lundi 8 avril 2013

Les lanceurs d'alerte désormais protégés par une loi : les résistants vont sortir du bois !


Une loi proposée par EELV vient d'être adoptée par le Parlement français.
En gros, et je reprends une phrase citée dans un article (ICI) du journal Le Monde : "le texte veut éviter que les lanceurs d'alerte soient victimes de discrimination professionnelle "pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi", à leur employeur ou aux autorités, "des faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l'environnement" dont ils auraient eu connaissance par leurs fonctions."
On est soulagés. 
Cela signifie qu'au lieu d'être vidés de leur entreprise privée ou publique les lanceurs d'alerte seront placardisés, n'assisteront plus aux réunions et toucheront leur salaire. C'est un moindre mal.
On voit que les progrès sont sensibles.

Si seulement cette loi avait pu être instaurée auparavant, que n'aurait-on pas vu ? 
Au lieu de continuer à travailler normalement dans l'administration française de nombreux hommes et femmes seraient allés rejoindre de Gaulle à Londres... pour résister. Comme Stéphane Hessel, par exemple. Ou auraient pu empêcher les convois allemands de circuler sur les rails français...
Au lieu de rester tranquillement à l'Académie des sciences, Alexandre Sakharov aurait pu résister au pouvoir soviétique et se lancer dans les samizdats ; au lieu d'écrire tranquillement des romans à l'eau de rose Alexandre Soljenitsine aurait écrit L'Archipel du Goulag.
Au lieu d'écrire des pièces de théâtre Vaclav Havel aurait pu résister aux Soviétiques et aux staliniens...
Au lieu d'aller tranquillement en Allemagne travailler chez Messerschmitt les ouvriers français auraient pu déserter le STO pour entrer dans la résistance...
Au lieu, au lieu, au lieu.

Et dire que les gens qui n'ont pas signé le ROST s'appellent eux-mêmes des refuzniks... Qu'est-ce qu'ils ont risqué sans cette loi ?

Grâce à cette loi des membres du PS auraient pu alerter leur direction sur DSK et ses pratiques sexuelles inappropriées pour briguer un poste de Président de la République...
Grâce à cette loi Pierre Moscovici aurait pu se rendre compte que Jérôme Cahuzac n'était plus médecin généraliste depuis belle lurette...
Grâce à cette loi les militants écologiques auraient pu alerter leur direction sur le bilan carbone de Madame Duflot quand elle prend l'avion pour un entretien à la télévision ou quand Monsieur Mamère fait semblant de venir en vélo à une réunion alors qu'il utilise une voiture.
Grâce à cette loi les militants de l'UMP auraient pu alerter Monsieur Woerth sur le conflit d'intérêt existant entre lui et sa femme, le Ministre du Budget et une gestionnaire de patrimoine.
Grâce à cette loi les militants du Front de Gauche auraient pu alerter Monsieur Mélenchon sur les immolations de bonzes au Tibet ou sur les atteintes à la liberté de la presse au Venezuela.
Grâce à cette loi les militants du Front national auraient pu alerter leur direction sur les propos antisémites de certains de leurs dirigeants pendant des banquets républicains...

J'espère n'avoir oublié personne.
Ah, si.
Grâce à cette loi la disparition des lanceurs d'alerte a posteriori, ceux qui ne l'ont pas fait quand ils étaient en poste, serait possible : ils auraient pu parler avant, comme le professeur Even ou le professeur Béraud... sans risquer de perdre leurs voitures et appartements de fonction...
Grâce à cette loi, des pharmacovigilants indéboulonnables auraient pu se réveiller avant que le Pandemrix n'endorme ou que le Mediator ne valvule et auraient pu ne pas dire :"Je l'avais dit mais je suis resté dans mon coin de peur d'être dérangé."

Mais j'ai aussi oublié les journalistes qui ont peur de leur ombre ou qui ne se sentent pas protégés par l'anonymat de leurs sources ou qui ne veulent pas risquer leur salaire.

Grâce à cette loi les refuzniks, les opposants de la première comme de la dernière heure, vont pouvoir dénoncer les scandales avant qu'ils n'éclatent... Ils vont aussi pouvoir poser des micros dans les bureaux, dans les toilettes, dans les chambres à coucher et adresser les bandes à Mediapart, la fin justifiant les moyens.

Quand Milan Kundera est arrivé en France pour les raisons que l'on connaît et que je ne rappellerais pas pour ne pas que l'on m'accuse d'anticommunisme primaire (et les gens auraient raison) alors que tout ce qu'il disait était écouté, que les bandes enregistrées dans les appartements des opposants étaient diffusées à la radio et dans les usines pour que les ouvriers se rendent compte de la trahison des traîtres (ce qui avait provoqué un effet contraire dans la population qui n'admettait pas cette "transparence"), il avait vu dans les journaux les images volées de Jacques Brel sortant de l'Hôpital américain avec sa compagne et son cancer, Jacques Brel traqué par le droit à l'information dicté par des paparazzi sans scrupules, Jacques Brel traqué comme un opposant des régimes totalitaires...

