mercredi 22 juin 2011

Prescrire un aérosol doseur sans faire de démonstration est une faute professionnelle !


Je viens de lire un article assez renversant dans le British Medical Journal (ICI en accès libre), article dont je vais vous faire un résumé non critique car je n'ai pas eu le temps de m'y atteler sérieusement (notamment sur le plan des conflits d'intérêt -- et bien que l'article n'en rapporte pas -- et sur celui de sa robustesse scientifique), mais parce que le résultat de cet essai, pour étonnant qu'il paraisse, importe peu dans mon commentaire.

Il s'agit d'une analyse à la sauce Cochrane (utilisant le Cochrane toolkit que certaines revues françaises qui n'aiment pas le mediator seraient bien inspirées d'utiliser) faite par des chercheurs américains, une méta-analyse plus précisément (dont on connaît les limites théoriques en général), qui montre que : par rapport au placebo il y a un risque de mortalité augmenté de 52 % lors de l'utilisation du tiotropium / solution pour inhalation dans le traitement de la BPCO. Alors qu'une méta-analyse concernant tiotropium / poudre n'avait pas montré cela.

Qu'est-ce m'apprend cet article ?

Que la forme peut parfois être plus importante que le fond.

Que le tiotropium est un drôle de produit dont je vous avais déjà parlé ICI, drôle parce que peu efficace, parfois dangereux et très prescrit à mon avis à tort et à travers et dont la balance bénéfices / risques est assez douteuse.

Que les pneumologues (et les médecins en général) prescrivent le tiotropium comme du jus de pomme, parfois selon l'AMM, souvent hors AMM ou à des stades pré cliniques des maladies (certains "experts" ne proposaient-ils pas dans un excès incroyable de prescrire Spiriva chez tout fumeur et avant toute manifestation clinique de BPCO...) élargissant leurs possibilités de manger des pizzas gratuites dans un congrès organisé à Orlando par un certain laboratoire allemand (Boehringer Ingelheim pour ne pas le citer et dont vous pouvez découvrir ICI la page d'accueil).

Que la prescription d'un médicament ou d'un matériel ne se limite pas à l'écriture manuscrite ou tapuscrite d'une ordonnance, qu'elle doit s'accompagner de la nécessité de s'assurer que la façon de prescrire (qui fait aussi partie de la croyance par le prescripteur de l'idée du 'médecin comme meilleur médicament' qui auto-autorise le prescripteur supposé tout-puissant et omnipotent à prescrire sans vergogne des placebos) a entraîné la prise médicamenteuse et permis les effets supposés de la molécule.

Que l'attitude jusqu'au boutiste de certains médecins (dont j'ai fait le portrait ICI en intuitionnistes idéologiques) prescrivant uniquement en DCI (Dénomination Commune Internationale) pour des raisons plus idéologiques (le combat contre Big Pharma) que scientifiques (la mondialisation de la prescription) pouvait mener à des catastrophes, notamment chez les personnes âgées. Un ou plusieurs correspondants me faisaient remarquer sur des forums médicaux "sérieux" que le rôle du médecin s'arrêtait à la rédaction de l'ordonnance et que c'était, ouvrez bien les yeux, au pharmacien de faire le boulot de démonstration, c'est son boulot, répétaient-ils, pas le mien, et je n'avais donc plus d'arguments pour répondre devant un tel désintérêt de ces médecins pour le questionnement de l'EBM (ou de la médecine factuelle ou de la médecine par les preuves) ou pour la démarche OPE (Organisme, Patient, Environnement) et leur retour à marche forcée vers le paternalisme et la posture d'expert qui connaît les données de la science (tous les produits se valent puisque c'est la molécule qui travaille) comme idéologie totalisante non adaptable à tel ou type de patient. Et tout le monde n'a pas la chance de connaître des pharmaciens de la trempe de jean Lamarche... à qui je propose de voir ce film édifiant sur la façon de démontrer l'utilisation du RESPIMAT, film promu par l'association irlandaise d'asthmologie, qui découragera effectivement nombre de prescripteurs de faire toute démonstration : ICI.
"Tu suis mes prescriptions ou tu te barres !", voilà la posture expertale arrogante et définitive (avec mes sept ans, huit ans, neuf ans et plus, sans compter les redoublements, je suis quand même un mec super...) du médecin droit dans ses bottes.

