mercredi 25 décembre 2013

Débordé sous le sapin.


Je craque.
Je n'arrive plus à suivre.
J'ai mille projets de billets de blogs et je n'ai pas le temps de les écrire.

Au delà des activités du cabinet où je vois tous les jours l'absurdité fondamentale de notre système de santé, pas le système de santé français en particulier, non, le système de santé consumériste mondial où tout le monde veut la croissance : croissance des chiffres d'affaires, croissance des prescriptions, croissance des examens complémentaires, croissance de la médicalisation de la vie, utilisation des médecins à des fins éthiques ou anti éthiques (instrumentalisation des techniciens de la santé), promotion par les syndicats "de gauche" et de droite des techniques libérales (et staliniennes) de la productivité morale avec l'élection bientôt du médecin de la semaine (CAPI, ROSP), l'intolérable course à la médiocrité des professionnels de santé, la corruption généralisée et invisible, les prises d'intérêt illégales et visibles et non dénoncées, je m'arrête là, ce serait encore un billet de blog.

Je vais donc vous livrer quelques pistes et quelques billets que j'écrirai peut-être si, au delà de mes activités personnelles, je ne parle pas de la vie de famille mais de mes lectures, de mes écoutes, de mes visites, et du reste, il me reste un peu de temps. Voici en vrac :
  1. Très bel article (dérangeant) traitant des effets indésirables de la contraception hormonale sur la vie sexuelle des femmes. Le titre est alléchant : Hormonal contraception and female pain, orgasm and sexual pleasure.  ICI
  2. Le financement des associations de patients : maladie infantile du web 2.0. Voir LA pour renaloo et ICI pour seve. Et HAS : LA Sans compter le CISS qui s'associe avec Prescrire (?) et dont les financements sont mutuelle dépendants : LA.
  3. Le e-patient mongering ou la fabrique des patients porte-paroles de big pharma : sur ce thème, long billet en préparation où comment, sans parler des aspects financiers, les malades sont instrumentalisé(e)s pour devenir les porte paroles, qui de big pharma, qui de big matériel, qui de l'Eglise de Dépistologie.
  4. Un marketing d'école et les manoeuvres de diversion de big pharma : l'affaire Gardasil où comment communiquer sur les non effets indésirables pour éviter de parler de l'intérêt de la vaccination.
  5. Corruption généralisée des experts : et ils en sont fiers ! François Bricaire : "L'argent domine le monde." Bruno Lina : "Plus j'ai de sponsors différents et moins je suis influencé."
  6. L'UFML, l'Union Française pour une Médecine Libre (ICI), nouveau syndicat néo libéral et poujadiste qui rassemble extrême-droite et extrême-gauche. Cela me rappelle comment les ex maos sont devenus néo conservateurs en une décennie. Sur le site, et sauf errreur, pas de Déclarations Personnelles d'Intérêts des intervenants : un oubli ou un manifeste ?
  7. Les oncologues, jusquauboutiste de l'oncologie pour qui seuls les morts n'ont pas droit à la chimiothérapie. L'oncologie m'énerve : arrogance, mépris, études biaisées, liens d'intérêt majeurs. C'est en route.
  8. L'Eglise de Dépistologie qui brûle ses dernières cartouches avec la mammobile pour les femmes à partir de 40 ans. Voir les blog de patientes qui refusent le sourire épanoui des amazones et des autres dépistées / dépistolâtres : la crabahuteuse (LA), fuckmycancer (ICI), Rachel Campergue (ICI). Sur une idée de Sylvain Fèvre : ICI
  9. Rougeole : d'après la très officielle INPS il y a eu 10 morts en 5 ans, ce qui justifie une intensification de la vaccination selon les experts du HCSP. LA Je rappelle que Daniel Floret n'a toujours rien dit de compatissant sur les narcolepsies pandemrixiennes….
  10. Le journalisme couché avec Aurélie Haroche, par exemple, qui rejoint la star académie : ICI et son mentor l'ineffable acariâtre JDF ; avec JF Lemoine, irréductible expert d'Europe 1 pétri de liens d'intérêt et incompétent notoire (ICI) : un "papier" l'autre matin "traitant" de l'HTA sur Europe 1 était tellement lamentable… ; Aurélie Kieffer de France Culture avec le reportage de la rédaction le plus mal informé de l'histoire récente (mais à l'impossible nul n'est tenu) où la pauvre s'est fait balader par France Alzheimer et une éthicienne qui ne voit jamais de malades (LA)
  11. L'affaire des pilules de troisième et quatrième génération qui a montré la duplicité des experts, la légèreté de l'HAS, l'incompétence des gynobs, les mensonges éhontés des corrompus par big pharma, l'offensive des néo libéraux, l'inculture des féministes sur leur propre histoire, les femmes victimes de la servitude volontaire du patriarcat… Mais pour dire ceci : lire ou relire Marc Girard (ICI) et resituer la contraception dans son cadre anthropologique, ethnologique, analytique, sociologique et… démographique. Long billet non écrit.
  12. Les débats sur le mariage pour tous qui s'inscrivent dans une réflexion plus générale sur le "droit à l'enfant", sur la dématérialisation de la conception, sur l'instrumentalisation des techniques médicales au profit des consommateurs citoyens, sur l'irruption non programmée du libéralisme rawlsien dans la vieille culture judéo-chrétienno-marxisto-freudienne européenne, sur les souffrances physiques féminines de la PMA et de la GPA, sur la marchandisation du corps des femmes par un corps médical prétendant à l'éthique et au bien-être… Sujet hautement dangereux pour qui ose encore prétendre que la culture du chacun fait ce qu'il veut est vouée à l'échec...
  13. Les débats sur l'IVG, et je tenterais de répondre à GM Zimmerman dont le billet sur l'IVG (ICI) m'a laissé sur ma faim. 
  14. Sans compter les (trop) nombreux articles que @medskep me fait connaître sur twitter.
Bon, voilà donc du travail.
Bonnes fêtes de Noël à ceux qui les fêtent en y croyant ou en n'y croyant pas ou qui ne les fêtent pas par provocation ou par croyance adverse mais qui ne sont quand même pas pour la suppression des jours fériés religieux traditionnels, fussent-ils chrétiens.

