En recevant Madame A et son enfant, le petit A, trois ans et deux mois, j'ai ressenti, au bout de quelques minutes de consultation, une impression de déjà vu (cf. ici). Il se trouve que cet enfant est, comme l'enfant de la consultation vingt-deux, d'origine négro-africaine et la coïncidence ne pouvait en être que plus frappante dans mon esprit (vous avez sans doute remarqué que sur ce blog, j'essaie de ne pas -trop- parler de l'origine ethnique de mes patients pour ne pas induire de réflexes conditionnés de la part du lecteur ou de susciter un sentimentalisme anti raciste ou un sentimentalisme social -les pauvres populations immigrées- mais je finis par croire que j'ai tort : j'ai tort car il s'agit probablement d'autocensure de ma part, une autocensure bien pensante ou une autocensure signifiant Voyez comme je ne suis pas raciste... ). L'enfant de la consultation vingt-deux a changé d'école, on a fini par le mettre sous ritaline et les choses se passent mieux : est-ce une victoire de la pharmacopée ? Une victoire de la médecine ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que sous ritaline l'enfant est scolarisé, la mère n'est pas contente, mais les choses rentrent dans l'ordre...
Revenons à notre petit A, trois ans et deux mois.
Voici ce que me raconte la maman : une semaine après la rentrée scolaire chez les "petits" A s'est mis à faire pipi dans sa culotte à l'école (nous sommes le cinq octobre). Réaction de l'institutrice : S'il continue, il faut l'exclure et il ne reviendra que lorsqu'il sera propre.
Le bon docteur du 16 a des idées préconçues sur l'Education Nationale mais il essaie de ranger cela dans sa poche et de mettre un mouchoir par dessus. C'est difficile.
J'interroge la maman alors que l'enfant, assis dans un fauteuil à côté de celui de sa maman, ne dit rien. J'essaie de lui poser des questions mais il ne veut pas répondre. Les analystes en auront déjà fait des tonnes. Le petit A ne fait pipi dans sa culotte qu'à l'école. Jamais à la maison, jamais chez sa grand-mère, il est propre la nuit et ne présente pas, dans la vie courante, d'impériosité.
Le versant social : la maman a longtemps vécu seule (le père est parti peu de temps après la naissance de l'enfant et il commence à revoir, mais de de temps en temps, son fils qui le réclame. Nous sommes toujours dans le discours maternel.), elle a un nouveau "compagnon" (c'est le terme qu'elle a utilisé, connaissant les habitudes linguistiques actuelles) qui habite chez elle depuis environ six mois "Et ça se passe bien."
Je résume : cet enfant demande son père qui a quitté sa mère qui vit avec un autre homme depuis six mois et présente une énurésie diurne uniquement scolaire.
L'institutrice (et la directrice) ont demandé à la maman qu'elle consulte un psychiatre et, à l'extrême rigueur son pédiatre (ce pauvre garçon est suivi par un généraliste), afin qu'il lui prescrive un médicament.
Je rassure la maman. J'essaie de lui expliquer qu'il y a probablement une cause à l'école : un conflit caché, institutrice, Atsem (agent spécialisé des écoles maternelles), camarade de classe, et cetera.
Elle doit revoir la maîtresse demain. Elle me demande un certificat que je refuse. Allez la voir, nous verrons après. Je l'informe toutefois que l'Education Nationale est un Grand Corps Sain d'où ne peuvent naître des conflits, les conflits constatés dans l'enceinte de l'école étant par définition extra scolaires, liés aux conditions de vie (la misère), aux conditions sociales (la monoparentalité), à des troubles neurologiques (dyslexie), à des troubles psychiatriques (hyperactivité), et j'en passe et ne peuvent être attribués au Corps Enseignant, aux Techniques d'Elevage, aux Théories d'Enseignement, à l'Idéologie régnante bafouée constamment (l'enfant au centre des préoccupations de l'Ecole).
Je vous donnerai des informations après que la maman m'aura raconté son entretien avec l'institutrice mais vous en connaissez déjà la teneur : Votre médecin est un con.