jeudi 18 juin 2009

HTA : TRAITEMENT PAR HYDROCHLOROTHIAZIDE EN PREMIERE INTENTION ?

Un abstract (1) publié récemment lors de l'European Meeting on Hypertension et largement commenté dans Heartwire, revue en ligne sponsorisée par Big Pharma, remet en cause l'utilisation de l'hydrochlorothiazide (HCTZ) comme traitement de première intention dans l'Hypertension artérielle.
Quelques précautions d'usage :
  1. Il s'agit d'un abstract (et nombre d'abstracts ont un effet d'annonce et ne sont jamais publiés en tant qu'articles).
  2. Je n'ai donc pas lu l'article.
  3. Il ne s'agit pas d'un essai de morbimortalité mais d'une comparaison sur un critère de substitution (la Pression Artérielle) fait à partir d'études déjà publiées.
  4. Je ne connais pas les sources de financement de cette étude.
Cela précisé, je voudrais rappeler comme pré-requis à ce commentaire, que j'ai toujours été surpris que les Préconisations de La Revue Prescrire conseillent l'utilisation de l'hydrochlorothiazide comme traitement de première intention alors que les essais significatifs de prévention primosecondaire, dont la fameuse étude ALLHAT que j'ai aussi commentée ici, ne concernaient que la chlortalidone.
Pour une fois La Revue Prescrire dérogeait à sa sacro-sainte (et justifiée) attitude de méfiance à l'égard des me-too et à l'effet de classe en général.
Mais l'avis du petit docteurdu16 comparé à l'appareil critique de La Revue Prescrire a bien entendu peu de valeur (comme le dirait mon ami O.R.).
Bon, voyons quand même cet abstract.
Il dit ceci : la comparaison HCTZ (aux doses de 12,5 à 25 mg par jour) versus chacune des autres classes pharmacologiques utilisées dans le traitement de l'HTA montre que cette molécule diminue en moyenne la PA systolique de 7,5 mm Hg et la PA diastolique de 4,6 mm Hg et que c'est significativement moins que ce qui est obtenu avec les bêtabloquants, les IEC, les inhibiteurs calciques et les sartans.
L'auteur ajoute : quelle n'a pas été ma surprise, en consultant la littérature, de ne retrouver AUCUNE étude clinique montrant qu'aux doses de 12,5 et 25 mg l'HCTZ réduisait la morbidité et / ou la mortalité. Le seul essai productif est un essai réalisé par les Vétérans dans les années 70 à la dose de 50 mg deux fois par jour et en association avec la réserpine...
L'auteur poursuit : Tous les autres essais qui ont montré des améliorations avec les diurétiques concernaient soit la chlortalidone (SHEP, ALLHAT), soit l'indapamide (PROGRESS).
Tout cela est bien beau mais :
  1. Quelles sont les explications ? La demi-vie de l'HCTZ ne couvre pas le nycthémère ? Les doses utilisées sont insuffisantes mais l'on sait que l'on est limités par les effets indésirables à des doses plus fortes.
  2. Que faire ? La chlortalidone n'existe pas en France. Faut-il ne prescrire l'HCTZ qu'en association ?
Nous sommes en attente.
Références :
(1) Messerli FH et al. Hydrochlorothiazide is inappropriate for first-line antihypertensive therapy. European Meeting on Hypertension ; June 12-16, 2009 ; Milano, Italy. Abstract LB1.3

dimanche 14 juin 2009

CONTROLEUR DES ARRETS DE TRAVAIL : UN METIER PLEIN D'AVENIR

Une enquête récente diligentée par la SS (excusez, l'Assurance Maladie) et reprise par La Tribune montre que onze pour cent des arrêts de travail de courte durée et treize pour cent des arrêts de travail de longue durée seraient injustifiés.

On aurait pu titrer également 89 % des arrêts de travail de courte durée sont justifiés ! Parce que, les arrêts de longue durée, dans le cadre en particulier de la longue maladie, sont décidés de concert entre le médecin traitant et le médecin-conseil. On pourrait affirmer que dans treize pour cent des cas le médecin-conseil donne son accord pour des prunes et qu'ensuite il accuse le médecin traitant.

Les commentaires des internautes, comme d'habitude, sur les sites qui ont repris les informations, La Tribune, Le Figaro, Le Monde, montrent que la gabegie c'est l'autre.

Tout comme les commentaires des médecins montrent que les abus, c'est les autres.

Il faut rester objectifs : que signifie un arrêt de travail injustifié ? Un arrêt de travail totalement injustifié ? Ou un arrêt de travail trop long ? Ce n'est pas la même chose.

Nous ne dirons pas (par réflexe corporatiste) qu'il n'y a pas de problèmes, qu'il n'y a pas d'abus, cela peut exister, nous en avons tous constaté. Mais si les contrôles se passent dans des conditions acceptables, si les médecins accusés, au lieu d'être isolés, se regroupent pour se défendre avec des confrères syndicalistes et qu'il n'y a pas de chasse aux sorcières, il est normal que la SS fasse son travail.

Le problème est qu'il n'y a pas de critères pour l'attribution et pour la durée d'un arrêt de travail. Et le médecin traitant est le plus souvent à même de mieux cerner les tenants et les aboutissants de la nécessité et de la durée dudit arrêt de travail : il existe des pathologies, des circonstances, des métiers, des moyens de transport, des facteurs extérieurs et intérieurs qui changent la façon dont un même signe, symptôme, syndrome, maladie, s'expriment chez un patient donné. Commet le médecin conseil peut-il intégrer tous ces éléments ? Comment peut-il analyser tous ces facteurs au cours d'une consultation, quand il y en a, où, dans la majorité des cas il ne regarde ni les examens complémentaires ni n'examine le patient !

Combien dure la consultation d'un médecin conseil ? Deux ou trois minutes ? Que la CNAM publie ces chiffres !

Ce qui nous gêne, c'est, encore une fois, la mise en scène médiatique de cette enquête interne de la SS (Assurance Maladie, CNAM) et des conséquences politiques que le gouvernement espère en tirer. Christian Lehman a analysé cela dans son livre "Les Fossoyeurs" et sur son blog, je n'ajouterai pas grand chose à son analyse très déprimante pour l'avenir des régimes sociaux.

En revanche il y a des employeurs qui fliquent leur personnel et qui utilisent des médecins contrôleurs. C'est le rôle de l'employeur, me direz-vous, que de fliquer ses employés surtout quand les conditions sociales régnant dans l'entreprise sont détestables. Il y a des sociétés qui sont chargées de faire la police des arrêts de travail et elles publient leurs tarifs.

Mais, et c'est là le but de ce billet, il y a des médecins, et des médecins généralistes exerçant eux-mêmes en clientèle, qui font des contrôles !

Alors là, ç'est le summum !

Il y a donc des médecins qui acceptent, moyennement finances (tout travail mérite sa laire), qui trouvent normal de contrôler les arrêts de travail de leurs confrères en se rendant au domicile de leurs patients !

Nous nous perdons en conjectures sur les raisons qui font que des médecins généralistes normaux, avec un cerveau, deux mains, deux pieds et les reste, s'investissent de la mission suprême de vouloir rendre la SS saine, la SS rentable, la SS éthique, la SS acteur loyal de la vie en société...

Nous nous permettons, avec la plus grande humilité, d'évoquer des hypothèses : un sens sociétal au top, des idées politiques correctes, un souci légitime de se comporter en chevalier blanc, un sens aigu de la déontologie, une adhésion idéologique au MEDEF, une faible clientèle, un amour du travail salarié bien fait...

Enfin, en ces temps difficiles, raréfaction des médecins généralistes, zones géographiques qui deviennent des déserts médicaux, réquisitions préfectorales, arrêt des cadeaux de l'industrie pharmaceutique, il est rassurant de voir que certains médecins, héritiers farouches de la médecine hippocratique, défenseurs acharnés du Code de Déontologie, font des visites à domicile pour encourager l'humanité non souffrante à reprendre le travail.


dimanche 7 juin 2009

LES CAPI OU CONTRATS D'AMELIORATIONS DES PRATIQUES INDIVIDUELLES : UNE USINE A GAZ IDEOLOGIQUE

Les CAPI arrivent !

Que faut-il en penser ?

Il serait bien présomptueux de vouloir, en quelques lignes, résumer la situation et, surtout, donner des informations claires et formuler un conseil définitif sur le fait de signer ou ne pas signer les contrats.

Je m'éloignerai volontiers du domaine syndical où mes compétences n'ont d'égales que mon ignorance. Ceci, toutefois : quand je parle d'ignorance, il ne faut pas exagérer tout de même, je veux dire ignorance des arrières-pensées des uns et des autres (qui a parlé le premier, qui a signé le second, qui a signé et n'a pas signé un autre document il y a deux ans ou quatre siècles, et cetera).

Préambule : Qui pourrait être contre le fait d'améliorer les pratiques médicales ? Qui, persuadé des valeurs de l'EBM, mais l'EBM, toute l'EBM, pourrait se prévaloir d'un avis opposé à une certaine forme de normativation des pratiques sur la bases des dernières données de la science ?

Qui pourrait s'opposer à ce que le patient ne soit pas le seul juge de la pratique du médecin à moins que l'on pense que l'empathie, la sympathie ou la couleur de la moquette soient des arguments convaincants pour apprécier un praticien ?

Qui pourrait ne pas être d'accord avec le fait que le médecin ne peut être le seul juge de ses pratiques et d'autant plus qu'il n'est souvent pas au courant de ses propres agissements (pas de statistiques individuelles) ?

Le patient peut et doit juger son médecin mais sur des éléments également scientifiques.

C'est dire que le CAPI pourrait être aussi un formidable outil de formation des patients autant que des médecins.

L'évaluation des praticiens est, a priori et en théorie, une formidable avancée sur le chemin de la connaissance.

Mais il s'agit, selon la CNAM, de Santé Publique. Or, on sait depuis longtemps que l'agenda de la Santé Publique n'est pas un agenda Scientifique mais un agenda Politique.

Pré-requis : Mon acceptation a priori de l'évaluation suppose bien entendu que je puisse savoir pour qui roulent les évaluateurs, sur quelles bases ils ont travaillé, quels sont leurs mérites, quels sont les outils qu'ils utilisent et ce qu'ils vont faire des données qu'ils vont recueillir.

Les évaluateurs roulent pour la CNAM.

Il semblerait même que ce soit "le challenge de l'année" pour la CNAM : un tiers des objectifs des directeurs de CPAM sera consacré à la conquête des 4500 CAPI attendus pour l'année 2009 selon un article paru dans La Lettre de Galilée (n°79, mai 2009).

Ce sont les fameuses DAM qui seront le fer de lance de cette action. Gageons que comme les Visiteurs médicaux elles auront des objectifs, seront jugés sur leurs ratios et plus tard sur le nombre de primes qui seront allouées ou de PV qu'elles pourront dresser.