Max Ernst (1891-1976) : La vierge corrigeant l'enfant Jésus devant trois témoins (1926)

dimanche 15 décembre 2013

A propos d'une entorse de la cheville. Histoire de consultation 159.


Madame A, 47 ans, est femme de ménage. Elle a pris rendez-vous au cabinet au décours d'un passage aux urgences non programmées de la clinique d'à côté. Le diagnostic porté sur le CMI (Certificat Médical Initial) de l'AT (Accident de Travail) était : "Entorse de la cheville droite."

Les urgences non programmées, permettez une incise, sont une bénédiction pour les médecins qui sont soulagés des fausses, prétendues, présumées, urgences, mais sont une catastrophe en termes d'économie de la santé (d'un point de vue médical et économique). Il faudra que j'y revienne.
Donc, la dame est allée consulter aux urgences non programmées, où, comme c'est bizarre, l'attente commence à devenir interminable, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, et où des radiographies de la cheville ont été pratiquées (contre les règles d'Ottawa après interrogatoire a posteriori, voir ICI pour les règles) (Je vous fais lire un paragraphe que j'ai lu LA sur un site belge et qui résume pourquoi on pratique quand même des radiographies malgré ces fameuses règles d'Ottawa (1)), je n'oublie pas de vous préciser que les urgences non programmées sont installées dans une clinique où  il est possible de pratiquer radiographies et échographies, et où, comme d'habitude, on lui a demandé de revenir, au mépris de toutes les règles d'usage et de déontologie et non de revoir son médecin traitant. Qui la revoit donc ce quatrième jour (la patiente a préféré revenir voir le médecin traitant plutôt que les urgences non programmées où il y a un médecin titulaire et des "assistants" qui sont en fait des "remplaçants" pour assurer la continuité des soins…)