Cool.

Photographie : Angel Parra. Chanteur chilien né à Valparaiso. Crédit photographique : LA

PS : un article de Salman Rushdie dans le New-York Times du 27 avril 2013 qui parle de courage : ICI.

jeudi 4 avril 2013

La CNAM, le médecin traitant, le spécialiste, Sophia, le CAPI, le ROSP et le bilan périodique de santé. Histoire de consultation 145.


J'ai fait une erreur.

Je n'aurais jamais dû accepter que Monsieur A, 43 ans, dont je suis le médecin traitant en titre (et pour lequel je touche 40 euro par an, on le verra plus loin, sans presque rien faire), et après que j'avais fait le diagnostic de diabète de type II, allât consulter un diabétologue.
J'avais oublié cette erreur jusqu'au jour où il est venu me revoir pour le diabète.
Monsieur A est gentil, calme, déterminé et de bonne foi.
Donc, il vient consulter sur rendez-vous et, après les civilités d'usage, après que HelloDoc eut daigné ouvrir le dossier de mon patient au bout de longues secondes d'angoisse, il me dit qu'il vient pour trois choses.

Déjà, le patient qui vient pour trois choses, me tape sur les nerfs a priori (ce qui est une réaction d'une grande idiotie, je le concède, mais qui me ramène à la notion de médecin généraliste qui peut -- et qui doit-- dans la même consultation faire le boulot d'un ou de trois, voire quatre, spécialistes non généralistes, voir ICI, pour la modique somme, en secteur 1, de 23 euro) et j'ai beau lui tendre le sourire le moins contraint que je connaisse dans ma panoplie de médecin généraliste empathique et soucieux de sa patientèle, un sourire contraint quand même qui cache un désamour certain, cela me rend dubitatif et légèrement sur mes gardes pour la suite de la consultation.

Les trois choses (et les trois rictus).
Il pose d'abord sur mon bureau le questionnaire Sophia en me disant, je cite, "J'ai accepté d'adhérer à Sophia, le suivi des diabétiques." Premier rictus.
Il pose ensuite l'enveloppe des résultats de son examen périodique de santé "Puisque c'est gratuit..." en me demandant de le regarder. Deuxième rictus.
Enfin, il a raté le rendez-vous avec le diabétologue et il veut que je lui refasse son ordonnance. Troisième rictus.

Tout baigne.
Mais ce n'est pas fini.
Je jette un regard distrait sur le questionnaire Sophia (pour le remplissage duquel mais je ne sais pas trop s'il s'agit d'un seul remplissage ou s'il faudra le faire plusieurs fois au cours d'une même année pour que je  reçoive la modeste somme de 2,5 C) et je vois d'une part que sont demandés des renseignements sur des analyses biologiques que je n'ai pas prescrites (et je ne dispose pas des résultats) et d'autre part que les items à remplir (sur papier glacé) m'ennuient au plus haut point. Mais le patient sophiaté a tout prévu : il a apporté ses prises de sang. Je me rends compte alors qu'il consulte "son" diabétologue une fois tous les six mois (il me le confirme) et que "son" diabétologue ne me fait jamais de courrier ("Ah bon, il ne vous envoie rien ?" Je confirme). Le dossier de "mon" patient indique qu'il n'est pas venu me voir depuis cinq mois (et pour une infection virale ORL qui n'aurait même pas dû faire l'objet d'une consultation et quand je lui ai posé des questions sur le diabète il m'a répondu "mais c'est le diabétologue..."). Donc, le patient me montre les résultats d'une HbA1C à 6 en février 2013, à 5,8 en août 2012 et à 6 en février 2012. Je pense au ROSP (Rémunérations sur Objectifs de Santé Publique*) qui est en train de me filer sous le nez comme un pet sur une toile cirée... Je rappelle ici que les grands experts de la CNAM ont décidé que pour "bien" suivre un patient diabétique de type 2 il fallait doser l'HbA1C (ou hémoglobine glyquée 3 à 4 fois par an), ce qui est du domaine de la pensée facile ou du bon sens bien pensant (même si Prescrire a dit que c'était acceptable...). Quant au LDL, dosé une fois, il est à 1,14.

C'est alors (cf. supra Mais ce n'est pas fini) que je lui demande s'il est d'accord pour que je lui mesure la pression artérielle (j'aurais dû dire : "Daignez-vous, cher patient dont je suis le médecin traitant et qui vous faites suivre à la sauvette par le bon spécialiste du diabète, que je vous prenne la tension ?") et il me dit "J'allais vous le demander" et il ajoute :"Lors de l'examen de santé, ils m'ont trouvé de la tension". Bon. Le patient a 170 / 90, ce qui est trop pour un diabétique de type II (selon les recommandations actuelles). Il ne m'a pas apporté le rapport complet de l'IPC, officine dont je vous ai déjà parlé ICI et LA, seulement les résultats de prises de sang, il a dû considérer que le reste était sans importance -- ce en quoi il aurait eu raison -- ou que son médecin traitant supposé n'était pas digne de les lire -- aurait-il tort ?, -- et je ne peux que le croire quand il m'affirme que la pression artérielle mesurée à cette occasion était à 16. Nous allons aviser...