Pourqui roule la CNAM ?

Le sujet est ardu car il faut aborder les tenants et les aboutissants qui ont pour nom : gouvernement, guerre syndicale, ordre des Médecins.

Qui évalue ? Les médecins-conseils. Sans faire de procès a priori il n'est pas connu dans ce pays que les médecins-conseils soient à la pointe des publications, des connaissances et des pratiques mais il faudra voir, les premières impressions que j'ai sont défavorables, les médecins-conseils étant avant tout des agents de la CNAM, d'anciens médecins généralistes pour certains...

Sur quelles bases les évaluateurs ont-ils travaillé ?

Il semble que l'on puisse identifier deux volets :
  1. un volet comptable : "promouvoir des prescriptions moins onéreuses à efficacité comparable conformément aux données actuelles de la science."
  2. un volet scientifique associant un grand chapitre de prévention (vaccination contre la grippe, lutte contre le cancer du sein et iatrogénie médicamenteuse) et un chapitre maladies chroniques finalement assez bref ("favoriser la qualité de la prise en charge des patients souffrant de diabète et d'Hypertension artérielle)".
Les évaluations vont donc se faire d'un point de vue purement comptable et les médecins, échaudés par de nombreuses statistiques erronées de la CPAM locale (dépassements d'honoraires, pourcentage de génériques, et cetera), ne pourront pas vraiment contrôler les chiffres qui leur seront fournis et ce, d'autant, qu'un certain nombre de paramètres (hors CAPI, je le précise) sont toujours aussi flous et ne sont jamais pris en compte dans les requêtes des médecins comme le nombre des jours d'IJ par médecin (on ne sait si les patients en longue maladie ou en invalidité sont comptabilisés pour un nombre d'IJ qui ne devrait concerner que les maladies aiguës dans la mesure où, implicitement, les maladies chroniques sont "reconnues" par la Caisse).
Par ailleurs, les génériques sont sous la coupe des pharmaciens et leurs prix en France, 20 à 30 % inférieurs au prix du princeps sont loins des prix anglais (20 à 30 % du prix du princeps), notamment pour les statines !

MAIS SURTOUT : les choix scientifiques, par argument de fréquence, peut-être, si l'on se réfère aux chiffres de l'Observatoire de la Médecine Générale [Le top des 50 Résultats de Consultation les plus fréquents en Médecine générale rapportant comme pourcentages pour les examens systématiques et de prévention (22.28), l'HTA (12.71), les vaccinations (12.35), et le diabète (3.6)], sont fondés sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé et de l'AFSSAPS, organismes éminents et contestés pour leurs liens consanguins et souvent non déclarés avec Byg Pharma.

Mes problèmes d'acceptation des CAPI.

  1. Le volet comptable est connu comme le loup blanc : il s'agit de "faire" du générique. Faire du générique pose au moins trois questions : la première (et nous l'avons vu plus haut) : pourquoi les génériques sont-ils si chers en France ? La deuxième : quid des prescriptions hospitalières faites au bas mot à 90 % en princeps ? La troisième : quid des effets indésirables liés aux génériques chez les personnes âgées ? Ce dernier point est controversé mais je ne me place pas sur le plan de l'efficacité / inefficacité des génériques mais sur celui, moins contestable à mon avis, de la confusion des formulations pharmaceutiques chez un même patient et selon le changement possible des marques de génériques tous les trois mois. Ce point est toujours balayé d'un revers de la main par les partisans de la DCI mais n'en reste pas moins, dans ma pratique personnelle (personnes âgées dépendantes), deuxième pilier de l'EBM, problématique. Or je rappelle que la lutte contre la iatrogénie est un des objectifs du CAPI...
  2. Le volet scientifique est, pour le coup, un grave problème. Prenons les points un à un.
GRIPPE : L'objectif fixé est la vaccination antigrippale chez 75 % des patients d'âge égal ou supérieur à 65 ans.
Je suis très dubitatif sur l'efficacité de la vaccination antigrippale dans ces conditions et je l'ai exprimé largement sur ce blog. Et j'en viens à un point majeur que je n'ai pas encore abordé ici : où sont les preuves ? Il existe des données discordantes dans la littérature internationale extra française (rappelons ici la médiocrité de l'épidémiologie à la française dont le niveau, sur une échelle analogique de 1 à 10, serait [sources personnelles] de 2) sur la validité de cette vaccination (en gros : plus les personnes sont âgées et moins la réponse immunitaire est forte et moins la couverture vaccinale est efficace *) et des études rétrospectives françaises ont, elles, montré que c'était la couverture vaccinale des personnels des institutions pour personnes âgées qui était le facteur déterminant (vous avez le droit de me dire que je ne cite les sources françaises que lorsqu'elles sont favorables à mes idées mais, en l'occurence, ce sont les seules existantes et elles donnent de l'eau à mon moulin).
Nous ne reviendrons pas ici sur les conflits d'intérêts majeurs entre revues médicales et Byg Pharma promoteur de vaccins : un article de Jefferson est très démonstratif sur ce point.
Nul doute que la CNAM est très au courant de ces données par l'intermédiaire de ses experts, experts qui, soit ne déclarent pas leurs conflits d'intérêts fianciers (les autres...), soit les déclarent et montrent par là qu'ils sont TRES influencés par Byg Pharma (inconsciemment, cela va sans dire).
* L'étude Govaert et al. déjà ancienne et que je cite dans mon blog (cf.supra) montre que la vaccination chez les personnes de plus de 60 ans était efficace dans 58 % des cas mais inefficace chez les personnes âgées de plus de 70 ans

CANCER DU SEIN : l'objectif fixé est que 80 % des femmes âgées de 50 à 74 ans subissent une mammographie de dépistage. Là, on est en plein délire. Pour plusieurs raisons : d'abord des raisons de faisabilité. Dans quel pays est-on arrivé à de pareils chiffres ? Et on demande aux médecins généralistes français, assurément peu au fait des contraintes de dépistage et peu formé aux enjeux de la Santé Publique, d'atteindre cet objectif ! Les exemples du dépistage du cancer du colon par hemoccult sont navrants à l'échelle nationale ! MAIS SURTOUT : ce dépistage a montré sa très faible efficacité et sa capacité à entraîner des inconvénients majeurs chez les femmes.
  1. Aucune étude n'a montré une baisse de la mortalité totale chez les femmes dépistées
  2. Les chiffres sont têtus : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage, une aura sa vie prolongée. En contrepartie, dix femmes en bonne santé, qui n'auraient jamais été déclarées cancéreuses en l'absence de dépistage, sont diagnostiquées comme ayant un cancer du sein et traitées inutilement."
Je rappelle ces données sur un blog destiné aux patients.
Je donne de nombreux éléments sur ce dépistage dans de nombreuses rubriques de ce blog.

DIABETE : les objectifs sont divers et variés. Ils concernent la pratique de l'HbA1C au moins trois fois par an pour 65 % de la cible, l'obtention d'un Fond d'Oeil annuel pour 65 % de la cible, la prescription d'une statine chez les diabétiques hypertendus traités et selon le sexe et l'âge pour 75 % de la cible et la prescription d'aspirine (sic) chez les diabétiques hypertendus traités et dyslipidémiques traités et selon le sexe et l'âge pour 65 % de la cible.
Ouf !
Quelques réserves (...) : existe-t-il des études indiquant que trois fois vaut mieux que deux fois pour le dosage de l'HbA1C pour l'équilibre diabétique ? Idem pour le FO. Avec ceci en plus : quand la CNAM s'intéressera-t-elle aux dépassements d'honoraires sauvages des ophtalmologistes ? Quid des statines ? Les études sont-elles convaincantes ? Nous croyions qu'il était trop prescrit de statines...
Plus sérieusement : il semble que des mesures de Santé Publique concernant l'alimentation seraient plus efficaces que le dosage quadriannuel de l'HbA1C (mais je n'ai pas d'études) mais si la CNAM est sous la coupe de Byg Pharma, d'autres institutions (dont l'Assemblée Nationale) sont sous la coupe de Byg Junk Food, ceci expliquant cela. Les médecins généralistes, en bout de course, devant être les pompiers d'une société pyromane...

HYPERTENSION ARTERIELLE : l'objectif est que 50 % des patients hypertendus aient des chiffres de Pression Artérielle inférieurs ou égaux à 140 / 90. Quand on sait que dans les études randomisées plus d'un tiers des patients n'étaient pas hypertendus à l'entrée dans les essais (Yussuf et al.) il ne semble pas difficile d'atteindre de pareils objectifs... Surtout qu'il s'agit de données déclaratives...

Quant aux autres chapitres, nous essaierons de les traiter une autre fois...


EN CONCLUSION : Je n'ai pas parlé des données incentives (on paie les médecins pour atteindre les objectifs), si j'ai bien compris 3200 euro par an...
J'attends avec impatience que l'Alzheimer soit mis au programme de ces réjouissances, on verra jusqu'où les déjà signataires ou les prochains iront pour avaler leur chapeau.




jeudi 4 juin 2009

CANCER DE LA PROSTATE : NE PAS DEPISTER !

La Revue Prescrire dans son numéro 308 de juin 2009 [LRP 2009;29(308):437-43] enfonce le clou :

En mai 2009, un dépistage systématique du cancer de la prostate, par dosage du PSA ou toucher rectal, n'est pas justifié.

Nous vous avions entretenu ici du fait qu'au delà de 75 ans il n'était même pas besoin d'en parler, puis nous avions commenté les deux grandes études américaine et européenne, et, enfin, nous avions souligné combien le rapport parlementaire Debré était un faux scientifique.

Il est désormais possible de disposer d'un grand nombre de sources argumentées pour défendre ce point de vue.

Il est malheureux de penser que ce sont les médecins eux-mêmes qui sont les plus mal informés sur les données de la science.

Le fait d'être un spécialiste aggrave encore plus le cas : les urologues, les oncologues, les radiologues, les radiothérapeutes, sont, dans l'immense majorité des cas favorables à un dépistage. Il existe quelques exceptions dans chacune de ces spécialités mais elles sont rares.

