mardi 14 octobre 2025

Histoire de Santé publique sans consultation. Épisode 31. Biais de confirmation, surdiagnostic et surtraitement. A propos d'un cas dans la rue. Tafamidis.

 


Maintenant que j'ai un peu de recul, je vais vous parler de Madame A, 86 ans, une de mes voisines, qui, jusqu'à il y a un an, était une personne fréquentant la salle de sport à l'occasion, qui marchait une bonne heure par jour, qui allait faire son supermarché et qui était simplement hypertendue (traitée aussi par statine, le "on ne sait jamais" de la médecine "moderne" non contrefactuelle).

Il y a donc environ un an Madame A, 85 ans, fait une pneumopathie communautaire (dont je ne connais ni les détails, ni le germe, et cetera) qui l'a conduite aux urgences d'où elle a été hospitalisée. 

Tout ce que je raconte m'a été dit soit par la dame en question, soit par son mari, plus jeune qu'elle et plus vaillant — c'est à dire capable de s'en occuper, et j'ai recoupé comme un mauvais journaliste que je ne suis pas. Mais il est possible que, comme dans un dossier médical, il y ait des erreurs, des omissions, des oublis, des rajouts, des mensonges, des modifications de la vérité.

Bref, c'est ma version.

Elle a développé une insuffisance cardiaque au décours de sa pneumopathie.

Un traitement classique été institué avec passage d'un infirmier à domicile dans le cadre d'un suivi post insuffisance cardiaque.

Elle retourne deux fois à l'hôpital pour nouvelles poussées, ce qui, d'un point de vue pronostique n'est pas folichon, folichon.

Puis, son mari me dit que le nouvel interne a trouvé la solution, le mari est excité comme une puce, comme l'interne, elle a de l'amylose. Il remarque que je ne saute pas en l'air. Donc, selon l'interne —qui a fait sa thèse sur l'amylose cardiaque —tout va aller pour le mieux avec le nouveau traitement, "je ne me rappelle pas le nom" mais ça vaut  7000 euros par mois et c'est remboursé ! "Quel fantastique pays" ajoute-t-il. "Nous avons beaucoup de chance !" Tu parles, Charles.

Bref. 

Malgré le traitement miracle et hors de prix, la molécule s'appelle le tafamidis et le médicament le Vyndaquel ®, au prix défiant toute concurrence de 7260 € par mois, le laboratoire le commercialisant s'appelle Pfizer (j'imagine que ce nom ne vous est pas inconnu), la malade est réhospitalisée (je sais cela par mes rencontres avec le mari) et, cerise sur le gâteau, elle a de plus en plus de mal à marcher en raison de douleurs dans les membres inférieurs. 

Je la rencontre, poussée par son mari, dans un fauteuil roulant.

Au bout d'un certain temps, plusieurs semaines, et après des consultations spécialisées un peu erratiques, le traitement est arrêté.

Je la rencontre ensuite marchant à côté de son fauteuil roulant poussé par son mari.

Je la revois donc il y a huit jours, elle marche toute seule avec une canne dans la rue. Les douleurs des membres inférieurs ont presque disparu, elle a les chevilles fines comme quand elle avait quarante ans, elle n'est pas essoufflée, mais elle ne va plus à la salle de sport, elle marche une demi-heure par jour à pas comptés et avec une canne, et, à part sa statine, son traitement est allégé.

C'est tout.

Revenons au titre.

Biais de confirmation : l'interne qui aurait fait sa thèse sur l'amylose cardiaque dans le service d'un grand professeur d'un CHU parisien prestigieux mais excentré, voit des amyloses cardiaques partout. Comme je n'ai pas son nom, je n'ai pu aller consulter "Transparence Santé".