Elle a encore mal et elle porte une attelle amovible classique.
L'oedème n'est pas monstrueux et elle dit que cela va mieux.
A l'examen il existe à la fois des douleur du faisceau moyen du LLE (pour les jeunes : faisceau moyen fibulo-calcanéen du ligament collatéral latéral) déclenchées par le varus forcé et retrouvées à la palpation directe et une douleur antérieure déclenchée par les movements de flexion extension de la cheville avec douleurs à la palpation des tendons des muscles tibial antérieur et long extenseur du I (pour les jeunes de l'hallux).
Selon mon expérience (interne) les douleurs de la cheville liées à des lésions antérieures sont peu améliorées par les attelles amovibles classiques.
Je décide donc de la strapper. Je connais les recommandations de l'HAS datant déjà de janvier 2000 (voir ICI) et j'en ai une grosse expérience.
Et c'est là que les choses se compliquent.
Je prescris tensoplast six centimètres non substituable, 2 bandes.
La malade revient avec un urgostrap une heure après. Je râle, j'explique à la patiente que je n'aime pas urgostrap, mais, après qu'elle est restée la patte en l'air pendant quinze minutes dans le cabinet de mon associée qui ne travaillait pas ce jour là, je lui pose un strapping classique remontant jusqu'à l'extrémité supérieure du tibia non sans avoir protégé sa peau avec de l'elastomousse que j'achète moi-même car, en urgence, les pharmaciens n'en ont souvent pas.
L'urgostrap est de mauvaise qualité. La bande adhésive n'est pas assez rigide, fait des plis, voire des noeuds et je me débrouille comme je peux.
La patiente revient cinq jours après avec un strapping calamiteux… Qui se défait de partout. En haut, en bas, sur les côtés.
Je téléphone à la pharmacie qui la fournit, je lui explique que je veux du tensoplast et rien d'autre, que j'avais marqué non substituable, et cetera et elle vérifie qu'elle en a. La patiente, qui va travailler, assure qu'elle ne peut passer ce soir mais qu'elle enverra son mari en fin de soirée.
Le surlendemain la patiente revient avec de l'urgostrap. Je téléphone, plutôt pas content, à la pharmacie, je tombe sur quelqu'un d'autre, ce qui est normal, et on me dit que, de toute façon, ils n'ont pas de tensoplast en ce moment.

Nous convenons, mes amis, que c'est une histoire de chasse, une erreur à la pharmacie, erreur que je veux bien excuser, que j'aurais admis que la préparatrice me dise qu'ils ne s'y retrouvent pas avec le tensoplast et que l'urgoplast est moins cher, que l'on gagne plus d'argent avec une attelle amovible (après tout je n'en sais rien), mais quand même.

Avant dernier point : dans mon expérience le strapping que je pratique et que j'essaie de faire selon les règles de l'Art, même si, souvent, ces règles sont de simples Avis professionnels forts, est plus efficace, notamment dans les atteintes antérieures de la cheville, que l'attelle amovible. Les prix d'une attelle sont d'un peu moins de 30 € alors que 2 bandes tensoplast, c'est un peu moins de 10 €.
Il y a peu d'études comparant contention élastique versus attelle amovible mais tout le monde dit que les attelles amovibles, c'est mieux. Dans la littérature, je n'ai rien retrouvé de très convaincant pour étayer ce point de vue très prisé dans les services d'urgence et dans les cabinets de médecine générale. Il est vrai que l'attelle amovible a un avantage énorme : le patient n'a pas besoin de revenir et le médecin n'a pas besoin de passer du temps à poser la bande.

Dernier point : nous sommes un peu loin des génériques mais nous y sommes presque. Mais surtout : la délivrance d'un médicament ne s'arrête pas au moment de la prescription. J'attache beaucoup d'importance à ma connaissance de ce que je prescris. Y compris pour les comprimés et les gélules. Sans compter le goût des sirops.



