Vide passager dans mon esprit
quand la patiente assise en face de moi et à qui je viens d’expliquer que,
malgré ce qu’a dit le radiologue, il n’était certainement pas nécessaire
d’opérer, me demande pourquoi je n’ai pas regardé le scanner…
« Heu, mais parce que je ne
sais pas le lire… »
Elle a tout d’un coup des doutes
sur mes capacités médicales. Et je ne lui en veux pas. Cela fait partie de mes
nombreuses faiblesses.
On récapitule : j’ai demandé
un scanner du rachis lombaire chez une patiente qui présente des
lomboradiculalgies gauches avec des signes mélangés L5 et S1 qui signifient
probablement une migration de la hernie. L’impression clinique est
confirmée par les images radiologiques. Heu, je me trompe : l’impression
clinique est confirmée par le compte rendu du scanner.
Je me rappelle tout d’un coup ce
que m’a dit une amie radiologue, scannériste et iérèmologue sur la façon dont
les différents examens sont lus dans la clinique C et à l’hôpital H. Pas
simple.
Que faire ?
Un ami neurologue :
« Les IRM cérébrales faites en ville sont ni faites ni à faire et je n’en
lis même pas les compte rendus pour protéger mes coronaires. » Je lui pose
la question suivante : « Et au CHU, c’est comment ? » Il me
regarde en souriant : « Cela dépend des radiologues. » Et c’est
un grand CHU parisien.
Un ami pneumologue :
« Les radiologues, en généralisant, ne savaient pas lire une radio de
thorax, enfin, dans l’ensemble, moins bien que les pneumologues. Ils ne savent
pas plus lire un scanner pulmonaire, d’où l’explosion du nombre des nodules
pathologiques qui s’avèrent souvent ne rien être. »
Un ami cardiologue :
« Les échographies cardiaques faites par certains cardiologues sont nulles
et non avenues car elles sont sources de confusion, de faux positifs et
négatifs, inquiètent le plus souvent et, plus rarement heureusement, retardent
le vrai diagnostic. »
Pas terrible tout cela.
Et le généraliste, ma brave dame…
Pour les examens sanguins il
suffit de ne demander que ceux qu’il est possible d’interpréter. Un cardiologue
de ma ville m’a dit un jour d’arrêter de demander des D-Dimères, ça faisait
chier tout le monde. Mais comme il est difficile de demander en urgence un écho-doppler
veineux et qu’à l’inverse les angio-scanners sont pratiqués à la louche…
Un ami interniste :
« Les oncologues lisent à peine les scanners ou les IRM et se fient le
plus souvent à l’interprétation des radiologues » Moi : « Ils
n’ont qu’à avoir de bons correspondants » Lui : « Il n’est pas
toujours facile de savoir qui va faire et lire l’examen. »
Pour les mammographies, c’est un
binz absolu. Je vous renvoie au livre de Rachel Campergue sur les doubles
lectures, garanties de ne pas faire d’erreurs selon le syndicat des
radiologues, l’INCa et les instances officielles, mais une double lecture qui n’est
faite qu’en cas de résultats négatifs, pas en cas de résultats positifs. Quand
le radiologue trouve une lésion, pas de double lecture mais un diagnostic et, souvent, un adressage (parlerons-nous un jour de la dite consultation d'annonce dans le cabinet de radiologie ?)… Il ne
peut donc y avoir de faux positifs…
Ainsi la prescription d’un examen
radiographique, d’une radiographie simple comme d’un scanner, d’un echodoppler
veineux ou artériel, d’une IRM ou d’une simple échographie vésiculaire,
est-elle soumise aux aléas de l’opérateur. Tout le monde le sait mais tout le monde feint de l'ignorer.
Je suis devenu totalement incompétent en radiologie.
Je sais lire les compte rendus et je sais voir qui fait son boulot et qui ne le fait pas. Mais je ne peux exercer mon esprit critique et dire si le compte rendu correspond aux images.
Connaissant ce que je connais sur les avis d'expert, je suis bien ennuyé.
Comment faire pour être certain de faire le boulot ?
Vous avez un avis ?
(René Magritte : 1898 - 1967 ; La clairvoyance : 1936)
23 commentaires:
C'est beau parce que c'est vrai!
