dimanche 9 octobre 2011

Une femme "bien" suivie par un spécialiste qui a ses propres recommandations. Histoire de consultation 98.


Madame A, 45 ans, est venue consulter hier matin pour obtenir un certificat médical. Elle fait de la gymnastique aquatique dans une piscine à côté de son travail.
Cette patiente n'est pas inscrite sur ma liste et je "suis" ses enfants de façon distraite dans la mesure où ils ne sont jamais malades, je "fais" les vaccinations obligatoires, certes, je les mesure, les pèse une fois tous les deux ou trois ans. Rien de plus.
Il faudrait en faire des tonnes sur les certificats.
Je m'abstiens : c'est une source de revenus mais surtout une occupation de mon cabinet par des patients qui n'ont rien à y faire.
Vous voulez des détails ? Ce n'est malheureusement pas le sujet de ce post. Nous pourrons y revenir. Disons que mon sentiment est le suivant ; ces certificats m'emmerdrent et ne servent pas à grand chose. Le problème vient du "pas à grand chose" et de leur signification. Eliminons les enfants pour lequel il est également possible d'en écrire des tonnes. Pour les adultes, ces certificats sont de la merdre. Ils ne veulent rien dire et ne sont capables que d'une seule chose : nous attirer des emmerdres s'il se passe quelque chose. Dans le temps, je faisais du cinéma. Maintenant, j'en fais le moins possible et j'explique pourquoi. Une autre fois pour vous pour les explications.
Toutes les fédérations de sport demandent un certificat, même la fédération de pétanque (je conseille d'ailleurs le casque, au cas où), c'est, semble-t-il, la loi. Je n'en sais rien. J'ai d'autres choses plus importantes à faire.
J'ai failli afficher un avis dans ma salle d'attente dans le style :
Les certificats de non contre-indication au sport sont payants.
Et non remboursés par la sécurité sociale.
Mais je me suis dit que j'allais bousiller ma clientèle. Ce qui, en ces périodes d'engorgement des consultations, est pourtant une tâche très difficile.
Et que les internautes ne viennent pas me sortir l'étude italienne qui montre... C'est une étude bidon.
Revenons à Madame A qui travaille à Paris dans un milieu où tout le monde connaît la médecine et les bons médecins (en secteur 2 suractivé) qui font la bonne médecine.
Je lui explique ma rengaine sur les certificats.
Je ne néglige pourtant pas le fait, désolé, je dois parler de moi de façon non "Closer", je n'ai pas de coming out à faire, je ne collectionne pas les timbres, je n'ai pas de grossesse à annoncer, ni d'ailleurs de médecin maltraitant à dénoncer, que je sais ce que sont les séances de gymnastique aquatique à la piscine Montbauron de Versailles : des séances dures. Les femmes que j'y vois sortent de là épuisées et il n'est pas clair que ces femmes, pour les unes obèses, pour les autres déjà mûres, soient très préparées à des séances aussi rudes...
Comme je ne suis pas son médecin traitant, et tandis que je lui prends la pression artérielle, que je lui écoute son coeur, je lui demande quand même son statut vis à vis de son gynécologue, parisien cela va de soi, en secteur 2, très cher pour elle, et de son mammographiste, en secteur 2 également, le copain de la gynécologue et qui ne peut s'empêcher, outre les dépassements d'honoraires, et elle me dit qu'il lui fait faire un frottis tous les ans et une mammographie tous les deux ans...
Je la regarde de façon ahurie (est-ce une attitude de médecin maltraitant wincklérien ?) et lui raconte ce que dit l'Etat de l'Art actuellement : ICI et LA.
Elle me regarde comme une marquise jette un oeil sur une bergère qui lui dit lire Kierkegaard dans le texte. Je lui montre rapidement, il faut toujours être rapide, les références sur mon écran et elle pense.
Elle en profite pour me demander ce que je pense du vaccin gardasil pour sa fille de douze ans car sa gynécologue est très pour.
Je lui dis ce que je pense de Gardasil avec le tact qu'on me connaît et mon expérience inoubliable de médecin généraliste non spécialiste en secteur 1 (ICI).
Désormais, chaque fois que je m'adresse à un (e) malade, je vais me référer au feuilleton maltraitant de ce bon Winckler (ICI), inquiet d'être un coupable ontologique, putatif et en puissance de maltraitance, et me poser des questions existentielles sur mon rôle pervers potentiel dans "mon" cabinet. Mais comme je n'ai pas attendu Winckler pour les questions de ce genre, je pense aussi à Freud, Balint, Illich, Girard (René), et d'autres comme Dupuy, Kundera et... Roth.
C'est un exemple, une histoire de chasse ?, de ce que peut être la médecine de spécialité... détachée des recommandations et autres références... que nous savons critiquables par ailleurs...

