jeudi 1 juin 2017

CMT (5) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 5 : Bénéfices/risques des vaccins

 Claudina MICHAL-TEITELBAUM

Je déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique

Les vaccins et la santé publique, bénéfices et risques des vaccins

La controverse sur le rôle des vaccins dans la diminution de la morbidité et de la mortalité : les vaccins « victimes de leur succès » ?

Il n’est pas possible de traiter le sujet de l’obligation vaccinale, sans au moins essayer de porter un éclairage sur cette controverse, qu’il est pourtant difficile de prétendre pouvoir régler.

D’un côté les mouvements anti-vaccinalistes affirment que les vaccins pris dans leur globalité et un par un, n’ont apporté aucune contribution positive, ni en termes de mortalité, ni en termes de morbidité, à la santé publique. De l’autre les vaccinolâtres présentent des chiffres qui apparaissent comme irréalistes sur les bénéfices des vaccins et ignorent totalement leurs risques.

L’idée qu’on peut se faire sur ce débat est pourtant déterminante pour le positionnement à adopter vis-à-vis des vaccins et de la vaccination.

Si les vaccins ont contribué massivement à la chute de la mortalité, s’ils n’ont que des bénéfices et si, plus on vaccine, plus on garantit de bénéfices à la population, il serait alors absurde de refuser l’incrémentation permanente de la vaccination de masse qui serait alors pleinement justifiée du point de vue de la santé publique.
Que faire ? Qui croire ?

Peut-être commencer par prendre un peu de recul?


Transition épidémiologique et baisse de la mortalité

La transition épidémiologique est une « Période de baisse de la mortalité qui accompagne la transition démographique. Elle s’accompagne d’une amélioration de l’hygiène, de l’alimentation et de l’organisation des services de santé et d’une transformation des causes de décès, les maladies infectieuses disparaissant progressivement au profit des maladies chroniques et dégénératives et des accidents. » Elle a été théorisée par Omran[1].

La mortalité infantile, c'est-à-dire le risque pour un  enfant né vivant de mourir avant un an, a été divisé  pratiquement par 100 depuis la moitié du dix-huitième siècle en France, passant de 300 pour 1000 (trois enfants sur 10 nés vivants mouraient alors avant un an) à 3,5 pour 1000.

  
               
                 

 

Cette diminution fut progressive mais constante, plus marquée chez les enfants mais également présente chez les jeunes adultes.

Au début du vingtième siècle, dans les  pays européens et en Amérique du Nord, les enfants mouraient en masse. En Angleterre et au Pays de Galles, les enfants de moins de 15 ans participaient pour 40 % à l’ensemble des décès alors que le taux de mortalité globale de la population était environ le double de ce qu’il est actuellement.
La pyramide des âges était très différente de celle d’aujourd’hui, avec une population bien plus jeune puisque la part des plus de 65 ans dans les décès était de 20 % du total (cf Twentieth century mortality trends in England and Wales, from the Office of national statistics). En 2000, en revanche, les moins de 15 ans représentaient seulement moins de 1 % des décès, tandis que les plus de 65 ans en représentaient 83 %.

Mais de quoi mourait-on au dix-neuvième siècle ? Majoritairement de maladies infectieuses, la plupart aiguës excepté pour la tuberculose et quelques maladies comme la syphilis. La tuberculose était alors la première cause de mortalité des hommes jeunes en France, les infections respiratoires basses (pneumopathies) et les diarrhées d’origine infectieuse, transmises par la contamination des eaux, des aliments et un défaut d’hygiène, jouaient aussi le premier rôle dans cette mortalité.

Une étude néerlandaise, reprenant des données de registres historiques nationaux, montre que la part des maladies infectieuses dans la mortalité globale en 1880 était de 40 %. Ces maladies infectieuses incluaient, en plus de celles déjà citées comme principales maladies infectieuses, le choléra, le paludisme, la fièvre typhoïde, la scarlatine, la fièvre puerpérale, qui emportait beaucoup de femmes au moment de l’accouchement, etc.

Parmi les causes de mortalité, la part de celles à prévention vaccinale, rougeole, diphtérie, coqueluche et variole, en excluant la tuberculose, était de 3,4 % en 1880. En 1917 elle n’est plus  que de 1,61 %. En 1955, la part dans la mortalité de la rougeole et de la diphtérie, deux maladies pour lesquelles les vaccins ont été introduits après cette date, avait diminué de 96% par rapport à 1880[2]. Les vaccins contre le pneumocoque et contre le rotavirus sont apparus bien après que les infections pulmonaires et les diarrhées aient cessé d’être les principales causes de mortalité chez les enfants et les adultes jeunes et il est évident qu’ils ne peuvent prétendre avoir contribué en quoi que ce soit à l’évolution favorable de ces pathologies.

Pour analyser les causes de décès, l’OMS les partage en quatre groupes : les causes materno-fœtales et nutritionnelles, les maladies non transmissibles, qui sont des maladies chroniques et dégénératives, les maladies transmissibles et enfin les causes externes ou accidentelles. Selon la manière dont on fait ce classement on tirera des conclusions différentes de l’analyse des causes de décès.

Le profil des causes de décès dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord au début du vingtième siècle est le même que celui des pays les plus pauvres de nos jours. Dans ces pays, l’OMS explique que les maladies infectieuses, ou maladies transmissibles et causes materno-fœtales et nutritionnelles, sont la cause de 52% des décès, avec, en tête, les infections respiratoires et les diarrhées, tandis que ces causes infectieuses représentent 7% des décès en moyenne dans les pays à haut revenu[3].

Il est aussi important de noter que les décès par maladies infectieuses ne surviennent plus aux mêmes âges qu’auparavant dans l’ensemble des pays à haut revenu. En France en 2014, plus de 85% des quelques 10 000 décès sur 544 000 qui sont dus à des causes infectieuses et parasitaires (1,8% des décès) sont survenus après 65 ans (données CépiD).

On peut résumer en disant qu’il existe une tendance séculaire, indépendante de la vaccination, à une diminution de la mortalité  de la population jeune par maladies infectieuses d’origine environnementale et carentielle et à une mortalité des sujets plus âgés par maladies chroniques ou dégénératives, dont l’origine première est le vieillissement physiologique mais qui peut être aussi due, en particulier pour la mortalité prématurée, aux modifications de comportement et de style de vie.

Quelles étaient les raisons de cette diminution de la mortalité par maladies infectieuse dans les pays à haut revenu ? Un document du CDC (Center for Disease control and prévention), les attribue principalement à des mesures en partie volontaristes, synonymes d’élévation du niveau de vie, visant à contrôler leur transmission, telles que l’assainissement des eaux usées, l’enlèvement des ordures, la chloration de l’eau, l’installation de sanitaires, le lavage des mains, le contrôle sanitaire des aliments, la diminution de la promiscuité dans les habitations et l’amélioration de l’habitat[4].

Cela montre, tout au moins, qu’il est abusif de prendre les chiffres relevés avant l’ère vaccinale et de les transposer tels quels à notre époque, ce qui est souvent fait par les promoteurs acritiques de la vaccination et ce qui représente ni plus ni moins un anachronisme. Il faut tenir compte des modifications environnementales, du meilleur état de santé et nutritionnel des populations, aussi bien que de la dynamique décroissante des maladies infectieuses pour estimer le rôle de la vaccination dans le recul des maladies infectieuses visées et également pour estimer l’impact que pourrait avoir une baisse de la couverture vaccinale. Pour ce dernier point il faut aussi évaluer l’impact réel des vaccins et leurs risques.

Comment  les maladies à prévention vaccinale deviennent elles  des priorités de santé publique ?

En France, comme dans une grande partie de l’Europe, la quasi-totalité des vaccins habituellement utilisés chez l’enfant et l’adolescent sont fabriqués par quatre laboratoires : Sanofi Pasteur, GSK, Pfizer, et MSD (ou Merck Etats-Unis).

En fait, lorsque l’un de ces laboratoires veut commercialiser un nouveau vaccin, les autorités nationales n’ont que le pouvoir de se positionner face aux sollicitations constantes des industriels qui usent, comme dans le cas des médicaments, de leur droit à commercialiser les vaccins qu’ils ont conçus grâce à toutes les techniques de lobbying et d’influence qu’ils maîtrisent.

