samedi 13 décembre 2008

VACCINATION CONTRE LA GRIPPE CHEZ LES PLUS DE 65 ANS : INCERTITUDES

FAUT-IL CROIRE A LA PHRASE : TOUT LE MONDE SAIT QUE LA VACCINATION CONTRE LA GRIPPE EST EFFICACE ?




Voilà une phrase qu'il n'est pas possible de critiquer sans passer pour un ringard, un sectaire, un réactionnaire, un millénariste, un crétin, un ennemi du progrès ou un ignorant des objectifs modernes (et citoyens) de la Santé Publique (avec majuscules).




Pas un homme politique, pas un Président de Conseil Général, pas un directeur d'Agence Gouvernementale, pas un Ministre de la Santé (médecin ou non), pas un Médecin des Hôpitaux, pas un médecin formateur, pas un spécialiste de ville, pas un médecin généraliste, pas un citoyen lambda (disposant ou non d'un portefeuille en actions) qui ne sachent que la Prévention, coco, c'est bon pour, respectivement, les électeurs, les citoyens, les patients, les malades qui s'ignorent, l'espérance de vie et le commerce de la Santé.



Et d'ailleurs tout le monde le sait que la vaccination anti grippale est une affaire sérieuse, documentée et QUI SAUVE DES VIES.




Comme le beaujolais nouveau, les soldes aux Galeries Lafayette, ou l'augmentation du prix des transports publics, tous les ans à la même époque, le teasing de la vaccination est lancée ou, variante, le marronnier est planté. On commence par dire que l'épidémie asiatique a été d'une exceptionnelle ampleur ; on continue en affirmant, c'est selon (il s'agit, ne riez pas, de données épidémiologiques sérieuses), que les souches virales ont muté ou qu'elles n'ont pas muté : dans le premier cas il faut absolument être vacciné et dans le second c'est encore mieux, peuple heureux, car vous serez encore plus protégés ; on rajoute le spectre de la grippe aviaire (un reportage sur un marché asiatique ou sur un malade hospitalisé à Toronto) et la confusion est soigneusement entretenue entre la grippe humaine et la grippe animale : ça va faire monter les ventes ; on mobilise les media de tous poils ; on fait des reportages sur les médecins sentinelles ; le GROG a droit à des pages de pub gratuites dans les journaux sponsorisés ; on fabrique des spots de télévision ; on enrôle les pontes de l'Institut Pasteur ; on suscite des enquêtes dans les maisons de retraite ; on convainc le patronat de vacciner gratuitement ses salariés pour diminuer le nombre d'arrêts de travail ; toutes les CPAM de France sont engagées pour délivrer la bonne parole aux prescripteurs, aux patients et aux malades, aux parents des enfants qui ont reçu ne serait-ce qu'une bouffée de ventoline dans l'année ; et les usines peuvent tourner à fond pour la bonne marche du système, des actionnaires aux travailleurs.



Mais où en sommes-nous sur les faits scientifiques ?


Prenons l'exemple de la Grande-Bretagne, pays plus civilisé que le nôtre puisqu'il existe des études épidémiologiques, des auteurs d'articles, des économistes de la Santé, des organisations gouvernementales qui travaillent et qui, non contentes de prôner des mesures de santé Publique, s'assurent qu'elles sont appliquées, dans quelles conditions, et avec quel profit, non seulement pour un patient particulier, mais pour tous les patients et qui recherchent si le rapport bénéfices / coûts a été satisfaisant.



Eh bien, même en Grande-Bretagne, où les autorités s'enorgueillissent d'être le premier pays en Europe pour le taux de couverture vaccinale anti grippale chez les plus de 70 ans (78 %) (1), il existe des voix discordantes pour demander plus de preuves.

Les auteurs d'un éditorial dans le BMJ ont beau écrire, sans citations d'articles, que "Le rationnel pour le programme [de vaccination] est fondé sur la connaissance que le vaccin est efficace et coût-efficace."(2), il existe encore des incertitudes.

Je vais tenter de vous les résumer.