Bravo !

jeudi 28 mai 2009

TOUCHE PAS A MES SEINS - HISTOIRES DE CONSULTATION : NEUVIEME EPISODE

Madame T, soixante-douze ans, vient me revoir, à l'occasion de son renouvellement de traitement (elle est hypertendue traitée par bêtabloquant depuis environ vingt ans, toujours en monothérapie, toujours à la même dose, et toujours dans les normes tensionnelles), pour m'apporter le compte-rendu de mammographie, compte-rendu que je n'avais pas encore vu et qui date de trois mois. Elle me fait de grands sourires et je les lui rends bien volontiers.
Voici l'affaire.
Il y a donc à peu près trois mois, cette sympathique retraitée (elle travaillait dans les écoles comme dame de service comme on disait dans l'ancien temps), active (elle fait de l'aquagym et de la marche sportive) et déterminée (on va le voir) est venue consulter (affolée) parce qu'on lui avait trouvé une tumeur ACR4 dans le sein gauche et qu'il était question qu'elle aille chez un chirurgien pour faire une biopsie et plus si affinités.
- Je ne suis pas d'accord pour que l'on touche à mes seins ! C'est comme ça !
Retour en arrière : je suis le médecin traitant, elle n'a pas fait de mammographie depuis cinq ans, ses seins sont parfaits à l'examen clinique, elle n'a jamais reçu de THS, il n'y a pas d'antécédents familiaux de cancer du sein, elle a reçu les convocations pour se rendre au dépistage du cancer du sein par mammographie et y a répondu par le mépris. Mais c'était sans compter sur ses filles qui, bonnes filles et fidèles télespectatrices de Télé-matin (avec l'inénarrable BFC dans le rôle de la journaliste reproduisant les avis éclairés des grands pontes de la médecine, ceux-là mêmes qui ne déclarent aucun conflit d'intérêt -- mais, je m'égare, ou l'ineffable LO assidue des médecines "douces") et du Magazine de la Santé de MC et HCE, nid de laboratoires et de produits sponsorisés, lui demandent de façon insistante, de faire la fameuse mammographie ("D'ailleurs on se demande pourquoi ton médecin ne te l'a pas prescrite !"). Rendez-vous est pris dans un cabinet de radiologie de ma bonne ville où, justement, l'une des filles est manipulatrice radio.
Et c'est ainsi que Madame T se retrouve d'abord avec une mammographie ACR2 qui, relue en aveugle dans le cadre du dépistage, se retrouve promue ACR4. Le radiologue patron de la fille de la patiente organise tout sans en référer une seule seconde au médecin traitant mais, surtout, parle : 'Il faut rapidement faire une biopsie, je téléphone au chirurgien X pour qu'il vous donne un rendez-vous...' Le radiologue "clinicien" ne se préoccupe pas, je le répète, du médecin traitant, ni des filières suivies par icelui dans ce cas et, avec l'aide de la manipulatrice (celle-là, je la trouve bien bonne), conduit la patiente vers la biopsie, la chirurgie, la radiothérapie voire la chimiothérapie (l'ordre des facteurs est laissé à l'appréciation des "tendances" de la cancérologie, des "modes" ou des intérêts académico-financiers régnant).
- Je ne suis pas d'accord pour que l'on touche mes seins ! C'est comme ça !
Quand la patiente me dit cela, je suis bien embêté.
D'abord, parce que je n'ai pas les clichés.
Ensuite, parce que je ne connais pas encore l'épisode du passage d'ACR2 à ACR4.
Enfin, parce que je me sens, d'une certaine façon, coupable de ne pas avoir insisté pour que le dépistage se fasse.
Et, au bout du compte, parce qu'elle ne m'en veut pas mais qu'au contraire elle veut se servir de moi pour échapper à une atteinte de ses seins (que je repalpe pour ne pas passer à côté...).
Je lui propose : un, de récupérer la mammographie (avec sa fille ça ne doit pas quand même être trés compliqué), deux, je lui prends rendez-vous avec un oncologue ami (qui partage pour mes patients, pour les autres, je ne sais pas, quelques similarités de vue sur les Valeurs et Préférences des Patients, troisième pilier de l'EBM, mais pour le dépistage du cancer du sein par mammographie tous les deux ans et / ou du cancer de la prostate par le dosage du PSA, il y a encore du chemin à faire), trois, j'écris une lettre à l'oncologue ami, quatre, je prescris une IRM des seins hors de ma ville (afin qu'il ne puisse pas y avoir trop de conflits d'intérêts idéologiques et cléricaux entre professionnels de la même spécialité) et, quatre, j'écris une lettre au radiologue qui réalisera l'IRM. Ouf !
Résultat des courses : l'IRM est normalissime et le radiologue ami écrit à la fin : "... à confronter toutefois avec les examens radiographiques habituellement pratiqués..."
Conclusion (provisoire) :
  1. Il n'existe toujours pas d'études contrôlées indiquant que le dépistage du cancer du sein par la mammographie pratiquée chez les femmes au delà de 50 ans diminuait la mortalité totale.
  2. Le système du médecin traitant a du bon quand il s'agit de respecter les Valeurs et les Préférences des Patients.
  3. Il semblerait que l'IRM puisse devenir l'examen de choix dans l'imagerie du sein (pas encore d'études comparatives convaincantes jusqu'à aujourd'hui) mais deux obstacles : le nombre insuffisant d'IRM et les investissements déjà faits par les radiologues dans le domaine de la mammographie

BONNES REFLEXIONS

jeudi 21 mai 2009

CONFLITS D'INTERETS : TENTATIVE DE DEFINITION

Le monde anglosaxon est plus en avance que nous dans la chasse aux conflits d'intérêts. Nous en avons souvent rendu compte ici.

Cette avance est liée essentiellement à une prise de conscience qui fait souvent défaut en France (pour les autres pays je laisserai les commentateurs ad hoc faire leurs commentaires) pour des raisons qui tiennent autant à la méfiance devant l'argent (ce qui peut paraître contradictoire mais ce qui s'explique par ceci : on touche l'argent mais on n'en parle pas) qu'à la méritocratie académique qui rend les experts intouchables.

Ce manque de réalisme vis à vis des influences possibles de différents facteurs extrinsèques sur les jugements que l'on peut porter sur toute chose ne se limite pas, bien entendu, au domaine de la médecine, mais touche tous les secteurs de la société.

Restons dans la médecine.

Un commentaire en ligne de Robert Steinbrook dans le New England Journal of Medicine du 21 mai 2009 à propos du dernier rapport (29 avril 2009) de l'Institute of Medicine (IOM) permet de mieux comprendre l'état d'avancement des esprits étatsuniens en ce domaine.

Je vous propose de lire les deux articles mais j'ai surtout retenu la définition que donne l'IOM de ce qu'est un conflit d'intérêts.

"Un concours de circonstances qui crée le risque qu'un jugement professionnel ou des actions relatifs à un intérêt primaire soient injustement influencés par un intérêt se condaire.

"Les intérêts primaires sont : promouvoir et protéger l'intégrité de la recherche, le bien-être des patients et la qualité de la formation médicale.

"Les intérêts secondaires peuvent inclure non seulement un gain financier mais aussi le désir d'avancement professionnel, la reconnaissance d'une réussite personnelle et des faveurs pour des amis et de la famille ou des étudiants et des collègues.

"L'IOM ajoute que les intérêts financiers sont souvent mis en avant notamment auprès de l'opinion publique mais qu'ils ne sont nécessairement pas plus graves que les autres intérêts secondaires ; ils sont en revanche plus objectivables, plus opposables, plus quantifiables et plus réglementés en pratique de façon équitable"


Voilà de beaux sujets de réflexion et nous reviendrons sur les conséquences que cela peut avoir pour chacun d'entre nous. Je me place encore une fois au niveau de la morale individuelle ne me sentant pas le droit ou le devoir de me substituer à la conscience des autres.

PS (du 2 octobre 2012) : Bel article canadien sur le sujet : ICI

HEPATITE B : LES MEDECINS DU TRAVAIL FONT LE FORCING !

[Au moment où les autorités françaises font le forcing pour "sensibiliser" la population sur le fait que les Français ne sont pas assez vaccinés contre l'hépatite B et où, pour ce faire, les chiffres les plus fantaisistes sont cités sur les possibles porteurs chroniques de l'Antigène HBs (entre 600 000 et 180 000) en oubliant de préciser que la France est un faible pays d'endémicité, je vais vous raconter une petite histoire de consultation.

[Précisons encore, mais il y en a ras le bol de le répéter, que la France est, en épidémiologie, la dernière de la classe des pays développés : les statistiques, au mieux, datent de cinq ans, et lorsqu'existent des publications internationales, il existe toujours des incertitudes sur les données françaises comme s'il s'agissait du Zimbabwe ou de Vanuatu... Il s'agit, pour l'hépatite B d'extrapolations et, dans un domaine comme la mortalité périnatale, on est la risée de l'Europe - voir ici]

Histoires de Consultations : huitième épisode.

Mademoiselle G est infirmière et elle a vingt-sept ans. Je la connais depuis son huitième jour de vie. Elle vient me voir parce que la médecine du travail de l'hôpital où elle travaille lui a demandé de se faire revacciner contre l'hépatite B.
Elle a apporté son carnet de santé que je vérifie et je constate qu'elle a reçu quatre injections de Genevac B (à l'époque kouchnero-douste-blazienne c'était comme cela). Quant au vaccineur, c'est bibi.
- Il ne me semble pas que cela soit nécessaire.
- Elle (le médecin du travail) était très insistante.
- Ce n'est pas comme cela que l'on doit procéder : je vais te prescrire un dosage d'anticorps.
- C'est ce que je lui ai dit...
Nous en avions parlé ensemble lorsqu'elle était encore à l'école d'infirmières.
- Et alors ?
- Et alors elle m'a dit que ce n'était pas nécessaire, qu'il suffisait de faire un rappel et le tour était joué. Cela prenait moins de temps.
Je lui réexplique la situation, lui parle de l'étude Hernan qui montre dans une étude cas-témoin intéressant des nurses anglaises que le risque de faire une SEP post vaccination était multiplié par 3,1 (voir les détails ici dans le blog) et nous convenons de faire pratiquer un dosage.

Les résultats du dosage : 1538 UI !

Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que ces taux sont 15 fois plus importants que ceux imposés par la réglementation.

J'attends toujours une réponse du médecin du travail...






mardi 19 mai 2009

EST-CE QUE LUTTER CONTRE LE TABAGISME EST REACTIONNAIRE ?

Combien de fois ne nous sommes-nous pas sentis impuissants, nous, médecins généralistes, quand nous étions confrontés à l'enthousiasme d'un patient qui désirait arrêter de fumer et qui pensait qu'une simple pilule ferait l'affaire ?

Il existe un tel écart entre les résultats obtenus dans les essais contrôlés et les commentaires dithyrambiques de la presse grand public sur les résultats obtenus par les nouvelles molécules miracle que les médecins généralistes ne peuvent que ressentir un malaise et un futur sentiment d'incompétence quand l'échec arrivera.

Car les médecins généralistes informés et avisés savent qu'à un an seuls un ou deux patients sur les dix qu'ils auront pris en charge auront arrêté de fumer.

Quant à ceux qu'ils auront envoyés dans un centre anti tabac pour consulter un spécialiste, un tabacologue distingué, ils ne bénéficieront pas de meilleures statistiques.