(Crédit photographique : ICI)

jeudi 6 octobre 2011

Le professeur Bégaud publie dans Sciences et Avenir.


Le professeur Bégaud en avait assez de ronronner dans son bureau. Il a voulu faire un coup. Avant même que son article ne soit publié il a donné les bonnes feuilles à Sciences et Avenir (ICI) qui, est-ce étonnant ?, a fait son travail de journalisme, c'est à dire interpréter les faits et en fournir la substantifique sensationnalité. Le professeur Bégaud est naïf : il croyait encore vivre dans une autre époque, celle où l'information circulait mal, où l'information pouvait être donnée sans que personne ne s'en empare, mais, vous me direz, et vous pouvez le dire, les choses ont peu changé quand on voit comment a été menée l'affaire A/H1N1 et comment est menée l'affaire Mediator.
Quoi qu'il en soit le professeur Bégaud a été imprudent. Il a dû, dare dare, faire machine arrière et indiquer dans un communiqué repentant qu'il n'y avait pas de causalité démontrée entre l'Alzheimer et les benzodiazépines... Voir ICI.

"Il n'y a pas de lien de causalité directe démontré", a-t-il dit sur France Info. "Il n'a jamais été démontré qu'ils entraînaient directement Alzheimer."

Le Pr Bégaud a critiqué jeudi la présentation de Sciences et Avenir - qui titre "Ces médicaments qui favorisent Alzheimer" - en soulignant que ces projections étaient à mettre au conditionnel.

Le professeur Bégaud est un des pontes, experts, papes, références, et indéboulonnables, de la pharmacovigilance française, et je dirais même plus, de la pharmacovigilance à la française. Il a tout vu, tout entendu et il n'a rien dit.
Il n'est pas étonnant d'ailleurs que les nouveaux parangons de la vertu, c'est à dire le professeur Maraninchi (de l'AFSSAPS) et le professeur Even (ex de l'AFSSAPS), aient salué son étude comme remarquable dans l'émission C dans l'Air (ICI). L'ont-ils lue ? J'en doute. Ils l'ont saluée car cela va dans le sens de l'histoire de la mystification, c'est à dire faire peser sur les médicaments les failles de notre système. Comme le souligne Marc Girard sur son blog (LA), les moyens de régler la question du Mediator et d'autres produits existaient depuis belle lurette sur le plan réglementaire, mais le nouveau Maraninchi (qui, durant l'émission n'a cessé de taper sur l'industrie pharmaceutique, c'est à la mode, il a dû se convertir violemment derrière un pilier de la Basilique de Saint-Denis) dit qu'avec de nouvelles lois, nouvelles circulaires, nouveaux décrets, et cetera, et cetera, cela sera possible.
Je voudrais rappeler aux naïfs que le professeur Bégaud a signé en 1996 avec le professeur Abenhaim (devenu ensuite directeur de la DGS pour qu'il continue de se taire) un article dans le New England Journal of Medicine (LA), cet article montrant clairement la responsabilité des fenfluoramines dans la survenue d'atteintes valvulaires cardiaques (voir l'analyse remarquable de Marc Girard).


Appetite-Suppressant Drugs and the Risk of Primary Pulmonary Hypertension

Lucien Abenhaim, M.D., Yola Moride, Ph.D., François Brenot, M.D., Stuart Rich, M.D., Jacques Benichou, M.D., Xavier Kurz, M.D., Tim Higenbottam, M.D., Celia Oakley, M.D., Emil Wouters, M.D., Michel Aubier, M.D., Gérald Simonneau, M.D., and Bernard Bégaud, M.D. for the International Primary Pulmonary Hypertension Study Group

N Engl J Med 1996; 335:609-616August 29, 1996


Or, ensuite et depuis : rien.
Le 26 août 1999 le professeur Abenhaim a été nommé Directeur Général de la Santé et j'imagine qu'à ce poste prestigieux où ses compétences ont été mondialement reconnues (voir la notice Wikipedia en anglais qui a dû être écrite par un de ses amis où l'on retrouve cette perle : He is recognised as one of the greatest French General Director of Health (Surgeon General).), il ne pouvait rien faire, il ne pouvait pas (il devait manquer de circulaires administratives, de décrets d'applications et autres) demander l'interdiction du Mediator... alors qu'il s'agissait du frère jumeau de l'Isoméride...
Quant au professeur Bégaud, qu'a-t-il fait de plus ?
On le voit, dans le reportage de C dans l'Air parader dans un bureau au côté d'une secrétaire avec, dans le fond, une bibliothèque quasiment vide, allégorie évidente sur son manque d'intentions dans l'affaire Mediator.
Nous attendons donc avec impatience la publication dans une revue avec Comité de Lecture et comme annoncé.