Il y a donc les examens de l'IPC qu'il m'a apportés incomplets et qui, le médecin traitant n'ayant pas été consulté et l'examen de sang étant standard, ne comportent pas de dosage de l'HbA1C mais je lis une glycémie à jeun à 1,22... et un LDL à 1,23. Je survole le reste.

Puis il y a le renouvellement.

Cette consultation peut vous paraître foutraque mais c'est le lot de ces malades, de bonne foi, qui se baladent à droite et à gauche, c'est peut-être cela la collégialité involontaire, et qui vous déversent sur votre bureau, leur parcours de soins. Je ne vous parle pas des patients de mauvaise foi qui font la même chose en mentant, dissimulant et en tentant de vous prendre en défaut au cas où vous ne raconteriez pas la même chose que les spécialistes...

Je me rends compte, en lisant l'ordonnance du  diabétologue, que, pour une fois, le traitement que j'avais mis en route à l'origine, c'est à dire la metformine, a été conforté, qu'il n'a pas été prescrit autre chose et notamment les produits "innovants". Un miracle. 

Cette consultation appelle plusieurs observations (ne vous méprenez pas sur le côté docte de l'affaire) :
  1. Le médecin traitant que je suis s'est fait déposséder de son malade et a accepté. Mais c'est fini, il a demandé au patient de choisir.
  2. Sophia propose des questionnaires débiles qui n'aident pas le patient mais rendent la CNAM capable de faire des statistiques bidons (voir ICI)
  3. Ce patient parfaitement équilibré n'a pas besoin de trois ou quatre dosages d'HbA1C pour être bien équilibré et le ROSP tombe à côté de la plaque
  4. Les examens périodiques de santé sont une vaste rigolade, coûtent cher et n'apportent rien
  5. Les médecins qui ont touché pour le CAPI que j'avais refusé vont aussi toucher pour le ROSP que j'ai accepté (voir ICI) : c'est comme si, le même jour, on facturait une consultation deux fois
  6. Mais surtout : l'administration française a construit un édifice bancale, un mille-feuilles de décisions, de règlements, d'objectifs qui s'entremêlent et qui n'ont aucune visibilité (me voilà en train d'utiliser les termes du marketing managerial) et qui font le génie de notre fonction publique : "mon" patient diabétique dont je suis le médecin traitant me "rapportera" : le prix d' au moins 4 consultations par an (4 x 23 = 92 euro) (mais je peux faire du "à la revoyure", la rémunération Sophia (2,5 C = 57,5 euro), la rémunération ALD (40 euro), la consultation IPC (23 euro) plus la rémunération ROSP (inconnue), plus, pour les ex médecins CAPI la rémunération CAPI (inconnue).

L'expérience du NICE anglais ou, plus précisément, du Quality and Outcomes framework (ICI) a montré que les sommes englouties ne servaient à rien en termes de Santé Publique (LA) mais remplissaient les poches de médecins qui, par ailleurs, ne faisaient que du remplissage et négligeaient ce qui était hors du QoF.
On comprend que certains syndicats appuient la démarche ROSP puisque c'est la seule façon, le tarif de la consultation étant bloqué, d'augmenter les honoraires des médecins...
Mais c'est quand même du bricolage à la petite semaine...
(crédit photographique : ICI)


* ROSP : je ne veux pas paraphraser Cornelius Castoriadis qui disait, à propos de la défunte URSS : 4 initiales, 4 mots, 4 mensonges, parce que ce n'est pas tout à fait vrai : je vais quand même toucher de l'argent si HelloDoc fonctionne ; mais les dits objectifs de Santé Publique (une expression bien ronflante) sont sans intérêt... pour la santé Publique (voir ICI pour le CAPI, antichambre des ROSP)

lundi 1 avril 2013

Un malade qui fait chier. Histoire de consultation 1146.