C'est purement vrai, c'est puissant! J'ai l'impression de lire Socrate: Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien ;)
En tant que spécialiste, je me paye le luxe de renvoyer des lettres aux radiologues pour leur demander de corriger leur compte rendu (1 fois), d'écarter des comptes rendus qui ne rendent compte de rien (pas mal de fois) voire d'écarter complètement des examens qui sont faux (essentiellement des échographies car les images dépendent des échographistes, ce qui est moins le cas des scanners et des IRM), voire de choisir les correspondants radiologues pour les examens de mes patients.
Et je me rends bien compte que c'est un luxe de spécialiste! Alors quid du généraliste ?
J'ai tendance à penser que les radiologues, comme tous les médecins, peuvent être bons ou mauvais, mais surtout peuvent avoir une spécialité. Donc je ne demanderais pas mes scanners thoraciques forcément au même endroit que mes scanners osseux. Mes échographies abdominales au même endroit que mes échographies obstétricales ou mammaires.
En fait il te faudrait un carnet d'adresse des examens complémentaires en miroir de ton carnet d'adresse des spécialistes. Zut, un plaidoyer pour la spécialisation ? Non car plus il y a de spécialistes, plus on a besoin d'un généraliste pour faire la synthèse du patient!
Bravo pour ce billet!
Dans les enseignements de neuro-ophtalmologie, on nous rabâche de lire nous même les imageries et on nous montre régulièrement des exemples d'erreurs secondaires à des images mal lues.
Il y a plusieurs problèmes. Comme en chirurgie, par exemple, on lit bien surtout quand on a beaucoup lu et on cherche bien ce qu'on a déjà vu. Il y a donc des radiologues spécialisés dans des domaines, à eux de le savoir et de le faire savoir. Pour l'anecdote, il semble que j'ai enfin trouvé un correspondant radiologue connaissant bien l'ophtalmologie, parce qu'il est marié à une OPH semble-t'il... Un autre problème est celui de la routine, les radiologues demandent des courriers expliquant ce qu'on cherche, mais ne les lisent pas toujours. Dans les dernières semaines j'ai demandé plusieurs imageries des voies optiques antérieures (chiasma et orbites) auxquelles on m'a répondu avec moult clichés cérébraux accompagnés de deux misérables petites images orbitaires: ???
Enfin, il y a le problème de l'annonce du diagnostic et de la CAT. Et là aussi on souhaiterait que, souvent, le radiologue ne dise rien compte tenu de sa méconnaissance du patient et de son contexte personnel, ainsi que, parfois, de sa mauvaise connaissance de la CAT. Il faut alors ramer, ramer, pour redresser les choses.
Une solution est de trouver le bon correspondant pour chaque domaine (orbite, crâne et moêlle, pour ce qui me concerne). Je pleure encore la perte d'un tel précieux confrère, six ans après...
Je suis stupéfait par votre propos. J'ai relu plusieurs fois votre texte et ce que j'en comprend c'est qu'il ne faut faire confiance à personne. Même pas à soi même.
Est ce une philosophie, un trait paranoïaque, une religion ?....
Les images ne sont que des images, qu'elles soient bien ou mal interprétées. Les images mentent parfois.
Notre travail de généraliste n'est pas de dire que nos confrères de l'imagerie sont incompétents. Notre travail c'est d'intégrer à la situation du malade qui nous fait confiance des examens complémentaires. parfois c'est cohérent parfois non.
Ce que je crains, c'est que le "cassage de sucre" sur le dos de telle ou telle catégorie de nos collègues finissent par discréditer l'ensemble des soignants aux yeux du public. Cette perte de confiance est la pire des choses pour les patients qui ne savent plus qui croire ou que penser.
Je n'ai pas compris pourquoi vous avez prescrit un scanner chez cette patiente : merci de préciser la situation clinique. Amitiés, Dr Goro
Pas du tout du tout d'accord avec Bill.
C'est le genre de post que j'adore, et je dirai comme Keelkazer "c'est beau parce que c'est vrai".
Il est temps de reconnaître aux patients le droit de devenir adultes et d'arrêter de croire au père Noël. Ce post est seulement l'illustration d'une situation vécue des centaines de milliers de fois chaque jour dans notre pays. Elle découle d'un gigantesque malentendu, de la part des patients, que leurs médecins reufusent de détromper, patients qui sont persuadés que leur médecin est omniscient.