  1. C'est chez les personnes âgées que le vaccin "marche" le moins bien. Une étude randomisée a montré que dans le cas de grippes, sérologiquement confirmées et cliniquement avérées, l'efficacité du vaccin était respectivement de 58 et 47 % chez les personnes de plus de 60 ans (3). Mais ce n'était pas significatif chez les personnes de plus de 70 ans, le groupe le plus visé par les campagnes de vaccination.
  2. Une étude britannique analysant les essais cliniques publiés depuis dix ans et comparant morbidité et mortalité entre les périodes sans et avec grippe a montré une réduction significative des admissions à l'hôpital pour détresse respiratoire aiguë (efficacité vaccinale 21 % ; mortalité respiratoire 23 %) mais pas d'efficacité sur la mortalité globale. (4)
  3. Les études rétrospectives sur les épidémies de grippe en collectivité montrent que le premier facteur favorisant est la non vaccination des personnels soignants.
  4. La méthodologie des essais laisse souvent à désirer (cf. infra : (5)) en raison de nombreux facteurs : gravité de l'épidémie de grippe, types de souches, pénétration différente en fonction des classes d'âge, de l'intensité et de la virulence des souches, susceptibilité individuelle, non confirmation sérologique des tableaux cliniques grippaux, non analyse des différents facteurs confondants, études observationnelles, malades les plus graves ou les plus "en fin de vie" moins vaccinés que les patient sains... et cetera, et cetera.


Les pro vaccins universels (ceux qui défendent indifféremment toutes les vaccinations, depuis l'hépatite B juqu'aux papillomavirus) ont beau produire des essais observationnels américains issus des Health Maintenance organization (dont nous éviterons de parler du simple point de vue des conflits d'intérêt) qui clament une diminution de 47 % de la mortalité globale (5) mais dont la méthodologie est assez imprécise et surtout discutable, et, dans le même temps, refuser la méthodologie des cas-témoins quand les essais non sponsorisés montrent quelques soucis sur les affections démyélinisantes (6), il y a quand même quelque chose de pourri au Royaume du Danemark.



Vaccinons, vaccinons, il en restera toujours quelque chose....


Enfin, last but not least, les auteurs de l'éditorial précité (2) écrivent ceci : "Dans les pays où la vaccination est recommandée il serait difficile d'obtenir l'autorisation de mener des essais randomisés."

Il s'agit d'un très bel exemple d'immunisation passive contre la critique, telle qu'elle a été décrite par Popper.













Références.

1 - Blank PR, Schwenkglenks M, Szucs TD. Influenza vaccination coverage rates in five European countries during season 2006/7 and trends over six consecutive seasons. BMC Public Health 2008;8:272.
2 - http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/nov18_3/a2545
3 - Govaert TM, Thijs CT, Masurel N, Sprenger MJ, Dinant GJ, Knotterus JA. The efficacy of influenza vaccination in elderly individuals. A randomized double-blind placebo-controlled trial. JAMA 1994;272:1661-5.[Abstract]
4 - Mangtani P, Cumberland P, Hodgson CR, Roberts JA, Cutts FT, Hall AJ. A cohort study of the effectiveness of influenza vaccine in older people, performed using the United Kingdom general practice research database. J Infect Dis 2004;190:1-10.[CrossRef][ISI][Medline]
5 - Jefferson T, Rivetti D, Rivetti A, Rudin M, Di Pietrantonj C, Demicheli V. Efficacy and effectiveness of influenza vaccines in elderly people: a systematic review. Lancet [CrossRef][ISI][Medline]
6 - Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.
2005;366:1165-74.

jeudi 11 décembre 2008

PAS DE DOSAGE DU PSA CHEZ LES HOMMES DE PLUS DE 75 ANS !

De plus en plus de médecins savent combien le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA chez les hommes de plus de 50 ans n'a pas montré un rapport bénéfices / risques documenté.



Néanmoins, une majorité de médecins, semble-t-il, continuent de doser le PSA chez leurs patients à partir de l'âge de 50 ans dans le but de rechercher un cancer de la prostate.