L'autre jour j'ai vu Monsieur Quipue en visite. J'aime pas trop les visites mais c'est quand même pas mal, les visites, ça montre la vraie vie, la vraie médecine, les mains dans le cambouis, là... La merde, ce qu'y a pas dans les livres, toussa. 
Tu m’emmerdes, gros con, voilà ce que je devrais dire à ce malade à qui je répète depuis des siècles qu’il faut arrêter de bouffer de la merde et qui continue avec une putain d’HbA1C dans les nuages à me faire douter de la médecine.
J’ai tout essayé et rien n’y a fait.
Quant à ce con de remplacé, le docteur Mescouilles, y s’en tamponne de son malade. Il pense que chacun fait ce qui veut et que le médecin donne des conseils et que son boulot s’arrête là. On est quand même pas des assistantes sociales qu’il m’a dit sans utiliser le second degré ! Mais à mon avis, le second degré, y comprend pas.
Moi, je me demande si je ne suis pas parfois une assistante sociale.
Alors, l’autre jour, je me pointe chez le mec, un taudis où t’as envie de rester debout et de ne pas coller ton cul de nana propre sur elle sur aucun des sièges qui te sont même pas proposés.
L’appart est un vrai chantier avec de la vaisselle pas lavée et des mégots de cigarettes un peu partout. C’est peut-être ça qui rend l’air irrespirable ?
Le malade, y va pas bien. Y tousse comme un damné et il a un peu de fièvre. J’ouvre une fenêtre et y me fait une tronche pas possible comme si j’étais en train de polluer son atmosphère.
Bon, si on faisait un peu de médecine… Faut dire que chez Monsieur Quipue, le problème, c’est qu’y pue. J’ai failli plusieurs fois lui demander si ça lui arrivait de se laver mais j’ai pas osé. Cela aurait servi à quoi ? La salle de bains est encore plus sale que lui. Le lavabo est noir et ressemble à son évier, sauf qu’il y a pas d’assiettes et de bols sales…
Donc, pour résumer, le malade est diabétique, il a une HbA1C à 10, y veut pas se faire piquer et au bout de 150 mètres il a une crampe dans le mollet. D’ailleurs je sais pas comment y fait pour savoir s’il a une crampe au bout de 150 mètres puisqu’il ne marche jamais ou presque et qu’il a une épicerie au coin de sa rue. Il picole, il fume et tout va bien.
Chaque fois que je vais en visite chez lui, je me répète avant tout ce que je devrais faire pour changer ce bordel et à chaque fois c’est le fiasco complet : Monsieur Quipue a une force d’inertie que même Einstein y saurait pas s’en sortir pour la calculer… Mais tout est relatif.
« Monsieur Quipue, faut qu’on fasse quelque chose ! », je commence avec vaillance en tentant de respirer le moins possible les remugles de la maison. « Ce n’est pas possible, vous avez trop de diabète, vous fumez trop, vous buvez trop, vous ne pouvez plus marcher et vous ne voulez rien faire… » Il me regarde avec un air bovin. J’ai oublié que le mec qui est devant moi assis sur une chaise pliante genre camping des flots bleus avec une table en formica souillée par de la poussière, des taches de café genre Rorschach, un cendrier rempli à ras bord, une boîte d’allumettes de cuisine, deux tasses ébréchées avec un fond indéterminé, Le Parisien ouvert et replié en deux à la page des mots fléchés, un bic mordillé sur le dessus et un bout de baguette dans un coin avec des miettes tout autour, était, avant que tout cela n’arrive, agent d'assurance et plutôt informé sur tout avec une solide culture de l'actualité… Y a des livres un peu partout et des livres bien, des classiques, des trucs intellectuels, des livres que j'ai même pas lus... Mais sa femme est morte il y a six ans, y m’a raconté ça, et il n’a plus eu envie de vivre… y s’est mis à boire plus qu’avant, et cetera… Le docteur Mescouilles m’a raconté l’histoire à sa façon, dans le style « C’est dingue comme les accidents de la vie peuvent être fatals… des gens biens… un peu négligents sur le ménage et tout a basculé… un cancer du sein qui a tué sa femme… c’est pourquoi moi, le dépistage, j’y crois dur comme fer… »
Et chaque fois que je ressors de chez Monsieur Quipue je me rends compte que j’ai rien fait, que je me suis laissée aller à ne rien faire, qu’il continuera à bouffer du sucre, à fumer des clopes, à ne pas se laver et à ne pas parler du décès de sa femme et de ses enfants qui ne viennent plus le voir et qui n’attendent qu’un truc, qu’il clamse pour récupérer le taudis…
J'y ai prescrit des antibios, du sirop, du doliprane, des bonnes paroles et je suis repartie la queue entre les jambes en me disant que la prochaine fois je ferai quelque chose. On appelle cela la procrastination...
Monsieur Quipue fait chier.

(Crédit photographique : ICI)

dimanche 31 mars 2013

Chasse aux faux médecins dans toute la France.



La découverte d'un faux architecte à Mantes-La-Jolie vient d'être relatée par la presse (ICI).

Je me suis dit qu'il serait urgent de découvrir de faux médecins, non des médecins qui n'auraient pas passé leur thèse, non des médecins qui n'auraient pas suivi le cursus, non des faux médecins qui finissent, à la fin, par tuer leur famille (LA), non, seulement des faux médecins qui font des cours aux étudiants en médecine en n'énonçant pas tout à fait des données étayées par la science.