Notes
(1) En pratique cependant, le passage par la radiographie est fréquent ; en raison parfois de la politique des compagnies d’assurances (p .ex. en cas d’accident du travail) mais aussi parfois parce que cela correspond à la demande du patient. Pour éviter d’exposer inutilement le patient à des rayons X, il est important que les soignants soient entrainés à utiliser les règles d’Ottawa et que les patients soient bien informés du fait qu’une radiographie n’est pas systématiquement nécessaire. 

Illustration : Edgar Degas (1834 - 1917) : Danseuses (estampe).

jeudi 12 décembre 2013

Le frottis cervical, nouvel indicateur pour le paiement à la performance mais toujours pas de dépistage organisé du cancer du col.


Hier, je vois Madame A, 40 ans,  patiente épisodique dont je suis le médecin traitant, qui me demande en fin de consultation (elle avait mal au genou et mon diagnostic : tendinite de la patte d'oie) si je peux  lui prescrire "sa" pilule parce que "sa" gynéco ne lui prescrit que pour six mois et qu'elle ne la voit que tous les ans.
"Vous la voyez tous les ans ?
- Oui.
- Et pourquoi donc ?
- Ben, pour me faire un frottis."
Oups.
Je m'enquiers du nom de la gynécologue et je me rends compte que, comme toutes les gynécos de mon coin (et d'un peu plus loin), elle est débordée ce qui signifie qu'elle donne des rendez-vous à trois, voire à quatre mois. Elle prend un supplément d'honoraires. Conséquent.
Je rappelle ici que la fréquence du frottis cervical selon ce qu'on peut lire ICI ou LA, c'est tous les trois ans à partir de 25 et encore moins après 65 ans.
Je rappelle donc à ma patiente quelle est la fréquence souhaitée des frottis et que l'on peut prescrire la pilule pour un an "Ma gynécologue ne veut pas", telle fut sa réaction.
C'est alors qu'elle me donne le nom de sa pilule : QLAIRA. Pilule que je ne connais ni des lèvres ni des dents. Je jette un oeil dans mon Vidal expert à 20 euro par mois (contre 0 avant le ROSP ou paiement à la performance), c'est une pilule contenant de l'estradiol naturel dont la Revue Prescrire (LA) me dit qu'on ne sait pas grand chose.
J'explique à la patiente, tout en regardant Internet, que je ne connais pas cette pilule. "C'est naturel… c'est plus écolo."
Mouais.
Je prescris donc Qlaira.
Silence sur la ligne.
J'ai prescrit.
Pendant que la patiente me parle de ses enfants, de son mari et de ses parents (tous patients du cabinet), je retourne quelques concepts dans ma tête.
En résumé :

  1. Je pèse le pour et le contre de cette pilule dont je ne connaissais pas grand chose
  2. Je me tâte pour ne pas prescrire au nom des sacro saints principes du paternalisme adapté au monde moderne : les patients ne connaissent rien et je suis le porte-parole de la science triomphante
  3. Je me rappelle que ne pas prescrire la pilule, c'est faire prendre des risque de grossesse non désirée à la femme
  4. Je pense à mon surmoi me disant que si des lecteurs de Prescrire étaient cachés derrière mon épaule (certains lecteurs de Prescrire, je veux dire) je me ferais plaquer au mur et renvoyer dans l'enfer des mauvais médecins suppôts de big pharma.
Je me dis in petto que ce n'est pas la première fois que je constate une fréquence anormale des frottis chez les génécoloques de mon coin et d'ailleurs (nombre des femmes inscrites au cabinet travaillent à La Défense ou près de la Gare Saint-Lazare et se font suivre là-bas) : les gynobs médicales ou les gynobs chirurgicaux (vous avez saisi la différence du genre des adjectifs ?) vont jusqu'à 2 anspour l'intervalle, mais 3, leur avis professionnel les contre-indique. En jetant un oeil sur les forums comme LA, on ne peut être que saisi par l'intelligence collective de la médecine 2.0 citoyenne : que d'énormités !

