vendredi 10 avril 2009

CANCER DE LA PROSTATE : QUAND LE PROFESSEUR BERNARD DEBRE S'EN MELE

Le cancer de la prostate est un sujet trop sérieux pour être confié aux urologues.

Nous vous avions indiqué dans un article récent que les deux dernières études (l'une américaine, l'autre européenne) publiées sur l'intérêt du dépistage systématique du cancer de la prostate n'apportaient rien de nouveau : il n'était toujours pas nécessaire de le faire.

Mais c'était sans compter avec le grand professeur Debré, illustre chef de service d'urologie (on rappelle ici que le président Mitterrand n'a pas été opéré par lui mais par le professeur Steg dans son propre service), qui vient de présenter, sous l'égide de l'OPEPS (Office Parlementaire d'Evaluation des Politiques de Santé), un rapport qui tend à vouloir, contre toute évidence scientifique, généraliser le dépistage de masse du cancer de la prostate par le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen).

Le Professeur Debré ferait simplement pitié si ce rapport ne reflétait pas l'état déliquescent de la Société Française dont les mammelles sont le copinage et l'acoquinage et, dans le cadre plus particulier de la Santé, à la puissance quatre.

Pour une lecture d'une critique argumentée de ce rapport qu'il est possible de télécharger, je vous conseille de vous diriger sur le site du docteur Dominique Dupagne où l'auteur fait une analyse saisissante des incohérences, des approximations et des mensonges colportés par l'OPEPS via le professeur Debré.

Voici quelques données que l'on peut tirer de cette affaire :

  1. Une mission parlementaire est confiée à un homme, le professeur Bernard Debré, qui est connu pour ses positions a priori en faveur du dépistage de masse du cancer de la prostate (conflit d'intérêt intellectuel).
  2. C'est à l'Association Française d'Urologie, dont Bernard Debré est membre, que l'on confie l'enquête. Cette association d'urologues français est connue elle-aussi pour ses prises de position extrêmistes dans le domaine du dépistage de masse du cancer de la prostate et ses "Recommandations" sont elles-aussi connues pour être en désaccord avec celles de la Haute Autorité de Santé, et de l'Institut national du Cancer, Recommandations qui devraient faire autorité en France. Rajoutons qu'à part l'American Urological Association, aucune société savante urologique dans le monde ne préconise non plus le dépistage de masse... (Conflit d'intérêt intellectuel et financier).
  3. Le rapport est commenté de façon généralement très favorable dans la presse médicale et grand public et les "journalistes" français, médicaux ou non, se contentent des déclarations de Bernard Debré pour faire leur opinion et celle de leurs lecteurs. En France le journalisme médical d'investigation n'existe pas ou de façon sporadique.
  4. Le rapport de l'OPEPS est globalement un tissu de mensonges. Nous avons commenté ici les deux études dont il fait mention et souligné combien l'étude européenne était imparfaite et l'étude américaine convaincante pour continuer de ne rien faire et pourtant Bernard Debré, mentant comme un arracheur de prostate, en tire des conclusions opposées. Il oublie en particulier de dire que les cas français ont été enlevés de l'analyse finale. Notre bonté d'âme nous interdit d'en donner les raisons (incompétence ?).
  5. La mission parlementaire a confié aux seuls urologues le soin d'évaluer leurs propres pratiques sans tenir compte des critiques formulées par des experts en Santé Publique comme le professeur Gérard Dubois ou l'épidémiologiste Catherine Hill
  6. Où sont indiqués les conflits d'intérêt du professeur Debré ? Où sont indiqués les conflits d'intérêt de l'AFU ?
En conclusion : Il est fort peu probable que ce rapport finisse par faire autorité mais que d'efforts pour le critiquer ! Sa simple lecture permet de se rendre compte de sa fausseté scientifique et nous espérons que l'Université Française, que les Autorités Académiques se réveilleront afin que l'on puisse dire à propos de l'OPEPS, à l'instar de Cornelius Castoriadis à propos de l'URSS, cinq lettres, cinq mensonges.

jeudi 9 avril 2009

TRANSPARENCE ET CONFLITS D'INTERETS : LE JAMA INNOVE EN PIRE !