Quelques remarques maintenant concernant l'Alzheimer et les benzodiazépines :
  1. L'apparition et la propagation fulgurantes de la maladie posent des questions. S'agit-il d'un simple effet du disease mongering ? Nous n'y croyons pas. S'agit-il d'un simple effet du vieillissement de la population ? Pas plus. Existe-t-il des facteurs environnementaux ? Pourquoi pas ? S'agit-il d'un effet des psychotropes en général ? L'hypothèse est séduisante. S'agit-il d'un virus ? Probablement exclu. Vers où aller ?
  2. Les benzodiazépines, mais pas seulement, entraînent des troubles de la mémoire : tous les psychotropes au sens large, dont les antalgiques opioïdes (tramadol), peuvent être impliqués : pourquoi se focaliser uniquement sur les benzodiazépines ?
  3. Le problème central est l'excès de prescriptions chez les personnes âgées. Et pas seulement les psychotropes. Tout le monde sait, même les non experts, que les personnes âgées ont un rein et un foie qui fonctionnent moins bien, qui métabolisent moins bien, qui filtrent moins bien et que leurs autres organes sont de même, vieillis, tout le monde sait aussi que les médicaments sont co-prescrits aux personnes âgées symptôme par symptôme par le médecin généraliste, spécialiste par spécialiste et que le généraliste est souvent mis devant le fait accompli par lui et par les autres. Et ainsi les consultations de médecine générale, les visites de médecins généralistes, les consultations spécialisées, les foyers-logements non médicalisés ou partiellement médicalisés, les EHPAD, les établissement de moyen séjour, les établissements de long séjour, sont remplis de symptômes traités les uns après les autres, et les symptômes traités dépendent des "compétences" des médecins généralistes, des médecins spécialistes et des médecins coordonateurs quand il y en a et que ce mille-feuilles, ce patchwork thérapeutique est inextricable, difficile à démêler et difficile à interrompre (bien qu'il y ait des ouvertures comme nous l'avons vu ICI).
  4. L'hypothèse de Bégaud pourrait avoir un semblant de validité si les patients atteints d'Alzheimer étaient plus nombreux en France que dans les pays où l'on prescrit, dit-on, moins de psychotropes, et en proportion de cette surprescription. Que disent les chiffres ?
  5. La critique des prescripteurs est fondée mais facile. Les recommandations des spécialistes des agences pour arrêter les somnifères tiennent du délire : faire du vélo, faire l'amour, avoir une vie saine. les recommandations concernant l'arrêt des anxiolytique tiennent du bon sens mais on sait depuis longtemps que le bon sens est le plus mal partagé du monde et qu'il n'est ni bon conseiller ni synonyme de vérité. Les prescripteurs, que nous ne voulons surtout pas exonérer de leurs responsabilités, sont dans un système social qui broie les individus. Au lieu de se poser des questions sur le pourquoi du comment des prescriptions (qui est responsable : big pharma ou les prescripteurs et vice versa), il faudrait se poser des questions sur la société qui entraîne ces troubles. Il faudrait comme le dit Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain. Paris. Le Seuil 2002) analyser pourquoi "La médecine est devenue l'alibi d'une société pathogène."
  6. Un petit détour par Ivan illich serait le bienvenu. Un court détour... Rappelons ici la critique essentielle d'Illich (que l'on peut retrouver dans le livre Némésis médicale. L'expropriation de la santé. Paris. Le Seuil 1965) est, selon lui, la contre-productivité sociale de la médecine : "Avec l'industrialisation du désir, l'Hybris est devenue collective et la société est la réalisation matérielle du cauchemar. (...) Anonyme, insaisissable dans le langage de l'ordinateur, Némésis s'est annexé la scolarisation universelle, l'agriculture, les transports en commun, le salariat industriel et la médicalisation de la santé." Cette médicalisation de la santé a été intériorisée et a aussi permis l'intériorisation de l'aliénation fondamentale : les citoyens, devenus patients ou malades, anxieux, dépressifs, mal dans leur peau, sont devenus incapables d'analyser la situation comme un dysfonctionnement de la société et leur anxiété / dépression comme la conséquence de leur refus de s'adapter à ces situations parfois insoutenables ; les citoyens, quand ils vont mal, acceptent la contre-productivité sociale et recherchent en eux ce qui ne va pas. Et ainsi la prescription de psychotropes, par exemple, n'est qu'un effet de la surmédicalisation et fait croire à tout le monde, soignants comme soignés, qu'il faut encore plus de médecine pour y arriver, ce qui est bien entendu le contraire (voir pour cette partie Jean-Pierre Dupuy, livre cité pp 54 - 55).
  7. Et ainsi la boucle se boucle-t-elle : l'inflation médicale, la surmédicalisation de la santé, aboutissent non seulement à ce que l'on recherche des causes de l'Alzheimer, qui est quand même une démence, liées à des médicaments prescrits à des patients qui vont mal par des médecins qui sont désemparés, mais à ce que l'on prescrive aussi des médicaments inefficaces et eux-aussi psychotropes, les anti Alzheimer, et, là, pour le coup, potentiellement dangereux, tandis que l'on promeut des techniques non médicamenteuses mais éminemment médicales qui n'ont pas non plus fait la preuve de leur efficacité et pas moins la preuve de leur innocuité. Quant aux placements des personnes âgées dépendantes dans des maisons anxiogènes et dépressogènes, il ne faut pas s'étonner non plus qu'il conduise au fait que les personnes aillent plus mal...
  8. A ceci près, et il s'agit de mon expérience interne, que le traitement de la dépression et / ou de l'anxiété chez les personnes âgées devrait être prescrit à bon escient (comme dans de nombreuses pathologies, dont le cholestérol par exemple, trop de malades sont traités à tort et trop de malades qui devraient être traités le sont mal et / ou pas assez) et éviter que l'on parle d'Alzheimer devant une désorientation iatrogène...
  9. A ceci près que les tableaux confus et / ou anxiodépressifs ont tendant à être étiquetés Alzheimer contre toute évidence clinique, c'est à la mode et c'est plus facile que de dé-prescrire et, a fortiori, de dé-médicaliser, ce qui reviendrait à critiquer ce qui a été fait auparavant au nom de la douleur zéro, de la souffrance zéro, de la vie indolente et immortelle.
Nous sommes loin du professeur Bégaud qui publie désormais dans Sciences et Avenir.
Mais s'il avait raison...