C’est ce qu’expliquait Christian Perronne, ancien président du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) qui avait précédé le Haut Conseil de la Santé Publique avant 2007. Lors de son audition par la commission d’enquête sénatoriale sur la grippe A le 31 mai 2010, il disait ceci : « Depuis 2001, on ne peut d'ailleurs reprocher à ces structures d'avoir fait preuve d'une grande souplesse vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique. La meilleure illustration en est que de nombreux vaccins reconnus par l'Agence européenne du médicament et par l'AFSSAPS, qui ont une AMM (autorisation de mise sur le marché), n'ont pas été recommandés en France par ces instances. Le Prevenar, vaccin contre le pneumocoque des nourrissons, a d'abord été ciblé avant d'être généralisé pour avoir un certain recul quant à sa tolérance, contrairement aux Etats-Unis, qui l'avaient d'emblée généralisé ; les vaccins contre le zona, la varicelle ou le rotavirus ne sont toujours pas recommandés de façon universelle en France, alors qu'ils le sont aux Etats-Unis notamment. On a fini par recommander la vaccination contre le méningocoque C mais cela a donné lieu à plusieurs années de discussions. Ils ont ainsi exercé, dans tous les pays, une pression pour que l'on modifie les cibles de la recommandation vaccinale saisonnière. Nous ne leur avons jamais cédé »[5]

Les autorités sanitaires ne sont donc pas décisionnaires en la matière, elles n’ont que le pouvoir d’essayer de temporiser, à condition qu’elles le veuillent, face aux pressions constantes des laboratoires. La logique de santé publique est inversée, car ce n’est pas l’importance d’une maladie qui détermine l’introduction d’un vaccin mais la commercialisation d’un  vaccin qui génère une priorité de santé publique concernant une maladie. Cela est apparu très clairement avec le cas du vaccin contre le papillomavirus et le cancer du col de l’utérus. D’une maladie peu connue et délaissée, 11ème cancer de la femme, dont l’incidence et la mortalité étaient en constante diminution depuis plusieurs décennies, le cancer du col de l’utérus a été propulsé au rang de priorité de santé publique. Les campagnes en faveur de la vaccination se sont multipliées et en tant que problème de santé publique prioritaire, la lutte contre le cancer du col a été inscrite parmi les objectifs du plan cancer 2014-2019.

Pour rendre les maladies à prévention vaccinale visibles, des dispositifs de surveillance complexes et coûteux doivent être mis en place

Les maladies visées par les vaccins introduits récemment ont rarement, voire exceptionnellement des conséquences graves de nos jours. La surveillance épidémiologique de ces maladies est donc active et  nécessite des moyens considérables afin de les rendre visibles et de les quantifier de manière la plus exhaustive possible : mise en place de réseaux de surveillance formés de professionnels de santé, associés à des centres nationaux de référence (CNR)[6]. Les laboratoires pharmaceutiques participent aussi à la surveillance de ces maladies et au financement de ces dispositifs en relation avec les pédiatres et à travers une association telle l'ACTIV (Association Clinique et thérapeutique du Val de Marne) dont le «  but initial était d’être une interface entre les laboratoires et des investigateurs pédiatres formés à la pratique des essais cliniques ». Un des fondateurs de cette association  est le leader d’opinion Robert Cohen, qu’on retrouve aussi parmi les experts Infovac[7] dont nous avons déjà parlé...

Cette organisation complexe et coûteuse en temps et en argent s’avère indispensable pour avoir une idée précise du nombre de cas de maladies dont les conséquences seraient, sinon, totalement invisibles en raison de leur rareté.

Une fois recueillies, les données sont envoyées à l’INVS (Institut de veille sanitaire), maintenant intégré au sein de Santé publique France, et corrigées  pour tenir compte de la sous-notification ou défaut d’exhaustivité et du défaut de couverture du territoire. Cela signifie qu’on fait une estimation du nombre de cas qui n’auraient  pas été déclarés et on les ajoute à ceux connus et qu’on tient compte également du fait que les centres de surveillance ne couvrent pas tout le territoire, on estime donc le nombre de cas dans les territoires non couverts.

Autrement dit on se donne beaucoup de mal pour ne perdre aucun cas des maladies infectieuses soumises à une surveillance quitte à prendre le risque d’erreurs  dans les estimations.

Les chiffres officiels, ceux qui apparaissent dans les medias, sont ceux qui ressortent après toutes ces opérations de correction.

La surveillance des maladies infectieuses soumises à la vaccination n’est donc ni passive ni spontanée. Elle ne se contente pas de compter sur la bonne volonté des déclarants. Elle n’est pas non plus simple sur le plan organisationnel et statistique, ni indépendante d’une organisation coûteuse  à laquelle contribuent les laboratoires pharmaceutiques.

Du fait de sa complexité, elle expose à des erreurs et la méthodologie et les moyens utilisés n’étant pas identiques d’un pays à l’autre, les comparaisons internationales demeurent hasardeuses.

Les risques des vaccins

Les risques des vaccins ne se résument pas à leurs effets indésirables. D’autres risques peuvent être identifiés, tels les accidents vaccinaux, l’aggravation de l’incidence ou de la mortalité d’une maladie soumise à vaccination, l’excès de confiance dans leur efficacité pouvant entraîner des erreurs diagnostiques, le délaissement de moyens alternatifs scientifiquement éprouvés de prévention, qui peuvent s’avérer éventuellement moins coûteux, plus efficaces et moins risqués.
Comment ces risques sont-ils abordés par les experts ?

Les nouveaux « comités vaccine »

J’ai déjà évoqué Infovac, le premier parmi un nombre croissant de sites qui prétendent apporter une information fiable sur les vaccins. Ces nouveaux comités vaccine sont composés d’experts dont les conflits d’intérêts ne sont plus seulement idéologiques mais aussi, souvent, académiques, car l’essentiel de leur prestige et de leur carrière s’est bâti sur leur expertise vaccinale (qu’ils ont parfois obtenue grâce à l’industrie pharmaceutique, ce que l’on appelle l’expert mongering ou fabrication des experts[8]). Ils sont surtout financiers, car ces experts touchent de l’argent des laboratoires pharmaceutiques, ces rémunérations pouvant parfois être leur principale source de revenu.

Que trouvera un parent, par exemple, en cherchant à s’informer sur le site d’Infovac, sur l’existence d’effets indésirables dus aux vaccins ? Dans la page dédiée de son site, les experts Infovac donnent une vision, pas totalement fausse, mais néanmoins très idyllique de la pharmacovigilance des vaccins. Pour la qualifier je dirais qu’il s’agit de mensonges par omission.

Les experts admettent que les effets indésirables graves, dont la fréquence serait inférieure à un pour 1000, ne peuvent pas être détectés lors d’un essai clinique, ce qui est vrai. Mais cela signifie donc, que lorsque les autorités recommandent un vaccin qui est supposé combattre une maladie dont les conséquences graves dans une population cible seraient inférieures à un pour 10 000, elles acceptent implicitement le risque que le vaccin provoque plus de dix fois plus d’effets indésirables graves qu’on ne peut, dans le meilleur des cas, espérer de bénéfices de la vaccination. On comprend dès lors que lorsque les vaccins visent des maladies dont l’incidence est comprise entre un par million et 30 pour 100 000, il devient pour les experts très difficile d’admettre l’existence du moindre effet  indésirable qui pourrait alors inverser le rapport bénéfice risque d’un vaccin.

Les experts Infovac expliquent ensuite que la relation entre vaccins et effets indésirables très rares ne peut être établie que par des grandes études pharmaco-épidémiologiques, qui pourraient mettre en évidence une plus grande fréquence d’un effet indésirable dans le groupe vacciné. Le lien avec le vaccin est donc, dans ce cas, présumé d’après une analyse statistique.

Certes, mais ces études ne seront fiables que si elles sont menées par des chercheurs sans conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques. En effet, les enjeux financiers pour les vaccins pratiqués à titre systématique, souvent commercialisés dans le monde entier, sont, pour les laboratoires de plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. Ces laboratoires ne sont donc pas neutres face au risque de retrait de leur produit en cas de reconnaissance d’un effet indésirable grave.

Le problème se pose donc souvent ainsi : les laboratoires pharmaceutiques ont les moyens, mais n’ont pas intérêt à mener des études pharmaco-épidémiologiques fiables, les agences gouvernementales pourraient avoir la volonté de faire des études fiables, mais n’en ont souvent pas les moyens.

Infovac conclut ainsi sa présentation des effets indésirables des vaccins : «En effet, les vaccins ne protègent pas contre tous les problèmes de santé : il est donc inévitable que ces problèmes (maladies, accidents) surviennent aussi chez des personnes qui ont été vaccinées, juste avant ou juste après un vaccin ! » Ce qui signifie, si l’on traduit littéralement,  que les évènements indésirables observés seraient donc essentiellement, si ce n’est totalement, le fait du pur hasard.

Suit un encadré confortant ce point de vue, listant des rumeurs d’effets indésirables attribués aux vaccins qui ont circulé au cours de  notre histoire récente, et qui ont été ensuite été démenties par des études[9].

Le lecteur restera ainsi sur l’impression trompeuse que l’histoire des vaccins n’est qu’une longue suite de malentendus,  d’injustes procès à charge et qu’au bout du compte, chaque fois que des vaccins ont été suspectés de provoquer des effets indésirables graves, les études ont corrigé la rumeur et disculpé les vaccins.

