jeudi 29 novembre 2012

Quand un administratif de la CPAM administre la mammographie.


Je vous avais prévenus ICI que la disparition de la médecine générale signifiait entre autres que la Société, non contente d'adorer la médicalisation de la vie que la communauté médicale lui avait présentée avec malice et intérêt sur un plateau doré, était en train de la plébisciter au point de vouloir se débarrasser des médecins généralistes considérés comme des empêcheurs de tourner en rond. Et je vous avais donné des exemples de cette future disparition à partir d'exemples tirés de ma pratique (ICI par exemple) et voilà qu'une collègue, en son blog, publie un post éclairant sur Jules et la ritaline (LA).

Une de mes patientes a reçu un courrier de la CPAM des Yvelines en date du 12 octobre 2012 signée par LE DIRECTEUR GENERAL ADJOINT (ce n'est pas moi qui ai mis les capitales), un certain Gérard Maho.

Le titre : Le cancer du sein : dépisté tôt, c'est mieux ! (ce n'est pas moi qui ai rougi et grasseyé les lettres)

Premier paragraphe : Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. C'est entre 50 et 74 ans que les femmes sont le plus exposées au cancer du sein.

Deuxième paragraphe : Plus un cancer est détecté tôt, plus il se soigne facilement et plus les chances de guérison sont élevées.

Troisième paragraphe : Après la cinquantaine, même si on est en bonne santé, il est important de faire une mammographie de dépistage, tous les 2 ans. C'est le meilleur moyen de détecter un cancer du sein le plus tôt possible. C'est efficace, simple et gratuit.

Quatrième paragraphe : A réception de l'invitation, adressée par l'ADMY (Association de dépistage de masse organisé des cancers dans les Yvelines), il vous suffit de prendre rendez-vous avec le radiologue de votre choix participant au dépistage (la liste sera jointe à l'invitation). Vous n'aurez rien à payer. L'Assurance Maladie règlera directement le radiologue.

Cinquième paragraphe : Parlez-en à votre médecin traitant, votre gynécologue ou votre radiologue.

Sixième paragraphe : Pour tout renseignement, contactez l'ADMY appel gratuit 0 805 11 4000.

Voici ce qui est choquant :

D'une part que la communication de la CPAM des Yvelines soit faite par un administratif, comme si les faits qu'il rapportait tombaient sous le sens commun et étaient devenus une évidence sociétale.
D'autre part qu'il s'agit d'un tissu de contre-vérités et de demi mensonges avec ici et là quelques assertions paraissant "vraies".
Enfin, à aucun moment, l'administratif ne pratique l'information éclairée.

Pour les arguments scientifiques, je ne peux que vous renvoyer ICI au texte que j'avais écrit à la suite de la conférence donnée par Peter Götzsche lors d'une réunion de la Revue Prescrire (LA).


  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieuxLes faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosseLes faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomieLes faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies.Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.


Nous pourrions également relever des contre-vérités non scientifiques comme celles de la gratuité... Qui paie ?
Mais, surtout, Monsieur Maho utilise trois adjectifs qu'il accole, trois adjectifs qui sont trois contre-vérités : efficace, simple et gratuit.

Il ne faut pas désespérer les défenseures du dépistage (les seules capables de le faire puisque ce sont des femmes et des patientes atteintes d'un cancer du sein) comme les rédactrices respectives des blogs Cris et chuchotements (ICI et LA pour le cancer du sein) et Catherine Cerisey Le Blog (ICI) (sur laquelle nous reviendrons un jour pour ses liens avec la pub et / ou le web 2.0 commercial) même si un article récent signale que nombre de femmes ont subi une double mastectomie inutile ou d'autres monstruosités (voir ICI).

Il est vrai aussi que l'Assurance Maladie, en envoyant des courriers de relance aux malades, permet aux médecins de toucher des primes plus importantes (dans le cadre du Paiement à la Performance).

Tout est bien qui finit bien.

(Mathilda May in Marie-Claire pour Octobre Rose LA)

PS du huit décembre 2012 : Le Formindep n'aime pas Octobre Rose. Voir LA

dimanche 25 novembre 2012

Le Collège National des Généralistes Enseignants recommande la vaccination anti grippale : Avis d'experts.


Le dernier communiqué du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE, ICI) pose plus de questions qu'il n'en résout.
A à quoi cela peut-il bien servir de communiquer de façon aussi ambiguë sur un sujet aussi complexe ? Puis : que vont en conclure les médecins généralistes installés ? Donc : pourquoi avoir publié un tel texte ?
Analysons le texte.
Le titreGrippe saisonnière : malgré l’efficacité limitée des vaccins, la balance bénéfice/risque reste en faveur d’une vaccination ciblée
Nous y reviendrons quand nous aurons analysé les différents arguments.

Premier paragrapheEn France, la grippe saisonnière est à l’origine d’une surmortalité hivernale, particulièrement chez les personnes âgées de plus de 85 ans et chez les nourrissons de moins de 6 mois ou atteints de comorbidité à risque de complication. La stratégie de lutte contre l’épidémie repose sur les vaccins dont la composition est adaptée chaque année en fonction de la surveillance des caractéristiques virales.
Pas de références. S'agit-il d'un avis d'expert ou d'une évidence scientifique qui ne mérite pas qu'on la commente ? Je rappelle ici que la surmortalité est une donnée floue et que les chiffres officiels de la mortalité liée à la grippe A/H1N1 (mais, dénonçant la non déclaration à longueur de posts, je ne nie pas que le nombre de "vraies" grippes puisse être plus important) pour les saisons 2009 / 2010 et 2010 / 2011 fut respectivement de 312 morts et 151 morts, soit une diminution de 51,6 % d'une année sur l'autre malgré une baisse du nombre de vaccinés (LA). Nous ne nions pas qu'il s'agisse de 312 ou de 151 morts de trop, mais de trop par rapport à quoi ? Rappelons aussi, amis généralistes enseignants qu'un organisme officiel a rapporté ces données pour les années précédentes :
Les données du CepiDC (organisme insermien) indiquent (soyez bien assis et accrochez-vous à votre écran) que, pour les années précédentes (de 2000 à 2008), le nombre de décès dus à la grippe était "estimé" à 437 par an avec une moyenne d'âge à 82 ans (ces chiffres vous étaient cachés, chers amis citoyens débiles et médecins ignares et on préférait vous assener 5000 à 7000 morts annuels) et, pour l'année de la grippe "pandémique" les décès avaient été assumés à 349 avec une moyenne d'âge à 59 ans. Mais non, ils ne vous étaient pas cachés, ces chiffres, ils avaient fait l'objet d'une publication dans le même BEH : Vicente P, Aouba A, Lévy-Bruhl D, Jougla E, Rey G. Spécificité des caractéristiques de la mortalité liée à la grippe lors de la pandémie de grippe A(H1N1) en 2009-2010 en France. Bull Epidémiol Hebd. 2011; (1):1-5.