(Je rajoute ce jour deux posts parus sur la blogosphère médicale : Atoute et Flaysakier).

lundi 3 octobre 2011

Un test, un bisou : un scandale banal.


J'en avais déjà parlé ICI mais cela commence à me gonfler grave ! Y a-t-il une autorité qui pourrait interdire cette publicité débile qui s'appelle Un test, un bisou (voir LA) et qui est promue par Life Scan One Touch, une division de Johnson and Johnson ?

Au moment où la CPAM limite le remboursement à 200 bandelettes par an pour les diabétiques de type II alors qu'elle aurait dû, au contraire, interdire les auto-contrôles glycémiques qui n'ont aucun intérêt dans le suivi de ce genre de patients. Toutes les études le démontrent dont celle-ci.

Mais tout le monde s'en fout.

Le professeur Allemand a d'autres chats à fouetter.

Il faut le savoir.

Monsieur Van Roekeghem a d'autres économies à faire.

Ras le bol.

samedi 1 octobre 2011

A quoi sert un blog médical ? Auto web 2.0


La multiplication des blogs écrits par des médecins n'est pas étonnante : pourquoi cette partie de la population aurait-elle moins de choses à dire que les charcutiers, les collégiens ou les banquiers ? Mais cela sert à quoi ?
Cet aspect utilitaire de la question peut paraître inutile quand on sait que la majorité des bloggers postent pour satisfaire leur ego...
Je voudrais ici rapporter les raisons que j'ai identifiées et qui me paraissent être le moteur de la publication de posts.
  1. J'existe
  2. J'ai des choses originales à dire sur ma pratique
  3. Je suis le plus beau (la plus belle) et le (la) plus intelligent (e)
  4. Je suis plus fort (e) que les médecins qui exercent autour de moi : ils n'examinent pas leurs malades, ils font des ordonnances trop longues, ils ne savent pas leur parler, ils en font trop, ils n'en font pas assez
  5. Je pense que les spécialistes d'organes sont des crétins qui ne s'intéressent qu'à l'organe, qui n'ont aucune humanité, qui ne pensent qu'aux congrès bidons au soleil, aux invitations au restaurant...
  6. Personne n'ose le dire mais les médecins généralistes (spécialistes en médecine, ah, ah, ah) sont généralement des crétins finis qui n'y connaissent rien et qui prescrivent à tort et à travers dans le seul intérêt de maintenir leur clientèle et non de vouloir son bien
  7. Je suis fier (fière) d'affirmer que les médecins généralistes remplacés ne s'occupent pas de leurs malades, ne tiennent pas leur dossier, font du clientélisme, sont abonnés au Quotidien du Médecin, reçoivent la visite médicale, ne lisent jamais rien, font du fric...
  8. Je fais, outre mon métier, de l'auto-fiction en parlant de ma grossesse, de mes épousailles, de ma femme qui est AS...
  9. J'écris pour tout le monde, confrères (soeurs) et patients (es), je fais vibrer la fibre sentimentale, et j'évite au maximum de citer des sources...
  10. Je me livre tout entier (entière) au web mais je modère les commentaires, voire les supprime quand le cercle des autocongratulants paraît s'ébrécher et je fais référence à la netéiquette pour couper le sifflet à mes contradicteurs
  11. J'écris pour créer un réseau de personnes intelligentes (i.e. qui me comprennent) qui pourront m'aimer
  12. Je flatte mes "amis" que je ne critique jamais et je me réfère toujours aux vaches sacrées du blog médical qui disent autant de conneries que les autres (ils ne se reconnaîtront pas)
  13. Je m'ennuie.
J'ai, à dessein, évité les citations de blogs mais, comme on dit, "Toute ressemblance... ne serait pas fortuite..." mais j'ai tellement oublié de trucs...