Nous avons rencontré de faux médecins.
On me dit que, lors de leurs cours, des Médecins Académiques :

  1. ne parlent pas d'EBM mais d'Evidence Biaise Médecine
  2. parlent de la Revue Prescrire comme d'un repaire d'ayatollahs 
  3. affirment que l'épidémiologie ne fait pas partie de la médecine
  4. se moquent comme d'une guigne des recommandations de l'HAS sur le dépistage du cancer de la prostate, des recommandations américaines de l'USPTF (qu'ils assimilent à l'impérialisme anglo-saxon) sur le même sujet et prétendent, eux, faire de la vraie médecine en dépistant à tout va
  5. pérorent sur le fait que le vaccin prévenar diminuent les infections invasives à pneumocoque chez les nourrissons et les enfants
  6. assènent que les coxibs ont un intérêt en rhumatologie et sont vraiment sélectifs
  7. prétendent ne jamais avoir de leur vie prescrit de la coumadine et conseillent désormais les nouveaux anticoagulants par voie orale
  8. prétendent que le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes de 50 à 74 ans est un bienfait unique pour les femmes
  9. disent que le sur diagnostic est une notion a posteriori qui n'a aucun intérêt en médecine
  10. pensent que l'ostéoporose est un problème majeur qu'il faut dépister systématiquement et traiter obligatoirement
  11. ne conseillent jamais de prescrire des diurétiques thiazidiques en première intention dans le traitement de l'HTA
  12. affirment que la contraception estro-progestative est sans danger et qu'il vaut mieux, pour les femmes, un AVC qu'une grossesse
  13. pensent que les recommandations de GOLD sur la BPCO sont indemnes de toute pollution industrielle
  14. prétendent que les narcolepsies après vaccination par pandemrix sont fortuites
  15. se vantent d'avoir écrit des articles dont ils n'ont été que des écrivains fantômes et pour lesquels les vrais rédacteurs sont industriels
  16. promeuvent la contraception obligatoire et involontaire et / ou la vaccination obligatoire et / ou involontaire
  17. confondent l'éducation thérapeutique avec le conditionnement des patients à prendre leurs traitements
  18. font du corticoïdes bashing dans le traitement de l'asthme pour promouvoir les nouveaux anti IgE (très très chers)
  19. vantent le lyrica comme le nec plus ultra de l'antalgie et le font prescrire dans les ongles incarnés malgré les études frauduleuses qui ont conduit à son AMM
  20. disent que plus ils profitent des largesses de Big Pharma et plus ils sont indépendants des industriels
  21. exaltent les "nouveaux" antidiabétiques oraux jusqu'à la veille de leur retrait du marché
  22. revendiquent les effets thérapeutiques des anti Alzheimer en prétextant une prise en charge médicamenteuse "structurante"
  23. ad libitum
Mais les faux médecins ne sont pas seulement des académiques.
Les académiques ont une responsabilité particulière puisque ce sont eux qui enseignent la médecine et qui font passer ces messages falsifiés.
Mais ce sont eux aussi qui apparaissent sur les plateaux de télévision ou dans les émissions de radios et qui forment le peuple des citoyens, des futurs malades ou des déjà malades à ces idées fausses.

Je ne dirais rien de mes frères médecins généralistes qui ont eux-aussi tendance, comme moi, à imiter leurs "maîtres". Mais la liste serait longue...

Mais il est une autre façon de débusquer les "faux" médecins.
A l'envers.
Des faux médecins seraient des médecins qui, par rapport aux "vrais" formatés pour passer l'ECN :

  1. déprescrivent les anti alzheimer
  2. ne prescrivent pas de PSA comme "outil" de dépistage du cancer de la prostate
  3. déprescrivent l'atorvastatine
  4. déprescrivent les gliptines
  5. n'ont jamais prescrit de diane 35
  6. ad libitum

Mais je voudrais aussi dire ceci : je suis un vrai médecin :

  1. Il m'arrive de prescrire un dosage du PSA après (longue) discussion avec le patient
  2. Je vaccine des patients contre la grippe saisonnière après (longue) discussion avec le ou la patiente
  3. Il m'arrive de prescrire du rhinofluimucil contre les avis de la Revue Prescrire
  4. Il m'arrive de "renouveler" des gliptines à des patients diabétiques de type 2 en certaines occasions
  5. Je prescris parfois du tramadol
  6. ad libitum




mercredi 27 mars 2013

Médecine à trois : ce n'est pas pour moi.