Je suis victime (aussi) de ce malentendu, quasi quotidiennement et j'essaye de surmonter mon appréhension à dire aux parents:"je ne sais pas". Mais je m'empresse de rajouter: "je vais m'informer".
Si on ne fait pas cette démarche on est dans un refus perpétuel de sa propre ignorance, on ne fait plus de la médecine, mais du théâtre et on risque de se désintéresser de son propre travail.
Autrement je suis contre l'hyperspécialisation. Ca n'a aucun sens. Il faut de la formation. Que les radiologues passent un jour chaque année à apprendre ou réapprendre les bases de la lecture d'une radio du thorax (pourquoi pas avec des pneumologues?), d'un examen des voies optiques etc.
Au sujet de la formation, initiale et continue, je trouve les propos du nouveau président du CNOM, Patrick Bouet, décapants.http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualite/exercice/etudes-medicales-dpc-facs-generalistes-enseignants-le-president-de-l-ordre-tire-v. Je ne connaissais pas cet homme, mais s'il pense vraiment ce qu'il dit, je crois que je vais l'aimer.
@ dr Bill.
Mon propos était celui-ci : les examens d'imagerie sont opérateurs dépendants. Les médecins se cachent derrière leur petit doigt en feignant de croire que tout spé se vaut. Ou que le copinage tient lieu de compétence.
Mon propos secondaire : la "vraie" FMC, ce n'est pas comment prescrire le dernier anti hypertenseur.
Je n'ai pas dit que nos confrères radiologues sont incompétents mais ils peuvent se tromper et les conséquences sont graves, en termes d'indications thérapeutiques voire de contrôles par le médecin conseil.
Enfin, s'il faut se taire, n'y comptez pas.
Au plaisir de vous lire.
@ Dr Goro. J'ai prescrit un scanner chez cette patiente car il existait un déficit des releveurs et une atteinte du moyen fessier et quelques dysesthésies adjacentes. Pour savoir quoi faire : kiné, cortico, infiltration.
Amitiés.
Là où je travaille, il y a 2 cas :
- les patients où le médecin traitant ne sait pas quoi faire car il n'est pas tout à fait d'accord avec ce qu'il pense voir et le compte-rendu du radiologue et du coup il envoie chez mon pneumologue de patron qui n'hésite pas tout reprendre et à dire quand le radiologue c'est trompé (en positif ou négatif...).
- les médecins traitant qui veulent que le patient fasse une radio des poumons et savent qu'il y a ce qu'il faut pour au cabinet. Ça leur permet d'être tranquille sur le diagnostic. En plus, comme le disent régulièrement les patients, "faire une radio ici c'est moins cher que chez le radiologue !".
@ Dr16 et CMT.
Sans doute me suis je mal exprimé. En aucun cas j'ai dit qu'il ne fallait pas exprimer aux patients nos limites et nos insuffisances. C'est même un devoir déontologique. Et bien sur, nous devons autant que possible faire le nécessaire pour orienter le patient chez quelqu'un de compétent pour le problème posé. En aucun cas je n'ai exprimé d'avis sur "l'omniscience du médecin".
Ce qui me pose question dans ce post, c'est de jeter un discrédit sur nos collègues de l'imagerie et laisser penser qu'ils sont tous incompétents, ce qui n'est pas le cas.
Maintenant et pour répondre à la question posée par Dr 16, la qualité des interprétations d'imagerie est certes opérateur dépendant.
Nous n'avons pas d'autre choix que de nous faire une opinion sur cette qualité et orienter nos patients vers les radiologues que nous estimons compétents.
@ Dr Bill.
Je me suis relu et je me suis rendu compte que mon ton à l'égard des radiologues n'était pas si acéré que cela.
Je me répète : demander des examens que nous ne pouvons interpréter nous-mêmes est un problème de confiance. Mieux vaut ne rien prescrire. Est-il si facile que cela de choisir un radiologue dans des hôpitaux ou des cliniques où les radiologues "tournent" et où les rendez-vous sont si difficiles à obtenir ?
Je dis : méfions-nous de ce que nous ne pouvons contrôler.
Un compte rendu radiologique est parfois une marque indélébile pour un patient.