Le HCSP (Haut Comité de Santé publique) reprend cette même version de l’histoire, dans un document intitulé « Dangers et risques des vaccins, mythes et réalités ». On peut y lire : « Périodiquement, des craintes sont exprimées sur la sécurité des vaccins et se révèlent par la suite sans fondement. »

C’est   aussi ce que pense le président du Comité technique de vaccination, rattaché au HCSP, qui émet des avis sur les recommandations vaccinales. Daniel Floret,  interrogé sur le sujet, explique : « Si on ne peut pas totalement exclure, dans certains cas, un lien de causalité entre un vaccin et des effets secondaires graves, aucune étude scientifique n’en a jamais apporté la preuve irréfutable. Et, quoi qu’il en soit, le risque de la maladie est bien supérieur au risque présupposé d’effets secondaires. La balance bénéfice-risque est largement positive »

Ce que l’on en comprend c’est que, chaque fois qu’un effet indésirable se présente,  il devrait être considéré comme non lié au vaccin par défaut si le lien de causalité ne peut être démontré. Daniel Floret oublie simplement de dire qu’en médecine les preuves irréfutables et les liens de causalité établis au-delà de tout doute sont d’une extrême rareté. Son raisonnement pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’efficacité réelle des vaccins, qui n’est généralement pas établie lorsqu’ils sont mis sur le marché puis généralisés par des recommandations. Si on appliquait aux vaccins le même cadre d’analyse qu’aux effets indésirables jamais aucun vaccin ne pourrait être recommandé pour son efficacité.

On pourrait résumer ainsi la position des nouveaux « comités vaccine »  : « un vaccin est présumé efficace tant que son inefficacité n’a pas été démontrée mais un effet indésirable est présumé fortuit tant qu’on n’a pas pu prouver de lien de causalité avec le vaccin incriminé ».

Mais à propos de cette théorie d’un vaccin parfait, qui aurait « …[une] balance bénéfice-risque […] largement positive » , qu’en est-il réellement ?

Deux ou trois choses à comprendre à propos de la pharmacovigilance

La pharmacovigilance est un système passif d’alerte, et non de quantification, centré sur les effets indésirables graves ou inattendus (et qui néglige les autres). Il ne cherche pas l’exhaustivité mais élimine les effets indésirables jugés non pertinents  par la recherche de l’imputabilité, qui évalue la plausibilité de la relation causale entre l’effet observé et le produit.[10]

« La pharmacovigilance est définie comme l’ensemble des techniques d’identification, d’évaluation et de prévention du risque d’effets indésirables des médicaments ou produits mis sur le marché, que ce risque soit potentiel ou avéré, incluant donc les vaccins. »

Un système passif, cela signifie qu’il n’y a pas de surveillance active par un réseau dédié des effets indésirables des vaccins, comme c’est le cas pour les maladies infectieuses. Le système de surveillance repose donc uniquement sur les notifications spontanées des professionnels de santé ou du public. Ces notifications sont adressées aux centres de pharmacovigilance, ou aux laboratoires pharmaceutiques commercialisant le médicament ou vaccin. Plus récemment, en 2009, la Commission européenne a voulu mettre l’industrie pharmaceutique au centre du système de pharmacovigilance, en renforçant son rôle dans le recueil et l’interprétation des effets indésirables[11].

Obligation de déclaration des effets indésirables

Les médecins, chirurgiens dentistes, sages femmes, pharmaciens ont l'obligation de signaler tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou produit au centre régional de pharmacovigilance dont il dépend. Ceux qui ne font pas partie de ces catégories n’ont pas d’obligation mais ont la possibilité de déclarer les effets indésirables aux centres de pharmacovigilance ou aux industriels.

Les effets indésirables sont principalement définis par rapport à leur gravité. On distingue donc les effets indésirables graves et non graves.

La définition d’un effet indésirable grave est restrictive. Un effet indésirable grave est défini comme « … un effet indésirable entraînant le décès ou mettant le pronostic vital en jeu ou entraînant une invalidité ou une incapacité significative ou entraînant (prolongeant) une hospitalisation ou entraînant une anomalie ou une malformation congénitale (dans la cas d'un médicament pris par la mère pendant ou avant la grossesse) ou médicalement significatif. »

Bien que les effets indésirables non graves, définis par défaut comme tous ceux qui ne répondent pas à la définition de l’effet indésirable grave, puissent être fréquents voire très fréquents (plus de 10% des vaccinés) et gênants, ils ne sont pas pris en considération dans la balance bénéfice-risque des vaccins, par simple convention. 

Par exemple le résumé des caractéristiques du produit du Prevenar7, disponible sur le site de l’Agence Européenne du Médicament (EMA), décrit une fréquence observée dans les études pré-commercialisation de 18,5 % pour les douleurs gênant les mouvements du membre inférieur, et également une fréquence de 28,3 % à 48,3 % d’une fièvre supérieure à 38°C lorsque ce vaccin est réalisé avec le vaccin hexavalent, ce qui doit être le cas si on suit les recommandations du calendrier vaccinal. De même une fièvre supérieure à 39,5°C est observée dans 0,6 à 2,8 % des cas lors de l’administration concomitante des vaccins Prevenar et du vaccin hexavalent mais ne correspond pas à la définition de l’effet indésirable grave et ne sera donc pas pris en compte dans la balance bénéfices-risques. Les effets indésirables non graves sont très divers : douleurs, céphalées, étourdissements, vertiges, nausées, perte d’appétit…[12]

Une autre notion complète celle d’effet indésirable grave et la recoupe éventuellement, celle de l’effet indésirable inattendu. Un effet indésirable inattendu est un effet qui n’est pas prévisible et explicable par les propriétés pharmacologiques du vaccin ou médicament, il est donc généralement rare, non rapporté lors des essais cliniques nécessaires à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), et non inscrit dans le résumé des caractéristiques du produit. Cependant, on peut s’apercevoir rétrospectivement, comme ce fut le cas pour le Pandemrix, vaccin contre la grippe utilisé pendant la pseudo-pandémie de 2009, que des indices non exploités présents lors de ces essais cliniques, pourraient permettre d’anticiper la dangerosité de certains vaccins. 

L’objectif des essais cliniques n’est pas de détecter les effets indésirables des vaccins, même si les agences, comme la FDA (Food and Drug Administration) ou l’EMA (European Medecines Agency) sont censées y rester attentives. L’objectif principal d’un essai clinique est d’établir l’efficacité d’un produit, sur des critères décidés sur la base d’un accord entre agences de régulation et laboratoires, afin d’obtenir un droit à commercialiser ce produit.

Les procédures accélérées de mise sur le marché, souvent accordées aux laboratoires voulant commercialiser des vaccins, raccourcit, en outre le temps d’observation des patients et limite la possibilité d’observer des effets indésirables pendant ces essais cliniques.

Il faut également savoir que tout échec du vaccin concernant la maladie contre laquelle il est censé protéger, peut être considéré comme un effet indésirable du dit vaccin.  Celui-ci ne peut prétendre à autre chose qu’à un rôle d’alerte et ne dit rien sur la fréquence des évènements survenus. Il n’est donc pas licite, scientifiquement, de comparer des effets indésirables connus grâce à  la pharmacovigilance passive à la fréquence d’une maladie ou aux bénéfices estimés du vaccin sur cette maladie. C’est pourtant ce qui est régulièrement pratiqué dans les rapports de pharmacovigilance des vaccins, qui se concluent rituellement par la phrase, reprise en cœur par les medias : « Compte-tenu de l’ensemble des données disponibles à ce jour, l’Afssaps (ou l’ANSM)  considère que le rapport bénéfices-risques de ce vaccin reste favorable. » Au moment où les évaluateurs écrivent cette phrase ils n’ont pourtant pas d’idée précise sur les bénéfices ou les risques d’un vaccin.


Bien que la notification des effets indésirables graves ou inattendus soit, en théorie, obligatoire pour les professionnels de santé, elle fait l’objet d’une très importante sous-notification. Les spécialistes de la pharmacovigilance estiment que seulement de 1 à 10 sur 100  évènements indésirables survenant après l’exposition aux vaccins sont notifiés. Mais on peut penser que cette évaluation est optimiste si on la rapproche de celles des médicaments en général, pour laquelle la sous-notification peut atteindre un pour 500 pour les effets indésirables graves.[13]

Pour quantifier la fréquence des effets indésirables il faudrait faire, le plus souvent possible, des études pharmaco-épidémiologiques,  comme celle qui a permis  de mettre en évidence et de quantifier le risque accru de certaines maladies auto-immunes associées aux vaccins contre le papillomavirus, alors que l’existence de ce risque faisait l’objet d’un débat. Cette étude française a permis de montrer de manière solide que le vaccin contre le HPV multipliait par 11,79 le risque de survenue d’un syndrome de Guillain Barré (atteinte progressivement paralysante et auto-immune des nerfs périphériques)  dans les trois mois après vaccination[14] chez des jeunes filles de 13 à 16 ans et était donc très probablement responsable de 1 à 2 cas supplémentaires de Guillain Barré pour 100 000 jeunes filles vaccinés[15]. D’autre part, huit thyroïdites auto-immunes pour 100 000 jeunes filles vaccinées pouvaient être attribuées au vaccin Cervarix, d’après cette étude.

D’autres études du même type, cherchant à déterminer si les vaccins contre le HPV favorisaient la survenue de maladies auto-immunes, avaient été menées mais leurs auteurs avaient des conflits d’intérêts patents, comme dans une étude danoise[16]   dont certains auteurs appartenaient au Karolinska Institute suédois, épinglé par la justice pour des liens financiers de certains de ses membres avec un des laboratoires impliqués dans la conception du vaccin contre le HPV[17] - ou les études menées par Grimaldi-Bensouda[18], qui dirige une CRO (Clinical research organisation) c'est-à-dire une société de services qui mène des études pour le compte des laboratoires.