Les raisons en sont multiples : la demande des patients relayée par la grande presse et par des médecins soit influencés soit de bonne foi ; le chantage au cancer : comment pouvez-vous ne pas rechercher un méchant cancer et le laisser évoluer ? ; le risque médicolégal : refuser de doser le PSA alors qu'on découvrirait ensuite un cancer ; le poids des habitudes : la prévention considérée comme un des Beaux-Arts en médecine ; la pression des urologues et de l'AFU qui recommande le dépistage malgré les recommandations contraires de l'AFSSAPS ; une méconnaissance des études épidémiologiques et des enjeux de la Santé Publique.
Que se passe-t-il chez les Américains ?
L'USPSTF (US Preventive Services Task Force), un organisme indépendant mandaté par le Congrès Américain, vient de modifier ses recommandations.


Jusqu'à présent, l'USPSTF indiquait que "the current evidence is insufficient to assess the balance of benefits and harms of prostate cancer screening in men younger than age 75 years" [les données actuelles sont insuffisantes pour apprécier le rapport bénéfices / risques du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes de moins de 75 ans].


Aujourd'hui l'USPSTF ajoute : "Il est désormais recommandé de ne pas dépister le cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus."

Screening for prostate cancer: U. S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med 2008;149:185-191. [Free Full Text]
Pourquoi ce changement d'attitude ?
Nous reprenons une analyse faite par Michael Barry et publiée dans le New England Journal of Medicine : http://content.nejm.org/cgi/content/full/359/24/2515?query=TOC
Les arguments :
1) Dans le seul essai clinique randomisé comparant les effets de la prostatectomie à l'expectative armée (ma traduction de 'watchful waiting') chez les hommes présentant un cancer localisé de la prostate, le bénéfice de la prostatectomie a été statistiquement significatif à douze ans mais avec une différence absolue de 5,4 % sur la seule mortalité due au cancer de la prostate. Cet essai signifie qu'il faut réaliser 18 prostatectomies radicales pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate sur une période de douze ans.

Bill-Axelson A, Holmberg L, Filén F, et al. Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer: the Scandinavian Prostate Cancer Group-4 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2008;100:1144-1154. [Free Full Text]
2) Mieux encore : dans cet essai scandinave, des analyses de sous-groupes ont montré (alors qu'aucun patient de plus de 75 ans n'avait été inclus) que seuls les patients de moins de 65 ans pouvaient tirer bénéfice de la prostatectomie totale, je le rappelle seulement sur le critère mortalité liée au cancer de la prostate.
3) Il faut noter également que seuls 10 % des patients de cet essai scandinave avaient été détectés par le biais du dosage du PSA. Ainsi, et ce point est capital pour ceux qui attendent de l'essai PIVOT des "preuves" sur la pertinence de la détection du cancer de la prostate par le biais du dosage du PSA et de son traitement, les résultats de cet essai (US Prostate Cancer Interventional versus Observation Trial) risquent d'être décevants puisque les trois-quarts des patients seront inclus sur la base de la détection : il existe un délai de 5 à 10 ans entre la détection d'une anomalie du PSA et sa manifestation clinique ; et surtout il existe un risque important de surdiagnostic de cancer à partir d'"anomalies" du PSA. Les résultats de l'étude PIVOT ne sont pas attendus avant 2010.
4) Pour en revenir aux hommes de plus de 75 ans : il est probable qu'il leur faudra plus de dix ans pour bénéficier d'éventuels avantages en terme de mortalité prostatique (cf. le délai entre l'"anomalie" du PSA et les manifestations cliniques). Et encore : une étude a montré que sur 1000 hommes de plus de 75 ans non fumeurs 19 mourront de leur prostate à dix ans contre 430 d'autres causes !

Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Prostate-specific antigen levels in the United States: implications of various definitions for abnormal. J Natl Cancer Inst 2005;97:1132-1137. [Free Full Text]
5) Alors que les bénéfices de la détection diminuent avec l'âge, les risques augmentent.
- Le taux de PSA est très fortement âge-dépendant et, quel que soit le seuil de PSA choisi, les hommes seront plus à risque à la fois de subir une biopsie prostatique et de se faire diagnostiquer un cancer de la prostate.
- Par exemple, avec un seuil de PSA de 4 ng/ml, respectivement 6%, 21 % et 28 % des hommes subiront une biopsie prostatique selon qu'ils sont soixantenaires, septuagénaires ou octogénaires !
- Le dosage régulier du PSA double le risque que les hommes se voient diagnostiquer un cancer de la prostate sur une période de dix ans mais nombre de ces cancers ne se seront pas manifestés cliniquement.
- Il faut aussi savoir que le risque de cancer de la prostate est aussi dépendant de l'âge (augmente considérablement avec l'âge)
- Et enfin : les risques de décès post-opératoire et de complications de la prostatectomie radicale sont eux-aussi liés à l'âge et suraugmentés à partir de 75 ans.