Qu'il ne faut pas exonérer non plus les médecins qui ne prescrivent pas en DCI car ils ne font pas plus, en majorité (sondage personnel), de démonstration dans leur cabinet avec les aérosols doseurs : Prends la Ventoline et barre-toi ! ... Cela revient au même.
Qu'il est nécessaire (mais non suffisant), chers prescripteurs, de toujours prescrire la même chose (j'entends déjà des voix s'élever), d'essayer de toujours prescrire la même chose, pour acquérir de l'expérience interne, de connaître la forme et le conditionnement des médicaments (je pense par exemple au Previscan, au Sintrom ou à la coumadine, médicaments dangereux s'il en est, je rappelle que la prescription de coumadine est la première cause d'hospitalisations aux US...), et d'expliquer, expliquer encore, encore et encore, la façon dont il faut prendre les médicaments.

Je fais une incise : je ne confonds pas la DCI et la générication. Mais je constate que la DCI va de pair avec la générication.
Et il n'est pas inutile de rappeler que la générication du monde (pas seulement celle des médicaments, la générication facebook ou twitter, l'uniformisation des modes de vie) et sa décéication sont des objectifs à la fois ultralibéraux et altermondialistes. Les ultra libéraux qui commercialisent le monde et le dégradent en qualité et les altermondialistes pour faire baisser le prix des médicaments et rendre accessibles les molécules aux populations des pays en voie de développement, c'est à dire aussi pour médicaliser les endroits de la planète où Big Pharma ne peut faire encore de profits. Cette générication et cette décéication sont les outils faciles de la mondialisation ou globalisation en anglais : le paracétamol n'est plus fabriqué en Europe...
Ainsi prescris-je en DCI, mais pas tout le temps, il m'arrive de penser que la prescription en DCI (avec pour corollaire le choix par le pharmacien de la molécule, c'est à dire l'influence la plus évidente de Big Pharma, un générique Winthrop contre deux boîtes de fluocaril, et les soucis mercantiles au zénith) sera plus compliquée que la prescription d'un princeps NS (Non substituable) chez tel ou tel patient (Prendre en compte ses Valeurs et ses préférences pour limiter ses Agissements - i.e. la non prise ou la mal prise) vaut mieux que de prescrire de facto un générique...

Bon, revenons à mon propos final. Cette étude tiotropium versus tiotropium (ce n'est pas exactement cela mais cela y ressemble) me conduit à écrire ceci :
  1. Les médecins qui prescrivent un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire, dans l'asthme ou dans la BPCO, sans en faire la démonstration au patient / malade commettent une faute professionnelle
  2. Les médecins, dont un patient traité par un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire n'est pas équilibré ou s'est dégradé récemment, qui ne contrôlent pas dans leur cabinet comment la molécule est délivrée commettent une faute professionnelle
Il est donc nécessaire de disposer à son cabinet, outre un peak-flow tout bête, des dispositifs de délivrance permettant d'expliquer et / ou de contrôler le mode de délivrance. Bien que la démonstration vue sur Internet par la société irlandaise d'asthmologie du respimat pourrait dégoûter à jamais de faire une démonstration. Mais on trouve sur internet des explications plus simples (simplistes ?) : LA.

Bonnes réflexions.

(Photographie : Eole)


lundi 20 juin 2011

Actos : le rapport de la CNAMTS à l'origine de la suspension est d'une douteuse qualité !