Qu'est-ce qui se passe ?

Le tabac est d'abord une drogue dure.

Ensuite le tabac tue. Et il tue plus que l'héroïne et la cocaïne associées.

Le cancer du poumon est une saloperie : grosso modo 28000 nouveaux cas par an en France et 27000 morts. Le taux de survie à 5 ans est de 5 %

Et nous ne parlerons pas ici des autres atteintes cardiovasculaires et pulmonaires qui tuent encore plus chaque année en France.

Mais le tabac est aussi une donnée sociétale.

Pendant des décennies les industriels du tabac, alias Big Tobacco, ont menti, payé, prévariqué, truqué, publié des fausses études cliniques, fustigé les essais cas-témoins demandant des essais contrôlés en double-aveugle, afin de ne pas reconnaître que le tabac pouvait rendre malade.

Ils ont aussi financé des campagnes de presse qui soutenaient que fumer était un droit fondamental, une partie inaliénable de la liberté individuelle et que chaque individu avait bien le droit de mourir de ce qu'il voulait.

Cette attitude existe encore de nos jours où la liberté de fumer dans les lieux publics est mise au même niveau que celle de pouvoir rouler à toute vitesse sur les routes, et sur les autoroutes, à ne pas limiter la vente d'alcool à certaines heures et, plus généralement, à refuser que l'Etat se même des affaires des citoyens.
Ce point de vue anti étatiste est, en France, plutôt classé à droite, plutôt dans la droite franchouillarde, ou, pour faire plus académique : ce sont des libéraux de droite.

Mais il existe une critique de gauche qui n'a pas eu besoin de Big Tobacco pour se développer.

Cette critique de gauche assimile la lutte contre le tabagisme à l'hygiénisme réactionnaire anglosaxon ; ces braves gens oublient que l'hygiénisme n'est pas seulement une invention anglosaxonne (la fin du dix-neuvième siècle français a été riche en publications hygiénistes, l'école française ayant eu sa part du gâteau) mais n'hésitent pas à utiliser un argument chauvin que les libéraux de droite pourraient utiliser avec profit, l'antianglosaxonisme primaire. Les appellerait-on des libéraux de gauche (ils préfèreraient libertaires) ?

Il n'est pas rare de rencontrer des libéraux de droite qui sont contre le cannabis et pour l'alcool mais ausi des libéraux de gauche qui sont pour le cannabis pour la seule raison que l'alcool et le tabac sont des drogues légales.

Mais là où les libéraux de gauche sont forts c'est qu'ils arrivent à être des opposants des campagnes anti tabac grand public, alors même que certains médecins de gauche sont capables, dans le secret de leur cabinet, de s'atteler à la tâche compliquée d'aider un patient à arrêter le tabac, parce que, premièrement, c'est Big Pharma qui mène la danse (avec des médicaments, on l'a vu, assez peu efficaces), et, deuxièmement, parce que la lutte contre le tabac est une mauvaise manoeuvre anti sociale puisque cela stigmatise les populations défavorisées (voir ce blog sur la situation américaine) : « Le poids des maladies tabaco-dépendantes tombe de façon disproportionnée sur ceux qui ont le statut socio-économique le plus bas. Les cigarettiers font essentiellement leur proie des pauvres, des moins éduqués, et de ceux qui souffrent de pathologie mentale ou d’addiction médicamenteuse, et, parmi les populations les plus vulnérables, les jeunes. Le tabac est le seul produit commercialisé qui ne présente aucun bénéfice et qui entraîne sans équivoque le plus de risques pour la santé humaine. »

Et ainsi, le doute s'installant, il devient encore plus difficile de traiter le tabagisme comme il se devrait, c'est à dire avec le consentement éclairé des patients.

Il existerait un antitabagisme de droite qui serait l'allié de Big Pharma contre lequel, pour des raisons de conflits d'intérêts, il faudrait s'opposer et un antitabagisme de gauche, libertaire en quelque sorte, qui refuserait Big Pharma tout en favorisant Big Tobacco (mais comme disent les marxistes : il faut savoir distinguer la contradiction principale et la contradiction secondaire).

Ainsi, en suivant les libéraux de gauche, le champ libre serait laissé à Big Tobacco dans les pays du Tiers-Monde (c'est là où il y a le plus de déshérités) et il faudrait combattre Big Pharma dans ceux où l'ultralibéralisme (de droite) règne.

Comprenne qui pourra.

Ces controverses francofrançaises sur le combat contre le tabagisme, comme seuls les Français en ont le secret, font aussi le jeu des gourous, des sectes, des acupuncteurs, des auriculothérapeutes, des mésothérapeutes, des homéopathes, des naturopathes de tous poils, des freudiens de toutes obédiences, des tenants de la théorie du cerveau reptilien, des tenants de la théorie qui veut qui peut, et cetera et rend les non fumeurs médecins suspects de se mêler de choses qu'ils ne comprennent pas...

Il est donc possible que prescrire des gommes ou des patchs ou des antidépresseurs recyclés dans la lutte contre le tabac soit le fait de médecins réactionnaires... et vendus à Big Pharma. mais je n'y crois pas une seconde.

Nous sommes désemparés devant un fléau qui tue beaucoup.








dimanche 10 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE VUE DE LA MEDECINE GENERALE : UN FIASCO

Madame Bachelot n'y est pour rien mais la gestion de cette minicrise porcino-mexico-grippale A a été un fiasco total du point de vue de la médecine générale et des médecins généralistes.
Madame Bachelot n'y est pour rien car elle est au sommet (instable) d'une pyramide où la bureaucratie se dispute à la lutte d'influences et aux conflits d'intérêt multiples et variés.

Les médecins généralistes ne sont pas la cinquième roue du carrosse : ils n'existent pas. Pour les observateurs avertis du fonctionnement institutionnel de la médecine française ce n'est pas une nouveauté mais cela mérite que l'on s'y arrête une nouvelle fois.

Il ne s'agit pas de savoir si Madame Bachelot sait, en théorie, qu'il y a des gens qui s'appellent médecins de première ligne en France, il s'agit seulement d'analyser les faits. Les médecins généralistes sont considérés comme quantité négligeable et insignifiante.

Je ne reviendrai pas sur le fait que les médecins généralistes ont de lourdes responsabilités dans cette affaire (en ne revendiquant pas un statut scientifique mais un statut social) mais je me placerai simplement sur le plan de la Santé Publique. Car Madame Bachelot doit s'occuper de Santé Publique, pas seulement de Gestion Médiatique de la Crise.

Les grincheux et les rigolards ont beau jeu de se gausser du fait que la pandémie annoncée n'était qu'une tempête dans une tasse de thé et de s'indigner du tapage médiatique générateur de peur. que les pouvoirs publics ont engendré. Heureusement que la pandémie s'est éteinte ! Dans le cas contraire les grincheux et les rigolards auraient changé leur fusil d'épaule en parlant d'impréparation, de gabegie, de médiocrité de la puissance publique. Mais c'est maintenant qu'ils doivent s'interroger sur les manques de la politique publique et sur leurs propres insuffisances.

Madame Bachelot, vous êtes le chef d'un bordel bureaucratico-administratif qui pourrait faire les délices d'une analyse de cas dans une école de management.

Qui contrôle qui ? Qui contrôle quoi ? Qui est le chef ? Le Ministère de la Santé ? La DGS ? L'INVS ? Les structures locales ? Le Préfet de Région ? Le Préfet de Département ?
Qui donne des consignes ? Qui informe ? Qui connaît l'ordre des priorités ? Qui connaît les intermédiaires ? Qui connaît les correspondants ? Qui sait par quelle voie il est possible de joindre les soutiers de base, i.e. les médecins généralistes et, plus généralement les professionnels de santé ? Qui s'est préoccupé des infirmiers libéraux, des kinésithérapeutes, des pharmaciens, des orthophonistes, des ambulanciers, des brancardiers et autres secrétaires de cabinets médicaux ?

J'ai donné ici des exemples d'interventions multiples et variées au niveau des médecins généralistes qui montraient l'impréparation ministérielle tant intellectuelle que logistique.

Le médecin généralistes est informé par
  1. La presse grand public : les communiqués de presse précèdent les informations destinées au corps médical
  2. Le Ministère de la Santé
  3. La Direction Générale de la Santé par le biais de ses messages DGS-Urgent que seuls reçoivent les médecins abonnés
  4. L'institut National de Veille Sanitaire
  5. Le Ministère de l'Intérieur et l'ineffable Madame Alliot-Marie
  6. Le Conseil de l'Ordre qui relaie (?) les informations avec un délai de quelques jours
  7. Le centre 15, s'il l'appelle
  8. La DASS, s'il en connaît l'existence.
  9. Les professeurs qui s'expriment ici et là sur les ondes en racontant tout et n'importe quoi.
  10. La presse médicale dont l'incompétence ne fait plus aucun doute.
  11. Les Autorités préfectorales.
Le médecin généraliste, chère Madame Bachelot, ne sait pas quand il recevra des masques, quand il disposera de tamiflu, où seront situés les centres de consultation, dans quelle mesure il sera réquisitionné, s'il le sera.

Existe-t-il dans votre entourage, chère Madame Bachelot, un seul médecin généraliste pratiquant pour vous donner son avis ? Savez-vous que les médecins de première ligne seront vraiment en première ligne si les cas se multiplient, que le SAMU sera très rapidement débordé, que les hôpitaux itou, et les services de l'Etat décimés, non par la grippe elle-même mais par la désorganisation intense qui existe en dehors de toute crise et quand il y a à peine dix cas sur le territoire français (treize à l'heure où j'écris) ?

Les médecins généralistes seront en première ligne et pour quoi faire ? Pour attraper la grippe ?

Quelques conseils, Madame Bachelot :
  1. Décidez une fois pour toutes qui fait quoi et quoi fait qui.
  2. Communiquez de façon unique afin que le message ne soit pas brouillé.
  3. Suivez les consignes qui ont été édictées avant que l'épidémie ne se déclare : Plan Grippe Aviaire, et n'en bougez pas.
  4. Respectez la hiérarchie de l'information : prévenez d'abord la corps médical puis le grand public. Prévenez tous les médecins et pas seulement les experts et les universitaires. N'oubliez pas les professionnels de santé.
  5. Tirez les leçons de cette expérience : nous ne sommes pas prêts et les médecins généralistes pas plus que les autres.
  6. Créez un fichier de tous les médecins de première ligne afin qu'ils puissent être prévenus directement et non par l'intermédiaire de corps inutiles pour la gestion d'une telle crise comme le Conseil de l'Ordre des Médecins...
  7. Simplifiez les circuits décisionnels afin que le site Théodule ne communique pas en même temps que le site Trucmuche, sachez qui est responsable de quoi et qui contacter quand il est nécessaire d'obtenir une information rapide.
Sachez, chère Madame Bachelot, que les médecins généralistes sont avides d'informations, capables de comprendre et sont les premiers à parlers aux patients / malades pour les informer et les rassurer.