Quant aux cd donnés avec les scanners ils sont ininterprétables dans nos cabinets car in faut un logiciel spécial pour les animer. Certains hôpitaux ne peuvent lire les scanners faits dans d'autres établissements.
Bonne soirée.
A Dr Bill,
Le centre de mon propos n’était pas l’omniscience mais le problème des postures et ce que cela peut entraîner comme dégradation de la qualité des soins quand patient et médecin se figent dans des postures classiques : d’un côté celui qui sait et de l’autre celui qui attend la bonne parole.
En pratique, j’entends de plus en plus des patients se plaindre des médecins, qui perdent leur aura, non parce qu’ils ont exprimé leurs doutes mais parce qu’ils ont fait des affirmations péremptoires qui se sont avérées fausses.
Je fais la relation avec la question éducative. Imposer sans expliquer est une démarche éducative acceptable pour des enfants de moins de quatre ans, qui ne possèdent pas encore bien le langage.
Là-dessus les médecins se comportent souvent comme des parents qu’un pédopsychiatre définissait comme névrosés : ceux qui pensent que tout acte de désobéissance (ne pas prendre ce qu’ils disent pour argent comptant) est une remise en cause de leur fonction parentale et/ou de leur autorité médicale. Les uns, les parents, n’ont vraiment pas compris ce qu’était un enfant et ses besoins, les autres, les médecins, n’ont vraiment pas compris ce qu’était un patient et ses besoins. Le choc en retour risque d’être rude.
Parents et médecins confondent souvent autorité et autoritarisme. Et je suis persuadée que de la même manière que cela incite les enfants à provoquer sans cesse les parents, la non prise ne compte du patient comme sujet l’incite à revenir vers le médecin pour lui poser des problèmes et des questions de plus en plus saugrenus et superflus, parce que derrière cette insistance se cache une autre question plus fondamentale : quand est-ce que tu vas me considérer comme un sujet et non pas juste comme le miroir narcissique de ta soif de pouvoir ?
Je m’éloigne un peu du sujet mais je pense que lorsque les MG demandent un avis au spécialiste, ils peuvent aussi être victimes de ce jeu de rôles convenu et recevoir des avis péremptoires là où une expression plus nuancée aurait été plus adaptée.
Ce que dit CMT joue aussi de façon collective en santé publique. Il suffit de penser à la grippe H1N1 dite pandémique, à la bouderie vaccinale et à l'autorité vaccinale qui, à travers plusieurs composantes, n'accepte pas que la population lui ait fait un pied-de-nez alors que rétrospectivement on est obligé de reconnaitre que cette campagne, même réussie en tant que campagne (acceptation) n'aurait servi à rien : vaccins arrivés trop tard, en trop faible quantité, épidémie qui se termine tôt (15 janvier).
Je rappelle qu'en Île-de-France (10 millions d'habitants) le pic s'était produit fin octobre et que quand la vaccination débuta, le 12 novembre, les chiffres du réseau Sentinelles étaient pratiquement divisés par 2 pour cette région.
Pour les autres régions le pic fut fin novembre à + ou - une semaine selon les régions et le vaccin enfants ne fut disponible qu'à partir du 25 novembre, qu'il fallait 2 doses à 3 semaines etc
Apparemment, l'autorité vaccinale aurait préféré avoir un certain nombre de narcolepsies en plus. Pour pouvoir dire quoi ? "On a stoppé l'épidémie grâce à la vaccination" Mais là ça ne marche pas. Dépit ...
@ Dr 16 et CMT.
Je suis en accord avec vos commentaires. Autorité et autoritarisme n'ont pas le même sens.
Il n'en reste pas moins que nous faisons tous des affirmations dont nous sommes certains qu'elles sont exactes au vu de ce que nous savons ou que nous croyons savoir.
Il en est de même pour nos confrères de l'imagerie ou autres spécialistes.
Je pense que nous devons affirmer et expliquer pourquoi nous ne sommes pas en accord avec nos correspondants.
je pense qu'il faut éviter le plus possible de jeter le discrédit sur nos collègues aux yeux des patients qui n'ont pas à faire les frais de nos désaccords.
L'exercice n'est pas facile, quand il s'agit de dire à un patient que nous ne sommes pas d'accord avec l'avis du spécialiste sans pour autant discréditer celui ci.
le spécialiste a son point de vue, le généraliste a le sien avec peut être des éléments que n'a pas le spécialiste.