J'avais prévu, à la suite de la suspension de commercialisation de la pioglitazone (Actos et Competact) par l'AFSSAPS - ICI- (que j'avais trouvée justifiée a priori), de me moquer de la FDA (que j'avais beaucoup louée sur ce blog pour ses alertes ICI pour la simvastatine / ZOCCOR et LA pour la finasteride / PROSCAR) qui avertissait à propos de la pioglitazone mais qui ne suspendait pas : voir le communiqué de la FDA ICI.
J'ai eu raison de ne pas me moquer.
Car voilà qu'un collègue me transmet le fameux rapport de la CNAMTS sur la pioglitazone, rapport que tout le monde a vanté comme exemplaire (et le collègue me l'a transmis pour implicitement en louer les mérites).
Je vous invite à le lire ICI et à revenir sur le blog pour lire mes commentaires. A moins que vous ne vouliez me faire confiance (ce qui est pour le moins aventureux).
Je veux préciser également, mais il semble qu'il s'agit d'une précaution superfétatoire, que je n'ai aucun lien et encore moins de conflit d'intérêt avec la maison Takeda. Mon penchant pour Tanizaki, auteur japonais parfois génial, ne pouvant, à mon avis, être l'esquisse de l'esquisse d'une preuve que j'ai des liens avec l'Empire du Soleil Levant qui ne soient autres que littéraires.
J'imagine maintenant que vous avez lu le rapport de 41 pages (et je suis désolé, il n'est pas signé).

Préliminaires : les essais antérieurs et notamment les essais développés aux US indiquent qu'il est probable que les cancers de vessie induits par la pioglitazone le sont après environ deux ans d'exposition. Par ailleurs, il est admis que la pioglitazone est un promoteur du cancer dont les premières cellules cancéreuses apparues sont liées essentiellement au tabac et à des substances cancérigènes contenus dans certaines peintures (dont on me dit qu'elles sont retirées du marché).

Le rapport. Je vais prendre 4 exemples montrant la qualité du rapport de la CNAM, son sérieux et sa véracité scientifique.
  1. Comment sont attestés les cancers de vessie incidents (page 11 du rapport) : Les cas incidents de cancer de la vessie ont été identifiés par les hospitalisations rapportées dans le PMSI avec un diagnostic principal ou relié de cancer de la vessie et dans le même séjour un acte chirurgical traceur lourd et/ou une instillation vésicale d'agent pharmacologique par cathétérisme urétral et/ou une chimiothérapie et/ou une radiothérapie (tableau I)
  2. Comment sont attestés les patients ayant reçu de la pioglitazone (page 18 du rapport) : L’exposition à la pioglitazone est décrite comme suit : au moins deux délivrances au cours d’une période de 6 mois entre 2006 et 2009. L’exposition a été codée comme une variable unidirectionnelle dépendante du temps : un patient est considéré comme exposé à partir du 4ème mois calendaire après la première délivrance et jusqu’à la fin du suivi.
  3. Comment sont attestés les patients fumeurs (page 19 du rapport) et là, on touche au sublime : Par ailleurs, l’exposition au tabac n’étant pas directement mesurable dans les bases de données, la comparabilité des groupes pour ce facteur a été mesurée : 1. par la comparaison des taux d’incidence dans les deux groupes exposés et non- exposés de l’incidence du cancer du poumon et des cancers ORL qui constituent des marqueurs de l’imprégnation tabagique de chaque groupe
    2. par un indicateur prenant en compte la consommation de médicaments de la bronchopathie chronique obstructive en 2006 et/ou une hospitalisation avec un codage de tabagisme. Pour la consommation médicamenteuse on retenait au moins trois dates de délivrance différentes en 2006 de Combivent® ou de Spiriva® dont les indications sont traitement bronchodilatateur continu destiné à soulager les symptômes des patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Pour les hospitalisations les codes CIM10 spécifiques enregistrés dans le PMSI entre 2006 étaient pris en compte (tableau IV).
  4. Sans oublier le facteur confondant suivant, la situation sociale (sic) (page 19 du rapport) : De plus la situation sociale est un déterminant de cancer, le taux de couverture à la couverture malade universelle complémentaire (CMUc) chez les personnes de moins de 60 ans a été comparé entre les groupes. D’ailleurs les ALD liées à la consommation tabagique sont plus fréquences chez les personnes titulaire de la CMUc [21].
Ainsi, selon le bon vieux principe que la multiplication des à peu près corrige l'erreur globale, le rapport conclut avec force (mais peut-être pas avec la robustesse souhaitée) : L’analyse de cette cohorte de 1,5 million de patients diabétiques suivis en France entre 2006 et 2009 conforte l’hypothèse de l’existence d’une association statistiquement significative entre l’exposition à la pioglitazone et l’incidence du cancer de la vessie. et passez muscade. Grâce à cet attrape nigaud rigolo, l'AFSSAPS est la première agence qui suspend la pioglitazone (bientôt suivie par l'agence allemande) et la base de données de la CNAM devient une référence universelle.