Deuxième paragrapheDepuis la pandémie de grippe A (H1N1), les taux de couverture vaccinale (CV) ont diminué. En 2011, la CV était de 55,2% chez les sujets âgés de plus 65 ans et de 33% chez les patients en ALD1.
Oui, certes, pourquoi pas ? Vous avez raison : depuis la fameuse campagne de vaccination anti grippale  pandémique, non seulement le taux de couverture vaccinale n'a jamais été aussi bas (sans d'ailleurs que l'on connaisse le pourcentage exact par tranche d'âges) mais plus encore le nombre de morts n'a cessé de s'éloigner des fameux 5 à 7000 que nous servaient les visiteurs médicaux de Big Pharma, à savoir, l'InVS (Institut de veille sanitaire), le CTV (Comité Technique des vaccinations) et la DGS (Direction Générale de la Santé) réunis.


Troisième paragraphe : Les avis et les conseils des médecins généralistes ont un impact décisif sur la couverture vaccinale2. Les vaccins grippaux (trivalents inactivés) semblent dénués d’effets indésirables graves, mais leur efficacité est limitée. Selon 2 méta-analyses récentes, les vaccins adaptés aux souches circulantes ont une efficacité estimée à 15 % (IC95 = 9-22) sur les syndromes grippaux et à 73 % (IC95 = 54-84) sur les grippes confirmées3, diminuant à 59% (IC95 = 51-67) avec des critères de définition plus stricts4.
Ces données sont effectivement fondamentales. Un article récent (15 octobre 2012) d'un des auteurs cités en référence par le CNGE, Osterholmz MT (ICI), est clair : les données d'un des articles pris en compte par le CDC américain pour recommander la vaccination sont fausses et truquées. Osterholm (voir LA) ajoute même que les données rapportées par les analyses Cochrane surestiment les effets de la vaccination alors même que Cochrane avait déjà indiqué que les études qu'ils avaient méta analysées étaient "à haut risque de biais". Un article du BMJ va même plus loin (ICI), en insistant sur le manque d'efficacité des mesures de vaccination des professionnels de santé. Ce que souligne Tom Jefferson à propos des mesures coercitives mises en place en Colombie Britannique (LA) : "It is not my place to judge the policies currently underway in British Columbia, but coercion and forcing public ridicule on human beings (for example by forcing them to wear distinctive badges or clothing) is usually the practice of tyrants.". 


Quatrième paragrapheLes données d’efficacité chez les personnes âgées de plus de 65 ans manquent ou sont biaisées. Les études observationnelles récentes montrent que la vaccination a un effet sur la mortalité grippale très inférieur à ceux précédemment décrits5,6. 
Eh oui, la politique vaccinale du gouvernement français (Madame Marisol Touraine n'y est pour rien puisqu'elle suit les politiques déjà mises en oeuvre par les gouvernements précédents sur des recommandations expertales pour le moins douteuses et sujettes à caution, des experts à vie appartenant au lobby santéal académico-industriel qu'elle souhaite a priori conserver) est fondée sur des données incertaines, controversées, truquées, corrompues par des études industrielles sans contrepartie.

Cinquième paragrapheLes études d’efficacité sont quasi inexistantes chez les enfants de moins 2 ans7
Dont acte.

Sixième paragrapheMême si la vaccination a une efficacité limitée, sa balance bénéfice/risque semble favorable chez les personnes (y compris les enfants de plus de 6 mois) ayant des facteurs de risque de grippe grave (maladies respiratoires chroniques dont l’asthme, maladies cardiaques sévères, affections neuromusculaires graves, déficits immunitaires). La liste précise des personnes à risque de complication de la grippe a été actualisée : femmes enceintes, obésité sévère, troubles du rythme graves, maladie coronaire, antécédent d’accident vasculaire cérébral8..
Alors là, le CNGE se fout véritablement de notre tête (et je suis poli). Car, si son communiqué comporte cinq premiers paragraphes sans intérêt puisque sans objet par rapport à sa Recommandation finale, ces 5 premiers paragraphes étant des prolégomènes de remplissage pour masquer l'inanité du sixième, ce sixième paragraphe est un pur avis d'expert sans preuves aucunes alors qu'il devrait constituer le fond de la Recommandation.