Les études spécifiquement conçues pour quantifier les effets indésirables sont rares, comme je l’expliquais, par manque de moyens et de volonté.

 

Les essais cliniques ne permettent pas de prédire les effets indésirables des vaccins

Pourquoi les essais cliniques s’avèrent-ils incapables de détecter les effets indésirables graves des vaccins, même s'ils sont relativement fréquents ?

Pour  affirmer qu’un effet indésirable serait remarquable et en rapport avec le vaccin évalué on a décidé, par convention, qu’il fallait que la fréquence des effets indésirables dans le groupe vacciné d’un essai clinqiue soit plus grande que celle observée au sein du groupe témoin auquel le groupe vacciné est comparé. Mais il s’avère que le groupe témoin est souvent lui-même vacciné, et qui plus est par un produit qui n’est pas un placebo.

Ce fut le cas lors des essais cliniques du vaccin Gardasil, vaccin contre le HPV. A la suite des essais cliniques FUTUR I et II le laboratoire MSD (Merck, aux Etats-Unis) proclama que le vaccin était « safe » (sûr) puisqu’il ne provoquait pas plus d’effets indésirables que le placebo. Mais il s’avéra que le laboratoire avait profité d’une faille dans la réglementation et du fait que la composition du placebo n’était pas clairement définie réglementairement. Il avait donc utilisé comme placebo dans le groupe témoin un produit contenant de l’hydroxyde d’aluminium, qui est l’adjuvant du vaccin. Utilisé pour ses propriétés pro-inflammatoires (générant de l’inflammation), l’hydroxyde d’aluminium est suspecté d’être à l’origine d’une partie des effets indésirables observés avec les vaccins qui en contiennent. La composition du placebo utilisé pour le groupe témoin n’était pas clairement annoncée dans les quelques 400 pages de rapport soumises à la Food and Drug Administration (FDA) pour obtenir l’approbation du vaccin. Cela n’avait pas alerté les membres de la commission chargés de statuer à ce sujet. Pendant des années le laboratoire put donc prétendre impunément que le Gardasil était sûr, puisqu’il ne présentait pas plus d’effets indésirables qu’un simple placebo. Ce ne furent pas les agences de régulation, mais des personnes ayant effectué des recherches indépendantes qui découvrirent le pot aux roses.

Un cas de figure semblable s’est produit avec le vaccin Prevenar, vaccin recommandé dans le calendrier vaccinal des nourrissons et, destiné à contrôler les infections graves dues au pneumocoque, une bactérie extrêmement répandue dans la population. Les essais cliniques destinés à l’obtention de l’AMM ont comparé le groupe vacciné à un groupe auquel on administrait le vaccin contre la méningite à méningocoque C. Cela n’empêcha pas les auteurs de cette étude très citée, de prétendre que l’étude avait permis d’évaluer les effets indésirables du vaccin[19].

Une deuxième limitation est en rapport avec ce qu’on appelle la puissance statistique des études cliniques de pré-commercialisation des vaccins. La puissance statistique est associée à la taille d’un échantillon. Plus il y a de sujets dans un échantillon, plus la puissance des tests statistiques effectués sur cet échantillon est grande.

Dans un essai clinique il est possible et nécessaire de définir par avance le nombre de patients à inclure pour détecter des effets indésirables selon leur fréquence supposée. Par exemple, pour le vaccin Rotashield, vaccin buvable contre les rotavirus provoquant certaines gastro-enterites, et commercialisé au début des années 2000 aux Etats-Unis, on a évalué, après coup, la fréquence des effets indésirables telles les invaginations intestinales attribuables à ce vaccin comme variant  de 1 pour 5 000 à 1 pour 10 000.  Alors qu’au cours de l’essai clinique mené pour obtenir l’AMM par le fabricant 10 000 nourrissons avaient reçu le Rotashield, Jacobson, un spécialiste des vaccins de la Clinique Mayo aux Etats-Unis, a calculé qu'il aurait fallu vacciner 100 000 enfants pour avoir 50 % de chances de détecter cet effet indésirable avant la mise sur le marché et 250 000 enfants si on voulait avoir 90 % de chances de le détecter[20].

Cela pose la question de l’utilité de la supposée évaluation des effets indésirables lors des essais cliniques confiés aux laboratoires pharmaceutiques. Il s’agit de se demander ce que l’on cherche à évaluer et dans quel but. L’objectif est-il de rassurer les populations et de donner aux laboratoires des arguments marketing pour promouvoir leurs vaccins ? Ou bien de connaître les effets indésirables graves des vaccins ?

Dans ce dernier cas, il ne faut pas laisser croire que les essais cliniques des laboratoires ont une utilité réelle pour détecter ou déterminer la fréquence des effets indésirables graves.

Des effets indésirables cumulatifs

Plusieurs effets indésirables par vaccin.

Un autre point important est que les effets indésirables des vaccins, y compris graves, se limitent rarement, voire jamais, à un effet indésirable unique. Même si on tend à se focaliser sur un effet indésirable en fonction de l’actualité, les effets indésirables des vaccins, difficiles à appréhender car multiples et parfois imprévisibles, sont cumulatifs.

Une fois les études pharmaco-épidémiologiques effectuées c’est à l’ensemble des effets indésirables graves d’un vaccin qu’il faudrait comparer ses bénéfices. Par exemple, pour les vaccins Rotarix et Rotateq contre le rotavirus, le comité technique de pharmacovigilance avait constaté que 40 effets indésirables graves avaient été notifiés spontanément pour 100 000 nourrissons vaccinés. Ces effets indésirables comprenaient surtout des effets indésirables graves digestifs mais aussi hématologiques et cutanés. Le comité avait estimé que ce taux  cumulé de 40 pour 100 000 était plus élevé que celui habituellement observé avec les vaccins pédiatriques grâce à la pharmacovigilance passive et que cela était donc en faveur d’une plus grande fréquence des effets indésirables dus à ce vaccin [21].

Nombre de doses

Les effets indésirables sont cumulatifs en fonction du nombre de doses. Parfois le risque d’effets indésirables augmente avec le nombre de doses pour un même individu et sera plus important pour la deuxième dose, par exemple, que pour la première.
Le HCSP a inscrit au calendrier vaccinal 2017 une deuxième dose de vaccin contre le méningocoque C. Cela augmentera le nombre d’effets indésirables, les doublera peut-être, voire plus que cela, alors que l’épidémiologie  et les objectifs n’ont pas changé.

Enfin, il faut être attentif au fait que les effets indésirables sont souvent rapportés au  nombre de doses dans les comptes-rendus. Cela sous-estime la fréquence des effets indésirables car la fréquence des maladies est évaluée en nombre de sujets malades pour 100 000 sujets. Pour rendre les bénéfices et les risques comparables, il faut alors les multiplier par le nombre de doses recommandées ce qui permet de se faire une idée des effets indésirables pour 100 000 enfants vaccinés. Par exemple, 5 effets indésirables graves pour 100 000 doses de Prevenar, cela voudra dire qu’il s’est produit environ 10 à 15 effets indésirables graves pour 100 000 enfants vaccinés, puisque trois doses sont recommandées et qu’on peut estimer que les enfants vaccinés en ont reçu entre deux et trois.

L’imputabilité des effets indésirables aboutit à réduire les effets indésirables connus des autorités et du public

Dès lors qu’on demande aux personnes notifiant des effets indésirables de déclarer tout évènement observé sans se préoccuper du lien de causalité ou non avec le vaccin, il est normal que certains évènements indésirables observés après un vaccin soient purement fortuits et dus au hasard. Il est aussi logique qu’on demande aux professionnels de la pharmacovigilance de faire un tri préalable, avant de transmettre ces notifications à l’ANSM qui les centralise.

Lorsque des effets indésirables sont notifiés de manière spontanée par les professionnels de santé, un tri sera donc effectué sur ces effets déjà sous-notifiés qui conduira à en éliminer un certain nombre. Celui-ci correspond à la recherche d’« imputabilité ». A savoir que la personne en charge de la pharmacovigilance va faire une évaluation du lien de causalité existant entre le vaccin et l’évènement indésirable notifié.

Il existe des protocoles précis pour faire cette évaluation. Mais : «  il n’y a pas de consensus sur les éléments chronologiques (temps écoulé depuis la  vaccination) ou sémiologiques (caractéristiques cliniques de l’effet indésirable) de l’imputabilité d’un vaccin dans la survenue d’un effet indésirable »[22].

Ce qui signifie, en clair, que l’on peut écarter des effets indésirables en décidant qu’il n’y a pas de lien de causalité avec le vaccin de manière arbitraire et au bénéfice du doute, en quelque sorte, le doute bénéficiant ici au vaccin. Ces effets indésirables notifiés n’arriveront pas jusqu’au comité chargé de l’évaluation et n’apparaîtront alors pas dans les comptes-rendus officiels.

Détérioration de la pharmacovigilance au cours du temps

Ces dernières années, plusieurs dérives sont apparues qui tendent à rendre les effets indésirables des vaccins de plus en plus invisibles.