A la suite de la publication d'un intéressant billet de DocArnica (ICI) nous racontant la pratique de la médecine générale en cabinet en duo avec une étudiante en médecine, je vais mettre les pieds dans le plat.
Je ne suis pas fait pour cela, la médecine à trois.
Je n'aime pas cela.
Cela m'a toujours perturbé.
C'est mon problème : je n'ai jamais été maître de stage et je ne serai jamais maître de stage.
Cela me rappellerait trop l'hôpital (et les institutions en général, et les rapports hiérarchiques en particulier), cela me rappellerait trop les cours que j'ai donnés, les exercices de maths avec mes enfants,  les consultations avec du personnel hospitalier, les consultations avec mes "maîtres" comme on disait dans le temps, consultations qui m'ont bien entendu appris beaucoup de choses, fait gagner du temps, mais aussi "formaté" au point que j'ai cru qu'il n'y avait de médecine qu'en institution, au point que j'ai cru que les tics qui m'avaient été appris étaient la seule façon d'exercer la médecine, et, pour en finir, cela me rappellerait trop les rapports d'autorité.
J'ai instauré des rapports directs avec mes patients, des rapports où l'on parle de tout, où l'on se ment en commun, où l'on se dit la vérité (la fausse comme la vraie) en commun, où l'on partage des moments d'intimité, de connivence, de rire, de tristesse, de tendresse, d'empathie, de solitude, et cetera.
Eh bien j'en suis bien incapable à trois.
Cela fait trente-quatre ans que je m'interroge, dans mes relations avec mes patients, ceux qui viennent toujours seuls, ceux qui viennent toujours en couple, ceux qui viennent toujours avec leurs enfants, ceux qui viennent toujours avec leurs parents, ceux qui viennent avec leurs petits-enfants, ceux dont je découvre les grands parents, ceux que je n'aime pas comme ceux que j'apprécie, ceux dont je me méfie comme ceux avec lesquels je suis en confiance, ceux qui me terrorisent comme ceux que je terrorise, cela fait donc trente quatre ans que je me pose de (sérieuses) questions sur le transfert, le contre-transfert, sur le contre contre-transfert, et voilà que je me demande comment je pourrais faire avec un étudiant en plus, un étudiant qui changerait à chaque fois, un étudiant qui serait un tiers invité dans une relation duelle que j'ai mis des années à partager... A moins bien entendu que l'on envisage les choses autrement : l'étudiant étant le sur moi du médecin généraliste... 
Votre réaction spontanée : résistance au changement. Peut-être. Réticences plutôt, enfin, je crois, à la notion de patient objet d'une relation scientifique ou objet d'examen comme un coléoptère ou un organe quelconque... Exagéré-je ? Le patient objet dans une chambre d'hôpital au vu et au su de tout le monde. Avec des étudiants autour pour mater (et pour apprendre, j'oubliais). J'exagère !
Il n'y a pas que de la médecine dans la vie. Il n'y a pas que de la médecine dans une consultation... Et ce qui n'est pas médecine ne s'apprend pas dans une consultation à trois... Mais surtout : ne se vit pas dans une consultation à trois. Où passeraient les ragots, les on dit, les propos de Café du Commerce, les réflexions sur le monde, la politique, la sociologie, l'anthropologie, le racisme, l'amour, le foot, les échecs, la télévision, le cinéma, et cetera. On m'objecte déjà : ce n'est pas de la médecine générale. Mais si ! Ne me faites pas dire que je fais de la médecine holistique (je ne sais même pas ce que c'est), non, mais de la médecine générale et en général où, pendant les consultations, on parle de tout, on tourne autour du pot pour en arriver à l'essentiel : comment je souffre, comment je vis, comment je vais mourir (ou comment je meurs déjà)...
Et pourtant, je devrais être pour ce trio infernal. Ma tendance spontanée à développer mon ego, à partager mes "connaissances", à confronter mon point de vue avec celui des autres, à jouer spontanément le rôle de Pygmalion, à assener mes références, mes lectures d'articles, mes conceptions sur l'EBM, ma façon d'ausculter un patient ou ma façon de prendre un nourrisson dans les mains et de le déposer sur le pèse-bébé, ma façon de faire se déshabiller ou non les patients et les patientes, ma façon de montrer / cacher ma pudeur ou mon impudeur, ma gêne ou mon arrogance, mes hésitations et mes certitudes, tout cela, cela me flatterait, me rendrait encore plus beau à mes propres yeux, moi qui ai réponse à tout, qui sais tout sur tout ou, suprême élégance, fais semblant de ne pas savoir pour montrer combien cette ignorance renforce le reste, tout ce que je sais... et tout ce que l'on imagine de moi. Cela devrait me convenir pour asseoir mon autorité, ma distanciation, ma théorie de la médecine "Très proche, très distant", pour asseoir mon autorité vis à vis du patient (je lui présente un élève, ce qui signifie que je suis un maître) et de l'étudiant...
Moi qui ai enseigné, moi qui ai fait des cours magistraux, moi qui ai animé des séances de maïeutique (groupes de conviction), moi qui ai animé des travaux dirigés, je sais ce qu'est l'ivresse du professeur, celui qui délivre la connaissance, celui qui répond aux questions, surtout à celles qui n'ont pas été posées, celui qui peut être à la fois autoritaire, patient, camarade, emphatique, blagueur et si student friendly...
Autre chose : j'assimile cette pratique à un jeu de rôle. Et je déteste les jeux de rôle. Cela peut aider certains, j'en suis convaincu, mais pour moi il s'agit de conditionnement, ni plus ni moins. Je suis incapable de jouer au médecin généraliste qui joue son rôle de praticien seul avec son malade alors qu'il n'est pas seul avec son malade... ce qui fait, probablement, que la pratique du maître de stage avec étudiant témoin ne ressemble pas à la pratique du maître de stage quand il est seul avec son patient... c'est de la fausse relation, de la fausse médecine...
Ne parlons pas des problèmes spécifiques de médecine générale, ceux par exemple de la psychothérapie de soutien (masquée), ceux de la consultation anachronique ou décalée (une question évoquée lors d'une consultation précédente qui n'a pu être résolue ou envisagée parce que le patient n'était pas prêt ou parce que le médecin n'était pas affûté), ceux du parcours de soins (pas avec les collègues, celui du patient avec le même médecin pendant de nombreuses années), ceux des sous-entendus, des non-dits qui n'ont plus de sens ou qui se dissolvent en présence d'un tiers... ceux de la pudeur qui n'est pas la même selon les malades, de la pudibonderie, ou ceux de l'audace, ou ceux de la séduction...
Je ne supporterai pas de travailler deux mois de suite avec quelqu'un à côté de moi, non pour me juger, cela m'intéresserait tant, mais parce que ce n'est pas possible de voir tous les malades en trio, de faire toutes les consultations en trio... et je ne parle pas de l'argent de la consultation... et je ne parle pas de la rédaction des ordonnances, un des moments clés de la relation médecin patient ou médecin malade... et je parle pas de la gêne de ne pas savoir, des manoeuvres d'évitement pour ne pas le montrer ou de l'énergie pour, au contraire, le montrer, et des consultations d'annonce de cancer ou d'autre chose...
Je m'arrête là : à trop vouloir prouver...
Dernier point : la consultation à trois est peut-être encore plus compliquée que cela. Il y aurait dans le cabinet, outre le malade jouant son rôle, le malade voulant se montrer à son avantage et le malade terrorisé par le jeu de rôle ou développant ses tendances hystériques ou autres,  le médecin généraliste travaillant seul, le médecin généraliste en tant que maître de stage enseignant, le médecin généraliste en train de jouer les rôles des deux précédents se posant des questions existentielles sur le fait de jouer faux ou non, sans compter l'étudiant lui-même (mais je ne développe pas, ce serait de l'invention pure), l'étudiant jouant aussi son rôle de gentil étudiant en médecine à la Carter ou à la Clooney pour les garçons.
J'imagine que trois thèses ont déjà été écrites sur le sujet de la signification de la consultation à trois et de ses rapports avec la vraie vie et de la façon dont les ordonnances sont rédigées selon et selon... Qu'une bonne âme me les communique.