Le deuxième grand journal médical américain, le JAMA ou Journal of American Medical Association (le premier étant le NEJM ou New England Journal of Medicine), fait fort : il a décidé que si quelqu'un écrivait au journal pour signaler des possibles conflits d'intérêts concernant des auteurs de la revue il devait garder le silence jusqu'à ce que les allégations soient investiguées !
Cette décision fait suite à une lettre, publiée dans le BMJ, signalant un conflit d'intérêt majeur, non mentionné dans le JAMA, entre le premier auteur d'un article et une société commercialisant le produit testé. Les professeurs Leo et Jacasse ont envoyé ce courrier au BMJ après que le professeur Leo eut écrit une lettre au JAMA (et au New York Times) et qu'il n'eut pas reçu de réponse cinq mois après cet envoi bien qu'il ait adressé une lettre de relance et un courriel. Et ce n'est qu'ensuite qu'il a signalé les faits au BMJ qui a publié. Notons ici que le système de réponse rapide du BMJ est très simple, qu'il suffit de respecter les instructions aux auteurs pour être publié quasiment instantanément : j'en ai fait plusieurs fois l'expérience. Cela dit je n'ai jamais écrit une lettre au BMJ pour signaler un conflit d'intérêt concernant un auteur du BMJ...
Mais là où l'affaire prend de l'ampleur c'est lorsque l'on apprend qu'à la suite de l'envoi de la réponse rapide au BMJ les deux auteurs ont reçu des appels téléphoniques de menaces, des attaques personnelles et des courriels émanant de la rédaction du JAMA leur demandant de retirer leur réponse rapide du BMJ !
Cette nouvelle "péripétie" soulignant les liens de consanguinité entre les journaux médicaux et Byg Pharma que nous avons rapportés ici pour les vaccins anti grippaux a fait l'objet de commentaires peu élogieux pour le JAMA dans la presse grand public américaine. Qu'il s'agisse du Chicago Tribune qui a été le plus virulent ou du Wall Street Journal.
Comme l'a écrit Jerome Kassirer, ancien rédacteur en chef du NEJM, "Personne ne pourra empêcher un whistleblower de parler pour dénoncer." Un whistleblower est un lanceur d'alerte ou un délateur (dans cette dernière acception il s'agit d'une personne qui, étant membre d'une entreprise, en dénonce les dysfonctionnements de l'intérieur ou après l'avoir quittée).
Ce débat lancé sur des medias médicaux et grand public aux Etats-Unis souligne encore la petitesse de la France en ce domaine : il est rare que les conflits d'intérêts soient dénoncés dans la presse grand public et il est encore plus rare que la grande presse s'attaque à la presse médicale ou n'aille pas dans le sens du poil des auteurs racontant n'importe quoi par abus d'autorité. La révérence française à l'égard des pouvoirs établis va même jusqu'à la non possibilité d'obtenir un débat scientifique de bonne qualité sur des sujets sensibles comme le dépistage du cancer du sein par la mammographie, du cancer de la prostate par le dosage du PSA ou l'intérêt de vacciner les personnes âgées contre la grippe.
Un autre aspect de ce débat est aussi le manque cruel de revues françaises publiant des articles originaux de recherche.
Nous souhaiterions pouvoir disposer d'espaces de discussion fondés sur les données de la science permettant de discuter sereinement de problèmes, notamment de Santé Publique, déterminants pour la société française.
Il ne semble pas que le JAMA soit désormais en pointe.
A vos plumes !

mardi 7 avril 2009

FORMINDEP ET TRANSPARENCE : SUITE

Il faut féliciter le Formindep pour sa réactivité transparencielle.

A peine avais-je demandé que la réponse de la Haute Autorité de Santé fût publiée en ligne que le Formindep s'exécutait.

Et lorsque l'on lit le courrier de Laurent Degos on se demande bien pourquoi le Formindep ne l'a pas publié avant.

Ce courrier est d'une indigence qui frise le zéro pointé. On y apprend ainsi qu'il est bien difficile de faire appliquer les règles de transparence, que l'on s'y emploie, que l'on fait de son mieux mais que rien n'est encore parfait...