La médecine générale existe : je la pratique tous les jours.
J'ai un cerveau, deux pieds, deux mains, un coeur mais je n'aime pas qu'on me prenne pour un con.



vendredi 8 mai 2009

LE CIANE : SEULEMENT LA VERITE QUI NE FACHE PAS SUR LA NAISSANCE

La Revue Prescrire dans son dernier numéro 307 de mai 2009 (pp 376-378) donne en exemple l'association CIANE (Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE) parce que , je cite, elle "... mène une action indépendante et transparente pour améliorer la qualité des soins en périnatalité en France."

L'article étant tellement dithyrambique et sans l'once d'une ébauche de la moindre esquisse d'une critique, je suis allé, curieux, consulter le site.

Je trouve un sujet qui m'intéresse (le syntaxiquement correct eût été d'écrire, comme LRP, "le sujet m'interpelle" et j'aurais pu ajouter, encore plus dans les clous : "au niveau de mon vécu") qui concerne l'accouchement à domicile, je réponds en citant ce blog et ma réponse est publiée et commentée. Le commentaire est cinglant et m'accuse, en gros, de ne pas savoir lire le néerlandais et se termine par une phrase décisive :"Il ne suffit pas de lire les éditoriaux et les résumés d'articles, il faut lire l'étude en entier avant d'en tirer un commentaire aussi définitif !" Dont acte cher Monsieur Bernard Bel. Et le Bel en question de me renvoyer sur les documents de l'affaire, c'est à dire une polémique entre Bel et le BMJ et plus particulièrement un rédacteur que j'aime bien depuis des années, Tony Delamothe et un autre rédacteur, Tony Sheldon. Il s'agit de nombreux courriers échangés entre Bel et le BMJ qui finissent par ceci : Tony Delamothe n'aurait pas dû écrire 51 % des femmes néerlandaises qui avaient décidé d'accoucher à domicile finissent le travail à l'hôpital mais SEULEMENT 51 % des primipares et 17 % des multipares ! Ce qui me paraît énorme ! D'autant que Bel ne conteste pas ceci : le risque de décès intrapartum ou à la naissance augmente de 25 % !

Et là où Bel est malhonnête, je pèse mes mots et je me réfère à un intertitre de La Revue Prescrire laudant l'association "Des propositions fondées sur des données validées", c'est que 1) Il ne publie pas ma réponse et 2) Dans l'argumentaire qu'il a écrit sur le décès d'un bébé dans l'Ariège, il ne cite pas les sources néerlandaises et cite des sources pour le moins contestables et qui, par quelque bout qu'on les regarde, sont aussi près de l'EBM qu'ALLI est près de l'efficacité !

Cela dit, je me suis promené sur le site du CIANE, y ai vu des réflexions intéressantes, des choses surprenantes, des expressions maladroites, des points de vue ambigus mais nous sommes loin des ambitions afichées dont celle-ci, qui me laisse pantois : la définition du CIANE "Un collectif qui se voudrait être le porte-parole des parents et des futurs parents, de tous les citoyens." Diable ! Je ne dois pas faire partie des citoyens ad hoc : je suis trop quoi ?

Je reviendrai une autre fois sur la démocratie internet et sur les réseaux bien-pensants de la blogomédicosphère. Ainsi que sur la pseudotransparence de ces réseaux "indépendants".

Pour paraphraser Milan Kundera : Chaleur des sentiments, sécheresse de la démocratie.

************

SUITE DE L'AFFAIRE : Monsieur Bel a répondu à 19h59 ce jour. Vous lirez sa réponse (partielle). Sur son blog. Le débat est clos : j'ai compris qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin puisqu'il semble que le CIANE AIT TOUJOURS RAISON !

Je reviendrai donc sur la démocratie participative sur Internet dans un autre billet.

jeudi 7 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE : COMMENT PENSER LA CATASTROPHE



Il semble, au moment où j'écris ces lignes, que le danger de la grippe mexicaine soit écarté. Tant et si bien que tous ceux qui ont glosé sur la médiatisation excessive, la peur engendrée par les différents communiqués de l'OMS, du Ministère français de la Santé, ont beau jeu dire : on vous l'avait bien dit ! Il n'y avait aucun risque ! Et ils ont ainsi évité de s'interroger sur le risque réel, sur l'impréparation de tous et de chacun et de se moquer des prophètes de malheur et autres Cassandre.

Je voudrais, à la suite de Jean-Pierre Dupuy et de Gunther Anders, rappeler le texte que ce dernier a écrit, sous forme de parabole, à propos de l'histoire du déluge.

Noé, fatigué de jouer les prophètes de malheur et d'annoncer sans cesse une catastrophe qui ne venait pas et que personne ne prenait au sérieux...
...un jour se vêtit d'un vieux sac et mit des cendres sur sa tête. Ce geste n'était permis qu'à celui qui pleurait son enfant chéri ou son épouse. Vêtu du costume de la vérité, acteur de la douleur, il repartit à la ville, décidé à tourner à son avantage la curiosité, la malignité et la superstition de ses habitants. Bientôt, il eut rassemblé autour de lui une petite foule curieuse, et les questions commencèrent à se faire jour. On lui demanda si quelqu'un était mort et qui était ce mort. Noé leur répliqua que beaucoup étaient morts et, au grand amusement de ses auditeurs, que ces morts c'étaient eux. Lorsqu'on lui demanda quand cette catastrophe avait eu lieu, il leur répondit : demain. Profitant alors de l'attention et du désarroi, Noé se dressa dans toute sa grandeur et se mit à parler : après-demain, le déluge sera quelque chose qui aura été. Et quand le déluge aura été, tout ce qui est n'aura jamais existé. Quand le déluge aura emporté tout ce qui est, tout ce qui aura été, il sera trop tard pour se souvenir, car il n'y aura plus personne. Alors il n'y aura plus de différence entre les morts et ceux qui les pleurent. Si je suis venu devant vous, c'est pour inverser le temps, c'est pour pleurer aujourd'hui les morts de demain. Après-demain, il sera trop tard. Sur ce, il rentra chez lui, se débarrassa de son costume, de la cendre qui recouvrait son visage et se rendit à son atelier. Dans la soirée, un charpentier frappa à sa porte et lui dit : laisse-moi t'aider à construire l'arche, pour que cela devienne faux. Plus tard, un couvreur se joignit aux deux en disant : il pleut par dessus les montagnes, laissez-moi vous aider, pour que cela devienne faux. (Günther Anders : Endzeit und Zeitende, Munich, C.H. Beck, 1972)
Je vous laisse à vos réflexions en terminant par cette phrase de Jean-Pierre Dupuy (In : Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005) : Le prophète de malheur n'est pas entendu parce que sa parole, même si elle apporte un savoir ou une information, n'entre pas dans le système des croyances de ceux à qui elle s'adresse.

jeudi 30 avril 2009

GRIPPE MEXICAINE : LES DERNIERES NOUVELLES DU BORDEL AMBIANT

Les Autorités sanitaires françaises viennent d'annoncer l'entrée de la France en phase 5

J'ai reçu à 12h 24 un communiqué DGS -Urgent
Assez peu informatif.
Mais surtout : clair comme du jus de chique. Je vous disais dans un message précédent écrit ce jour

combien il apparaissait que la direction des opérations, s'il en existe une, était un joyeux bordel. Ca se confirme !
Dans ce message DGS-Urgent il est dit que l'on peut aller vérifier les informations sur le site de l'INVS (où la référence est grippe porcine...) et que d'autres informations seront transmises sur le site du Ministère de la Santé.
Une direction centralisée des opérations aurait-elle fait peur aux différentes parties prenantes ou s'agit-il de luttes d'influenceS ?

J'ai reçu à 13h 41 un avis de mon Conseil Départemental de l'Ordre rapportant des consignes de l'INVS datant du 25 avril ! Le titre était : "La grippe mexicaine est aux portes de l'Europe."

Le Conseil de l'Ordre met du temps à réagir.

J'ai écouté un entretien sur France 5 entre le journaliste Thierry Guerrier et un professeur d'infectiologie marseillais qui a dit : il n'y a pas de contrôles sérieux aux frontières, les vols avec le Mexique devraient être interrompus depuis longtemps et, accrochez-vous, les stocks de tamiflu sont périmés mais ils seront utilisés quand même !

A suivre !

GRIPPE MEXICAINE : LES AUTORITES FRANCAISES DE SANTE PRENNENT LES GENERALISTES POUR DES CONS

L'OMS vient d'annoncer cette nuit le passage à la phase 5, c'est à dire l'entrée dans la période pandémique.
Les autorités françaises n'ont pas encore pris de mesures pour la phase 4 (cf. le document à la page 56.)

Les médecins généralistes ont reçu, seulement les abonnés, un avis urgent de la Direction Générale de la Santé samedi dernier après-midi alors que le grand public avait déjà été averti.

De qui se moque-t-on ?

Les autorités françaises font un point presse tous les jours ce qui évite aux journalistes d'enquêter.

Le grand public, et les médecins savent-ils quel est le taux de pénétration possible d'un nouveau virus en population générale ? Entre 25 et 60 % de la population globale.

Le grand public et les médecins savent-ils combien il y a de morts en France par an dus à la grippe saisonnière pour laquelle il existe un vaccin ? Entre 4 et 5000 ! (Et nous n'entrerons pas ici sur a) l'inefficacité relative du vaccin anti grippe saisonnière chez les personnes les plus à risques comme nous l'avons analysé ici ; b) sur la surestimation des chiffres par Byg Pharma et sur la sous-estimation des chiffres par les autorités sanitaires)

Le grand public et les médecins savent-ils où sont actuellement stockés les doses de Tamiflu et de relenza ? Sur des bases militaires top secret !

Les médecins généralistes savent-ils d'ores et déjà que tout malade qui tousse et qui est fébrile ne devait entrer dans une salle d'attente de médecine générale qu'en portant un masque chirurgical ?

Les médecins généralistes portent-ils d'ores et déjà un masque "soignant" FFP2 chaque fois qu'ils sont confrontés à un patient qui tousse ?

Les centres de consultation sont-ils prêts ?

Où sont-ils situés dans chaque agglomération ?

Ici, à Mantes, je ne sais pas quel est le centre de consultation qui sera désigné et où il sera localisé.

Les médecins généralistes vaccinent-ils préventivement contre le pneumocoque chez tous les patients à risque (Situation 4A : pre07)

Qui sait combien l'organisation du plan pandémie est un joyeux bordel administratif où tout le monde se marche sur les pieds : cf. l'organigramme de la page 21 du Plan Grippe aviaire ?