Il faut donc des maîtres de stage pour enseigner la médecine générale hors institution et j'encourage mes collègues à le faire, mais ce n'est pas pour moi.

(Jules et Jim - François Truffaut - 1962 - Source : ICI)

lundi 25 mars 2013

Brèves médicales pour ne rien rater de l'actualité.


Cancer du sein.
Peter Götzsche (dont nous avons souvent parlé ICI) persiste et signe LA : à l'occasion de la parution des nouvelles recommandations canadiennes (LA) sur le dépistage du sein par mammographies chez les femmes âgées de 40 à 79 ans, dont il salue les avancées, il écrit ceci : "The best method we have to reduce the risk of breast cancer is to stop the screening program. This could reduce the risk by one-third in the screened age group, as the level of overdiagnosis in countries with organized screening programs is about 50%.11" Cela vous en bouche un coin ?  Et il ajoute ceci : "If screening had been a drug, it would have been withdrawn from the market. Thus, which country will be first to stop mammography screening?" Vous imaginez les pontes français du dépistage du cancer du sein dire le quart de la moitié d'un truc pareil...

Cancer de la prostate.
Alors que sur les réseaux sociaux le professeur Vallancien (@gvallancien sur tweeter), contre toute évidence, défend le PSA coûte que coûte en tordant le cou des résultats des essais cliniques au nom de son expertise mandarinale, le docteur Pierre Goubeau a gagné son procès. Dominique Dupagne a été en première ligne pour le défendre, il est juste de rendre à César ce qui appartient à César (sans oublier Jean-Luc Gorel qui se reconnaîtra). Vous lirez Dominique Dupagne dans le texte : LA pour la présentation des faits et ICI pour le jugement.

Nul doute que l'Eglise de Dépistologie va répliquer et affûter ses argumenteurs / argumentaires.

Les nouveaux anticoagulants.
Pour se faire une idée de la place de ces nouveaux produits, je vous propose LA une mise au point Minerva (voir ICI pour la revue et LA pour l'éloge de Grangeblanche). Le sujet est difficile car il existe trois molécules, des indications pointues, des études à la méthodologie complexe (études de non infériorité  par exemple) et des risques encore à découvrir. Toujours est-il que la coumadine est encore bien placée. Pour mémoire des informations déjà anciennes de l'ANSM : ICI.
PS : Un Minerva tout neuf (29 03 2013) : ICI qui montre que dans la fibrillation auriculaire et dans les thromboses veineuses ce n'est pas aussi simple que cela.

Baclofène : le combat des Modernes contre les Anciens.
Un post de Jean-Yves Nau, dont vous savez combien je partage les éminentes vues (LOL), voir ICI, LA et LA, est consacré au  baclofène et il m'a laissé pensif : ICI. Il existe donc les baclofénistes et les non croyants. Les baclofénistes appartiennent au clan des modernes et les autres au clan des anciens. Nau a choisi son camp. Ainsi, selon l'auteur, on assiste à une explosion des ventes de baclofène et cela va être l'occasion d'une formidable phase IV mais il faudrait que l'ANSM se bouge un peu ! Les phases IV sont aux études cliniques ce qu'un livre de Marc Lévy est à un livre de Philip Roth. Ah, j'oubliais : je suis un ancien. Le baclofène est une belle supercherie qui va se dégonfler au fur et à mesure que les essais vont être publiés. Mais l'attrait du hors AMM, le renouveau de l'alcoologie est à ce prix. Nous verrons. Pour l'instant je n'en prescris pas.