Ce que je sais par expérience, c'est que jeter le discrédit sur les collègues finit toujours par entrainer une perte de confiance des patients pour l'ensemble des soignants. le perdant dans l'histoire c'est le patient.
Rien ne nous empêche quand nous avons un doute ou un désaccord, de contacter le collègue et de lui en parler.
Bon week end.
@ dr Bill
Nos légitimes interrogations, où devons-nous les exprimer ? Sur un blog ou en privé ? Tu as raison de dire "pas devant nos patients" mais, que faire quand nous sommes confrontés tous les jours à des énormités ?
Nous ne faisons pas le poids contre gardasil et la DGS.
Et quand nous disons à une jeune fille bombardée de recommandations que nous ne pensons pas que le gardasil soit bon pour elle, nous ne pouvons que susciter de la défiance contre le corps médical en général.
Que faire ? Se taire ?
Quant à contacter le collègue, c'est peine perdue et les courriers que l'on lit dans Voix médicales sont souvent sans lendemain.
A +
@ Docteurdu16
selon la formule consacrée, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes : gardasil n'a rien a voir dans la conversation.
Nous (MG) demandons un examen (ou un avis spécialisé) dans un contexte clinique, et en attendons à priori quelque chose qui influencera notre attitude vis à vis de ce contexte.
Tout d'abord : plus nous aurons orienté la demande (c'est notre job), plus la réponse sera pertinente.
Ensuite, il faut bien sur faire confiance au confrère a qui l'on confie un patient,
Mais il nous reste a analyser la réponse en fonction du contexte et des données qui ont motivé un avis ou une demande, en sachant que cette réponse peut apporter plus d'interrogations que de bénéfices.
Il faut aussi envisager que notre intervention dans la prise en charge d'un patient n'apporte a celui-ci qu'un éclairage de son problème, et qu'a partir du moment ou un examen ou un avis est demandé , d'autres éclairages interviennent. Réprouver ceux-ci a l'aune de nos seules certitudes ramène au paternalisme que vous dénoncez régulièrement docteur du 16.
Voilà que JCG sa fait étriller pour défaut de confraternité. Mais il n’a dénoncé personne. Il n’a fait qu’exposer un problème concret qui se pose quotidiennement au médecin en quête de réponses adaptés pour soigner un patient.
Doit-on laver le linge sale en famille (à propos de torchons et de serviettes) ? Surtout ne rien dire des affres que nous subissons quand nous en voulons pas trahir la confiance du patient ? Car c’est un peu de ça qu’il s’agit.
Quelle est la question posée ?
L’enjeu le plus important de la médecine actuellement me paraît être celui-ci : permettre au patient d’acquérir la plus grande autonomie possible par rapport aux médecins et à la médecine, afin d’être un interlocuteur averti et valable dans l’individuation des soins et non seulement un consommateur avide et passif. C’est important parce que, sous nos latitudes en tous cas, le danger qui nous guette provient bien plus de la sur que de la sous médicalisation. On peut voir cela avec la tendance croissante à la généralisation des dépistages sur des base scientifiques insuffisantes, avec la perversion progressive des critères intermédiaires et de l’interprétation des facteurs de risque au profit d’une massification des traitements préventifs. Comme les nouvelles recommandations du Collège americain de cardiologie et de l’american heart association qui auront pour conséquence, appliquées telles que, d’augmenter encore de 30 millions le nombre d’américains traités par statines (ce qui est pris en compte est le risque d’évènements cardio-vasculaires à 10 ans, chez le tout venant entre 40 et 75 ans, et non plus la concentration en cholestérol). Les précédentes réductions de seuil du cholestérol avaient abouti à doubler la population cible du traitement par statines les faisant passer de 49 à 92 millions d’américains (cf article Gilbert Welsh, changing the rules). Or, les nouvelles recommandations, non validées scientifiquement, s’accompagnent d’un « calculateur » gracieusement offert par les sociétés émettrices de recommandations citées plus haut. Or, d’éminents épidémiologistes, Paul Ridker et Nancy Cook, ont calculé que l’utilisation de ce calculateur, entraînait une surestimation du risque de 75 à 150% par rapport à ce qui était annoncé, soit le traitement de quelques millions ou dizaines de millions d’américains supplémentaires http://www.nytimes.com/2013/11/18/health/risk-calculator-for-cholesterol-appears-flawed.html?pagewanted=1&_r=0 . Comme nous savons que nous sommes à la traîne des recommandations américaines que nos autorités prennent comme référence, des patients avertis en valent plusieurs… Se traiter n’est pas toujours mieux que de ne pas se traiter et parfois il vaut mieux s’abstenir de demander des examens complémentaires. D’autant que les radiologues et autres spécialistes ne sont pas tous des flèches et que cela accroît le risque de traitements inutiles, donc potentiellement nuisibles sans bénéfice.