J'aimerais savoir à l'heure où j'écris ces lignes (9 h 24) qui est au courant de quoi.

Il semble que les autorités de santé en soient restées à la phase 4, puis maintenant, je l'espère, la phase 5A. mais la phase 5B est pour demain avec commes mesures immédiates :

suspension du système du médecin traitant
réquisition des médecins généralistes par les préfets

isolement des malades à domicile ne nécessitant pas d'hospitalisation avec visites régulières de médecins (lesquels ?)

organisation de structures intermédiaires d'hébergement pour le regroupement de malades isolés dont l'état ne justifie pas une hospitalisation

regroupement des cas graves dans les hôpitaux

Bon, où sont les instructions ? Où sont les Médecins généralistes ?

A suivre.



jeudi 23 avril 2009

CRITIQUER LA MEDECINE PAR LES PREUVES / EBM : UN FONDS DE COMMERCE QUI RAPPORTE

Critiquer la Médecine par les preuves, alias l'Evidence Based Medicine, est une attitude intellectuelle qui rapporte de l'audience.
Dans un autre domaine que celui de la médecine, on appellerait cela du populisme.
Et pour faire plaisir à tout le monde il existe un populisme de gauche et un populisme de droite.
Nous avons analysé ici quels étaient les enjeux de l'Evidence Based Medicine.
Ces critiques, et je suis le premier à m'y associer, sont salutaires quand La Médecine par les Preuves est brandie comme un instrument infaillible de la nouvelle pratique de la médecine.
Mais ne nous y trompons pas, un certain nombre de ces critiques ne sont qu'une façon inélégante de se débarrasser de toute contrainte pratique et de donner l'occasion au médecin, dans le cadre de son colloque singulier, de faire ce qu'il veut "à la bonne franquette".
Je ne parlerai ici que des Médecins Généralistes (MG) dont on me dit que, par l'opération du Saint-Esprit, ils sont devenus des spécialistes, on ne critique bien que ce que l'on connaît, me réservant les critiques sur les spécialistes dans le cours du texte.
*
Critiquer l'EBM parce qu'elle serait une sorte de scientisme : danger.
Un certain nombre de MG, échaudés par le contenu de leur formation et par les relations qu'ils entretiennent avec les hospitaliers en général, assimilent l'EBM à la science délivrée verticalement par l'Olympe académique qui pourrait se résumer à ceci : Circulez, y a rien à voir !
Mais la meilleure façon de s'opposer à cet abus de pouvoir n'est pas de penser autrement au nom d'une spécificité généraliste qui ne se fonderait que sur la pratique mais d'entrer dans le domaine des professeurs (dont la scientificité est souvent à démontrer) pour leur dire combien ils se trompent ou combien ils ont raison !
Lire, lire et relire, s'informer, prendre les bonnes sources, voilà la méthode.
Discuter avec ses pairs dans le cadre des groupes de pairs pour pouvoir discuter avec les spécialistes dans le cadre des courriers ou dans les échanges professionnels.
Avoir peur de la science c'est avoir peur de soi-même, c'est avoir peur de ne pas être au niveau, c'est revenir en arrière au temps où les articles médicaux étaient non des 'Ce que les études disent' mais 'Ce que mon expérience dit'. Et refuser le dialogue avec les Académiques qui ne connaissent que leur pratique hospitalière !
Car, rappelons-le, l'EBM c'est trois parties, dont la Science, les études contrôlées pour simplifier, n'est que le Tiers-Etat.
Refuser l'étude des études contrôlées et les prendre pour l'EBM tout entière est un non sens et une façon de dévaloriser la pratique de la Médecine Générale !
C'est aussi ouvrir grande la porte aux études non contrôlées, ou contrôlées (au sens sponsorisées) par l'industrie et ne plus "croire" que ce que l'on lit dans le Quotidien du Médecin...
Bien entendu il est nécessaire d'avoir un oeil très critique sur ces études contrôlées tant pour leur indépendance, que pour leurs protocoles, leurs critères d'inclusion et de jugements et leurs implications pratiques.
Il faut aussi savoir que l'Etat de la Science signifie parfois des révisions déchirantes et que le changement des Recommandations ne signifie pas que les Recommandations précédentes étaient des faux mais qu'elles ont été modifiées grâce à l'apport de nouvelles données.
*
Mettre en avant la pratique individuelle de chaque Médecin Généraliste contre la Science et l'EBM : malin.
Valoriser la pratique individuelle de la Médecine Générale (contre la Science dite Académique) est également une façon adroite de se défausser et de donner bonne conscience au MG qui a décidé de ne pas s'encombrer de travaux annexes qui s'appelleraient s'informer, lire, discuter la Science (alias les études contrôlées) : il a déjà tant de travail !
Ce deuxième pilier de l'EBM, l'expérience personnelle, n'est pas une valeur en soi si elle n'est pas étayée par les deux autres piliers de l'EBM. Mais quoi de plus flatteur que de penser que la subjectivité est au centre de la démarche professionnelle ! Une subjectivité qui s'affranchirait de la science, des études sur sa propre activité, sur ses propres résultats, sur ses propres modus operandi au nom d'un Art inclassable, inanalysable échappant à toute épistémologie et, aussi, à toute influence externe.
Je n'y crois pas une seule seconde.
Tout l'intérêt de notre pratique de Médecin Généraliste est d'améliorer notre pratique en tenant compte des données des études cliniques contrôlées pour les adapter aux situations et aux patients / malades. Mais, pour ce faire, faut-il encore connaître les données de la Science et ne pas s'asseoir dessus.
Pour échapper à la Science il faut la connaître et, ensuite, éventuellement, s'asseoir dessus.
Mais l'autre étape indispensable est la connaissance institutionnelle et scientifique de la Médecine Générale. Nous ne saurions trop conseiller aux bougons et aux réfractaires de prendre en compte le travail énorme de la Société Française de Médecine Générale.
Car comment raisonner si l'on ne dispose pas d'un corpus ? Comment énoncer si l'on ne travaille pas à partir de données chiffrées ? Comment s'analyser si l'on ne dispose pas d'outils de comparaison ? Et dans la valorisation de la pratique individuelle il y a cet aspect scientifique de la publication de données de Médecine Générale pour éclairer les pratiques et leur donner un sens ou une opportunité.
Pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup de publications contrôlées en Médecine Générale ? Nous reviendrons sur cette question une autre fois.
Car l'aboutissement de la mise en avant de l'expérience individuelle conduit aussi à l'Evaluation des Pratiques Professionnelles, ce à quoi une grande majorité de MG ne semble pas prête.
*
Refuser les Valeurs et les Préférences des patients en refusant l'EBM : subtil !
Un des motifs cachés du refus de l'EBM au nom du subjectivisme individuel des médecins, c'est probablement refuser que les patients / malades prennent part au processus décisionnel. Car cette participation a un côté inquiétant pour le MG de base qui pense que le patient / malade doit avant tout obéir aux décisions du Grand Spécialiste en Médecine Générale. Nous sommes les héritiers d'une médecine paternaliste où le médecin prend la décision à la place du malade, au nom du malade parce qu'il y en a un qui sait et un autre qui ne sait pas. Et si le MG, déjà dévalorisé par les institutions académiques, se voit contrarier par le malade, où va-ton ?
Je ne disconviens pas sur le fait que la parole du patient / malade peut être équivoque et que l'accès aux informations sur Internet peut conduire à des interprétations délirantes et non conformes aux données de la Science ou, comme ondit, à l'Etat de l'ART. Mais si le MG est au courant de l'Etat de l'Art, quel plaisir que de dialoguer et d'informer un patient qui pose des questions sur lui-même ?

En résumé : critiquer la Médecine par les Preuves / EBM est une nécessité absolue de la part du MG. Mais cette critique doit être fondée sur une connaissance parfaite des Données de la Science, l'acceptation d'une évaluation personnelle qui ne soit pas seulement une autoévaluation et la prise en compte des Valeurs et Préférences du patient. Vaste programme. Mais méfions-nous des démagogues de tout poil qui, au nom d'une attitude pragmatique, veulent jeter le bébé avec l'eau du bain !






vendredi 10 avril 2009

CANCER DE LA PROSTATE : QUAND LE PROFESSEUR BERNARD DEBRE S'EN MELE

Le cancer de la prostate est un sujet trop sérieux pour être confié aux urologues.

Nous vous avions indiqué dans un article récent que les deux dernières études (l'une américaine, l'autre européenne) publiées sur l'intérêt du dépistage systématique du cancer de la prostate n'apportaient rien de nouveau : il n'était toujours pas nécessaire de le faire.

Mais c'était sans compter avec le grand professeur Debré, illustre chef de service d'urologie (on rappelle ici que le président Mitterrand n'a pas été opéré par lui mais par le professeur Steg dans son propre service), qui vient de présenter, sous l'égide de l'OPEPS (Office Parlementaire d'Evaluation des Politiques de Santé), un rapport qui tend à vouloir, contre toute évidence scientifique, généraliser le dépistage de masse du cancer de la prostate par le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen).

Le Professeur Debré ferait simplement pitié si ce rapport ne reflétait pas l'état déliquescent de la Société Française dont les mammelles sont le copinage et l'acoquinage et, dans le cadre plus particulier de la Santé, à la puissance quatre.

Pour une lecture d'une critique argumentée de ce rapport qu'il est possible de télécharger, je vous conseille de vous diriger sur le site du docteur Dominique Dupagne où l'auteur fait une analyse saisissante des incohérences, des approximations et des mensonges colportés par l'OPEPS via le professeur Debré.