  1. Le CNGE recommande donc la vaccination qui a "une efficacité limitée" (on aimerait que l'adjectif qualificatif "limitée" ait une valeur, comment dire, scientifique et non une valeur subjective, dans le genre un grand nombre de malades, un certain nombre de patients, la plupart des gens... bien que des chiffres peu clairs aient été fournis au paragraphe 3) et "une balance bénéfice/risque favorable" (mêmes réflexions que précédemment avec ceci en plus : cela me rappelle la phrase enfantine zéro plus zéro égale la tête à toto quand numérateur et dénominateur sont inconnus...)
  2. Recommande la vaccination "chez les personnes (y compris les enfants de plus de 6 mois) ayant des facteurs de risque grave" alors que le paragraphe 5 du communiqué du CNGE dit qu'il n'y a pas d'études d'efficacité en dessous de 2 ans... Je propose également la lecture de cet article roboratif ou inquiétant, c'est selon, sur les liens entre vaccinations chez l'enfant et le taux de mortalité (ICI)
  3. Recommande la vaccination chez les patients (pas les personnes) souffrant de "maladies respiratoires chroniques dont l’asthme, maladies cardiaques sévères, affections neuromusculaires graves, déficits immunitaires". Où sont les références sinon l'avis d'expert du CTV ? 
  4. Recommande la vaccination (actualisation) de personnes (?) "à risque de complication de la grippe"
  5. "Femmes enceintes" : Rappelons, et c'est toujours trop, que 3 femmes enceintes sont décédées en France de la grippe en 2010 / 2011 ; et que la vaccination a été peu évaluée (de façon quantitative et qualitative) par des essais cliniques avant et jamais pendant A/H1N1 (Rev Prescrire 2012;32:838-42). J'ajoute, expérience interne, qu'une FCS post vaccinale m'a été signalée et n'a pas été prise en compte par le CRPV local. Le CNGE aurait pu lire cet article fondamental : LA. Mais surtout cet article "décoiffant" (désolé d'utiliser des épithètes aussi peu bien-pensants) : LA. Une étude du BMJ rapporte cependant l'innocuité de la vaccination anti grippale chez la femme enceinte mais le temps d'observation post vaccinal est... de 2 semaines... (LA), ce qui, dans le cas du Pandemrix était notoirement insuffisant.
  6. "Obésité sévère" : la Revue Prescrire (2012;32:838-42) indique d'une part que des essais (le plus souvent états-uniens) rapportent que l'obésité morbide est un facteur de risque de grippe grave (mais nous conviendrons que l'obésité morbide est une donnée très différente quantitativement et qualitativement aux Etats-Unis et en France) et d'autre part que l'efficacité du vaccin anti grippale est "incertaine".
  7. "troubles du rythme grave, maladie coronaire, antécédent d'accident vasculaire cérébral" : pas de données de bonne qualité disponibles. Le CNGE eût été inspiré de lire cet article de Gervas J (LA) avant d'écrire son article.

La conclusion du CNGE n'a donc aucun rapport ni avec le titre de sa recommandation, ni avec son contenu.


Permettez donc à un médecin généraliste, non spécialiste en médecine générale (je demanderai mon "accréditation" quand je pourrais coter CS x 2 chaque fois que je ne me concerterai pas avec un médecin spécialiste et que je n'adresserai pas de patients ou quand le médecin spécialiste me réadressera le patient pour assurer le suivi global de ce patient), non généraliste enseignant de suggérer les questions suivantes au CNGE.

  1. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils se faire vacciner contre la grippe ?
  2. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils conseiller aux personnes de plus de 65 ans sans facteurs de risque de se faire vacciner contre la grippe ?
  3. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils conseiller aux femmes enceintes de se faire vacciner contre la grippe ?
  4. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils conseiller à l'entourage des femmes enceintes de se faire vacciner contre la grippe ?
  5. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils vacciner les enfants asthmatiques ? les patients asthmatiques ? les patients porteurs d'un trouble du rythme quel que soit leur âge ? et cetera ?
  6. Les Médecins spécialistes en médecine générale doivent-ils vacciner les patients obèses ?
Les réponses d'un Médecin généraliste non spécialiste en médecine générale (Collège Unique d'un Généraliste non Enseignant - CUGNE) :
  1. Non.
  2. Non, mais vacciner les patients qui le demandent
  3. Non, mais vacciner les femmes enceintes qui le demandent.
  4. Ne sait pas.
  5. Non, mais en discuter avec chaque patient et vacciner si le malade le désire.
  6. Non.
Bonnes séances de vaccination à tous.

(Laurence Sterne - 1713 - 1768. Un des romanciers les plus importants de la littérature mondiale et son chef-d'oeuvre)




lundi 19 novembre 2012

Les nouveaux médecins généralistes (2) : La féminisation de la profession.