Ce qui n'est pas opérateur-dépendant dans un examen (échographie exclue) est l'image -> il faut s'astreindre à relire les images, cette double-lecture étant toujours profitable au patient et, comme vous l'avez expérimenté, le rassurant. Il m'arrive cependant de ne pas regarder des scanners : ceux que je n'aurai pas demandés. Si le patient est surpris par mon désintérêt, je lui explique pourquoi le scanner ne m'intéresse pas dans son cas, voire pourrait donner de faux renseignements. Si un examen est vraiment inutile, il faut prendre soin de le vider du sens qu'il aurait pu avoir jusque là. Et je demande tout de même prudemment : "Que vous a dit le radiologue?". Car les trouvailles inattendues ne sont pas exceptionnelles.
Dans une pathologie aussi pénible que la sciatique, difficile de se passer du scanner, surtout avec des signes neuros radiculaires, pourtant l'indication du scan est l'inefficacité du traitement médical et non une parésie partielle ou des disesthésies. Les lésions neuros sont presque toujours d'emblée présentes, souvent se démasquent parce que la douleur diminuant les patients s'aperçoivent que ce n'était pas seulement elle qui les empêchait de bouger, et ces signes neuros ne sont pas une indication chirurgicale (compression médullaire exclue bien sûr -> importance du questionnement sur les sphincters et une anesthésie périnéale), des études ayant montré que la récupération neuro était identique à 1 an pour le traitement médical et chirurgical, sauf si l'intervention a lieu dans les toutes premières heures de l'installation d'un déficit, ce qui n'est quasiment jamais réalisable en pratique.
@ C.M.T. ET Docteur 16.
je ne comprends pas le lien que vous faites entre les erreurs que nous commettons tous (pas plus les spécialistes que les généralistes) et les questions (certes importantes) qui se posent pour les dépistages organisés, la vaccination par gardasil et les recommandations du Collège américain de cardiologie et de l’american heart association...
La question de permettre au public d'avoir un regard critique sur ces sujets n'a, à mon avis, peu de lien avec la question des erreurs que nous commettons tous.
Ce que je crains, c'est que votre texte soit vécu comme un "radiologue bashing", ou un "spécialiste bashing".
Nous ne sommes pas infaillibles ni tout puissants.
Mon expérience montre qu'en médecine générale les patients sont de plus en plus informé. Ils ont de plus en plus un esprit critique. Je me réjouis de cette évolution.
Cette évolution en en lien avec la possibilité de s'informer. Votre blog en est un élément. Continuez....
A Dr Bill,
une précision tout de même, pur rendre à César...Ceci est le blog de Jean-Claude Grange. Je m'y suis greffée et je le squatte depuis pas mal de temps en écrivant des commentaires et quelques articles qui me prennent bp de temps, c'est vrai, et qui au final sont trop longs et pas toujours très clairs.
Il y a une émulation intellectuelle réciproque et beaucoup d'approches communes (sur le respect des patients, sur le devenir de la médecine, les conflits d'intérêts...). Parfois il peut y avoir une complicité et un soutien réciproque.Fondamentalement nous sommes d'accord sur beaucoup de choses. Pas sur tout.
Je pense que le lien à faire entre le post et les questions générales est du côté de l'état d'esprit. Je n'ai pas compris le post comme une dénonciation des erreurs, que nous faisons nécessairement tous, mais comme la détresse du MG qui se trouve vis à vis du spécialiste dans le même état que le patient se trouve vis à vis du MG, c'est à dire démuni. Comment peut-il savoir s'il peut se fier à ce qu'il lui dit? Sur quels critères se baser? L'autre a des connaissances techniques que nous n'avons pas, mais comment les utilise-t-il, autant du point de vue de ses compétences techniques que de son état d'eprit?