Voici quelques données que l'on peut tirer de cette affaire :

  1. Une mission parlementaire est confiée à un homme, le professeur Bernard Debré, qui est connu pour ses positions a priori en faveur du dépistage de masse du cancer de la prostate (conflit d'intérêt intellectuel).
  2. C'est à l'Association Française d'Urologie, dont Bernard Debré est membre, que l'on confie l'enquête. Cette association d'urologues français est connue elle-aussi pour ses prises de position extrêmistes dans le domaine du dépistage de masse du cancer de la prostate et ses "Recommandations" sont elles-aussi connues pour être en désaccord avec celles de la Haute Autorité de Santé, et de l'Institut national du Cancer, Recommandations qui devraient faire autorité en France. Rajoutons qu'à part l'American Urological Association, aucune société savante urologique dans le monde ne préconise non plus le dépistage de masse... (Conflit d'intérêt intellectuel et financier).
  3. Le rapport est commenté de façon généralement très favorable dans la presse médicale et grand public et les "journalistes" français, médicaux ou non, se contentent des déclarations de Bernard Debré pour faire leur opinion et celle de leurs lecteurs. En France le journalisme médical d'investigation n'existe pas ou de façon sporadique.
  4. Le rapport de l'OPEPS est globalement un tissu de mensonges. Nous avons commenté ici les deux études dont il fait mention et souligné combien l'étude européenne était imparfaite et l'étude américaine convaincante pour continuer de ne rien faire et pourtant Bernard Debré, mentant comme un arracheur de prostate, en tire des conclusions opposées. Il oublie en particulier de dire que les cas français ont été enlevés de l'analyse finale. Notre bonté d'âme nous interdit d'en donner les raisons (incompétence ?).
  5. La mission parlementaire a confié aux seuls urologues le soin d'évaluer leurs propres pratiques sans tenir compte des critiques formulées par des experts en Santé Publique comme le professeur Gérard Dubois ou l'épidémiologiste Catherine Hill
  6. Où sont indiqués les conflits d'intérêt du professeur Debré ? Où sont indiqués les conflits d'intérêt de l'AFU ?
En conclusion : Il est fort peu probable que ce rapport finisse par faire autorité mais que d'efforts pour le critiquer ! Sa simple lecture permet de se rendre compte de sa fausseté scientifique et nous espérons que l'Université Française, que les Autorités Académiques se réveilleront afin que l'on puisse dire à propos de l'OPEPS, à l'instar de Cornelius Castoriadis à propos de l'URSS, cinq lettres, cinq mensonges.

jeudi 9 avril 2009

TRANSPARENCE ET CONFLITS D'INTERETS : LE JAMA INNOVE EN PIRE !

Le deuxième grand journal médical américain, le JAMA ou Journal of American Medical Association (le premier étant le NEJM ou New England Journal of Medicine), fait fort : il a décidé que si quelqu'un écrivait au journal pour signaler des possibles conflits d'intérêts concernant des auteurs de la revue il devait garder le silence jusqu'à ce que les allégations soient investiguées !
Cette décision fait suite à une lettre, publiée dans le BMJ, signalant un conflit d'intérêt majeur, non mentionné dans le JAMA, entre le premier auteur d'un article et une société commercialisant le produit testé. Les professeurs Leo et Jacasse ont envoyé ce courrier au BMJ après que le professeur Leo eut écrit une lettre au JAMA (et au New York Times) et qu'il n'eut pas reçu de réponse cinq mois après cet envoi bien qu'il ait adressé une lettre de relance et un courriel. Et ce n'est qu'ensuite qu'il a signalé les faits au BMJ qui a publié. Notons ici que le système de réponse rapide du BMJ est très simple, qu'il suffit de respecter les instructions aux auteurs pour être publié quasiment instantanément : j'en ai fait plusieurs fois l'expérience. Cela dit je n'ai jamais écrit une lettre au BMJ pour signaler un conflit d'intérêt concernant un auteur du BMJ...
Mais là où l'affaire prend de l'ampleur c'est lorsque l'on apprend qu'à la suite de l'envoi de la réponse rapide au BMJ les deux auteurs ont reçu des appels téléphoniques de menaces, des attaques personnelles et des courriels émanant de la rédaction du JAMA leur demandant de retirer leur réponse rapide du BMJ !
Cette nouvelle "péripétie" soulignant les liens de consanguinité entre les journaux médicaux et Byg Pharma que nous avons rapportés ici pour les vaccins anti grippaux a fait l'objet de commentaires peu élogieux pour le JAMA dans la presse grand public américaine. Qu'il s'agisse du Chicago Tribune qui a été le plus virulent ou du Wall Street Journal.
Comme l'a écrit Jerome Kassirer, ancien rédacteur en chef du NEJM, "Personne ne pourra empêcher un whistleblower de parler pour dénoncer." Un whistleblower est un lanceur d'alerte ou un délateur (dans cette dernière acception il s'agit d'une personne qui, étant membre d'une entreprise, en dénonce les dysfonctionnements de l'intérieur ou après l'avoir quittée).
Ce débat lancé sur des medias médicaux et grand public aux Etats-Unis souligne encore la petitesse de la France en ce domaine : il est rare que les conflits d'intérêts soient dénoncés dans la presse grand public et il est encore plus rare que la grande presse s'attaque à la presse médicale ou n'aille pas dans le sens du poil des auteurs racontant n'importe quoi par abus d'autorité. La révérence française à l'égard des pouvoirs établis va même jusqu'à la non possibilité d'obtenir un débat scientifique de bonne qualité sur des sujets sensibles comme le dépistage du cancer du sein par la mammographie, du cancer de la prostate par le dosage du PSA ou l'intérêt de vacciner les personnes âgées contre la grippe.
Un autre aspect de ce débat est aussi le manque cruel de revues françaises publiant des articles originaux de recherche.
Nous souhaiterions pouvoir disposer d'espaces de discussion fondés sur les données de la science permettant de discuter sereinement de problèmes, notamment de Santé Publique, déterminants pour la société française.
Il ne semble pas que le JAMA soit désormais en pointe.
A vos plumes !

mardi 7 avril 2009

FORMINDEP ET TRANSPARENCE : SUITE

Il faut féliciter le Formindep pour sa réactivité transparencielle.

A peine avais-je demandé que la réponse de la Haute Autorité de Santé fût publiée en ligne que le Formindep s'exécutait.

Et lorsque l'on lit le courrier de Laurent Degos on se demande bien pourquoi le Formindep ne l'a pas publié avant.

Ce courrier est d'une indigence qui frise le zéro pointé. On y apprend ainsi qu'il est bien difficile de faire appliquer les règles de transparence, que l'on s'y emploie, que l'on fait de son mieux mais que rien n'est encore parfait...

Dans sa réponse le Formindep souligne que Laurent Degos ne répond pas aux questions qui lui étaient posées, notament sur la publication complète des liens financiers des participants à ces commissions avec l'industrie pharmaceutique. Habilement le Formindep, qui n'en pense pas un mot, suggère à la HAS qu'une complète transparence crédibiliserait les Recommandations de la HAS. Le Formindep se propose même de participer à cet effort !

Cela dit, et nous sommes à la fois d'accord avec le Formindep pour que les règles de transparence telles qu'elles ont été édictées par la HAS elle-même, soient respectées, et d'accord avec la HAS pour dire qu'il est assez difficile d'éliminer tout expert qui a eu ou qui aura un lien avec Byg Pharma, la question des experts se pose.

Faut-il que les experts qui jugent les essais cliniques n'aient jamais participé à aucun essai clinique dans le domaine étudié ? Faut-il que les experts soient naïfs au point de ne jamais avoir publié dans le domaine étudié ? C'est un point crucial que les différentes Agences internationales n'ont jamais résolu.

Dernier point :
  1. Alzheimer : l'épidémie d'Alzheimer est extrêmement suspecte. Nous ne sommes pas tout à fait dans un contexte de Disease Mongering mais plutôt dans un regroupement des démences sous le chapeau d'Alzheimer. Et dans une Stratégie de Knock sociétale. Dès qu'un patient oublie ses clés il est suspect d'Alzheimer et on commence à le patcher (disease mongering et Stratégie de Knock). Dès qu'un homme politique monte sur une estrade il n'a de cesse de parler des maisons de retraite médicalisées, des associations d'aide à la personne et de soulagement des familles (Stratégie de Knock). Il serait intéressant que des enquêtes indépendantes se penchent sur le surdiagnostic de la maladie d'Alzheimer et sur la mise sous traitements (inefficaces) de patients non encore malades.
  2. Diabète de type 2 : j'ai souligné ici le désaroi des médecins devant l'épidémie de diabète (liée probablement à des comportements sociétaux : suralimentation dans les pays développés) et devant la maigreur des résultats cliniques des traitements validés proposés sur les critères de morbimortalité metformine (glucophage / Stagid), glibenclamide (Daonil) et insuline. Il n'est pas surprenant que Byg Pharma fasse le forcing avec de nouvelles molécules non éprouvées.
Revenons à nos moutons :
  1. La HAS ne fait pas son boulot
  2. Les médecins lisent peu ses recommandations (pas en raison des conflits d'intérêts non mentionnés mais par fainéantise)
  3. La CPAM nous oblige à respecter des Recommandations HAS (Affections de Longue Durée) pour laquelle il existe de sérieux doutes d'indépendance.
  4. Le Formindep a peur de son ombre en ne mettant pas en ligne immédiatement et en ne laissant le lecteur se faire une idée lui-même.


dimanche 5 avril 2009

FORMINDEP ET TRANSPARENCE

La transparence est le fonds de commerce du Formindep, association qui a pour objectif, je cite : ... pour une formation et une information indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients..., ce qui laisse peu de place au reste de l'humanité...
Mais la transparence serait-elle, comme le principe de précaution qui n'est pas applicable à lui-même, non applicable au Formindep ?
Depuis le 12 mars dernier, le Formindep publie un brûlot pour ceux qui ne connaissent pas la Haute Autorité de Santé (HAS) : "HAS et conflits d'intérêts. Des recommandations professionnelles peu recommandables." Dont acte. Pas grand chose à dire. Comme d'habitude l'article est suivi de commentaires dithyrambiques par des médecins "amis" qui ont le droit d'être anonymes (par prudence. Il semblerait qu'ils aient peur d'une police vichyste qui pourrait aboutir à une interdiction d'exercice) mais les messages qui ne sont pas de la même eau ou qui ne conviendraient pas à Monsieur Foucras, parangon de la vertu éditoriale et médicale, sont rejetés comme diffamatoires et soumis à un contrôle a priori.
Mais le Formindep va plus loin : il signale que la HAS, par l'intermédiaire de son président, le professeur Laurent Degos, a répondu le 21 mars 2009 et que "Le Formindep prend le temps de l'étudier en détail, afin de lui donner les suites qu'il jugera nécessaires au respect de la transparence de l'information médicale."
Ainsi, le Formindep, canon des élégances de la transparence, ne publie pas en ligne le document qui lui a été adressé. Ses lecteurs ne sont pas assez matures pour comprendre, il est nécessaire d'interpréter, de donner des clés, d'indiquer la ligne du Formindep... On croit rêver.

Il est vrai que le Formindep, quand il met en avant "La question du sénateur Autain au ministre de la Santé" ne précise pas qu'il s'agit d'un député apparenté au Parti de Gauche.

Monsieur Foucras, qui publie également dans l'Humanité, c'est son droit et nous le défendons puisque le journal L'Humanité, comme nombre de quotidiens français reçoit des subventions publiques, ne croit pas bon de s'interroger sur le fait que le parti Communiste ait fait son aggiornamento sur différentes questions concernant le domaine médical.

La transparence est un sport difficile à pratiquer car son côté ontologiquement inquisitorial finit par se retourner contre ses auteurs quelques bonnes intentions qu'ils aient.

Nous en reparlerons dans ce blog car il s'agit d'un point crucial.