Begg CB, Riedel ER, Bach PB, et al. Variations in morbidity after radical prostatectomy. N Engl J Med 2002;346:1138-1144. [Free Full Text]
En conclusion : les recommandations américaines sont claires : pas de dosage du PSA chez les hommes de plus de 75 ans !
Quant aux essais en cours à venir aux Etats-Unis (the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian, or PLCO, Cancer Screening Trial), en Europe (the European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, or ERSPC), et en Grande-Bretagne (Prostate Testing for Cancer and Treatment, or Protect) ils n'apporteront rien de nouveau sur les hommes de plus de 75 ans puisqu'ils n'en incluent aucun !
Résultats dans cinq ans pour les deux premiers.
Thanks to Michael Barry who is always relevant to address controversial medical issues.


mercredi 10 décembre 2008

MEDIA ET PUBLICITE GRAND PUBLIC

Combien de temps les Yves Calvi, Michel Cymes et Marina Carrere d'Encausse, ou les Brigitte Fanny-Cohen, Jean-Noël Flayssakier et autres Paul Benkimoun continueront-ils de feindre d'ignorer, quand ils interrogent des médecins, de leur demander quels sont leurs conflits d'intérêt ?

Un célèbre psychiatre américain participant à une non moins célèbre émission radiophonique a dû démissionner après qu'un sénateur américain Charles Grassley (Iowa) eut révélé qu'il avait touché 900 000 euro d'honoraires et 100 000 euro de frais remboursés pour des participations à des conférences de la part de GlaxoSmithKline.
C'est ce que révèle le British Medical Journal à partir d'un article du New York Times.

http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec09_1/a2934

N'existe-t-il pas une loi ?

Que fait le Conseil de l'Ordre ?

dimanche 7 décembre 2008

LES REGIMES TOTALITAIRES AIMENT LE TABAC

Après avoir signé la convention de l'OMS sur le tabac il y a environ un an la Russie ne se conforme pas à ses engagements.

Contrairement à la convention la publicité est de nouveau autorisée pour les produits "light" et l'industrie du tabac est autorisée à participer au financement des partis politiques.

Rappelons ici que 60 % des jeunes Russes fument, que l'espérance de vie des hommes se situe aux alentours de 60 ans (très loin de la moyenne des pays industrialisés).
On estime (mais nous nous méfions toujours des estimations à la louche) que 330 000 personnes meurent par an des conséquences possibles du tabac.
Le prix d'un paquet de cigarettes sans filtre à Moscou est de 0,07 euro.

Rappelons aux sceptiques que l'industrie du tabac est plus forte que l'industrie pharmaceutique et que cette industrie finance également la recherche cardiologique en Allemagne : German heart specialist received research grant from tobacco industry foundation
BMJ BMJ 2008;337:a2085, doi: 10.1136/bmj.a2085 (Published 15 October 2008)

Envoyons leur le bon Professeur Molimard pour leur expliquer l'alter tabacologie.


Cette rubrique a été écrite à partir d'un article paru dans le British Medical Journal. http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec01_2/a2837

IL EXISTE DES CANCERS DU SEIN QUI REGRESSENT !

Comment dire au bon peuple que la prévention du cancer du sein par la pratique de la mammographie n'est pas aussi effective qu'il n'y paraît ?

Mais d'abord : comment persuader les médecins qui devraient être capables de comprendre et la santé publique et les statistiques que la prévention du cancer du sein n'est pas obligatoirement efficace ?