A ce propos je me fais des réflexions fines.
Le frottis vaginal comme outil de dépistage du cancer du col utérin est devenu un indicateur dans le ROSP (paiement à la performance des médecins généralistes ; mes taux ne sont pas fameux mais je ne sais vraiment pas si tous les frottis sont bien comptabilisés).
Mais le cancer du col de l'uterus ne fait pas l'objet d'un dépistage organisé comme celui du cancer du sein (dont vous êtes au courant, si vous lisez ce blog, des incertitudes et des méfaits). A ce propos le CNGOF (Collège National des Gynéco-ostétriciens Français) (ICI) est un franc partisan de la mammographie : voir LA.

Pourquoi n'y a-t-il pas de dépistage organisé du cancer du col utérin ?
Ah, j'oubliais le CNGOF, est à fond pour l'utilisation du Gardasil, vaccin censé prévenir les lésions pré cancéreuses du cancer du col utérin (page 4 dans ce document LA) et en profite pour citer Prescrire qui "fait le pari" de la vaccination. Prescrire utilisé par le CNOGF.
Pourquoi n'y a-t-il pas de dépistage organisé du cancer du col utérin ?
Mes explications sont les suivantes : 
Les médecins généralistes ne pratiquent pas assez de frottis (je n'en pratique jamais à mon cabinet n'ayant pas, à l'origine, été formé par la Faculté, mais ce n'est pas une excuse, mais mon associée les pratique) pour de multiples raisons qui tiennent, pour certains médecins de ma génération, au tout spécialiste qui régnait lors de notre installation, à une nomenclature vieillotte et sous valorisée et au manque de temps de consultation.  Les spécialistes pensent aussi, et ce sont les décideurs, ce sont eux qui influent sur les décisions ministérielles que les MG sont incapables de le faire et que les laboratoires d'analyse médicales sont dans le même métal.
Les gynéco-obstétriciens n'y sont pas favorables en raison (ce sont des hypothèses, j'imagine, farfelues) du fait qu'ils sont déjà débordés (et on l'a vu, en ne respectant pas, pour certains, la périodicité recommandée pour la pratique des frottis) et, je m'attends à une réplique par scuds irakiens (j'enfile mon masque à gaz et vais me réfugier à la cave), parce que les gynéco-obstétriciens verraient débarquer dans leur cabinet des citoyennes en bonne santé réclamant le tarif opposable de la sécurité sociale…

Post scriptum.

J'ai dénoncé nombre de positions historiques des gynéco-obstétriciens (ICI) qui relativisent leurs communiqués de presse actuels (en sachant qu'un ou une gynéco-obstétricien est un humain comme les autres et peut avoir raison en disant qu'il fait beau alors qu'il fait beau).
Je ne suis pas d'accord avec leur syndicat sur
  1. Les étriers.
  2. Le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie
  3. La prescription des pilules de troisième et quatrième génération (bien qu'ils conviennent désormais que les prescriptions doivent être faites en deuxième intention)
  4. La prescription de Diane 35
  5. Le choix pro pilule versus autres moyens de contraception.
  6. La négation des troubles sexuels liés à la prise d'une contraception hormonale (nous y reviendrons à partir de cet abtract : ICI, je ne peux vous fournir l'article intégral en raison des droits)
  7. La vaccination par Gardasil (ou Cervarix)
  8. Leur engagement total dans la PMA ou la GPA.
  9. Leurs pratiques obstétricales de base : médicalisation de la pré conception, de la conception, de la grossesse, de l'accouchement, et ce qu'elle inclue sur la césarisation, la péridurale...

(Pablo Picasso 1881 - 1973 : Grand nu au fauteuil rouge, 1929)

jeudi 5 décembre 2013

Incompétence(s). Histoire de consultation 158.