On l'aura compris, cette étude souffre de défauts majeurs : pas d'anatomopathologie pour les cancers de vessie ; peu d'éléments concernant l'exposition véritable des patients à 24 mois de pioglitazone (aucun élément sur l'observance et a fortiori sur les dosages sanguins) ; l'exposition au tabagisme est "mesuré" de la façon la plus farfelue qui soit sans éléments rétrospectifs (nombre de paquets/ années), utilisation de critères de gravité sans commune mesure avec la banalité du tabagisme (nombre de cancers du poumon et ORL), corrélation avec la prise de médicaments utilisés dans la BPCO (Combivent et Spiriva) dont on connaît la surutilisation en dehors de l'AMM et des pathologies liées possiblement au tabac.

Mais le rapport a réponse à tout (il faut lire la discussion pour s'en convaincre).

Je comprends un peu mieux que la FDA ait été plus prudente.

Je voudrais terminer en disant ceci : je n'ai jamais initié de traitement par actos ou competact.

Je me moque comme d'une guigne de la suspension de la pioglitazone par l'AFSSAPS.

Je suis atterré par le niveau scientifique de l'Agence qui ne pourrait pas faire de publication dans une revue ayant un Comité de Lecture indépendant.

(Photographie : la CNAMTS a tordu les cuillers de pioglitazone grâce à la technique d'Uri Geller)

Addendum du 31 mars 2016 : Une étude canadienne de cohorte confirme que la pioglitazone entraîne un sur risque de cancer de vessie (et non avec la rosiglitazone). ICI L'étude CPAM n'est pas citée mais ils avaient raison avant tout le monde.... Hum...

Erratum du 13 mai 2016 : L'étude canadienne cite l'étude de la CPAM comme le dit un commentateur de ce jour : "En réponse à l'addendum du 31 mars 2016: ben si l'étude CNAM est citée, référence 5


Neumann A, Weill A, Ricordeau P, Fagot JP, Alla F, Allemand H. Pioglitazone and risk of bladder cancer among diabetic patients in France: a population-based cohort study. Diabetologia2012;55:1953-62. doi:10.1007/s00125-012-2538-9 pmid:22460763.

Elle a d'ailleurs été publiée dans un journal avec IP correct, Diabetologia, la deuxième revue avec le plus fort IP en diabétologie.

A bon entendeur.
" Petit commentaire associé : l'IP "correct" de Diabetologia est un avis d'expert.

PS du 26 décembre 2016 : un essai rétrospectif infirme l'essai de la CNAMTS : ICI
Mais c'est un essai labo !

jeudi 16 juin 2011

Dépassements d'honoraires : madame A attend un enfant. Histoire de consultation 86.