D’une part on peut parler d’une dérive culturelle liée à une sorte de désinhibition au risque. Voir ICI.

Elle a été décrite  par le Pr Bégaud, cité dans un rapport de l’IGAS. Il constatait que : « (...) au fil du temps, par méconnaissance des règles de base des probabilités et, sans doute, sous pression de la pharmacovigilance industrielle, les observations douteuses ont été peu à peu considérées comme des cas peu démonstratifs, voire dans lesquels la responsabilité du médicament ne pouvait pas décemment être retenue. Ceci a pu justifier de les retirer des séries d’observations présentées au Comité Technique ou à la Commission Nationale de Pharmacovigilance ou, en tout cas, des calculs de « risque », amputant ainsi le numérateur observé d’une bonne part de son effectif (rappelons que la cotation douteuse est de loin la plus fréquemment observée en routine avec la méthode française) »[23].

D’autre part, une dérive réglementaire s’est produite, puisque la Commission européenne, connue pour sa proximité avec les industriels, a voulu confier un rôle central dans la pharmacovigilance aux laboratoires pharmaceutiques avec, ce que l’on appelle le « paquet pharmaceutique »[24].

Les conséquences de cette confiance aveugle ne sont pas purement spéculatives. Les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas des services publics et les conflits d’intérêts concernant chaque vaccin qu’ils mettent sur le marché et qui est ensuite généralisé se chiffrent en milliards. Il n’est dès lors pas étonnant qu’ils aient intérêt à « oublier » certains effets indésirables qui leur sont notifiés, comme cela s’est produit avec les vaccins contre le rotavirus ainsi que nous le verrons plus loin .

Quelques effets indésirables graves des vaccins officiellement reconnus malgré tout


Les effets indésirables, y compris graves, des vaccins existent. Et pour certains, malgré toute la difficulté de les mettre en évidence  en raison d’une organisation de la pharmacovigilance qui ne s’y prête pas, ils sont connus et quantifiés.

Nous avons déjà vu les effets indésirables graves du vaccin BCG  contre la tuberculose, lymphadénites et bécégéites, ces dernières souvent mortelles chez les nourrissons souffrant de déficits immunitaires.

Nous avons évoqué aussi les vaccins contre le rotavirus, provoquant des cas d’invaginations intestinales plus graves que ceux observés hors vaccination, chez des nourrissons plus jeunes, et d’autres effets digestifs graves comme des rectorragies,  des gastro-entérites sévères ainsi que des malaises et des fausses routes.

L’association entre le vaccin Pandemrix, utilisé contre la grippe pseudo-pandémique en 2009 et la narcolepsie, maladie chronique caractérisée par une somnolenc diurne excessive et parfois des épisodes d’endormissement incontrôlables, a été découverte un peu par hasard, parce que les neurologues spécialisés suédois et finlandais ont vu affluer dans leurs cabinets des jeunes patients atteints de formes particulières de ce syndrome[25]. Plus tard, des études pharmaco-épidémiologiques menées dans plusieurs pays, dont la France, ont confirmé ce lien[26].

Parmi les effets indésirables non spécifiques mais graves des vaccins on peut citer les convulsions hyperthermiques qui sont des convulsions provoquées par une brusque montée de la température corporelle chez des enfants de moins de cinq ans, nécessitant une hospitalisation et pouvant induire des dommages cérébraux. La fréquence des convulsions hyperthermiques varie selon le vaccin concerné. Une étude datant de 2002  a relevé  rétrospectivement les épisodes de convulsions chez  679 942 nourrissons repartis en trois groupes, ceux vaccinés avec le vaccin combiné diphtérie tétanos coqueluche à germes entiers, ceux vaccinés avec le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR), et ceux non vaccinés. Quand on comparait au groupe non vacciné, les nourrissons vaccinés le risque attribuable au vaccin DTC était de 6 à 9 pour 100 000 convulsions hyperthermiques, le jour même de la vaccination. Pour le ROR les cas de convulsions hyperthermiques attribuables au vaccin étaient de 25 à 34 pour 100 000, dans les 8 à 14 jours après  la vaccination[27].

Les effets indésirables de type auto-immun ne sont pas exceptionnels avec les vaccins. Les maladies auto-immunes sont des maladies où les anticorps d’une personne s’attaquent à ses propres tissus. Ces maladies sont multifactorielles mais plus fréquentes dans les pays du Nord par rapport au Sud et en constante augmentation dans les pays industrialisés.

On peut citer la thrombocytopénie auto-immune, apparaissant dans les six semaines après la vaccination, due au vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. La thrombocytopénie est la baisse des plaquettes circulantes à une concentration inférieure à 50 000 par ml, avec un risque associé d’hémorragie. Une étude a quantifié cet effet indésirable grave à 1 pour 40 000 nourrissons de un à deux ans vaccinés ou 2,5 pour 100 000. Les cas provoqués par le vaccin représentaient 76 % des cas observés à cet âge. Les auteurs remarquent que les formes induites par le vaccin sont plus sévères que les formes spontanées[28].

Le syndrome de Guillain Barré a été associé à plusieurs vaccins. A celui contre le papillomavirus, comme on l’a déjà vu, à certains vaccins contre la grippe, et au vaccin contre le tétanos.

On peut encore citer les réactions allergiques, par exemple chez les enfants allergiques à l’œuf auxquels on injecte des vaccins cultivés sur œuf (ROR, grippe). Ces réactions sont supposées très rares  en général selon leur fréquence estimée par la pharmacovigilance passive mais sont fréquentes et sévères chez des enfants fortement allergiques à l’œuf[29].

Citons aussi le phénomène d’Arthus, une vascularite (inflammation des vaisseaux) qui survient notamment en cas de surinfection avec un vaccin à base d’anatoxine tels les vaccins contre la diphtérie et le tétanos.

On connaît aussi les liens entre la maladie de Kawasaki et l’arthrite juvénile et le vaccin contre le méningocoque B[30].

Des paralysies peuvent aussi survenir, bien qu’elles soient rares. Elles peuvent être causées soit par lésion directe d’un nerf, soit par des mécanismes auto-immuns, soit par le virus présent dans le vaccin comme dans le cas du vaccin oral contre la poliomyélite.

Une association entre vaccins et encéphalite ou méningite existe dans le cas de vaccins à  virus vivants comme ceux contre la rougeole, les oreillons ou la varicelle[31]. Pour la rougeole et les oreillons, ces cas seraient moins fréquents que ceux dus à la maladie, dont ils peuvent être une complicationPar exemple, pour la rougeole, on évalue à un cas pour 1000 chez l’enfant les cas d’encéphalite après la maladie, mais seulement à un cas par 1 000 000 après vaccination [32].

Des décès peuvent parfois survenir également.

Les décès dus aux vaccins

Pour expliquer cet aspect, je vais prendre quelques exemples, illustrant la diversité des situations où des décès peuvent subvenir consécutivement à un vaccin.

Un nourrisson de 7 mois est décédé, en juin 2015, à la suite de convulsions hyperthermiques prolongées dues à une fièvre à plus de 40°C, apparue après l’injection des vaccins recommandés dans le calendrier vaccinal. C’est exceptionnel mais cela peut arriver [33].

Le vaccin Pandemrix, contre la grippe A pseudo-pandémique en 2009, était associé à un décès pour 1,3 millions de doses en France, ou un décès pour 650 000 sujets vaccinés (pharmacovigilance passive)[34].

Des décès suite à des syncopes après vaccination par le Gardasil. En octobre 2014, on comptait, aux Etats-Unis, 4 décès chez des jeunes filles de 6 à 29 ans suite à des syncopes après injection du vaccin Gardasil dans le registre américain des effets indésirables des vaccins (VAERS). Il s’agit, là aussi, de pharmacovigilance passive. Il était signalé aussi 146 hospitalisations et 91 cas d’invalidité permanente suite aux chutes en rapport avec ces syncopes. A l’époque 67 millions de doses avaient été distribuées et environ 35 à 40 millions de jeunes filles vaccinées. 108 décès au total avaient été signalés au VAERS comme étant en rapport avec le vaccin jusqu’à septembre 2014 aux Etats-Unis, mais les rapports étaient souvent vagues, ce qui explique la nécessité de mener une véritable enquête pour établir une possible causalité. Les délais entre la vaccination et le décès, par exemple, s’échelonnaient de quelques heures à 6 ans.

Il a aussi été noté le décès soudain d’une jeune fille de 14 ans, le 22 novembre 2013, suite à une troisième dose de Gardasil. Le lot avec lequel elle avait été vaccinée, (lot J007354, déclaration VAERS N° 518872-1) a ensuite été retiré par le laboratoire le 16 décembre 2013, mais sans qu’un rapprochement ait été fait avec le décès[35]. Les retraits de lots sont relativement fréquents et on n’en connaît pas toujours les tenants et les aboutissants.