La narcolepsie post Pandemrix.
L'ANSM est toujours muette mais l'agence suédoise (Läkemedelsverket) confirme ce jour le risque augmenté de narcolepsie après vaccination par pandemrix chez les enfants et les adolescents et montre un risque augmenté chez les jeunes adultes (21 - 30 ans) : ICI.

Illustration : Les Oeuvres de Georges Steiner viennent de paraître chez Quarto.





jeudi 21 mars 2013

Le SMUR me prend pour une merdre. Histoire de consultation 146.


"... les hommes moyens dont l'esprit est surexcité mais incapable de se libérer dans la création, éprouvent le désir de se donner en spectacle." Robert Musil (1880 - 1942).

Je venais à peine de terminer le post de Docadrenaline intitulé Tabou (ICI) en m'étant fait la réflexion que, décidément, chacun voyait midi à sa porte et que les réflexions de Robert Musil sur l'inutilité de demander aux gens de parler de leur activité professionnelle tant ils se trompent sur leur rôle réel dans leur milieu et dans la société en général sont toujours aussi actuelles, que je me suis rappelé cette histoire qui s'est produite il y a environ deux ans.
Monsieur A, 59 ans, dont je suis le médecin traitant depuis environ 15 ans, hypertendu traité, fumeur, dyslipidémique traité, hyperuricémique non traité, en surpoids, arrive en urgence au cabinet (pendant mes consultations sur rendez-vous) pour de violentes douleurs abdominales. C'est le jour de congé de mon associée et nous le faisons s'allonger dans sa salle d'examen, je l'examine, et je conclus de façon rapide qu'il s'agit d'un problème coronarien. J'appelle l'hôpital situé à six ou sept minutes en ambulance de mon cabinet, je parle au médecin du smur qui m'envoie un médecin dans les dix minutes.
Ce sont les pompiers qui arrivent en premier, vous savez les gens avec de grosses chaussures de sécurité crottées qui salissent le lino, la moquette et le reste. Un petit jeune frais émoulu de ses trois semaines de formation médicale me dit bonjour (une chance folle) et interroge le patient après que je lui eusse donné quelques données cliniques (j'ai l'impression d'être un paramedic dans Urgences qui fournit des renseignements à Carter ou à Greeen) et il conclut de façon péremptoire à l'absence de douleurs constrictives, il connaît par coeur sa question de pompierat, le thorax, le cou, les bras, les bracelets et il me délivre un sourire goguenard.
Question : pourquoi n'y a-t-il pas d'ECG à mon cabinet ? Réponses : quand je me suis associé il n'y en avait pas (et j'ai commencé en partageant un bureau) ; l'hôpital est à six minutes du cabinet ; quand j'ai pensé en acheter un je me suis rendu compte que mes compétences techniques avaient faibli de façon dramatique.
Puis arrive l'infirmière du smur avec un "assistant". Je lui raconte mon tableau clinique sous le regard toujours aussi goguenard du jeune pompier. Elle n'y croit pas à cette affaire. Elle pense qu'il s'agit d'un début de gastro. "Mon" patient n'est pas d'accord mais son inquiétude grandit. Une voie d'abord veineuse est installée, les électrodes sont mises en place. C'est alors que le grand chef docteur arrive, un collègue à qui j'ai déjà écrit des courriers me plaignant du manque de retour d'informations après intervention, désagréable le collègue, il ne me dit pas bonjour, la valetaille cela reste à l'office, il ne dit jamais bonjour, jamais content, toujours insatisfait, et il écoute le récit déformé de mes propos par l'infirmière du smur. L'ECG sort : infarctus postéro-latéral.
Je me fais engueuler parce que je n'ai pas appelé plus tôt, "on" me demande pourquoi je n'ai pas d'ECG au cabinet, l'infirmière du smur me fait un (petit) sourire et le jeune pompier goguenard, qui ne s'est rendu compte de rien et qui continuera de réciter son bréviaire lors de la prochaine intervention, vient me demander des précisions sur mon nom, mon numéro de téléphone et sur le poids de mon âge, et je lui dis d'aller voir ma secrétaire pour l'interrogatoire d'identité.

Il n'y a pas de leçons à tirer de tout cela.
Le nombre de fois où je me suis trompé et où mon intervention ne s'est pas traduite par un diagnostic utile...
Je n'ai retenu que le mépris.
Et s'ils savaient, ces braves gens des pompiers, ces braves gens du smur, ce brave type de chef du smur aimable comme les amortisseurs d'une ambulance, comme je ne les méprise pas mais comme je les plains. Comme je les plains de mépriser les autres car qui méprise les autres se méprise soi-même. Je les plains vraiment.