Vide passager dans mon esprit quand la patiente assise en face de moi et à qui je viens d’expliquer que, malgré ce qu’a dit le radiologue, il n’était certainement pas nécessaire d’opérer, me demande pourquoi je n’ai pas regardé le scanner…
« Heu, mais parce que je ne sais pas le lire… »
Elle a tout d’un coup des doutes sur mes capacités médicales. Et je ne lui en veux pas. Cela fait partie de mes nombreuses faiblesses.
On récapitule : j’ai demandé un scanner du rachis lombaire chez une patiente qui présente des lomboradiculalgies gauches avec des signes mélangés L5 et S1 qui signifient probablement une migration de la hernie. L’impression clinique est confirmée par les images radiologiques. Heu, je me trompe : l’impression clinique est confirmée par le compte rendu du scanner.
Je me rappelle tout d’un coup ce que m’a dit une amie radiologue, scannériste et iérèmologue sur la façon dont les différents examens sont lus dans la clinique C et à l’hôpital H. Pas simple.
Que faire ?
Un ami neurologue : « Les IRM cérébrales faites en ville sont ni faites ni à faire et je n’en lis même pas les compte rendus pour protéger mes coronaires. » Je lui pose la question suivante : « Et au CHU, c’est comment ? » Il me regarde en souriant : « Cela dépend des radiologues. » Et c’est un grand CHU parisien.
Un ami pneumologue : « Les radiologues, en généralisant, ne savaient pas lire une radio de thorax, enfin, dans l’ensemble, moins bien que les pneumologues. Ils ne savent pas plus lire un scanner pulmonaire, d’où l’explosion du nombre des nodules pathologiques qui s’avèrent souvent ne rien être. »
Un ami cardiologue : « Les échographies cardiaques faites par certains cardiologues sont nulles et non avenues car elles sont sources de confusion, de faux positifs et négatifs, inquiètent le plus souvent et, plus rarement heureusement, retardent le vrai diagnostic. »
Pas terrible tout cela.
Et le généraliste, ma brave dame…
Pour les examens sanguins il suffit de ne demander que ceux qu’il est possible d’interpréter. Un cardiologue de ma ville m’a dit un jour d’arrêter de demander des D-Dimères, ça faisait chier tout le monde. Mais comme il est difficile de demander en urgence un écho-doppler veineux et qu’à l’inverse les angio-scanners sont pratiqués à la  louche…
Un ami interniste : « Les oncologues lisent à peine les scanners ou les IRM et se fient le plus souvent à l’interprétation des radiologues » Moi : « Ils n’ont qu’à avoir de bons correspondants » Lui : « Il n’est pas toujours facile de savoir qui va faire et lire l’examen. »
Pour les mammographies, c’est un binz absolu. Je vous renvoie au livre de Rachel Campergue sur les doubles lectures, garanties de ne pas faire d’erreurs selon le syndicat des radiologues, l’INCa et les instances officielles, mais une double lecture qui n’est faite qu’en cas de résultats négatifs, pas en cas de résultats positifs. Quand le radiologue trouve une lésion, pas de double lecture mais un diagnostic et, souvent, un adressage (parlerons-nous un jour de la dite consultation d'annonce dans le cabinet de radiologie ?)… Il ne peut donc y avoir de faux positifs…
Ainsi la prescription d’un examen radiographique, d’une radiographie simple comme d’un scanner, d’un echodoppler veineux ou artériel, d’une IRM ou d’une simple échographie vésiculaire, est-elle soumise aux aléas de l’opérateur. Tout le monde le sait mais tout le monde feint de l'ignorer.

Je suis devenu totalement incompétent en radiologie.
Je sais lire les compte rendus et je sais voir qui fait son boulot et qui ne le fait pas. Mais je ne peux exercer mon esprit critique et dire si le compte rendu correspond aux images.
Connaissant ce que je connais sur les avis d'expert, je suis bien ennuyé.
Comment faire pour être certain de faire le boulot ?
Vous avez un avis ? 

(René Magritte : 1898 - 1967 ; La clairvoyance : 1936)