Dans le rapport de pharmacovigilance de février 2012 pour Prevenar 13, le taux de notification passive des effets indésirables graves est en France de 1,5 pour 100 000 doses pour 3 millions de doses en un an (moins de 1 million d’enfants vaccinés), soit, environ 4,5 à 6 effets indésirables graves pour 100 000 nourrissons vaccinés, ou encore 36 à 48 effets indésirables graves par cohorte de 800 000 nourrissons vaccinés. On retient aussi 5 décès dont 2 sont dus à des infections à pneumocoque, une d’entre elles étant due à un sérotype présent dans le vaccin. Tous ces décès ont été jugés non imputables au vaccin. Même chose sur les données internationales. Sur 28 décès après 59 millions de doses de vaccins distribués 10 étaient dus à des infections à pneumocoque dont 6 dus à des sérotypes présents dans le vaccin.

Il faut noter que pendant la période de pharmacovigilance « pro-active », entre 2001 et 2002, c’est à dire avant qu’on ne recommande de généraliser le vaccin, on avait demandé aux pédiatres de notifier tous les effets indésirables, et les effets indésirables graves rapportés étaient alors de 7 pour 100 000 doses, soit 21 à 28 pour  100 000 nourrissons vaccinés, ou encore 168 à 224 par cohorte de 800 000 nourrissons vaccinés, c'est-à-dire de 4 à 5 fois plus que le nombre d’effets indésirables graves notifiés lors de la période de pharmacovigilance passive. Cela, notons le au passage, dépasse le nombre de cas d’infections invasives à pneumocoques observées avant l’âge de un an (Epibac).[36]. 

Il faut noter aussi que les décès ne sont pas exceptionnels dans les rapports de pharmacovigilance, ces décès étant souvent étiquetés comme des morts subite du nourrisson sur des arguments de fréquence (moins de décès qu’attendu) alors qu’il s’agit de pharmacovigilance passive, qui ne permet pas une quantification des effets indésirables. Les décès survenant après vaccination du fait d’infection par le pneumocoque sont aussi généralement considérés comme sans lien avec le vaccin, alors même qu’ils peuvent être dus à des sérotypes dont l’émergence a été favorisée par la vaccination, comme le sérotype 19A (cf. plus loin, paragraphe sur le Prevenar).

Ainsi, dans le rapport de pharmacovigilance de février 2012 concernant le Prevenar 13[37] introduit en France en 2010 et contenant la souche 19 A, on peut lire, concernant les données internationales : « Durant le premier semestre 2011, 48 cas d’inefficacité vaccinale dont 21 confirmés ont été rapportés.
Parmi ces cas, 13 (62%) ont eu une infection invasive due au sérotype 19A, 5 (24%) au sérotype 3, 2
(9%) au sérotype 7F et 1 (5%) au sérotype 19F. Le sérotype 19A, souvent résistant aux antibiotiques, est
un des principaux sérotypes de portage et induit fréquemment une infection invasive grave. »
Et également concernant la pharmacovigilance nationale : « Au total, plus de 160 notifications spontanées (dont plus de 40 graves) ont été recueillies et analysées
pour environ 3 millions de doses vendues durant une année de commercialisation (juin 2010 – août 2011),
soit un taux de notifications (5.4 pour 100 000 doses vaccinales) plus élevé qu’au niveau international (2.9
pour 100 000 doses vaccinales). En revanche, le taux de notifications d’EI graves estimé est proche de
celui du bilan international (1.5 versus 1.1 cas pour 100 000 doses vaccinales).
La majorité des effets indésirables rapportés avec un taux de notifications inférieur ou égal à 1.5 pour
100 000 doses sont de même nature que ceux observés pour le bilan international qu’elle que soit la
gravité de l’effet.
Les 5 cas d’évolution fatale ont été jugés non imputables à la vaccination et concernent : 2 cas
d’infections pneumococciques (un d’entre eux étant lié à un sérotype vaccinal), 1 cas d’autre infection, 1
cas lié à une pathologie sous-jacente et 1 cas dont la cause de décès est inconnue.
Aucun cas de réaction anaphylactique n’a été rapporté durant la période d’analyse. »

La conclusion de non imputabilité des nombreux cas d’infections invasives à pneumocoque post-vaccinaux dus, en particulier au sérotype 19A et observés après vaccination semble un peu hâtive, dans la mesure où, certes, le vaccin, constitué de sous-unités antigéniques, ne peut pas provoquer directement la maladie, il peut néanmoins favoriser le switch capsulaire et transfomer une souche 19F présente dans le pharynx chez un porteur sain en une souche 19 A virulente (cf paragraphe sur le Prevenar).

Dans le cas du vaccin quadrivalent contre le papillomavirus (Gardasil) des suspicions d’inconduite pèsent sur l’EMA, concernant le traitement des effets indésirables de ce vaccin[38].

Autre cas, le vaccin Hexavac, vaccin hexavalent contenant les mêmes six valences vaccinales, diphtérie, polio, tétanos, coqueluche Haemophilus I de type B et hépatite B, que celles utilisées actuellement dans l’Infanrix Hexa ou l’Hexyon. L’Hexavac, du laboratoire Aventis Pasteur MSD (actuellement Sanofi), a été retiré du marché par le fabricant après que l’on eut identifié un « fort signal »  de pharmacovigilance sous la forme de cinq décès de nourrissons en bonne santé  dans leur deuxième année de vie 24 heures après l’administration du rappel du vaccin. Ces décès, qualifiés de « mort subite du nourrisson », ce qui répond à une définition très précise, étaient un signal fort, en effet, si on considère que les morts subites du nourrrisson surviennent typiquement avant un an et qu’en France, aucun décès de nourrisson dans sa deuxième année de vie pendant les 20 dernières années, n’a été attribué a une mort subite du nourrisson. Sanofi subit à cette époque une forte pression du gouvernement allemand pour demander un retrait d’AMM, alors que l’Agence européenne du médicament (EMA), ne prenait pas de décision. Finalement le laboratoire allégua un défaut d’immunogénicité de la valence hépatite B pour retirer volontairement son vaccin entre juillet et septembre 2005, par une démarche orale dont il  ne reste aucune trace officielle. Ceci, au moment où une étude  pharmaco-épidémiologique commençait, l’étude Token, financée d’ailleurs, par les laboratoires GlaxoSmithKlineBeecham (actuellement GSK) et Sanofi Pasteur MSD. Cette étude conclura, en 2011 seulement, qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de décès. L’examen des chiffres montre néanmoins que le risque pendant la deuxième année de vie dans les 3 jours suivant la vaccination, est multiplié par 14[39] [40]. 

Les vaccins contre le rotavirus fournissent aussi un exemple de vaccins entraînant des effets indésirables graves et parfois mortels.

En mars 2015 le « Canard enchaîné » révéla que le laboratoire GSK, qui reçoit les notifications d’effets indésirables, avait « oublié » pendant deux ans de transmettre à l’ANSM des effets indésirables graves qui lui avaient été rapportés concernant son vaccin contre le rotavirus, le Rotarix, y compris un décès de nourrisson datant de 2012. Entre ce décès et les révélations du Canard, le 29 novembre 2013, le HCSP avait émis un avis favorable pour la vaccination de tous les nourrissons de moins de 6 mois par les vaccins Rotarix de GSK et Rotateq de MSD. Ceux-ci attendaient donc seulement de bénéficier d’un remboursement pour être inscrits au calendrier vaccinal 2015, ce qui n’aurait pas manqué d’être le cas dès le mois d’avril.

Bien que ces effets indésirables fussent connus par l’ANSM depuis décembre 2014, la procédure permettant le remboursement des vaccins et donc leur généralisation à l’ensemble des nourrissons suivait tranquillement son cours.

Les révélations du « Canard » eurent pour effet de mettre fin à la procédure de remboursement de ces vaccins en raison du scandale provoqué et de la déplorable impression d’incurie[41]. En effet, suite au rapport de Comité technique de pharmacovigilance[42] la Commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) considéra que le service médical rendu par ces vaccins était insuffisant et qu’ils ne pouvaient justifier d’un remboursement. Le libellé de la décision était clair : « L’efficacité de ces vaccins est importante mais les données actualisées de tolérance confirment l’augmentation du risque d’invagination intestinale aiguë (IIA), estimée à environ 6 cas supplémentaires pour 100 000 vaccinés.

Au regard du risque d’IIA et de l’épidémiologie des GEA-RV (gastro-entérites à rotavirus) en France, il n’est pas attendu d’impact de la vaccination anti-rotavirus sur la santé publique.»[43]

Comme je l’ai expliqué plus haut les effets indésirables du vaccin ne se résumaient pas aux invaginations intestinales, mais les effets indésirables graves, majoritairement digestifs, étaient de 40 pour 100 000 nourrissons vaccinés. Un taux anormalement élevé. De plus, les cas d’invagination observés après vaccination survenaient à un âge anormalement précoce et étaient particulièrement graves.

La décision de la HAS paraît d’autant plus sage que les hospitalisations dues aux infections à rotavirus sont exclusivement dues à la déshydratation, et que celle-ci peut être prévenue par l’utilisation judicieuse de solutés de réhydratation orale (SRO) chez les nourrissons et jeunes enfants. Il ne semble pas très difficile de prescrire du SRO à tout nourrisson sortant de la maternité de la même manière qu’on lui prescrit de la vitamine D. Cela n’a pourtant jamais été recommandé.