Je voulais enfin, je sais que le suspense était insoutenable, vous dire pourquoi j'écris ce blog. Mais vous n'êtes pas obligé de me croire.

Une seule raison pour ce blog (outre mon ego et mon polygraphisme) : Mettre mes actions en rapport avec mes écrits, et vice versa. Laisser des traces tangibles du monde que j'imagine tel qu'il devrait être et en revenir constamment à ma pratique forcément imparfaite, le monde tel qu'il est. Et donner des idées (ouvrir des portes) aux collègues et aux patients.
(C'était ma contribution à l'auto web 2.0)

(Allégorie sur le Dossier Médical Partagé. Inde 2011 (Rajasthan) - Photographie : Docteurdu16)

jeudi 29 septembre 2011

David Elia n'est pas un sein.




J'écoute hier matin David Elia sur Europe 1, il est consultant de la station, et il fait l'apologie de la mammographie à l'occasion de l'opération (que le terme est bien choisi) Octobre Rose qui est annoncée ainsi sur Doctissimo.




Je suis effondré : est-ce que David Elia a un cerveau ?




Après donc une apologie sans nuances de la mammographie notre gynécologue émérite évoque les contre-arguments qu'il entend dans son cabinet de la part des femmes qui viennent consulter. Il les résume ainsi : A quoi bon ? La mammographie fait mal, Je n'ai pas envie de savoir la vérité. Et notre bon Samaritain de les rassurer, de leur dire que la mammographie permet de détecter des cancers dès les plus petites cellules (double mensonge), et d'affirmer que 75 % des cancers du sein sont désormais guéris avec des traitements de moins en moins invasifs...




A ce stade de l'écoute, je me demande si David Elia, conscient du surdiagnostic, ne se dit pas en son for intérieur qu'il a peu de temps pour communiquer et qu'il ne vaut mieux pas semer le doute dans les esprits, que le dépistage, selon lui et après avoir pesé le pour et le contre, vaut mieux que pas de dépistage du tout et que, donc, soyons positifs.




Je ne me le demande pas longtemps.




Je ne veux pas faire un procès en sorcellerie mais il faut rappeler qui est David Elia, quels sont ses antécédents et quels sont ses risques de récidive.




David Elia, gynécologue mondain, est membre de l'AFEM (l'Association Française d'Etude de la Menopause), de la SFG (Société Française de Gynécologie), et l'on trouve sur le site Carevox une DPI (Déclaration Personnelle d'intérêt) indiquant ceci : Il assure, ou a assuré par le passé, des actions d’expertise, d’assistance et de conseil pour la plupart des laboratoires pharmaceutiques impliqués dans le domaine gynécologique : Aventis, Arkopharma, Besins International, CCD, Codepharma, Ethicon, Fournier, GlaxoSmithKline, Innothera, Janssen Cilag, Lilly, Novo Nordisk, Organon, Orion, Parke Davis, Proteika Nestlé, Procter & Gamble, Pierre Fabre Santé, Roussel Uclaff, Sanofi Pasteur, Schering SA, Servier, Solvay Pharma, Theramex, Wyeth, Zambon.




David Elia a été un fort propagandiste du traitement hormonal de la ménopause (THS) et, à la suite de la publication de la Women Health Initiative Study, a fait un sec virage sur l'aile alors que les données étaient connues depuis belle lurette (ICI).




Puis il s'est lancé à corps perdu dans la défense des phyto-estrogènes (avec un livre : 50 ans au naturel. La vérité sur la révolution des phyto-estrogènes), dans la visite médicale pour la tibolone (ICI dans Doctissimo) et, plus généralement, il n'est qu'à aller le voir sur les sites féminins et sur les sites de ventes de livres sur Internet, il n'a cessé d'écrire des livres sur le bonheur de la femme après 50 ans.