Dans sa réponse le Formindep souligne que Laurent Degos ne répond pas aux questions qui lui étaient posées, notament sur la publication complète des liens financiers des participants à ces commissions avec l'industrie pharmaceutique. Habilement le Formindep, qui n'en pense pas un mot, suggère à la HAS qu'une complète transparence crédibiliserait les Recommandations de la HAS. Le Formindep se propose même de participer à cet effort !

Cela dit, et nous sommes à la fois d'accord avec le Formindep pour que les règles de transparence telles qu'elles ont été édictées par la HAS elle-même, soient respectées, et d'accord avec la HAS pour dire qu'il est assez difficile d'éliminer tout expert qui a eu ou qui aura un lien avec Byg Pharma, la question des experts se pose.

Faut-il que les experts qui jugent les essais cliniques n'aient jamais participé à aucun essai clinique dans le domaine étudié ? Faut-il que les experts soient naïfs au point de ne jamais avoir publié dans le domaine étudié ? C'est un point crucial que les différentes Agences internationales n'ont jamais résolu.

Dernier point :
  1. Alzheimer : l'épidémie d'Alzheimer est extrêmement suspecte. Nous ne sommes pas tout à fait dans un contexte de Disease Mongering mais plutôt dans un regroupement des démences sous le chapeau d'Alzheimer. Et dans une Stratégie de Knock sociétale. Dès qu'un patient oublie ses clés il est suspect d'Alzheimer et on commence à le patcher (disease mongering et Stratégie de Knock). Dès qu'un homme politique monte sur une estrade il n'a de cesse de parler des maisons de retraite médicalisées, des associations d'aide à la personne et de soulagement des familles (Stratégie de Knock). Il serait intéressant que des enquêtes indépendantes se penchent sur le surdiagnostic de la maladie d'Alzheimer et sur la mise sous traitements (inefficaces) de patients non encore malades.
  2. Diabète de type 2 : j'ai souligné ici le désaroi des médecins devant l'épidémie de diabète (liée probablement à des comportements sociétaux : suralimentation dans les pays développés) et devant la maigreur des résultats cliniques des traitements validés proposés sur les critères de morbimortalité metformine (glucophage / Stagid), glibenclamide (Daonil) et insuline. Il n'est pas surprenant que Byg Pharma fasse le forcing avec de nouvelles molécules non éprouvées.
Revenons à nos moutons :
  1. La HAS ne fait pas son boulot
  2. Les médecins lisent peu ses recommandations (pas en raison des conflits d'intérêts non mentionnés mais par fainéantise)
  3. La CPAM nous oblige à respecter des Recommandations HAS (Affections de Longue Durée) pour laquelle il existe de sérieux doutes d'indépendance.
  4. Le Formindep a peur de son ombre en ne mettant pas en ligne immédiatement et en ne laissant le lecteur se faire une idée lui-même.


dimanche 5 avril 2009

FORMINDEP ET TRANSPARENCE

La transparence est le fonds de commerce du Formindep, association qui a pour objectif, je cite : ... pour une formation et une information indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients..., ce qui laisse peu de place au reste de l'humanité...
Mais la transparence serait-elle, comme le principe de précaution qui n'est pas applicable à lui-même, non applicable au Formindep ?
Depuis le 12 mars dernier, le Formindep publie un brûlot pour ceux qui ne connaissent pas la Haute Autorité de Santé (HAS) : "HAS et conflits d'intérêts. Des recommandations professionnelles peu recommandables." Dont acte. Pas grand chose à dire. Comme d'habitude l'article est suivi de commentaires dithyrambiques par des médecins "amis" qui ont le droit d'être anonymes (par prudence. Il semblerait qu'ils aient peur d'une police vichyste qui pourrait aboutir à une interdiction d'exercice) mais les messages qui ne sont pas de la même eau ou qui ne conviendraient pas à Monsieur Foucras, parangon de la vertu éditoriale et médicale, sont rejetés comme diffamatoires et soumis à un contrôle a priori.
Mais le Formindep va plus loin : il signale que la HAS, par l'intermédiaire de son président, le professeur Laurent Degos, a répondu le 21 mars 2009 et que "Le Formindep prend le temps de l'étudier en détail, afin de lui donner les suites qu'il jugera nécessaires au respect de la transparence de l'information médicale."
Ainsi, le Formindep, canon des élégances de la transparence, ne publie pas en ligne le document qui lui a été adressé. Ses lecteurs ne sont pas assez matures pour comprendre, il est nécessaire d'interpréter, de donner des clés, d'indiquer la ligne du Formindep... On croit rêver.