Cela n’empêcha pas le président du Comité Technique de vaccination (CTV) Daniel Floret et le président du HCSP d’essayer de contrer cette décision quelques mois plus tard en qualifiant le rapport du service de phamacovigilance de Tours de rapport « à charge » contre les vaccins contre le rotavirus[44] . Depuis, les experts d’Infovac mènent une campagne acharnée pour le que le vaccin contre le rotavirus revienne en grâce, soit remboursé et inscrit au calendrier vaccinal. Cela le rendrait donc obligatoire dans le cadre d’une obligation généralisée.

Cet acharnement peut paraître étonnant pour un type de vaccin qu’on hésitait à recommander aux Etats-Unis au début des années 2000 en raison de son faible intérêt pour la santé publique. Les raisons invoquées pour recommander le Rotashield, le premier vaccin contre le rotavirus du laboratoire Wyeth au début des années 2000, étaient les économies qu’il serait possible de réaliser sur les hospitalisations. Ce vaccin, jamais commercialisé en Europe, avait été retiré du marché américain après quelques mois  seulement en raison de cas d’invaginations intestinales et  du décès d’un nourrisson[45].

Il semble que quelques années plus tard les faibles bénéfices de vaccins semblables conduisent à les considérer comme une priorité de santé publique et que les mêmes effets indésirables graves, y compris des décès de nourrissons, totalement imputables aux vaccins ne soient plus un argument pour éviter sa généralisation pour les experts. Alors même qu’il existe, très clairement, des solutions alternatives au vaccin qui n’ont jamais été promues avec le même enthousiasme militant par les autorités ou les experts.

Ce ne sont que des exemples et la pharmacovigilance passive des vaccins ne permet pas de quantifier la fréquence de ces phénomènes fortement sous-notifiés[46].


Au-delà des aspects et controverses purement mathématiques, des questions d’ordre éthique peuvent se poser comme nous l’apprend l’analyse historique. Un effet indésirable grave provoqué par un acte médical volontaire ne peut être mis sur le même plan qu’une conséquence grave d’une maladie due au hasard. D’autre part, les parents ont le droit, face à des risques faibles voire infinitésimaux, d’exprimer leur préférence pour le présent, évoquée par d’Alembert, et de ne pas prendre maintenant un risque, même faible, pour un bénéfice hypothétique et éloigné dans le temps.

La reconnaissance des effets indésirables tendant à devenir de plus en plus difficile,  la tolérance des agences de régulation aux effets indésirables des vaccins tendant à devenir de plus en plus grande, il est aussi question de ne pas prendre des décisions purement arbitraires lors des comités de pharmacovigilance ou en fonction des réactions du public et des medias lorsque des effets indésirables émergent mais de définir à l’avance ce qui semble acceptable ou non pour un vaccin recommandé à titre systématique, en fonction, également, de son impact réel. Si un vaccin n’a aucun impact la recommandation devrait prendre fin et le vaccin être déremboursé.

Car, c’est une banalité de le dire, mais une banalité qui nécessite visiblement d’être rappelée encore et encore : tout vaccin, comme tout médicament, présente des effets indésirables et ne peut pas être considéré comme anodin.

Comme le dit Jacob Puliyel, pédiatre indien, chef de service à l’hôpital St Stephens de New Delhi[47] : “Patient safety (meaning protecting patients) rather than vaccine safety (protecting vaccines) should be more important.”




[8] http://docteurdu16.blogspot.fr/2010/12/expert-mongering-ou-la-fabrication-des.html
[17] Riva C, Spinosa JP. La piqûre de trop ? Pourquoi vaccine-t-on les jeunes filles contre le cancer de l’utérus ? Xenia Editions, 2010
[22] Autret-Leca E. et coll. Pharmacovigilance des vaccins. Revue du praticien, tome 25 N°869, novembre 2011
[36] Grimaldi Bensouda, « Post licensure safety surveillance for Prevenar »
[37] AFSSAPS, Bilan de pharmacovigilance et profil de sécurité d’emploi de Prevenar® 13, février 2012
[40] Enquête de Virginie Belle dans « Faut-il faire vacciner son enfant ?, co-écrit avec moi
[42] http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/9224c28767f1efb700e683cd13a5106e.pdf

mardi 30 mai 2017

CMT (4) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 4 : l'obligation vaccinale est un contre-sens historique.

L’histoire de l’obligation vaccinale au XXème siècle montre que l’obligation vaccinale est un contre-sens historique

De 1900 à 1969 la politique vaccinale française est essentiellement fondée sur l’obligation

Le premier vaccin rendu obligatoire en France fut donc le vaccin contre la variole en 1902. L’obligation de vaccination généralisée fut promulguée par la première Loi de Santé Publique. A la fin des années 30, deux autres vaccins furent rendus obligatoires, celui contre la diphtérie et celui contre le tétanos. Néanmoins, avant la deuxième guerre mondiale, la généralisation de la vaccination demeura un objectif inatteignable, et la couverture vaccinale demeura très inégale dans les différents départements qui avaient la charge de la vaccination.

En janvier 1950  le parlement vota  l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose, malgré les insuffisances, déjà connues de ce vaccin, actées lors du premier congrès international sur le BCG à l’Institut Pasteur en 1948, congrès qui avait admis l’efficacité « relative » du vaccin, classé plus tard comme vaccin égoïste car n’empêchant pas la transmission du bacille de Koch et ne protégeant que dans 50% des cas les vaccinés contre la tuberculose. Néanmoins, parce que la tuberculose était encore la  principale cause de décès chez les jeunes adultes en France, le vaccin contre la tuberculose, ou BCG (Bacille de Calmette et Guérin) fut rendu obligatoire, dans l’espoir de réduire radicalement sa fréquence.

Cette obligation, dans le texte initial de la loi, était assortie de sanctions pénales en cas de non respect, des amendes et un emprisonnement de quelques jours. Dans le texte final la peine d’emprisonnement fut supprimée et seules les amendes furent conservées.

Le débat sur l’obligation de vaccination contre la tuberculose eut lieu en marge des organes officiels et n’apparut pas dans la presse « sérieuse » ni sur les bancs des parlementaires qui votèrent en faveur de l’obligation à la quasi unanimité. Les thématiques récurrentes des partisans de l’obligation portaient sur l’efficacité  de la vaccination et son caractère inoffensif. L’argument de l’exemple des autres pays européens qui avaient rendu le vaccin obligatoire pour leur population fut également utilisé. Mais au fur et à mesure que les pays européens levèrent l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose cet argument perdit de sa valeur.

Le système français de vaccination était entièrement fondé sur l’obligation. Malgré cela, ses résultats sur la couverture vaccinale furent très mitigés et pas seulement en raison de la défiance de la population et de l’action des ligues anti-vaccinalistes. En 1963, un médecin constate, dans « le Monde », quenviron 70 % des enfants échappent à la vaccination par le BCG, et que pour bon nombre d’entre eux, c’est en raison de conseils médicaux.

C’est en 1964 que le vaccin antipoliomyélitique à virus atténué oral (vaccin Sabin) fut rendu obligatoire en France. Aux  Etats-Unis, le vaccin Salk, vaccin atténué injectable contre la poliomyélite, avait provoqué, lors de l’accident de Cutter, quelques 200 cas de poliomyélite et 40 000 contaminations lors de la vaccination de 200 000 enfants par un vaccin insuffisamment atténué (les fameux impondérables de la technique)[1] [2]. En France, le nombre moyen de poliomyélites symptomatiques était d’environ 500 à 1500 pendant les années précédant l’obligation vaccinale.

L’incident de Cutter avait rendu les parlementaires un peu moins affirmatifs sur le profil de sécurité des vaccins. Sous la pression des ligues opposées à l’obligation vaccinale ils acceptèrent, pour la première fois, dans un amendement que l’Etat assume la responsabilité « des dommages directement imputables à une vaccination effectuée  dans un centre de vaccination agréé ».


Abandon de l’obligation vaccinale pour les nouveaux vaccins par les autorités en raison de son inefficacité

En 1969 eut lieu la pandémie grippale de Hong Kong. Les épidémiologistes français estimèrent à 8000 le nombre de morts dus à cette pandémie. Il est intéressant de remarquer que le nombre de morts estimés pour la pandémie grippale de 1969, fut bien moindre que le nombre de morts estimés pour une épidémie de grippe banale en 2015, 18 300, alors que les groupes à risque étaient, au moins en partie, vaccinés.

A l’automne suivant, les autorités françaises appelèrent la population à se faire vacciner. Pour ce faire, ils mirent en place une campagne « d’information » de type publicitaire, utilisant tous les moyens modernes tels la radio et la télévision. Le succès fut inattendu et les Français se firent vacciner en masse, bien que le vaccin ne fût pas remboursé et que son efficacité fût reconnue comme limitée.

Cet épisode marqua un tournant, et même un retournement de situation. Un comité de prévention de la grippe réclamant la mise en place de l’obligation vaccinale  pour la grippe et son remboursement se vit opposer un refus.

A partir de ce moment, plus aucun nouveau vaccin ne fut rendu obligatoire.