Au moment où de nombreuses interrogations se font jour dans des pays démocratiques sur la pertinence du dépistage du cancer du sein (voir l'avis de Iona Heath, présidente du Royal College of General Practitioners, qui refuse le dépistage pour elle-même : ICI), dans des pays civilisés où il est possible de discuter médecine, santé publique et science (pardon du gros mot) et d'évoquer le surdiagnostic des cancers du sein et ses conséquences, sur les problèmes aigus de la prise en charge des cancers in situ, Monsieur le docteur David Elia ne se pose aucune question.




Droit dans ses étriers de gynécologue, lui qui favorisait le THS qui entraîne un surcroît de cancer du sein, il favorise désormais le surdiagnostic des cancers du sein.




Monsieur David Elia n'a pas d'états d'âme.




Il n'a pas lu la littérature.




Il ne connaît pas les controverses anglosaxonnes.




Il ne sait pas ce qu'est la collaboration Cochrane.




Il ne lit pas la Revue Prescrire.




Ou, pire : il n'y croit pas.




Monsieur David Elia est pourtant un grand écrivain qui aime les femmes, nous l'avons vu. Mais dans le cas précis il ne les aime pas assez pour les prévenir des éventuelles conséquences néfastes des excès de la mammographie.




L'entend-on parler de surdiagnostics ?




L'entend-on parler de tumorectomies inutiles ?




L'entend-on parler d'amputations de sein inutiles ?




L'entend-on parler de radiothérapie inutile ?




L'entend-on parler de chimiothérapie inutile ?




Non, cet amoureux des femmes ne dit rien de tout cela. Je rappelle ici les données actuelles concernant le dépistage du cancer du sein chez les femmes entre 50 et 65 ans :




"Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."




Que faut-il encore faire pour que David Elia apprenne à lire ?




Mais il est possible qu'il ne faille pas désespérer les oncologues.




Car, sur la même station, Europe 1, le président de la Société Française de sénologie et de pathologie mammaire, un certain Richard Villet, dont on ne trouve pas la DPI sur le site (ou j'ai mal cherché), interrogé par un journaliste un peu plus incisif, esquive, ne répond pas, répond à côté et on finit par comprendre que les tumeurs méchantes, il vaut mieux les opérer... Le journaliste parle de bénéfices / risques, il balaie et il termine en proposant la comparaison suivante : les controverses sur le cancer du sein c'est comme pour le cancer de la prostate. Fin de partie.




Mes amis, il y a encore du boulot : du boulot pour informer sur les liens d'intérêt (il n'y a pas une loi pour cela ?), pour que les experts médiatiques apprennent à lire, pour que les grands media comprennent que le journalisme est autre chose que la répétition d'âneries...

Informations supplémentaires du premier octobre 2011 :
Voici un lien vers un exposé vidéo de Bernard Junod sur le surdiagnostic des cancers en général : ICI.
Voici un lien vers un article de Bernard Junod sur le même thème : LA.
Voici enfin un article sur Les Illusions du Dépistage du Cancer du Sein : LA.


(Photographie : David Elia - Crédit : rmc.fr)

PS du 13 novembre 2013 : une video "alarmante" de David Elia ; ce type a un gros problème. ICI

lundi 26 septembre 2011

Introduction métaphorique au care à propos d'un cas. Histoire de consultation 97.