Il est vrai que le Formindep, quand il met en avant "La question du sénateur Autain au ministre de la Santé" ne précise pas qu'il s'agit d'un député apparenté au Parti de Gauche.

Monsieur Foucras, qui publie également dans l'Humanité, c'est son droit et nous le défendons puisque le journal L'Humanité, comme nombre de quotidiens français reçoit des subventions publiques, ne croit pas bon de s'interroger sur le fait que le parti Communiste ait fait son aggiornamento sur différentes questions concernant le domaine médical.

La transparence est un sport difficile à pratiquer car son côté ontologiquement inquisitorial finit par se retourner contre ses auteurs quelques bonnes intentions qu'ils aient.

Nous en reparlerons dans ce blog car il s'agit d'un point crucial.

La publication des conflits d'intérêts dans le domaine médical est un impératif et devrait faire l'objet d'un contrôle adapté en fonction des textes de loi existant. Mais n'oublions pas qu'il peut être à double tranchant et venir menacer, non les libertés publiques, mais les libertés privées.
Erratum : Je prie d'excuser les lecteurs sur le fait que dans mon enthousiasme à dénoncer je n'ai pas vérifié que le sénateur Autain n'était pas membre du Parti Communiste Français mais effectivement du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon. J'ai donc modifié le texte.

PHARMACOVIGILANCE : LA REVUE PRESCRIRE FAIT CAVALIER SEUL

Une nouvelle rubrique est apparue dans La Revue Prescrire : Évitez l'évitable. [Rev Prescrire 2008;28(301):864-66].

( Ce billet est paru en avril 2009 et s'il revient en première page c'est parce qu'une personne citée m'a demandé de l'anonymiser)

J'avais survolé l'article princeps lorsqu'il était paru en novembre 2008 (Signaler les effets indésirables des soins : enjeux et limites) tout en m'étonnant d'une telle démarche.

La Revue Prescrire clame à longueur de colonnes que les médecins doivent être responsables, citoyens, et surtout anti Byg Pharma (le cœur de cible de la revue) et dans l'éditorial de ce même numéro [Payés à quoi faire ? Rev Prescrire 2008;28(301):801] l'éditorialiste tonne contre le paiement à l'acte et souligne le temps passé à renouveler des ordonnances complexes ou à "...déceler et signaler les effets indésirables des médicaments... au tarif standard d'une vingtaine d'euros l'unité..."

La déclaration des effets indésirables graves ou inattendus des médicaments (tout comme par ailleurs la notification des maladies à déclaration obligatoire) fait partie des tâches nobles du médecin, appartient à la catégorie des nécessités morales de la santé publique qui incombent à la responsabilité individuelle et collective du praticien et devrait être une évidence. Or, La Revue Prescrire, pour des raisons idéologiques et syndicales, passe l'éponge sur ces sous-notifications et aimerait que les médecins fussent rémunérés pour ce temps passé en oubliant de préciser que la sous-notification des effets indésirables est, à quelques décimales près, la même quels que soient les systèmes de santé.

La Revue Prescrire fait son miel et sa pagination de la déclaration des effets indésirables et feint de croire qu'ils se déclarent tout seuls.

Eh bien, la Revue Prescrire, au lieu de conforter les médecins dans leurs obligations légales (article R.5121-170 du Code de la Santé Publique), souligne combien il est difficile de déclarer, ces pauvres médecins débordés de travail et de tâches administratives, ces questionnaires difficiles à remplir, les risques de non confidentialité... et encourage ces mêmes médecins à se détourner de leurs obligations (même si La Revue Prescrire dit le contraire pour se couvrir moralement) et à "déclarer" sur un espace réservé aux abonnés Prescrire.