J'entends dire ici et là que la féminisation de la profession médicale est une chance pour faire disparaître la pratique éculée de la médecine générale libérale telle que nous la décrivent les images d'Epinal (60 heures de travail hebdomadaire, gardes de nuit, disponibilité complète à l'égard des malades, isolement, absence de protection sociale, de congés payés, congés maternité misérables, pour ne parler que des items les plus importants ou les plus fréquemment cités, et voir ICI pour la médecine alapapa) et pour qu'adviennent une médecine générale libérale moderne et / ou le salariat salvateur d'Etat ou de région ou de municipalité.
Va pour la féminisation bienfaitrice.
Va pour le salariat.
Il n'est bien entendu pas question ici, sans passer pour un affreux misogyne, un affreux anti féministe (mais comme il existe des féminismes différents il doit bien exister des anti féministes également différents, non, les anti féministes sont des salauds et des réactionnaires, des ennemis du progrès universel, des tenants de l'ancien monde, et cetera, et cetera...) de dire que la féminisation des professions change les professions ou a changé les professions ou rend compte de ces changements ou les précède ou les suit... C'est mal de le penser.
Il n'est pas possible non plus de douter que la féminisation de la profession la rendra meilleure, tout le monde sait que les femmes, par essence, par effet de genre ou par pure génétique (on mélange et on ramasse les copies dans 4 heures), sont meilleures que les hommes, plus douces, plus compréhensives, plus proches des patients, plus empathiques, plus pertinentes, plus compétentes (elles réussissent tellement bien à l'ECN), et cetera...
Quel est le problème ? Il n'y en a pas.
Et ainsi, l'avenir de la médecine générale libérale, pour paraphraser Aragon, sera féminin ou pas.
J'entends dire ici ou là que les femmes ont plus le sens des réalités, plus le sens de la famille, plus le sens des loisirs, plus le sens du bon sens. Certainement. On voit d'ailleurs que l'Education nationale, depuis que ce ne sont plus les hussards mâles de la république qui assurent l'école primaire, va de mieux en mieux avec toutes ces femmes dévouées et peu payées qui "assurent". Et je ne dis pas que le niveau a baissé parce que les femmes sont devenues majoritairement institutrices, d'ailleurs, tout le monde le sait, le niveau ne baisse pas, (Baudelot et Establet, les chantres de la statistique anti capitaliste et éducationnelle, n'ont jamais cessé de nous le seriner... ICI), mais que la profession d'instituteur, dans une société restée hautement patriarcale, n'est plus masculine, c'est tout.
Examinons pourquoi les femmes vont changer, enterrer la médecine générale libérale, non pour des raisons idéologiques qui tiendraient essentiellement à la qualité de vie, mais pour des raisons purement mécaniques tenant à l'exploitation patriarcale (pardon pour les gros mots).
Il est vrai qu'il est rare qu'un mari diffère sa carrière professionnelle pour suivre sa femme lors d'un changement d'orientation de celle-ci ; il est vrai qu'il est rare qu'un mari accepte de renoncer à son travail et de s'occuper des tâches ménagères pour que sa femme progresse dans sa profession et devienne, par exemple, médecin généraliste au Québec ou aux Etats-Unis... Il est vrai qu'il est rare qu'un mari accepte que sa femme médecin s'installe dans un désert médical et qu'il assume le secrétariat pendant qu'elle consulte et qu'il fasse le ménage pendant qu'elle se repose ; il est vrai qu'il est rare (mais on me dit que l'on gagne cinq minutes par siècle) que les hommes passent l'aspirateur, rangent, s'occupent plus du lave-vaisselle, des courses, des enfants, des repas que leur femme...
Je ne vais pas vous faire le coup du Care et de la voix invisible des femmes qui ne plaît à personne (ni à gauche, ni à droite, la remise en cause du néo libéralisme et du patriarcat étant un peu rude, voir LA) et vous montrer que les femmes médecins doivent non seulement faire leur journée de travail mais aussi un certain nombre de tâches ménagères ou, pour les plus aisées, les faire faire à d'autres, des femmes de ménage, volontiers peu payées, volontiers peu valorisées et volontiers immigrées de fraîche date, mais, quoi qu'il en soit, il est normal que les femmes veuillent travailler moins, les plombières comme les rombières, les ouvrières d'usine comme les doctoresses, il faut bien s'occuper des enfants et du seigneur et maître... Je vois autour de moi que lorsque les enfants sont vraiment malades, c'est la femme médecin généraliste qui prend une matinée plutôt que le mari ingénieur...
Les femmes médecins généralistes travaillent moins que les hommes médecins généralistes, voient moins de patients en moyenne, ont des revenus inférieurs : est-ce pour des raisons d'intelligence ou pour des raisons de double vie ?
Pourquoi y a-t-il plus de femmes médecins généralistes qui travaillent déjà dans les PMI, dans les écoles et lycées, dans les centres de santé municipaux, plus de femmes que d'hommes qui sont des médecins généralistes salariés ? Parce qu'elles ont compris, les malignes, que c'était là qu'elles pouvaient exercer leurs qualités naturelles, s'occuper de nourrissons, d'enfants et d'adolescents ? Parce qu'elles ont compris  que c'était là qu'elles travailleraient le moins, ces feignantes ? Parce qu'elles ont compris que c'était là que leurs qualités si particulières, celles que l'on attribue aux jeunes femmes, le tricot, la couture et l'élevage des enfants, pourraient le mieux s'exercer ? Ou parce que c'est le rôle qu'on leur a assigné, le rôle qu'on leur a confié afin que, travaillant 35 heures ou moins (aux quatre cinquièmes), elles puissent accompagner les enfants (leurs enfants) à l'école le matin, les réceptionner le soir, leur faire faire leurs devoirs, les encadrer pour les activités du mercredi, passer l'aspirateur et faire la tambouille quand le mâle tout puissant rentrera, fourbu, après sa journée de travail, avec des revenus supérieurs à ceux de sa femme...
Et qu'on ne vienne pas me dire non plus que j'exagère, que je caricature, que les femmes auraient, comme par miracle, une éthique meilleure que celle des hommes, toutes choses égales par ailleurs, que les femmes médecins généralistes seraient les plus à même de critiquer le sort qui est fait aux malades ou aux malades femmes...

Car les femmes médecins ont, dans l'ensemble, intégré de façon parfaite le patriarcat médical.
Peu d'entre elles (sauf Iona Heath, voir ICI) montent aux barricades pour protester contre le dépistage organisé du cancer du sein et les risques qu'il leur fait courir.
Peu d'entre elles montent aux barricades pour s'insurger contre l'épisiotomie considérée par les obstétriciens comme un des Beaux-Arts.
Peu d'entre elles montent aux barricades pour s'insurger contre l'utilisation de l'acétate de cyprotérone comme moyen contraceptif (LA) ou comme celle du désogestrel comme progestatif de référence (ICI).
Peu d'entre elles dénoncent l'excès de douleurs physiques induit par l'utilisation de contragestifs pour interrompre les grossesse par rapport à la méthode de l'aspiration.
Peu d'entre elles protestent contre la médicalisation de la contraception et dénoncent les effets indésirables de la contraception oestro-progestative... non pas seulement sur le plan thrombo-embolique, ce qui serait déjà important, mais sur celui de la libido...

Je m'arrête là. Je n'ai pas parlé des traitements hormonaux de la ménopause, du distilbène, des hystérectomies intempestives, des "totales"...

La féminisation de la médecine générale ne va pas pouvoir freiner la disparition de la médecine générale libérale et pourrait faire apparaître une hypothétique médecine générale salariée qui n'aura plus rien à voir avec ce que nous connaissons maintenant.
J'ai déjà dit LA quels sont les tenants et les aboutissants de la disparition des médecins généralistes et de la médecine générale libérale : la société avide de médecine et de consumérisme médical décidera pour elle-même de ce qu'elle doit et peut faire.
Cela ne sera pas un progrès. Voir ICI l'histoire de consultation 135.
Je crains ne pas me tromper.