Madame A, 25 ans, débarque pour la première fois au cabinet alors qu'elle est enceinte de 5 mois. Je passe sur les détails de ce qui l'amène (des jambes lourdes dont une phlébologue avisée a dit "Qu'il ne s'agissait pas des veines."), pour ceci : elle me demande, nouvelle arrivée en ville, où elle peut accoucher et si l'hôpital de Mantes... Je la rassure, et cetera, et cetera, la conseille et patali et patalo.
"Où aviez-vous prévu d'accoucher ? - A l'hôpital de Snob City parce que je ne pouvais suivre mon gynécologue qui fait les accouchements à Chic City et il me demandait des dépassements d'honoraires. - Ah oui... - Ben, 300 euro pour un accouchement normal, 500 pour une péridurale et 700 pour une césarienne."
Je ne cite pas la clinique de Chic City car je n'ai aucune preuve, il s'agit des déclarations d'une patiente, charmante au demeurant, que je vois pour la première fois. Mais je me demande bien pourquoi elle aurait affabulé.
Ainsi, j'imagine que le gentil gynécologue choisit le mode de délivrance en fonction d'un questionnement EBM et que le prix des dépassements n'intervient pas dans la décision partagée qu'il prend avec sa future parturiente.
Est-ce que le facteur dépassement d'honoraires est pris en compte dans le nombre des césariennes effectuées en France ?

Oh ! combien de gamins, combien de capitaines,
Qui sont partis joyeux vers des couches amènes...
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !

Doc Gyneco (d'après Victor Hugo).

mardi 14 juin 2011

Mademoiselle A attend un enfant. Histoire de consultation 85


Mademoiselle A, 27 ans, est enceinte de quatre mois. Son compagnon est père d'une fillette de six ans. Je lui demande comment cela se passe avec la "belle fille". Très bien, me répond elle sans hésiter. Je n'en crois pas un mot mais je prends l'air du médecin satisfait d'une réponse qu'il attendait. Nous avons déjà abordé le problème de la vie commune avec un homme plus âgé qu'elle qui a déjà une enfant qu'il verra un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Cela fait 27 ans que je connais Mademoiselle A. Une paie, quand même.
Donc la gamine n'est pas jalouse et je ne pose pas la question suivante : "Et toi, tu n'es pas jalouse de la petite ?" Je ne voudrais pas que l'observateur infère avec le milieu qu'il est en train d'étudier. Mais cela me retombera sur le nez quand elle me parlera, dans quelques années, ou dans quelques mois, de cette terrible jalousie qui est tombée sur les deux femmes.
Mademoiselle A a quelque chose d'important à me dire : "C'est la chatte qui est jalouse. - La chatte ? - Elle me colle le ventre, elle s'enroule autour de moi. - Ah... - Mais surtout (continue Mademoiselle A avec un sourire qui précède ce qu'elle va me dire) elle fait une grossesse nerveuse... - Non ? - Si, elle a le ventre qui gonfle depuis trois semaines. Le véto nous a dit qu'elle n'était pas grosse, d'ailleurs, elle est trop vieille. C'est vraiment une grossesse nerveuse, c'est décrit chez les chattes..."
J'imagine la chatte de Mademoiselle A penchée sur l'épaule de sa maîtresse en train de lire Psychopathologie de la vie quotidienne, et se demandant ce qui pourrait être le plus signifiant pour faire connaître sa jalousie...

samedi 11 juin 2011

La FDA alerte sur Proscar et Avodart : à éliminer !


La FDA annonce dans un communiqué (ICI) le changement des mentions légales des inhibiteurs de la 5 alpha reductase incluant Proscar et Avodart (finasteride et dutasteride).
Ces mentions légales avertissent désormais du risque accru qu'un cancer de la prostate de haut grade soit diagnostiqué sous ces traitements.

Rappelons que la seule indication de ces produits était le traitement symptomatique de l'hypertrophie bénigne de prostate. La FDA n'a jamais approuvé l'indication "réduction du nombre de risques de cancers de la prostate" pour Proscar (finasteride) ou Avodart (dutasteride) mais cet argument a largement été avancé par les deux firmes commercialisant les deux produits. Et de nombreux articles ont été publiés en ce sens (307 publications dans PubMed).