On se demande où est le temps gagné. On se demande où est la méthodologie. On se demande de quelle démarche il peut bien s'agir. Est-ce que le grand professeur Montastruc, l'expert maison, est d'accord avec cette démarche ? Est-ce que le grand professeur Montastruc n'est pas en train de vouloir faire sécession (non pas de La Revue Prescrire mais des instances officielles) ? Où est le code des Bonnes Pratiques en Pharmacovigilance qui exclut de parler d'un cas s'il ne fait pas partie d'une publication ?

Quant à écrire "Lorsqu'un abonné Prescrire signale un événement indésirable au programme Prescrire Eviter l'Evitable, c'est dans le but d'en cerner le caractère évitable, puis d'en tirer les leçons pour mieux soigner", c'est à mourir de rire, c'est à désespérer de la causalité scientifique, c'est faire d'un cas individuel une expérience pour tous, c'est se moquer des statistiques, des recoupements, des évaluations, c'est nier le processus même d'imputabilité, c'est jeter par dessus bord toutes les procédures de pharmacoépidémiologie... Nul doute que le signalement des cas à Prescrire Eviter l'Evitable va améliorer le profil de pharmacovigilance des produits et va permettre à La Revue Prescrire de mieux évaluer le rapport bénéfices / risques des médicaments !

Le plus amusant est qu'une certaine *** (je viens de recevoir ce jour, 28 novembre 2014, soit plus de 5 ans après les faits, un mel de la certaine *** me demandant d'enlever son nom de mon billet,  à deux endroits, car, je cite ensubstance, "Ceci me porte préjudice avec atteinte à mon intégrité et mon honneur.") membre du département de Pharmacovigilance de Sanofi Pasteur MSD, a écrit à La Revue Prescrire [Rev Prescrire 2009;29(306):315] pour s'étonner de telles procédures à la suite de la non déclaration d'un effet (a priori inattendu) au laboratoire après qu'il a été mentionné par La Revue Prescrire et pour demander qu'on lui communique les éléments du dossier.

On est en plein paradoxe : réponse pour le moins alambiquée de La Revue Prescrire avec mise en avant du secret professionnel (?) et renvoi de la responsabilité vers le praticien ! Mais surtout cette dame *** se trompe de cible (même s'il est toujours exquis de mettre le doigt sur les contradictions des donneurs de leçons) : les industriels devraient être contents d'une telle démarche car cela leur permet d'avoir encore moins de déclarations à faire (et surtout d'évaluations et d'imputations) car il serait étonnant que le praticien déclarant à l'Association Mieux Prescrire déclarât aussi ou au laboratoire ou au Centre régional de Pharmacovigilance.

Prenons l'exemple des effets indésirables du vaccin contre l'hépatite B : il semble que et Sanofi Pasteur MSD et La Revue Prescrire aient intérêt à ne rien dire, les premiers pour des raisons financières et les seconds pour des raisons idéologiques.

La Revue Prescrire serait-elle autant déconnectée des réalités pour créer son propre Centre Prescririen de Pharmacovigilance avec le grand professeur Montastruc comme chef de centre ? Bientôt La Revue Prescrire va encourager les praticiens à publier les essais cliniques sur un malade afin d'en tirer des leçons pour mieux soigner.

PS
Commentaires du 28 novembre 2014.
Il n'aura échappé à personne que mon billet était volontiers critique contre La Revue Prescrire  et que la lettre publiée dans la dite revue de la certaine dame ***  était quand même très malicieuse (et que je l'ai appréciée à ce titre) et que la réponse de la revue de référence était (je viens de la relire) pas piquée des hannetons. Et ainsi la dame en question m'a-t-elle gentiment demandé de retirer son nom qui apparaît, rappelons-le, à la page 315 de La Revue Prescrire d'avril 2009, il suffit d'aller y faire un tour, ce que je fais en me demandant qui aurait bien pu remarquer qu'elle y écrivît, sinon deux pelés et trois tondus, mais maintenant un peu plus de monde le saura.