L’histoire n’est donc pas en faveur de l’obligation vaccinale comme outil de diffusion des vaccins comme le montre ce qui s’est passé lors de .la levée de l’obligation vaccinale pour le BCG : l’idéologie avait pris le pas sur les preuves scientifiques


L'exemple de la tuberculose.

La tuberculose fut longtemps une maladie redoutable. Bien que l’on manque de statistiques fiables pour la France on estime que la mortalité par tuberculose était de 220 pour 100 000 habitants au début du siècle, touchant surtout des jeunes adultes de 20 à 40 ans. Cela représente la mortalité totale par cancer de nos jours. Les statistiques britanniques sont plus précises et anciennes et montrent une mortalité par tuberculose en constante baisse. Entre 1865-69 et 1936-38, la mortalité par tuberculose en Grande Bretagne est passée de 453 à 140 décès pour 100 000 habitants, soit une diminution de 69%[3].

Cette mortalité de 220 pour 100 000 habitants était toutefois très inégalement répartie et touchait de manière très prépondérante les catégories les plus pauvres de la population. C’est ce que montre de manière frappante le Dr Lowenthal pour la ville de Paris, dans un travail accessible en ligne[4]. La ville de Paris comptait alors 2,7 millions d’habitants et quelques 80 000 habitations. Environ 11000 habitants mouraient de la tuberculose chaque année.

En s’appuyant sur les travaux d’un hygiéniste qui a recensé  pendant 11 ans la domiciliation des décès par tuberculose dans la ville de Paris, Lowenthal montre que sur cette période, la moitié des habitations parisiennes, les moins densément peuplées, c'est à dire 40 000, correspondant aux habitations bourgeoises, n’ont connu aucun décès par tuberculose, tandis que dans quelques habitations dont la densité des habitants et la promiscuité sont très importantes, la mortalité par tuberculose atteint 9 fois la mortalité tuberculeuse moyenne à Paris soit 4419 pour 100 000 habitants. Il montre ainsi que la mortalité tuberculeuse est en relation directe avec les conditions de vie, et notamment avec la promiscuité[5].

Malgré l’instauration de l’obligation vaccinale  dans les années cinquante la couverture vaccinale  pour les nourrissons n’augmenta que très peu et ne commença vraiment à croître qu’à la fin des années soixante-dix[6]. Entre temps et indépendamment de cette couverture, le nombre de cas de tuberculose et leur mortalité avaient beaucoup diminué. Au début des années 70 le nombre de cas (on ne parle plus ici des décès) était de 60 pour 100 000 habitants. Puis il a diminué à 16 pour 100 000 habitants en 1993 (environ 9000 cas).

C’est à partir des années quatre-vingt qu’on commença, en France, à débattre de la possibilité de mettre fin à l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose. En outre, la France avait atteint à la fin des années 90 les critères épidémiologiques fixés par l’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (UICTMR) pour permettre l’arrêt de l’obligation de vaccination par le BCG. En 1999, parut un rapport de l’INVS, recommandant la suppression du rappel et la levée de l’obligation vaccinale généralisée des enfants[7]. Ce rapport envisageait plusieurs scénarii et tenait compte des effets indésirables du vaccin, bien connus, que l’arrêt de la vaccination de masse allait permettre de réduire,  et du fait que la moitié des cas observés l’étaient chez des personnes nées à l’étranger. En effet, l’incidence de la tuberculose chez les étrangers arrivant, notamment, d’Afrique Sub-saharienne est celle de leur pays d’origine, c'est-à-dire environ 30 fois plus  élevée que celle  des personnes nées en France. Cette différence s’atténue avec la durée du séjour en France et la prévalence de la tuberculose dans ces populations tend à rejoindre celle des personnes nées en France.

Ce n’est cependant que le 9 mars 2007, que le comité technique de vaccination émit un avis  demandant la levée de l’obligation vaccinale généralisée chez les enfants, afin de la remplacer par une vaccination ciblée. Il fallut donc 30 ans après qu’eut débuté la réflexion sur le sujet et huit ans après que l’INVS eut considéré cette levée comme souhaitable pour qu’une décision fût prise.

Pourquoi la prise de décision prit elle autant de temps ?  Parce que, malgré l’efficacité limitée du vaccin,  malgré l’intérêt limité de le réaliser chez des enfants nés en France, la crainte, non justifiée scientifiquement, était qu’un arrêt de l’obligation généralisée produisît une augmentation brutale des cas de tuberculose. Cette crainte avait donc son origine dans des positions idéologiques, et des croyances attribuant au vaccin une efficacité bien au-delà de ce qui était établi par la science. Si d’autres raisons peuvent avoir joué un rôle, c’est en tous cas cette crainte qui justifia officiellement que l’arrêt de l’obligation fut sans cesse reporté.

Les effets indésirables du BCG, bien connus car visibles et non contestés, furent mis en balance avec les risques d’un arrêt de la vaccination, c'est-à-dire avec une augmentation potentielle des cas de tuberculose, notamment chez les enfants de moins de 15 ans. L’hypothèse retenue du vaccin par multipuncture, alors utilisé en France, lui attribuait, de manière bien hasardeuse, une efficacité de 85% contre les miliaires et méningites tuberculeuses et une efficacité de 75% contre les autres formes. La vaccination ciblée aurait donc, selon ces hypothèses, dû entraîner une augmentation de 200 à 485 cas supplémentaires, selon la couverture vaccinale, des cas de tuberculose chez les enfant de moins de 15 ans soit un doublement ou triplement des cas dans cette tranche d’âge[8]. On aurait donc dû constater dans cette tranche d’âge une augmentation du taux de tuberculose de 1,6 à 4 pour 100 000, alors que le taux de base était à 2,7.

En réalité, l’arrêt de la vaccination généralisée eut lieu, et il n’y eut non seulement aucune augmentation des cas de tuberculose chez les enfants de moins de 15 ans mais au contraire une baisse ( de 2,7 avant l’arrêt à 2,1 après l’arrêt[9]), montrant a posteriori que toutes ces tergiversations étaient infondées car en réalité le vaccin par multipuncture n’était pas du tout efficace et n’apportait aucune protection.

Cet épisode montre surtout le caractère illusoire d’une obligation transitoire de vaccination dont les experts et idéologues vaccinolâtres détiendraient les clés. En effet, l’initiative de l’arrêt de l’obligation reviendrait alors à ceux-là même qui l’ont instaurée et qui cherchent à l’imposer. Autrement dit les comités et experts seraient juges et partie d’une obligation qui accroît considérablement leurs pouvoirs au détriment d’une science sans conflits d’intérêts et éclairée et de la liberté de choix des citoyens en situation d’incertitude scientifique.


En 1984 fut levée l’obligation de vaccination contre la variole qui avait été déclarée comme éradiquée en 1980 par l’OMS.




[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Cutter_Laboratories On April 12, 1955, Cutter Laboratories became one of several companies that the United States government licensed to produce Salk polio vaccine. In what became known as the Cutter Incident, some lots of the Cutter vaccine—despite passing required safety tests—contained live polio virus in what was supposed to be an inactivated-virus vaccine. Cutter withdrew its vaccine from the market on April 27 after vaccine-associated cases were reported.
Surgeon General Scheele sent Drs. William Tripp and Karl Habel from the NIH to inspect Cutter's Berkeley facilities, question workers, and examine records. After a thorough investigation, they found nothing wrong with Cutter's production methods.[2] A congressional hearing in June 1955 concluded that the problem was primarily the lack of scrutiny from the NIH Laboratory of Biologics Control (and its excessive trust in the National Foundation for Infantile Paralysis reports).[3]
A number of civil lawsuits were filed against Cutter Laboratories in subsequent years, the first of which was Gottsdanker v. Cutter Laboratories.[4] The jury found Cutter not negligent, but liable for breach of implied warranty, and awarded the plaintiffs monetary damages. This set a precedent for later lawsuits. All five companies that produced the Salk vaccine in 1955—Eli Lilly, Parke-Davis, Wyeth, Pitman-Moore, and Cutter—had difficulty completely inactivating the polio virus. Three companies other than Cutter were sued, but the cases settled out of court.[5]
The Cutter incident was one of the worst pharmaceutical disasters in U.S. history, and exposed several thousand children to live polio virus on vaccination.[6] The NIH Laboratory of Biologics Control, which had certified the Cutter polio vaccine, had received advance warnings of problems: in 1954, staff member Dr. Bernice Eddy had reported to her superiors that some inoculated monkeys had become paralyzed (pictures were sent as well). William Sebrell, the director of NIH wouldn't hear of such a thing.[3]
The mistake produced 120,000 doses of polio vaccine that contained live polio virus. Of children who received the vaccine, 40,000 developed abortive poliomyelitis (a form of the disease that does not involve the central nervous system), 56 developed paralytic poliomyelitis—and of these, five children died from polio.[7] The exposures led to an epidemic of polio in the families and communities of the affected children, resulting in a further 113 people paralyzed and 5 deaths.[6] The director of the microbiology institute lost his job, as did the equivalent of the assista stepped down. Dr Sebrell, the director of the NIH, resigned.[3] nt secretary for health. Secretary of Health, Education, and Welfare Oveta Culp Hobby
[5] Article cité : pages 14 et suivantes