Pour ce qui est de son indication princeps, à savoir améliorer la symptomatologie fonctionnelle (i.e. I-PSS) en réduisant la taille de la prostate, je n'ai jamais été convaincu de l'efficacité de la finasteride (la molécule la plus étudiée) et j'ai même toujours été surpris que la diminution par deux du taux de PSA ne pose aucun problème aux tenants du dépistage à tout crin du cancer de la prostate... Sans compter (expérience interne) que les effets de la finasteride sur la puissance masculine n'étaient ni anodins ni rares...

Quoi qu'il en soit, la communication de Merck and Co, insistait sur la coprescription de la finasteride avec un alpha-bloquant (pour masquer l'inefficacité clinique de sa molécule et pour tenter de masquer les effets indésirables sur l'érection) et sur la possible possibilité de diminuer l'incidence des cancers de la prostate.

Et voilà que l'on apprend que, non contents d'être peu efficaces sur la symptomatologie fonctionnelle, non contents de modifier le taux de PSA de façon aléatoire, et incapables de ne rien prouver sur la prévention des cancers de la prostate, les inhibiteurs de la 5 alpha réductase entraîneraient l'apparition de cancers de la prostate de haut grade !

On voit ici que l'imposture de ces molécules est désormais totale.
Merck and Co est une firme influente qui peut se permettre de faire publier pratiquement n'importe quoi dans la plus grande revue américaine, le New England Journal of Medicine, ce qu'ils ne se sont pas privés de faire avec Proscar (et Vioox également dont on connaît la saga médicale et judiciaire, et Fosamax alendronate et Zocor simvastatine), pour des raisons de proximité géographique (Merck and Co est installé dans le New jersey), de proximité académique (la firme "arrose" les plus grands centres américains dont la prestigieuse faculté de Harvard qui est située non loin du siège du NEJM), de proximité économique (Merck and Co est une des plus grosses valorisations de Wall Street), et cetera, et cetera...

Mais plus encore : la stratégie de Merck and Co a été d'une exemplaire filouterie.
  1. Story telling malin avec une enzyme (la 5 alpha reductase), un concept parlant "Shrink the prostate" (réduire la prostate) et des résultats cliniques peu évidents
  2. Masquer les effets indésirables sur la puissance masculine en les noyant dans le bruit de fond de développements annexes comme la réduction des saignements post prostatectomies
  3. Faire croire que la baisse de moitié du taux de PSA pourrait être un avantage pour la prévention des cancers de prostate
  4. Développer des essais de prévention de la Rétention Aiguë d'Urine
  5. Imposer l'association thérapeutique avec un alpha bloquant pour masquer l'inefficacité clinique de la molécule
Mais surtout : Merck and Co a pratiqué le doute et le confusionnisme en associant de façon incongrue l'hypertrophie bénigne de prostate et le cancer de la prostate ; en laissant croire que l'on pouvait prévenir des cancers alors qu'ils n'auraient pas été "graves" (comme les urologues opèrent des cancers qui ne sont pas malins) ; et en permettant que des cancers de haut grade puissent se développer (ce qui n'était pas prévu).
Il s'agit donc d'un double Disease Mongering : sur l'hypertrophie bénigne de prostate et sur le cancer de la prostate. Sans oublier la calvitie...

L'urologie ne s'est pas grandie, encore une fois, dans cette affaire en acceptant le story telling de Merck and Co et en marchant dans toutes les combines associées.
Pas fameux, tout cela.

PS (du deux avril 2015 : un article sur le propecia : ICI)