jeudi 2 avril 2009

FIBROMYALGIE : LE MARCHE DE LA DOULEUR

Ce matin : chronique "médicale" sur Télé-Matin par Brigitte Fanny-Cohen.
La fibromyalgie en première ligne.
Un publi reportage pour un professeur de la Salpétrière. Un publi reportage pour trois molécules (non citées). Une approche univoque et sans esprit critique sur la "maladie" et sur sa fréquence : 600 000 personnes en France (hypothèse basse). Une caution médicale : l'OMS.
On est loin du disease mongering, on est en plein délire knockien ou en plein emballement mimétique (girardien).
Je viens de lire dans le British Medical Journal un article rapportant le fait que deux patients ont perdu leur procès contre le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) qui mettait en avant dans ses recommandations la pratique de la Thérapie Cognitive Comportementale et de l'Exercice Physique Gradué. Les arguments des plaignants étaient ceux-ci : conflits d'intérêt détectés chez les membres du NICE ; non évaluation des risques possiblement causés par les deux techniques mises en avant ; sur estimation du rapport York analysant les différentes thérapeutiques et leurs résultats ; non prise en compte du point de vue des patients.
Les patients ne veulent pas entendre parler d'une approche psychosociale mais désirent qu'on les considère comme atteints d'une maladie biométabolique. En d'autres termes ils se sentent minorés par la non reconnaissance d'une maladie qu'ils souhaiteraient à substratum anatomopathologicophysiologique pur et par le soupçon d'une participation psychologique (voire psychiatrique) à leurs souffrances. En d'autres termes, ils préféreraient que leur maladie ne s'appelle pas Chronic Fatigue Syndrome mais Myopathic Encephalomyopathy.
Au delà de cette controverse, on voit ici combien la douleur des patients peut être au centre d'une réflexion générale dépassant la Stratégie de Knock et, a fortiori, le disease mongering.
La fibromyalgie fait l'objet d'un intérêt croissant en raison du fait que le nombre de malades qui en seraient atteint "explose". Rien de bien extraordinaire pour ceux qui suivent l'actualité, déjà ancienne, des "nouvelles" maladies, des maladies mimétiques et du marketing médical : dans le cas précis il y a invention d'une maladie (en 1955), regroupement de symptômes, agrégation d'évidences, définition de critères, appropriation par des "experts" qui croient être des pionniers se battant contre les moulins à vent de l'académisme, puis appropriation par les malades, enfin reconnus, puis académisation de la maladie, reconnaissance par l'OMS (ça en jette, l'OMS, surtout lorsque l'on n'analyse pas les conflits d'intérêts multipliés à la puissance cent), par l'Association Américaine de Rhumatologie, la FDA, et cetera... Et, enfin, last but not least : on propose des molécules, d'abord anciennes puis nouvelles.
Un petit tour sur google donne le vertige : le nombre de sites est impressionnant et, au bout du compte, tout patient souffrant de fibromyalgie (polyenthésopathie) peut se reconnaître, demander à son médecin de le reconnaître afin de lui coller une étiquette sur le front et de le gaver de médicaments.
La controverse britannique maladie biométabolique / maladie psychosociale est amusante. En France où les Thérapies Cognitivo Comportementales sont peu répandues en raison de la chappe freudienne, il y a aussi la psychothérapie d'obédience analytique qui est également mise en avant.
Mais là où le paradoxe devient excitant c'est au moment où les partisans de la théorie organique réclament des médicaments qui sont soit des antisérotoninergiques (comme dans la dépression ?), soit des amitryptiliques (comme dans la dépression ?), soit des antiépileptiques (maladie qui fut longtemps, et encore, une maladie honteuse). Le dernier produit émane de chez Pfizer et les études me semblent-ils ont été réalisées par un escroc.
Un autre paradoxe : les tenants, comme moi, de la prise en compte des Values and Preferences des patients, se trouvent pris à leur propre piège : elles me renvoient à un débat que je ne veux pas avoir.
Car argumenter sur la fibromyalgie c'est aussi asseoir la maladie dans son statut.
Et comme le dit David Michaels à propos de Byg Pharma : Le Doute est leur Produit.
Plus les controverses sont fortes, plus le patient est conforté dans ses certitudes.
Et le patient souffre !