Et pourtant ce que nous renvoirons au patient se fonde ou peut se fonder sur ce que dit le radiologue ou le spécialiste.
Jean-Pierre Legros a apporté une perspective intéressante, je dirais, dialectique, pour sortir de l'impasse. Mais qui nécessite encore d'avoir de solides connaissances basées sur une étude critique de la littérature.
Toujours ce problème du choix des spécialistes, toujours ce problème de recherche éperdue mais perdue d'avance de la vérité, (comme un graal ,) , c'est pour ça que j'aime bien Popper avec sa notion de véri similitude, se donner juste les moyens de l'approcher. En ce qui concerne la relecture, je trouve intéressant et instructif de lire systématiquement toutes les radios et certains scans avant de lire les commentaires, puis de comparer mes déductions et celles de mon correspondant. Ca permet de se faire une FMC gratuite dans beaucoup de cas, parfois de rectifier une erreur (le plus souvent un oubli) ou de demander une explication ou même 3ème avis en cas de doute. Enfin pour finir sur une note plus gai, je me suis fait un de mes meilleurs amis comme cela, un radiologue éloigné de mon secteur. Il appréciait mes demandes d'examens où je précisais systématiquement le comment et le pourquoi de ma demande, j'appréciais ses commentaires précis et riches, les rares fois où mes patients allaient chez lui. Nous sommes rencontrés quelques années plus tard lors d'un congres ....et petit à petit une véritable amitié est née.. parce que c'était lui parce que ...depuis nous sommes partis plusieurs fois avec nos familles respectives en vacances ensemble . Bon! le problème , c'est maintenant que j'ai un gros conflit d'intérêt... c'est un ami !!..et je lui envois des patients surtout quand le problème me semble ardu, mais comme nous partageons la même soif de données very fiables.. tant pis, et de toutes façons même avec lui je m'oblige à la double lecture.
Ni le généraliste ni le spécialiste ni le patient ne détient la vérité et en plus nous n'avons pas les mêmes "cartes du monde". Alors juste se donner le maximum d'instruments intellectuels (mathématiques et philosophiques...et autres) pour ne pas trop se berner soi-même, pour ne pas faire aveuglément confiance à de pseudo-experts.... mais n'est ce pas justement là une des vertus de ce Blog?
Etonnée par ce post..
Mon MG lit les radios sans regarder le compte rendu .
MOI: mais il y a une lettre, vous ne la lisez pas ?
LUI : Je ne veux pas me laisser influencer.
J'ai compris qu'il voulait "voir" ,et seulement ensuite lire les conclusions du radiologue.
Il se méfie donc des radiologues.
Finalement , en médecine, RIEN n'est sur .. On avance un peu à l'aveuglette. Chacun doutant de l'autre... Et avec la lecture des blogs médicaux (surtout le votre) , le patient devient méfiant ,ne coit plus béatement ce qu'on lui dit. Du coup, la confiance aveugle que l'on faisait aux médecins ,en prend un coup...QUI croire ? qui ne pas croire ? Ou aller ? Ou ne pas aller ?
@Jean-Pierre Legros
incidemment, votre intervention sur ce forum m'a permis de découvrir votre blog : beaucoup d'interventions brillantes, et la dernière n'est pas la moindre. Celle intitulée EBM ou BBM est aussi une réflexion intéressante a contrepoint de la pensée majoritaire sur ce forum.
Et bien...! Je viens de passer un IRM, 3 mois et demi que je traîne une sciatique... ou plutôt cruralgie, les 2 jambes, mais plus la droite. Anti inflam.. Cortisone... Radiologue interne, m'appelle pour le compte rendu, Monsieur ..., étonné de me voir arrivée : je suis une femme, ça commence fort ! me dit 'vous ne devez pas avoir mal à droite mais à gauche' !!! Les radios précédentes hernie en L5-S1, et pincement, disques 'usés' L3-L4, L4-L5. Lui il me regarde comme si moi je me trompais, je ne sais pas où j'ai mal. Plus de 3 mois que je peux à peine m'asseoir !
J'espère que mon MG saura lire l'IRM.... Car après vos doutes, je doute aussi !
Enregistrer un commentaire