vendredi 10 juin 2011

La double peine de Madame A. Histoire de consultation 84


Madame A, 56 ans, est femme de ménage. Elle vient consulter pour des "mal de dos" qui s'avèrent être des lombalgies communes. L'histoire pathologique est classique : je n'y reviens pas. "Pas d'arrêt de travail ? - Pas d'arrêt de travail." Mais une lettre pour le médecin du travail de la Territoriale (elle travaille pour le Conseil Général).
Nous discutons de choses et d'autres, je lui demande des nouvelles de ses enfants, de ses petits-enfants, du moins ceux que je connais : le médecin de la famille A ne peut pas plaire à toutes les belles-billes ou gendres.
Madame A n'a jamais eu une existence très heureuse, enfin, c'est elle qui me l'a toujours dit, et je n'ai jamais eu la version de son mari qui n'en parlait jamais. Rappelez-vous que je pose peu de questions et que je n'engage les discussions qui, au lieu d'effleurer la surface des individus, s'enfoncent comme des forets dans le cerveau ou ailleurs, que si le patient ou la patiente en expriment le désir.
J'apprends ceci : le mari de Madame A, plus âgé qu'elle de dix ans, en retraite, fait de longs séjours au pays (de l'autre côté de la Méditerranée), trois à six mois par an, et s'y trouve très bien. Il appelle peu la France et s'inquiète peu de ses enfants et de ses petits-enfants (c'est elle qui le dit).
Je pense bien entendu à ce que tout le monde pense et Madame A, bien qu'elle sache que j'exerce depuis plus de 30 ans dans le coin, que je connais sa famille et de nombreuses autres familles alentour, ne se doute pas que je sais un peu ce qui se passe.
Monsieur A a pris femme de l'autre côté de la Méditerranée.
Madame A, cinq enfants, a commencé à travailler assez tardivement.
Ce n'était pas un mariage d'amour.
Elle a été mariée à 16 ans.
Elle a eu son premiers fils à 17.
Puis elle est arrivée en France.
Elle s'en est sortie avec vaillance. Son mari travaillait dur dans l'automobile sur des chaînes de montage qui n'étaient pas aussi automatisées, protégées, surveillées et... propres qu'elles ne le sont maintenant (n'allez pas croire que je pense que travailler à la chaîne est devenu aussi facile que de faire des photocopies à la Territoriale). Le logement était petit. Les appareils ménagers moins fréquents. Les facilités plus difficiles.
Puis elle s'est mise à travailler.
Je résume : le travail, les enfants, le mari, la dure condition des femmes qui sont peu aidées par leur mari qui ne comprend même pas qu'il pourrait donner un coup de main et une femme qui ne se plaint pas, qui agit, qui frotte, et cetera (je glisse vers la bien pensance à une vitesse effrénée).
Maintenant que les enfants sont élevés, qu'il y a une certaine "aisance", Madame A conduit sa petite voiture, s'habille de façon pimpante, elle se retrouve seule à la maison et son mari, celui qu'elle n'avait pas choisi, s'est marié à la mode musulmane avec une jeunesse de 25 ans ! Mais il n'en a rien dit à sa femme qui l'a appris par la bande, une vantardise d'une cousine de la famille de son mari.
J'interroge quand même Madame A : elle dit s'en moquer, elle n'est pas amère, elle prend les choses comme elles viennent. C'est ce qu'elle dit mais elle sourit en le disant, il faut donc que je la croie, ou il me plaît de faire semblant de la croire.
Madame A fait partie de ces femmes maghrébines qui, selon Rachid Taha, se sont fait violer le soir de leur mariage, et qui, le soir venu (de leur vie), se font faussement plaquer par leur mari qui va en violer une plus jeune de l'autre côté de la Méditerranée (ou de l'océan).
La double peine, vous dis-je.
Mais, je le répète, je suis plus triste, en cette fin de consultation, que Madame A qui me sourit, reprend sa carte vitale, se saisit de son ordonnance et me dit à bientôt.
A bientôt.

(photographie du chanteur Rachid Taha)

jeudi 9 juin 2011

La FDA alerte sur la simvastatine !


La FDA vient de publier un communiqué d'alerte (ICI) sur l'utilisation de la simvastatine (Zocor). (la simvastatine est aussi contenue en France dans le produit Inegy (ezetimibe plus simvastatine 20 ou 40 mg)), communiqué qui me rend perplexe car, si je connaissais les dangers des statines en général au point de doser, notamment dans les populations d'origine africaine, les CPK avant toute prescription, je ne connaissais pas la gravité potentielle des interactions avec d'autres molécules.