(American Medical Women's Association)

jeudi 15 novembre 2012

"Le malade pauvre qui a un Iphone, y peut payer un dépassement"


Cette phrase, je l'ai souvent lue sur des forums que je fréquente et dans des déclarations de médecins à propos des dépassements d'honoraires... et du Reste à Charge...
Les gens (médecins) qui disent cela ne se rendent pas compte de leurs propos.

Pour ce qui est des dépassements d'honoraires, le problème est ardu et polémique.
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions.
Je vais dire ceci, pour résumer ma pensée :

  1. Je suis a priori contre les dépassements d'honoraires pour des raisons idéologiques qui tiennent à mon éducation et à mes présupposés, comment dire, sociétaux, mais je peux me tromper.
  2. Le problème de la valeur ou du prix de la consultation en médecine générale ne peut être traité de façon globale car les conditions d'exercice sont d'une grande diversité.
  3. Est-il possible de bien "vivre" la médecine générale en consultant en moyenne 20 malades par jour, 5 jours sur 7, 46 semaines par an, soit 4600 actes par an, soit 109 800 euro bruts sans compter les suppléments visites, les rémunérations ALD et l'éventuel Paiement à la performance a) en exerçant en isolé  ; b) avec un associé ; c) avec ou non secrétariat physique ; d) à Neuilly ou à Mantes-La-Jolie ; e) ad libitum ?
  4. Vous pouvez vous poser la même question avec 15, 25, 30, ou 35 actes par jour (pour les situations d'exception consultez en privé.
  5. On le voit, toutes choses égales par ailleurs, le prix ou la valeur d'une consultation sont difficiles à fixer en médecine générale.
  6. Peut-on comparer les rémunérations en secteur 1 d'un spécialiste en ophtalmologie faisant ou non de la chirurgie avec celles d'un urologue exerçant en clinique privée en secteur 2 ?
  7. Peut-on comparer les revenus d'un PU PH avec ceux d'un poseur de stents en clinique privée ?
  8. Je m'arrête là.
  9. La revalorisation du C en médecine générale, pardon du CS, (mais, je le rappelle ici, je ne suis pas spécialiste en médecine générale, seulement médecin généraliste alapapa, voir ICI) est nécessaire pour que les médecins qui consultent peu et longtemps (mais j'ai toujours pensé, ne me sautez pas dessus, qu'il y a toujours eu des lents et des rapides, et qu'il n'est pas raisonnable de payer plus quelqu'un qui résout un calcul vectoriel en 20 minutes que celui qui le fait en 2) puissent être mieux rémunérés mais il me semble peu logique qu'un médecin qui consulte en moyenne 40 malades par jour dans un cabinet de 4 médecins avec un secrétariat et demi ait des augmentations sans changer le contenu de ses consultations. Je me pose pourtant une question : que va-t-il se passer si les médecins généralistes en secteur 1 décidaient du jour au lendemain de faire la grève du zèle, c'est à dire décider par avance qu'ils ne verraient pas plus de 30 malades par jour et s'arrêteraient systématiquement avant le trente-et-unième ? Que diraient les patients ? Que diraient les urgences ? 
  10. Bon, on le voit, rien n'est simple.  
  11. Encore un point (capital) : le niveau de dépassement d'honoraires n'est pas corrélé à la qualité de l'acte. C'est comme si l'on disait que les légumes achetés sur le marché Paris seizième sont meilleurs que ceux vendus sur le marché de Brive-la-Gaillarde.
Pour ce qui est de l'Iphone.
La malade qui a un Iphone et qui est caissière à Lidl, elle fait ce qu'elle veut.
Point barre.
On peut penser qu'elle aurait mieux à faire, mais cette simple idée nous fait entrer dans un domaine mouvant, celui de "Faire le bonheur des gens malgré eux".
Et ainsi, chaque Erémiste, chaque Erésaste, chaque Pôleemploi addict, chaque invalide rentier, chaque smicard, chaque smicard et un peu plus, le plus est assez difficile à définir par un médecin généraliste en secteur I dont les bénéfices non commerciaux (BNC) seraient, selon la CARMF (voir ICI), en moyenne de 55 544 € par an, ou par un radiologue en secteur I de 124 684 € (on est toujours le pauvre de quelqu'un), aurait droit à une Tutelle, dépendrait d'un Tuteur issu de la classe intellectuelle, intelligente et fortunée (bigre, le groupe paraît de plus en plus restreint) ou issu de la classe bien-pensante des gens-qui-savent-ce qui-est-bon-pour-le-peuple (ne vous inquiétez pas, il y en a autant à gauche qu'à droite, chez les ultra libéraux comme chez les crypto-staliniens), un Tuteur qui vérifierait le panier à provisions, qui vérifierait la liste des courses, qui interdirait la consommation de tabac, d'alcool, de graisses poly insaturées (mais autoriserait le cannabis, trop mode, la cocaïne et le reste), de produits non made in France, qui conseillerait les transports en commun non polluants, le camping de la plage et la machine à laver générique, ce même tuteur possesseur d'actions dans des fonds e pension possédant des actions Coca, Philip Morris, Ferrero ou Microsost...
Le "peuple" fait ce qu'il veut et la condescendance de droite comme de gauche est mauvaise conseillère.

Donc, ce n'est parce que l'on a un Iphone, ou d'ailleurs que l'on n'en a pas, qu'on peut et doit payer des dépassements d'honoraires sans barguigner.
Donc, je ne suis pas choqué après réflexion qu'il puisse y avoir des dépassements d'honoraires mais... le tact et la mesure sont une affaire de curseur... Je me rappelle un dentiste de ma famille, aujourd'hui décédé et exerçant juste après guerre, qui me disait qu'il proposait à ses patients des soins dentaires à trois tarifs : cher, normal, bon marché. Le patient choisissait et il faisait exactement la même chose.