La publication des conflits d'intérêts dans le domaine médical est un impératif et devrait faire l'objet d'un contrôle adapté en fonction des textes de loi existant. Mais n'oublions pas qu'il peut être à double tranchant et venir menacer, non les libertés publiques, mais les libertés privées.
Erratum : Je prie d'excuser les lecteurs sur le fait que dans mon enthousiasme à dénoncer je n'ai pas vérifié que le sénateur Autain n'était pas membre du Parti Communiste Français mais effectivement du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon. J'ai donc modifié le texte.

PHARMACOVIGILANCE : LA REVUE PRESCRIRE FAIT CAVALIER SEUL

Une nouvelle rubrique est apparue dans La Revue Prescrire : Évitez l'évitable. [Rev Prescrire 2008;28(301):864-66].

( Ce billet est paru en avril 2009 et s'il revient en première page c'est parce qu'une personne citée m'a demandé de l'anonymiser)

J'avais survolé l'article princeps lorsqu'il était paru en novembre 2008 (Signaler les effets indésirables des soins : enjeux et limites) tout en m'étonnant d'une telle démarche.

La Revue Prescrire clame à longueur de colonnes que les médecins doivent être responsables, citoyens, et surtout anti Byg Pharma (le cœur de cible de la revue) et dans l'éditorial de ce même numéro [Payés à quoi faire ? Rev Prescrire 2008;28(301):801] l'éditorialiste tonne contre le paiement à l'acte et souligne le temps passé à renouveler des ordonnances complexes ou à "...déceler et signaler les effets indésirables des médicaments... au tarif standard d'une vingtaine d'euros l'unité..."

La déclaration des effets indésirables graves ou inattendus des médicaments (tout comme par ailleurs la notification des maladies à déclaration obligatoire) fait partie des tâches nobles du médecin, appartient à la catégorie des nécessités morales de la santé publique qui incombent à la responsabilité individuelle et collective du praticien et devrait être une évidence. Or, La Revue Prescrire, pour des raisons idéologiques et syndicales, passe l'éponge sur ces sous-notifications et aimerait que les médecins fussent rémunérés pour ce temps passé en oubliant de préciser que la sous-notification des effets indésirables est, à quelques décimales près, la même quels que soient les systèmes de santé.

La Revue Prescrire fait son miel et sa pagination de la déclaration des effets indésirables et feint de croire qu'ils se déclarent tout seuls.

Eh bien, la Revue Prescrire, au lieu de conforter les médecins dans leurs obligations légales (article R.5121-170 du Code de la Santé Publique), souligne combien il est difficile de déclarer, ces pauvres médecins débordés de travail et de tâches administratives, ces questionnaires difficiles à remplir, les risques de non confidentialité... et encourage ces mêmes médecins à se détourner de leurs obligations (même si La Revue Prescrire dit le contraire pour se couvrir moralement) et à "déclarer" sur un espace réservé aux abonnés Prescrire.

On se demande où est le temps gagné. On se demande où est la méthodologie. On se demande de quelle démarche il peut bien s'agir. Est-ce que le grand professeur Montastruc, l'expert maison, est d'accord avec cette démarche ? Est-ce que le grand professeur Montastruc n'est pas en train de vouloir faire sécession (non pas de La Revue Prescrire mais des instances officielles) ? Où est le code des Bonnes Pratiques en Pharmacovigilance qui exclut de parler d'un cas s'il ne fait pas partie d'une publication ?

Quant à écrire "Lorsqu'un abonné Prescrire signale un événement indésirable au programme Prescrire Eviter l'Evitable, c'est dans le but d'en cerner le caractère évitable, puis d'en tirer les leçons pour mieux soigner", c'est à mourir de rire, c'est à désespérer de la causalité scientifique, c'est faire d'un cas individuel une expérience pour tous, c'est se moquer des statistiques, des recoupements, des évaluations, c'est nier le processus même d'imputabilité, c'est jeter par dessus bord toutes les procédures de pharmacoépidémiologie... Nul doute que le signalement des cas à Prescrire Eviter l'Evitable va améliorer le profil de pharmacovigilance des produits et va permettre à La Revue Prescrire de mieux évaluer le rapport bénéfices / risques des médicaments !

Le plus amusant est qu'une certaine *** (je viens de recevoir ce jour, 28 novembre 2014, soit plus de 5 ans après les faits, un mel de la certaine *** me demandant d'enlever son nom de mon billet,  à deux endroits, car, je cite ensubstance, "Ceci me porte préjudice avec atteinte à mon intégrité et mon honneur.") membre du département de Pharmacovigilance de Sanofi Pasteur MSD, a écrit à La Revue Prescrire [Rev Prescrire 2009;29(306):315] pour s'étonner de telles procédures à la suite de la non déclaration d'un effet (a priori inattendu) au laboratoire après qu'il a été mentionné par La Revue Prescrire et pour demander qu'on lui communique les éléments du dossier.

On est en plein paradoxe : réponse pour le moins alambiquée de La Revue Prescrire avec mise en avant du secret professionnel (?) et renvoi de la responsabilité vers le praticien ! Mais surtout cette dame *** se trompe de cible (même s'il est toujours exquis de mettre le doigt sur les contradictions des donneurs de leçons) : les industriels devraient être contents d'une telle démarche car cela leur permet d'avoir encore moins de déclarations à faire (et surtout d'évaluations et d'imputations) car il serait étonnant que le praticien déclarant à l'Association Mieux Prescrire déclarât aussi ou au laboratoire ou au Centre régional de Pharmacovigilance.

Prenons l'exemple des effets indésirables du vaccin contre l'hépatite B : il semble que et Sanofi Pasteur MSD et La Revue Prescrire aient intérêt à ne rien dire, les premiers pour des raisons financières et les seconds pour des raisons idéologiques.

La Revue Prescrire serait-elle autant déconnectée des réalités pour créer son propre Centre Prescririen de Pharmacovigilance avec le grand professeur Montastruc comme chef de centre ? Bientôt La Revue Prescrire va encourager les praticiens à publier les essais cliniques sur un malade afin d'en tirer des leçons pour mieux soigner.

PS
Commentaires du 28 novembre 2014.
Il n'aura échappé à personne que mon billet était volontiers critique contre La Revue Prescrire  et que la lettre publiée dans la dite revue de la certaine dame ***  était quand même très malicieuse (et que je l'ai appréciée à ce titre) et que la réponse de la revue de référence était (je viens de la relire) pas piquée des hannetons. Et ainsi la dame en question m'a-t-elle gentiment demandé de retirer son nom qui apparaît, rappelons-le, à la page 315 de La Revue Prescrire d'avril 2009, il suffit d'aller y faire un tour, ce que je fais en me demandant qui aurait bien pu remarquer qu'elle y écrivît, sinon deux pelés et trois tondus, mais maintenant un peu plus de monde le saura.

jeudi 2 avril 2009

FIBROMYALGIE : LE MARCHE DE LA DOULEUR

Ce matin : chronique "médicale" sur Télé-Matin par Brigitte Fanny-Cohen.
La fibromyalgie en première ligne.
Un publi reportage pour un professeur de la Salpétrière. Un publi reportage pour trois molécules (non citées). Une approche univoque et sans esprit critique sur la "maladie" et sur sa fréquence : 600 000 personnes en France (hypothèse basse). Une caution médicale : l'OMS.
On est loin du disease mongering, on est en plein délire knockien ou en plein emballement mimétique (girardien).
Je viens de lire dans le British Medical Journal un article rapportant le fait que deux patients ont perdu leur procès contre le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) qui mettait en avant dans ses recommandations la pratique de la Thérapie Cognitive Comportementale et de l'Exercice Physique Gradué. Les arguments des plaignants étaient ceux-ci : conflits d'intérêt détectés chez les membres du NICE ; non évaluation des risques possiblement causés par les deux techniques mises en avant ; sur estimation du rapport York analysant les différentes thérapeutiques et leurs résultats ; non prise en compte du point de vue des patients.
Les patients ne veulent pas entendre parler d'une approche psychosociale mais désirent qu'on les considère comme atteints d'une maladie biométabolique. En d'autres termes ils se sentent minorés par la non reconnaissance d'une maladie qu'ils souhaiteraient à substratum anatomopathologicophysiologique pur et par le soupçon d'une participation psychologique (voire psychiatrique) à leurs souffrances. En d'autres termes, ils préféreraient que leur maladie ne s'appelle pas Chronic Fatigue Syndrome mais Myopathic Encephalomyopathy.
Au delà de cette controverse, on voit ici combien la douleur des patients peut être au centre d'une réflexion générale dépassant la Stratégie de Knock et, a fortiori, le disease mongering.
La fibromyalgie fait l'objet d'un intérêt croissant en raison du fait que le nombre de malades qui en seraient atteint "explose". Rien de bien extraordinaire pour ceux qui suivent l'actualité, déjà ancienne, des "nouvelles" maladies, des maladies mimétiques et du marketing médical : dans le cas précis il y a invention d'une maladie (en 1955), regroupement de symptômes, agrégation d'évidences, définition de critères, appropriation par des "experts" qui croient être des pionniers se battant contre les moulins à vent de l'académisme, puis appropriation par les malades, enfin reconnus, puis académisation de la maladie, reconnaissance par l'OMS (ça en jette, l'OMS, surtout lorsque l'on n'analyse pas les conflits d'intérêts multipliés à la puissance cent), par l'Association Américaine de Rhumatologie, la FDA, et cetera... Et, enfin, last but not least : on propose des molécules, d'abord anciennes puis nouvelles.
Un petit tour sur google donne le vertige : le nombre de sites est impressionnant et, au bout du compte, tout patient souffrant de fibromyalgie (polyenthésopathie) peut se reconnaître, demander à son médecin de le reconnaître afin de lui coller une étiquette sur le front et de le gaver de médicaments.
La controverse britannique maladie biométabolique / maladie psychosociale est amusante. En France où les Thérapies Cognitivo Comportementales sont peu répandues en raison de la chappe freudienne, il y a aussi la psychothérapie d'obédience analytique qui est également mise en avant.
Mais là où le paradoxe devient excitant c'est au moment où les partisans de la théorie organique réclament des médicaments qui sont soit des antisérotoninergiques (comme dans la dépression ?), soit des amitryptiliques (comme dans la dépression ?), soit des antiépileptiques (maladie qui fut longtemps, et encore, une maladie honteuse). Le dernier produit émane de chez Pfizer et les études me semblent-ils ont été réalisées par un escroc.
Un autre paradoxe : les tenants, comme moi, de la prise en compte des Values and Preferences des patients, se trouvent pris à leur propre piège : elles me renvoient à un débat que je ne veux pas avoir.
Car argumenter sur la fibromyalgie c'est aussi asseoir la maladie dans son statut.
Et comme le dit David Michaels à propos de Byg Pharma : Le Doute est leur Produit.
Plus les controverses sont fortes, plus le patient est conforté dans ses certitudes.
Et le patient souffre !