Quelques faits têtus.
  • L'incidence du cancer du sein est plus élevé dans les populations détectées que dans les populations non détectées.
C'est assez difficile à expliquer : la détection ne devrait pas trouver plus de cancers mais les trouver plus tôt
Une des explications : un certain nombre de cancers du seins régresseraient tout seuls
Une autre façon de l'expliquer : les mammographies détecteraient des cancers qui ne seraient jamais devenus cliniquement apparents.
Ou alors : le nombre de faux positifs détectés par la mammographie est tel que de nombreux cancers mammographiques n'en sont pas.

  • Aucune étude de prévention du cancer du sein par la mammographie n'a montré une diminution de la mortalité globale des femmes dans le groupe détecté.
La reprise des données de l'étude norvégienne (N Engl J Med 2008;359:2305-9[Full Text]) qui montrait une différence de 22 % de l'incidence du cancer du sein chez les femmes détectées par rapport aux autres fait dire aux auteurs que cette différence a été validée par la reprise des dossiers sur six ans (alors même que les femmes non détectées dans le programme subissaient une mammographie systématique à la fin de la période d'observation). Les femmes des deux groupes ont par ailleurs été appariées et aucune différence n'a été constatée en termes d'âge, de revenus et / ou de statut obstétrical. Il a également été tenu compte du traitement hormonal substitutif dans les deux groupes.

  • Attention à l'offensive des gynécologues qui sont en train, malgré toutes les évidences de la littérature internationale, de vouloir refourguer les hormones estroprogestatives dans le "traitement" de la ménopause.
A SUIVRE

mardi 2 décembre 2008

COMMENT ENTERRER UNE ETUDE CLINIQUE - ALLHAT


L’impact minimum d’une grande étude Clinique.


The ALLHAT Officers and Coordinators for the ALLHAT Collaborative Research Group. Effects of Angiotensin-Converting-Enzyme
Inhibitor and Calcium Channel Blocker Treatment Compared with Diuretic Treatment on Cardiovascular Morbidity and Mortality in
High-Risk Hypertensive Persons: The Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial (ALLHAT).
JAMA. December 18, 2002–Vol. 288, No. 23.


Rappel des faits : l’étude ALLHAT a montré (décembre 2002) que les diurétiques utilisés depuis les années cinquante et coûtant quelques centimes par jour marchaient mieux que les médicaments les plus récents coûtant vingt fois plus (amlodipine et doxazosine de chez Pfizer, lisinopril de chez Astra-Zeneca).

Rappelons également que la doxazosine a été retirée précipitamment de l’essai pour cause d’inefficacité ; que l’amlodipine a entraîné 38 % de plus d’insuffisance cardiaque par rapport aux diurétiques ; et que le lisiprinosil a entraîné respectivement 15 et 19 % de plus d’AVC et d’insuffisance cardiaque que le même diurétique.

Six ans après les ventes de diurétiques n’avaient pas progressé dans la proportion attendue (elles concernent 40 % des patients hypertendus aux Etats-Unis) et, bien au contraire, puisque ce sont les nouvelles molécules qui ont le plus progressé.

Les conséquences de cet essai sponsorisé par une agence gouvernementale qui a coûté 130 millions de dollars et dont chacun s’accorde à penser qu’il était solide scientifiquement ont été décevantes tant pour les prescriptions que pour les sommes économisées.

Comment expliquer cela ?

La résistance au changement. Les prescripteurs ont eu du mal à changer leurs habitudes car les diurétiques sont des produits anciens, peu valorisants pour le prescripteur et pour le prescrit. Leur image est mauvaise : ça fait pisser, faut faire des bilans réguliers, il existe des interactions médicamenteuses. Mais cela n’a pas empêché les prescripteurs de se lancer ensuite dans la prescription de nouvelles molécules qui n’avaient pas fait leurs preuves mais qui paraissaient plus « modernes ».


La critique de certaines autorités académiques sur la construction de l’essai et sur les interprétations faites par le gouvernement. En effet, un des objectifs de l’essai était de savoir par quelle classe pharmacologique commencer et la mode était déjà aux pilules deux-en-un. Les principales critiques vinrent pourtant de ceux, payés ou non par l’industrie, qui jugeaient que la conception de l’essai était trop favorable aux diurétiques, que le nombre de diabètes induits était minimisé, que la co-prescrition favorisait également les diurétiques… Mais surtout, certains avaient le sentiment que la démonstration était plus économique et politique que scientifique, le but du gouvernement étant de couper les dépenses.