(Les mendiants. Pieter Brueghel l'Ancien - 1568)

dimanche 11 novembre 2012

Le bétonnier, le médecin conseil, le médecin traitant et le médecin expert - Histoire de consultation 136


Imaginons un peu que je décide de prolonger un bétonnier d'origine extra communautaire de 46 ans, Monsieur A,  en raison de lomboradiculalgies L5 S1 droites qui traînent (5 mois).
Imaginez qu'il s'agisse d'un accident de travail.
Imaginons que le scanner demandé renseigne sur les lésions et qu'il existe effectivement, autant que l'on puisse considérer qu'il s'agit de faits objectifs, une corrélation anatomo-clinique.
Imaginez un peu que le médecin conseil décide de consolider le patient en question.
Imaginons encore que le patient ne puisse reprendre son travail au poste qu'il occupait auparavant et que nous ayons contacté le médecin du travail qui nous a dit que, malheureusement, il n'y avait pas d'autre poste dans cette entreprise et que cela allait se terminer par une inaptitude puis par un licenciement.
Imaginez que le médecin traitant de ce patient ne soit pas d'accord avec la notion de consolidation et qu'il ait du mal à proposer un projet thérapeutique différent autre que la future hospitalisation programmée du dit patient dans un service spécialisé de l'Assistance Publique de Paris où il faut attendre au moins six mois pour être admis.
Imaginons que le médecin conseil, dûment informé par le médecin traitant de cette future hospitalisation, n'en ait pas tenu compte.
Imaginez que le médecin conseil ait dit bien vouloir surseoir à cette consolidation si une intervention chirurgicale était programmée bien que le médecin traitant lui eût signalé qu'elle n'était pas du tout indiquée.
Imaginons que le patient, dûment prévenu par son médecin traitant des conséquences de cette non reprise à un poste non "protégé", décide de contester et de recourir à l'expertise.
Imaginez que la CPAM lambine un peu et n'envoie le formulaire de choix d'un expert qu'environ trois semaines après que le patient eut envoyé son courrier de contestation (un courrier dicté par le médecin traitant car le patient n'écrit pas le français et recopié par un ami de la famille parlant et écrivant le français).
Imaginons que le médecin traitant ait dû "tricher" et trouver une autre raison d'arrêt (en maladie) afin que le patient ne soit pas sans ressources.
Imaginez que le formulaire de choix d'expert comporte deux noms, le docteur B, rhumatologue à Paris 16, et le docteur C, orthopédiste à Neuilly (92).
Imaginons que le médecin conseil ait refusé l'arrêt en maladie.
Imaginez que la (nouvelle) conversation (obtenue avec beaucoup de difficultés après appel sur la plate-forme de la CPAM et l'assertion qu'une réponse serait donnée dans les 48 heures) entre le médecin conseil et le médecin traitant se passe mal et que le médecin traitant se fasse violence pour que le malade ne pâtisse pas trop de l'affaire.
Imaginons que le médecin traitant connaisse ces deux experts comme des toutous de la CPAM, c'est à dire des médecins qui disent amen aux décisions des médecins conseils.
Imaginez que le médecin traitant en désigne un et qu'il sache a priori que l'expertise sera perdue.
Imaginons que le patient se rende à son rendez-vous avec un ami parlant un peu moins mal le français que lui et que l'examen se passe très mal (selon le patient, bien entendu).
Imaginez que l'expert soit d'accord avec le médecin conseil sur la consolidation.
Imaginons que le patient ne soit plus payé depuis six semaines.
Imaginez que le patient, bien qu'il ait été informé par son médecin traitant, fasse de cette situation une affaire d'honneur. Qu'il pense que ses troubles sont liés à son travail et qu'il n'est pas guéri et qu'il doit donc continuer d'être arrêté puisque, selon lui, s'il n'avait pas travaillé dans cette entreprise, il ne serait pas malade.
Imaginons qu'il décide de faire un recours à l'amiable devant le Tribunal du Contentieux.
Imaginez qu'un de ses copains (extra communautaire) lui ai dit qu'il connaissait un médecin expert à Paris qui pouvait lui arranger son cas.
Imaginons que le malade prenne rendez-vous avec cet expert sans en parler à son médecin traitant et que l'expert en question finisse par appeler le médecin traitant pour obtenir des détails sur le cas.
Imaginez que le médecin traitant se rende compte que l'expert miracle, le docteur D, soit lui aussi un expert qui était jadis sur les listes de la CPAM des Yvelines, qu'il s'agissait aussi d'un expert toutou des médecins conseils, et que cet expert se propose d'accompagner la patient au Tribunal du Contentieux pour le faire gagner.
Imaginons que le médecin traitant ne soit pas content et qu'il prévienne le patient des risques financiers qu'il court a à faire confiance à un expert de ce type qui a promis monts et merveilles et le partage des indemnités.
Imaginez que le médecin traitant apprenne que le rendez-vous qui avait été pris par le malade, sur les conseils de son médecin traitant, chez un expert indépendant choisi par le médecin traitant n'a pas été honoré par le patient.
Imaginons que le médecin expert indépendant travaillant à l'Assistance Publique de Paris téléphone au médecin traitant et lui demande pourquoi le patient n'est pas venu. Imaginez que le médecin traitant raconte l'histoire in extenso et que le médecin expert indépendant dise qu'il connaît l'expert D et que c'est un scandale, la façon dont il se comporte. Que le mélange des genres est insupportable. Notamment les conflits d'intérêt. Un jour sur les listes des experts de la CPAM et un autre jour médecin de patients contre les experts de la CPAM qui ont avalisé la consolidation du médecin conseil.
Imaginez que le patient ait perdu devant le Tribunal et que la procédure se poursuive... Et qu'entre deux il ait "réussi" à se faire licencier et donc à s'inscrire à Pôle Emploi.
Imaginons que ce jeune patient ne pourra plus jamais retravailler et qu'il pense que la France a été injuste avec lui, qu'elle l'a attiré (enfin, on peut discuter sur ce point, il a été attiré par elle), qu'elle l'a fait travailler, construire des routes, des tunnels (je sais, cela fait Front de Gauche, ou démagogique pour quelqu'un qui n'est pas franchement Front de Gauche) et que le jour où il a été blessé, elle le laisse sur la route (c'est le cas de le dire), sans possibilité de reconversion (l'obstacle de la langue), et, au bout du compte, une rente miséreuse et l'impossibilité d'être en invalidité... puisqu'il s'agit d'un arrêt de travail...
Imaginez que les médecins experts choisis sur liste de la CPAM examinent parfois à peine les patients,  cherchant seulement à les pièger pour savoir s'ils sont de "vrais" malades, les considérant comme des étrangers, des ouvriers, des profiteurs de notre système de santé que tout le monde nous envie, et imaginons que ces mêmes médecins experts deviennent dans une autre vie des "défenseurs" des traumatisés du travail, leur promettant la lune, leur disant que, eux, ils seront capables de les défendre, contrairement à ces médecins généralistes qui n'y connaissent rien et qu'ils pourront leur faire obtenir leurs droits.
Imaginons que je ne connaisse pas la fin de l'histoire et que je ne vous dise pas ce qui est advenu...
Imaginez que j'aie une imagination débordante et que ce cas cité soit vrai.