Madame A, 61 ans, consulte avec son mari, 68 ans, il est rare qu'ils viennent ensemble, et je sens dans son regard qu'elle attend quelque chose de moi.
Elle a peur que son mari "fasse" un Alzheimer.
Depuis quelques temps, je l'avais remarqué, Monsieur A se plaint de troubles de la mémoire, de troubles mineurs mais qui commencent à s'accumuler et qui, surtout, on le verra au cours de l'entretien, le gênent et gênent son entourage dans la vie quotidienne.
Nous étions convenus qu'il serait temps de faire des tests.
Je crois que c'était une ânerie. Mais la demande était trop forte. Et je n'aime pas administrer les tests comme le MMS (Mini Mental test) quand je sais qu'ils sont conçus pour faire prescrire des médicaments anti Alzheimer à des patients qui n'ont pas forcément un Alzheimer. Vous pouvez arguer : pourquoi le faire passer par des autres dans un Centre de mémoire ? Parce que cela me permet de gagner du temps. Parce que cela rend ma démarche suivante, celle de ne pas prescrire de médicaments, plus légitime. Nous y reviendrons peut-être.
Madame A insiste beaucoup, avec cette insistance qui peut passer pour de la domination ou de l'emmerdement maximum à l'égard d'un conjoint, mais une insistance qui peut tout simplement signifier l'anxiété, elle insiste donc pour qu'on prenne le taureau par les cornes (c'est son expression, je n'y peux rien...)
J'en conviens, je l'interroge à nouveau, il y a effectivement des troubles de l'attention, de la mémoire, et, un peu de vieillissement.
Je me fends d'une lettre pour le centre de gérontologie.
Je rappelle en passant que les médicaments anti Alzheimer sont assez peu efficaces (il faut bien que je me couvre).
Je m'intéresse aussi à Madame A qui souffre de névralgies faciales invalidantes mal calmées par les antalgiques classiques que l'on donne dans ces cas là, comme on dit.
L'histoire de Madame A est la suivante : elle est retraitée de l'Education Nationale (elle était institutrice de maternelle) ; elle garde trois de ses petits-enfants à domicile depuis environ trois ans ; elle est tonique ; elle a sa maman, très âgée, invalide mais ayant gardé sa tête, (c'est à dire qui n'est pas classée Alzheimer) qui vit dans un EHPAD situé à 35 kilomètres de Mantes ; elle fait bonne figure ; mais elle se sent coupable d'avoir "placé" sa mère ; elle nie que ses trois petits-enfants la fatiguent alors que son mari ne le nie pas ; il m'en a parlé un jour quand elle n'était pas là... Il est possible aussi, n'hésitez pas à critiquer par avance mon analyse "sauvage" et tellement facile, on va voir que la Mimesis ne s'applique pas seulement aux patients mais aussi aux médecins, que les troubles de mémoire de Monsieur A soient des troubles de l'attention qu'il s'impose pour refuser de façon alzheimerienne ce que sa famille, sa femme, lui imposent.
Je résume : Monsieur et Madame A ont élevé trois enfants ; ils ont attendu leur retraite avec impatience ; la mère de Madame A était déjà très malade avant même qu'ils n'aient pris leur retraite ; quand les petits-enfants sont nés, ils ont dû s'en occuper ; et maintenant son mari...
Cette femme est métaphorique des propos de Carol Gilligan sur la généalogie du care telle qu'elle l'analyse dans son livre fameux Une voie différente. Pour une éthique du care. Champs Essais numéro 844.
Le travail invisible des femmes.
La voix inentendue des femmes.
Madame A, enseignante, s'est occupée de sa famille, a élevé ses enfants, s'est occupée de sa mère qu'elle a dû placer dans une maison de retraite où le personnel est essentiellement féminin (non blanc, d'origine émigrée ou étrangère), elle a dû ensuite s'occuper de ses petits-enfants qui, sinon, avant d'aller à l'école, seraient allés en crèche (personnel féminin)ayant des enfants, un foyer, un mari, pendant que les mères de ces enfants étaient femmes mariées ou pacsées ou à la colle et travaillaient (en payant donc d'autres femmes pour s'occuper de leurs enfants, des femmes qui ont aussi des enfants, des maris et des parents), puis elle craint de devoir s'occuper de son mari futur Alzheimer...
Je n'ai rien dit de tout cela. J'ai simplement souligné que Madame A aurait pu avoir une retraite plus simple.
J'ai oublié de dire que Monsieur A, ancien fonctionnaire territorial, est un grand bricoleur qui a fait et qui continue de faire des travaux qui, désormais, le fatiguent, dans les différents maisons et appartements de ses enfants.
Ainsi, dans ce cas précis, on pourrait dire, contre toute attente, que Monsieur A est une victime du care de sa femme.

(La Sainte Famille - Raphaël - 1507)

jeudi 22 septembre 2011

Alzheimer : des experts montent au créneau pour défendre des médicaments peu efficaces !


La maladie d'Alzheimer progresse.
La maladie d'Alzheimer se répand.
La maladie d'Alzheimer est en phase pandémique (l'OMS ne l'a pas encore annoncé).

Les critères diagnostiques sont flous.
Les solutions pharmaceutiques sont quasiment inexistantes.
La prise en charge familiale et institutionnelle est difficile et coûteuse.