Que dit ce communiqué ?
  1. Ne pas cesser le traitement par simvastatine 80 mg si les patients sont traités depuis plus de 12 mois sans preuve de toxicité musculaire
  2. Ne pas initier de nouveaux traitements avec simvastatine 80 mg
  3. Donner d'autres molécules aux patients qui n'atteignent pas les objectifs de LDL cholestérol sous simvastatine 40
  4. Suivre les recommandations des AMM concernant les autres produits qui peuvent entraîner des risques d'atteinte musculaire en coprescription avec la simvastatine : Contre-indiqués : itraconazole, ketoconazole, posaconazole, erythromycine, clarithromycine, telithromycine, inhibiteurs des protéases (HIV), nefazodone, gemfibrozil, cyclosporine et danazol ; NE PAS DEPASSER 10 mg par jour de simvastatine en coprescription avec amiodarone, verapamil et diltiazem et ne pas oublier de ne pas les prescrire avec INEGY qui contient plus de 10 mg de simvastatine ! NE PAS DEPASSER 20 mg par jour de simvastatine avec amlodipine et ranozaline
  5. Changer le traitement d'un patient qui aurait besoin d'une molécule qui interagirait avec la simvastatine
  6. Rapporter les effets indésirables.
Ces instructions sont données à partir des résultats d'un essai (SEARCH) qui comparait simvastatine 80 vs simvastatine 20 en post infarctus (ICI).

Bon, n'oubliez pas que les atteintes musculaires peuvent aussi se produire en buvant du jus de fruit.

Il ne nous reste plus qu'à savoir s'il s'agit d'un effet de classe, les statines, ou d'un effet lié à la seule simvastatine.

Trois conseils (avis d'expert) : 1) prescrire des statines n'est pas anodin et de nombreux articles indiquent que la prescription chez des patients sans facteurs de risque a un faible effet préventif mais je vous citerai celui de la Revue Cochrane (ICI) qui est particulièrement dubitatif (je vous propose de lire le résumé en anglais à la fin de ce post) ; 2) doser les CPK avant de prescrire des statines ; 3) les cardiologues ont tendance à croire que le moins (de cholesterol) est magnifique avec (toujours) plus de statine, ce qui n'est pas toujours vrai, d'une part parce qu'il ne faut pas traiter des patients sur des valeurs tirées d'essais rétrospectifs et, d'autre part, parce que le niveau de cholestérol est un indicateur parmi d'autres des risques cardiovasculaires.

On attend avec impatience les réactions de l'AFSSAPS (qui vient de retirer du marché la pioglitazone, Actos, Competact) et de l'EMEA.

Pour ce qui est des squalènes, on attend encore (pandemrix et narcolepsie pour ceux qui ont oublié).


Revue Cochrane

Statins for the primary prevention of cardiovascular disease

Cardiovascular disease (CVD) is ranked as the number one cause of mortality and is a major cause of morbidity world wide. Reducing high blood cholesterol which is a risk factor for CVD events is an important goal of medical treatment. Statins are the first-choice agents. Since the early statin trials were reported, several reviews of the effects of statins have been published highlighting their benefits particularly in people with a past history of CVD. However for people without a past history of CVD (primary prevention), the evidence is less clear. The aim of this systematic review is to assess the effects, both in terms of benefits and harms of statins for the primary prevention of CVD. We searched the Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE and EMBASE until 2007. We found 14 randomised control trials with 16 trial arms (34,272 patients) dating from 1994 to 2006. All were randomised control trials comparing statins with usual care or placebo. Duration of treatment was minimum one year and with follow up of a minimum of six months. All cause mortality. coronary heart disease and stroke events were reduced with the use of statins as was the need for revascularisations. Statin treatment reduced blood cholesterol. Taking statins did not increase the risk of adverse effects such as cancer. and few trials reported on costs or quality of life. This current systematic review highlights the shortcomings in the published trials and we recommend that caution should be taken in prescribing statins for primary prevention among people at low cardiovascular risk.