Conclusion (provisoire) :

  1. Imaginons que les médecins conseils prennent parfois des décisions sans voir les patients ou en les examinant à la va-vite ; imaginez que les médecins conseils aient parfois des a priori thérapeutiques (infiltrations épidurales et / ou chirurgie) qui n'ont que peu de rapports avec l'EBM ; imaginons que les décisions prises par les médecins conseils soient parfois déterminées par des référentiels qui fixent la durée maximale d'arrêt des patients en fonction de la pathologie dont ils souffrent et non en fonction de la façon dont les patients souffrent de leur pathologie ; imaginez que les médecins conseils choisissent des experts sur des listes restreintes qui tiennent compte de la compliance des experts aux décisions des médecins conseils ; imaginons que la législation sur les accidents de travail soit plus favorable aux cols blancs qu'aux cols bleus...
  2. Imaginez que les médecins traitants aient parfois un peu de mal à gérer ces pathologies du travail ; imaginons que les médecins traitants se laissent parfois déborder par leurs patients ; imaginez que les médecins traitants se laissent parfois déborder par les médecins conseils ; imaginons que les médecins traitants, au lieu d'être empathiques, deviennent parfois sympathiques et... fassent du clientélisme (il faut différencier sympathie, clientélisme et... contre transfert) ; imaginez que les médecins traitants en fassent parfois trop pour leurs malades en ne les laissant pas se débrouiller tout seuls pour leurs démarches administratives (assistantes sociales) ; imaginons que certains médecins traitants se comportent parfois comme des redresseurs de tort du système capitaliste ou comme des dames patronnesses à l'égard des travailleurs...
  3. Imaginez que certains experts inscrits sur les listes de la CPAM ne fassent cela que pour arrondir leurs fins de mois ; imaginons que parfois certains experts disent toujours oui aux médecins conseils pour rester sur la liste des médecins experts ; imaginez que certains experts fassent pour une misère des expertises demandées par le médecin traitant pour contester une décision d'un médecin conseil de la CPAM dans le seul but de faire d'autres expertises plus gratifiantes ; imaginons que certains experts tiennent chère consultation dans le but de secourir les patients maltraités par la CPAM et les autres experts inscrits sur la liste de la CPAM ; imaginez qu'il leur arrive de gagner quelques affaires et d'en perdre beaucoup en ayant profité de la crédulité des pauvres travailleurs immigrés ou non ; imaginons que certains experts connaissent parfaitement les arcanes de la procédure et qu'il en profitent un maximum... en étant ou non des margoulins...
Au delà de la profonde détresse de "mon" patient, la législation sur les Accidents de Travail devrait être revue (non sans connaître les excès dans un sens ou dans un autre).

mercredi 7 novembre 2012

Les médecins généralistes disparaissent du champ sociétal. Histoire de consultation 135.


Madame A, 42 ans, 21 ans de cabinet, a suivi à la lettre les instructions de l'Education Nationale et vient me faire un rapport circonstancié.
Sa fille Z, 9 ans, a été repérée par l'institutrice qui lui a conseillé d'aller voir une orthophoniste (je n'attends pas de compte rendu puisque on m'est passé au dessus de la tête). Madame A m'a dit que l'orthophoniste n'avait rien trouvé. L'orthophoniste a conseillé à la maman d'aller voir une orthoptiste qui a trouvé quelque chose et proposé des "séances". Madame A n'est pas d'accord car Z doit aller voir l'ophtalmologiste dans un mois. Mais les deux orthos (la phoniste et la ptiste) ont conseillé à la maman de faire voir la petite par un neuropédiatre pour lui prescrire quelque chose. Madame A est, quand même, allé demandé un avis à son médecin (mais, comme vous le savez, les enfants n'ont pas de médecin traitant).
La petite Z a du mal à se concentrer à l'école, a du mal à se concentrer à la maison, a du mal à faire ses devoirs, a du mal à écouter ses parents, a du mal à supporter ses frères et soeurs.
Dois-je aller dire un mot à l'institutrice, je veux dire, la frapper intellectuellement ?
Ah, j'oubliais un truc : j'ai battu la petite Z aux échecs lors d'un mémorable blitz au cabinet. Et elle avait l'air drôlement concentrée...
Son médecin lui a dit ceci, à Madame A et en présence de sa fille Z qui voulait refaire une partie d'échec mais je n'avais pas le temps, mes C sont tarifées à 23 euro le quart d'heure et j'étais à la fin du rendez-vous : "Toutes ces braves dames..." (et qu'on ne me dise pas que je fais de la misogynie galopante, je voulais souligner ici, à ceux qui veulent remplacer le patriarcat par le matriarcat, mais cela fera l'objet d'un post un jour ou l'autre, en prétendant que les femmes sont  moins méchantes, plus prévenantes, moins autoritaires, plus douces, moins attirées par le pouvoir, et cetera, que les femmes, comme les hommes, et toutes choses égales par ailleurs font aussi mal le boulot que les autres...) "... voulaient que notre petite Z soit mise sous amphétamines et qu'elles puissent mieux se concentrer, surtout en classe, une enfant remise dans le rang en quelque sorte..." 
Où voulais-je en venir ? A ceci : la gestion de la classe de CM1 par l'institutrice passe par la prescription de la recherche de dyslexie chez l'orthophoniste, de troubles visuels chez l'orthoptiste (elle a oublié l'audiogramme mais Madame A a dû lui dire que Z avait déjà été suivie par un ORL pour des otites à répétition) et de séances de neuropédiatrie avec ritaline pour favoriser la socialisation.
L'institutrice a encore des armes dans sa sacoche (outre les théories de Monsieur Meyrieu) : le médecin scolaire ou l'inspecteur d'académie. On attend de pied ferme.
Et le médecin généraliste, il est où ?
N'oubliez pas que dans quelques années il n'y aura plus de médecin généraliste pour freiner les amphétamines chez l'enfant et d'autres joyeusetés du même ordre (voir ICI).

