage systématique du cancer de la prostate n'apportaient rien de nouveau : il n'était toujours pas nécessaire de le faire.

Mais c'était sans compter avec le grand professeur Debré, illustre chef de service d'urologie (on rappelle ici que le président Mitterrand n'a pas été opéré par lui mais par le professeur Steg dans son propre service), qui vient de présenter, sous l'égide de l'OPEPS (Office Parlementaire d'Evaluation des Politiques de Santé), un rapport qui tend à vouloir, contre toute évidence scientifique, généraliser le dépistage de masse du cancer de la prostate par le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen).

Le Professeur Debré ferait simplement pitié si ce rapport ne reflétait pas l'état déliquescent de la Société Française dont les mammelles sont le copinage et l'acoquinage et, dans le cadre plus particulier de la Santé, à la puissance quatre.

Pour une lecture d'une critique argumentée de ce rapport qu'il est possible de télécharger, je vous conseille de vous diriger sur le site du docteur Dominique Dupagne où l'auteur fait une analyse saisissante des incohérences, des approximations et des mensonges colportés par l'OPEPS via le professeur Debré.

Voici quelques données que l'on peut tirer de cette affaire :

  1. Une mission parlementaire est confiée à un homme, le professeur Bernard Debré, qui est connu pour ses positions a priori en faveur du dépistage de masse du cancer de la prostate (conflit d'intérêt intellectuel).
  2. C'est à l'Association Française d'Urologie, dont Bernard Debré est membre, que l'on confie l'enquête. Cette association d'urologues français est connue elle-aussi pour ses prises de position extrêmistes dans le domaine du dépistage de masse du cancer de la prostate et ses "Recommandations" sont elles-aussi connues pour être en désaccord avec celles de la Haute Autorité de Santé, et de l'Institut national du Cancer, Recommandations qui devraient faire autorité en France. Rajoutons qu'à part l'American Urological Association, aucune société savante urologique dans le monde ne préconise non plus le dépistage de masse... (Conflit d'intérêt intellectuel et financier).
  3. Le rapport est commenté de façon généralement très favorable dans la presse médicale et grand public et les "journalistes" français, médicaux ou non, se contentent des déclarations de Bernard Debré pour faire leur opinion et celle de leurs lecteurs. En France le journalisme médical d'investigation n'existe pas ou de façon sporadique.
  4. Le rapport de l'OPEPS est globalement un tissu de mensonges. Nous avons commenté ici les deux études dont il fait mention et souligné combien l'étude européenne était imparfaite et l'étude américaine convaincante pour continuer de ne rien faire et pourtant Bernard Debré, mentant comme un arracheur de prostate, en tire des conclusions opposées. Il oublie en particulier de dire que les cas français ont été enlevés de l'analyse finale. Notre bonté d'âme nous interdit d'en donner les raisons (incompétence ?).
  5. La mission parlementaire a confié aux seuls urologues le soin d'évaluer leurs propres pratiques sans tenir compte des critiques formulées par des experts en Santé Publique comme le professeur Gérard Dubois ou l'épidémiologiste Catherine Hill
  6. Où sont indiqués les conflits d'intérêt du professeur Debré ? Où sont indiqués les conflits d'intérêt de l'AFU ?
En conclusion : Il est fort peu probable que ce rapport finisse par faire autorité mais que d'efforts pour le critiquer ! Sa simple lecture permet de se rendre compte de sa fausseté scientifique et nous espérons que l'Université Française, que les Autorités Académiques se réveilleront afin que l'on puisse dire à propos de l'OPEPS, à l'instar de Cornelius Castoriadis à propos de l'URSS, cinq lettres, cinq mensonges.