Le poids de l’industrie pharmaceutique et notamment de Pfizer pour rendre flous les résultats de l’étude

Pfizer

Cela a commencé, avant même la publication, par la défense acharnée de certains experts pour soutenir la doxazosine, retirée de l’essai, dont il était démontré qu’elle entraînait plus d’insuffisance cardiaque que les autres molécules. Des documents destinés aux visiteurs médicaux afin qu’ils puissent délivrer la bonne parole argumentaient sur le fait que la doxazosine était sûre et qu’il s’agissait d’un simple problème de doses. Pourtant Pfizer a dû retirer la molécule en 2000 (mais une fois que les objectifs de vente maximum aient pu être atteints)

Pfizer a payé de nombreux intervenants dans les congrès pour mettre en avant les effets de l’amlodipine dans l’essai et de ne pas parler de ses échecs. Le président du Comité de Coordination de l’essai a même démissionné quand il a appris qu’un des membres avait reçu 200 000 dollars de Pfizer l’année suivant celle de la publication de l’étude afin de délivrer « la bonne parole » dans des Congrès.

Par ailleurs les autres firmes qui n’avaient pas de produit impliqué dans ALLHAT ne souhaitaient pas que la prescription de leurs molécules soient transformées en prescriptions de diurétiques génériqués.


Le temps qui passe : entre le moment où l’étude a été conçue et le moment où elle a été publiée, de nouvelles molécules anti hypertensives sont apparues (et notamment des molécules appartenant à d’autres classes pharmacologiques comme les sartans), et, au contraire, la générication de molécules plus anciennes abaissait d’une part la différence de prix avec les diurétiques et incitait les firmes qui perdaient l’exclusivité de leur princeps à ne plus défendre leurs produits (Astra-Zeneca et Merck pour le lisiprinosil).

L’expérience ALLHAT incite tous les promoteurs d’essais indépendants à être prudents. Elle montre que les plus grands laboratoires mondiaux sont capables de tout pour défendre, non leurs molécules, mais leurs chiffres d’affaires et que la générication, loin de favoriser l’innovation scientifique, entraîne une augmentation des coûts.


http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?_r=2&scp=1&sq=ALLHAT&st=nyt

dimanche 30 novembre 2008

BRONCHITE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE ET CORTICOIDES INHALES

Les corticoïdes inhalés ne réduisent pas la mortalité dans la bronchite chronique obstructive stable.

Comme la majorité des traitements médicamenteux dans cette indication, les corticoïdes inhalés sont meilleurs pour contrôler les symptômes et prévenir les exacerbations que pour sauver des vies. La dernière méta-analyse publiée dans le JAMA (JAMA 2008;300:2407-16[Abstract/Full Text]) montre non seulement que la mortalité totale n’est pas diminuée mais que le risque de pneumonie est augmenté.

L’essai : les auteurs ont sélectionné 11 essais évaluant fluticasone, triamcinolone et budesonide utilisés seuls ou en association avec d’autres molécules inhalées, le plus souvent la salmeterol. Les essais ont au moins duré six mois et ont étudié plus de 14000 adultes.

Aucune différence, malgré des analyses de sous-groupe, pour le risque relatif de mort.

En revanche l’utilisation des corticoïdes inhalés s’est accompagnée d’une augmentation significative du nombre de pneumonies (+ 34 %) mais pas du nombre des fractures.

Voici un commentaire des auteurs qui pourrait s’appliquer à de nombreuses autres pathologies : « Parce que ce traitement ne semble pas avoir d’effet sur la mortalité, les médecins doivent peser les autres risques (pneumonie) et les bénéfices (moins d’exacerbations, amélioration de la qualité de vie) quand ils prennent des décisions dans cette pathologie."

A préciser : le risque de pneumonie était d’autant plus important que les patients avaient une fonction pulmonaire altérée, ou que les doses étaient les plus élevées ou que les traitements étaient combinés.

Conclusion : corticoïdes inhalés : oui en pesant le pour et le contre. A la plus faible dose possible, encore mieux.