Il semblerait que les médicaments dits anti-Alzheimer soient sous le coup d'une réévaluation par la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé qui les rendraient non remboursables à 100 %

Les visiteurs médicaux académiques se déchaînent :
  1. Le professeur Ollier de Sainte-Anne est interrogé sur Europe 1 et, sans aucune Déclaration Personnelle d'Intérêt (DPI), DPI qui montrerait, si elle était sincère, des liens avec des molécules qu'il prescrit tous les jours, enfile les perles des contre-vérités, voir ICI, notamment sur l"efficacité des molécules.
  2. Le docteur Christophe Trivalle, Praticien Hospitalier, commet un article dans le journal Le Monde qui est un modèle de désinformation et d'incompréhension de la Santé Publique (LA). C'est d'une telle sottise qu'on est partagé entre l'admiration et la résignation. Le bon docteur prétend, en bon soldat du disease mongering ou fabrication des maladies ou stratégie de Knock (voir ICI pour le disease mongering), et en dévoilant le dessin invisible de la manoeuvre, que la quasi disparition des médicaments anti- Alzheimer, rendrait la maladie moins structurée, empêcherait que le diagnostic fût fait, découragerait les médecins à adresser les patients dans les centres de mémoire et ruinerait les trois plans Alzheimer antérieurs. La médecine hospitalière a donc rendu les armes : elle ne prend pas en charge quand elle n'a pas de médicaments à prescrire (fût-ce des placebos...) comme on le reprochait et qu'on le reproche encore à la médecine générale praticienne... La dernière phrase de son article est exceptionnelle, il a dû la polir et la hurler dans son gueuloir hospitalier, à moins qu'il ne l'ait soumis à ses amis de Big Pharma... "Si on supprime ces médicaments, la France sera le premier pays qui verra ainsidisparaître la maladie d'Alzheimer, car plus personne ne fera de bilan diagnostique pour une pathologie sans aucun traitement. Et on en reviendra à la démence sénile et au bon vieux gâtisme d'antan." Car Dominique Dupagne nous apprend aussi sur son site (LA) que le bon docteur et ses envolées lyriques sont fortement connotés : il a présidé un symposium au Pavillon Dauphine (haut lieu de la scientificité parisienne) sponsorisé largement par Big Pharma... Mais il n'en parle pas dans son article du monde. Une sorte d'anosognosie intraitable.
  3. Le professeur Bruno Dubois fait feu de tout... bois dans les media. Il faut dire qu'il défend sa paroisse, étant Président de l'Institut Alzheimer de l'Hôpital de la Pitié Salpétrière, et il fait de l'annonce dans deux voies : une molécule, dont je ne vous dirai pas le nom, a montré, en double-aveugle contre placebo (nous attendons la publication), qu'elle diminuait la diminution de la taille de l'hippocampe qui serait une donnée anatomique chez les patients Alzheimer ; un vaccin aurait été mis au point et il agit, selon les dires Dubois, de façon spectaculaire chez les souris (il ne nous dit pas s'il s'agit de mâles ou de femelles). Voir ICI. Tout baignerait donc bien dans le monde merveilleux de l'Alzheimer s'il n'y avait pas, comme le dit si bien le docteur Trivalle, la revue Prescrire, les syndicats de médecin généraliste et des médecins médiatiques (ICI ENCORE)...
Et je pense que nous n'avons rien vu...

Je voudrais également, en passant, dire un mot de l'échelle qui permet de "faire le diagnostic", la MMS (Mini Mental State) (ICI), échelle qui n'est pas spécifique de l'Alzheimer, il faut le préciser.
Elle n'est pas spécifique mais elle est utilisée larga manu pour prescrire les molécules sus citées.
Non spécifique mais spécifique de la prescription systématique des médicaments anti-Alzheimer : on en était à un, cela ne marche pas, alors on est passés à l'association...
J'avais proposé ICI un questionnaire facilement administrable pour faire le diagnostic de la maladie (International Docteurdu16 Alzheimer Score), un complot l'a enterré...

Cela m'a fait drôlement penser aux MMS, les bonbons chocolatés (voir plus haut).

Une étude française (et toulousaine) parue dans le British Medical Journal est tout à fait confondante mais on n'en a pas beaucoup entendu parler : ICI. Elle raconte ceci : A comprehensive specific care plan in memory clinics had no additional positive effect on functional decline in patients with mild to moderateAlzheimer’s disease.. Ce qui, en français signifie ceci : un programme d'intervention dans les cliniques de la mémoire associant patients et aidants ne fait pas mieux (ou fait aussi mal si on veut) qu'un suivi en milieu ouvert par le généraliste sur le déclin fonctionnel des patients présentant une maladie d'Alzheimer légère à modérée.

Qu'en conclure ?
Que la prise en charge des patients Alzheimer est faite par des spécialistes qui n'ont que l'effet placebo comme argument thérapeutique.
C'est navrant.
(Ne me faites pourtant pas dire que les médecins généralistes font mieux, disons qu'ils font ce qu'ils peuvent dans le cadre du domicile ou de la famille, et que ce peu est un investissement considérable en temps et en pénibilité.)


(Photographie : MMS)