mardi 31 mars 2009

JOHN BERGER : UN METIER IDEAL



John Berger pour le texte et Jean Mohr pour les photographies : Un métier idéal – Editions de l’Olivier – 2009. (A Fortunate Man - 1967) (Traduction de l’anglais : Michel Lederer)
Ce livre est une petite perle. Il devrait surtout intéresser les médecins mais c’est une bonne occasion pour les malades en puissance (dont les médecins) de comprendre comment les praticiens expriment leurs interrogations existentielles.
Il raconte la vie professionnelle d’un médecin généraliste anglais, John Sassall, exerçant la médecine de premier recours au milieu des années soixante dans des conditions qui n’existent pratiquement plus (campagne anglaise reculée sans les moyens modernes de communication, petite chirurgie, urgences, soins de suite à l’hôpital, psychothérapies à domicile, accouchements et fins de vie…).
Le livre est tellement beau (le texte et les photographies de Jean Mohr) et pertinent qu’on se demande si ce n’est pas Sassall qui raconte sa propre histoire en se cachant derrière un écrivain : John Berger racontant l’histoire d’un médecin qui serait lui-même.
Mais ce n’est pas le cas : c’est un non médecin qui raconte la poésie tragique de la médecine. Un médecin fasciné par Conrad et l’ «inimaginable».
La partie la plus intéressante du livre (les anecdotes cliniques sont plus banales), c’est la réflexion sur l’exercice de la médecine, et cette réflexion n’a pas besoin d’être actualisée pour « parler ».
Tout est abordé : le statut social du médecin dans une campagne où la majorité des habitants sont des cultivateurs ou des manuels (Sassall, sur les photos, est habillé comme un dandy, roule en land rover et ne fait pas semblant de faire peuple) ; la profondeur de la relation médecin malade : « La conscience de la maladie constitue une part du prix que l'homme payait, et paie toujours, pour avoir conscience d'exister. Cette conscience accroît la souffrance ou l'infirmité. Et la conscience de soi qui en résulte constitue un phénomène social, de telle sorte qu'elle fait naître la possibilité d'un traitement et donc de la médecine." ; la façon d’aborder la maladie et le mal être et comment Sassall s’attache à en faire la distinction ; le passage continuel du patient au malade au cours de la même consultation ; l’importance de la récognition pour le malade ; la nécessité de briser la double unicité de la maladie et du mal être : Sassall ne murmure jamais « Oui, oui,… » en hochant la tête quand un malade lui parle de ses soucis mais « Je sais, je sais,… » avec une compassion sincère ; ou alors : «Quand il parle avec un malade ou qu’il l’écoute, c’est comme s’il le touchait aussi avec les mains dans l’espoir d’être moins susceptible de se tromper ; et quand il examine physiquement un malade c’est comme s’il conversait avec lui. » ; le nécessaire interdit de la sexualité avec les malades ; l’irréversibilité du temps ; qu’est-ce que c’est qu’un « bon » médecin ? ; l’EBM est également abordée : « Chaque semaine, désormais, il [Sassall] lit dans les moindres détails les trois principales revues médicales et, de temps en temps, va suivre une formation dans quelque hôpital. Mais il tire surtout satisfaction des cas où il est confronté à des forces qui ne se situent pas tout à fait dans un cadre répondant à des explications antérieures, parce qu’ils reposent sur la personnalité du malade. Il essaie de tenir compagnie à cette personnalité dans sa solitude. »
Le livre raconte aussi les épisodes dépressifs de Sassall et… son suicide.
« Rencontrer l’un de ses semblables dans un état de désespoir nous oblige à partager, du moins en imagination, ses problèmes fondamentaux : La vie a-t-elle un sens ? A quoi bon continuer de vivre ? »


Je m’arrête là.
J’espère ne pas en avoir trop dit qui pourrait décourager le lecteur de lire le livre qui est un bel objet en soi, avec les photographies.
Bonne lecture.