(Le livre de Christian Lehmann n'a pas pris une ride : ICI)

DPI : Je n'ai pas d'actions Amazon, aucun membre de ma famille proche n'en a. CL n'est, me semble-t-il, qu'un ami, pas une relation d'affaires, sinon sentimentales chez Philip Roth).

PS du 27 novembre : Armance raconte la même chose ICI

dimanche 4 novembre 2012

Comment les bons sentiments font passer à côté des bonnes questions.


Un message d'un type que je ne connais pas est RT (retwitté) sur mon compte tweeter par l'intermédiaire d'Antoine Decaune (@antoinedecaune1) auquel je suis abonné (pour des raisons musicales : il est le spécialiste des oldies but goldies oubliés).


Grace à vos RT et  conseillant la vente des actions  pour cause de manque éthique nous avons pu touché 74623 twittos)

6:03 PM - 4 Nov, 12 · Détails

Il est fier que le message de boycott du laboratoire (allemand) Merck ait été retransmis à 74 623 comptes twitter.

L'histoire est la suivante (voir ICI un article du Monde) : le laboratoire ne fournit plus aux hôpitaux grecs son anti cancéreux Erbitux pour causes de factures impayées.
Les bonnes âmes se mobilisent. Dont Antoine Decaune qui n'en peut mais et qui se fie à son bon sens de militant de gauche : priver les hôpitaux d'un médicament est un scandaaaale.

Or, qu'est-ce que l'Erbitux ou cétuximab ? Un anti cancéreux utilisé dans le cancer du colon qui a été analysé par la Revue Prescrire (ICI) et notamment en son numéro 324 d'octobre 2010 (Rev Prescrire 2010;30(324): 732). Voici la conclusion : En pratique, mieux vaut éviter le cétuximab dans les cancers colorectaux métastasés, quelle que soit la ligne. On peut rajouter qu'un essai non aveugle a montré une augmentation de survie de 1,7 mois (non, pas de coquille) avec un profil d'effets indésirables peu acceptable.

On peut donc dire que la cessation de fourniture de l'Erbitux n'est pas une perte de chance pour les malades grecs atteints d'un cancer colorectal métastasé : le préjudice en termes d'espérance de vie n'est pas évident mais il est clair que leur qualité de vie sans effets indésirables sera améliorée en ne prenant pas le médicament.

Pourquoi donc ne pas boycotter le laboratoire allemand Merck (la consonnance avec Merkel est tellement tentante) mais pourquoi ne pas réfléchir à ceci :
  1. Il semble, d'après son profil, que Rêv de Presse soit un twitter "écologiste".
  2. Il est dans son rôle de s'enflammer quand la santé gratuite pour tous semble mise en cause.
  3. Il devrait plutôt se demander pourquoi ce produit a obtenu un remboursement au niveau de l'Agence Européenne (EMA) alors que non seulement il ne sert à rien, mais plus encore, semble délétère.
  4. Il devrait plutôt se demander pourquoi les hôpitaux grecs ont tant besoin d'un médicament qui ne sert à rien mais, plus encore, semble délétère.
  5. Il devrait plutôt se demander pourquoi les médecins grecs (oncologues et cancérologues) ont tant besoin d'un médicament que l'HAS (Haute Autorité de Santé) française (voir LA) a classé en ASMR V (pas d' Amélioration du Service Médical Rendu) en traitement de première et de seconde ligne en association avec les chimiothérapies standard et en ASMR IV (amélioration mineure) en monothérapie après échec d'un traitement à base d'oxaliplatine ou d'irinotecan par rapport au traitement symptomatique seul... 
  6. Il devrait plutôt s'interroger sur le prix fixé pour ce médicament qui n'apporte pas d'Amélioration du Service Médical Rendu par rapport aux produits déjà existants, alors que le SMR (Service médical Rendu) est considéré comme important par l'HAS française (on sait que les produits anti cancéreux sont "favorisés" par les autorités réglementaires et poussés par les associations de patients -sponsorisées par les laboratoires pharmaceutiques), soit 1494 € pour la première injection puis 1067 € par semaine ensuite...
  7. Il devrait donc s'interroger sur les choix de santé publique dans une pays comme la Grèce et non sur le fait que cela devrait être à l'UE de payer ces médicaments.
  8. Il devrait s'interroger non sur l'injustice de la non fourniture d'un médicament inutile et coûteux mais sur les mécanismes de corruption qui font que l'EMA fournit une AMM à un produit aussi peu efficace, les mécanismes de corruption qui font que ce produit est inscrit sur la liste des médicaments des hôpitaux grecs et les mécanismes de corruption qui font que des médecins en prescrivent contre toute logique médicale.
Les bons sentiments ne font pas de la bonne médecine.
(Et on ne pourra pas dire que les médecins généralistes y sont pour quelque chose...)