Surdiagnostic : je pousse le bouchon un peu loin puisqu'il y avait des symptômes d'insuffisance cardiaque mais il est possible de considérer qu'il existe un surtraitement : comment croire que chez une personne de 86 ans, en fait 85 puisque cela a commencé il y a un an, pourrait bénéficier d'une disparition de l'amylose cardiaque avec un effet significatif sur son espérance de vie ? Rappelons que selon des sources INSEE (ICI) l'espérance de vie à 85 ans pour une femme est de 7,94 années en 2024 ! L'espérance de vie après unepremière hospitalisation pour insuffisance cardiaque est moins fameuse. Cela dit, on peut considérer le point de vue de la qualité de vie pour une personne de 85 ans : sera-t-elle moins souvent hospitalisée grâce au traitement ? Marchera-t-elle mieux grâce au traitement ? 

Surtraitement et iatrogénèse : il n'est pas anodin de penser que le médicament, au lien d'améliorer la patiente, l'a aggravée.

Traiter la maladie, pas la patiente : dans les essais randomisés le tafamidis a provoqué des douleurs des extrémités dans 7,7 % des cas, douleurs qui sont apparues au décours de l'instauration du traitement.

Bref : les stabilisateurs spécifiques de la transthyrétine sont sans nul doute un progrès mais il serait utile que l'on garde raison et que les indications soient pesées avec soin compte tenu des coûts. 

Voici des informations officielles sur le tafamidis datant de 2024 : LA.


vendredi 26 septembre 2025

Histoire de santé publique sans consultation. Épisode 30. Comment parler des mauvaises pratiques d'un confrère.


J'ai déjeuné il y a deux jours avec deux confrères mantais dont l'un est toujours en activité.

Nous avons parlé du pays et en particulier d'un chirurgien qui est un danger public. Il cumule tout : mauvais opérateur, interventions non indiquées, surtraitements chirurgicaux, traitements médicamenteux lunaires, sur activité, captation de malades, et cetera.

Cela dure depuis des années.

Nous savons que la seule façon d'intervenir nécessiterait des plaintes de patients. Il y en a eu.

Mais il ne se passe rien.

Nous sommes donc complices.

Et si c'étaient des violences sexuelles et sexistes ?


mardi 16 septembre 2025

Parler des soins primaires sans inviter (ou presque) les soins primaires.

 


La qualité des intervenants est assez exceptionnelle.

La première table ronde est MG free.

Monsieur et Madame Prout prout ma chère visitant un désert médical 

Qu'est-ce que Roselyne Bachelot peut dire sur les soins primaires ou les déserts médicaux ?

Qu'est-ce que Christophe Barbier connaît des soins primaires ou des déserts médicaux ?

Qu'est-ce que Frédéric Chéreau (connu de ses neveux et nièces) connaît des soins primaires ou des déserts médicaux ?

Qu'est-ce le professeur Rémy Salomon, représentant éminent du complexe santéo-industriel hospitalo-centré connaît des soins primaires ou des déserts médicaux ?

Qu'est-ce que Marine Secall-Bersinger, représentante d'une association de consommateurs, connaît des soins primaires ou des déserts médicaux ?

Il est clair que ces experts des soins primaires vont proposer des solutions taboues (sic).


La deuxième table ronde, c'est le fourre-tout.

Pas de source connue.


Qu'est-ce que Martin Hirsch, hospitalo-centriste, ex directeur de l'AP-HP avec les résultats que l'on connaît, connaît des soins primaires ou des déserts médicaux ?

Il y a quand même le docteur Laure Artru, présidente de l'Association de Citoyens Contre les Déserts médicaux, une coquille vide, rhumatologue libérale de son état, nul doute qu'elle connaît des soins primaires ou les déserts médicaux par le prisme de ses correspondants. Ses propositions font peur : ICI.

Nous avons quand même trouvé un médecin généraliste, le docteur Pascal Gendry !

Et une présidente d'association, non médecin, Christelle Le Coz, qui dirige un collectif de centres de santé associatifs.


L'intérêt porté par les hospitaliers pour less soins primaires au cours des âges.


Cela me rappelle la formation médicale continue hôpital - ville à Mantes-La-Jolie où les hospitaliers parlaient 90 % du temps, choisissaient les sujets, faisaient des cours magistraux (les mêmes que pour leurs internes) et voulaient contrôler le discours des MG intervenants qui acceptaient la censure pour la plupart pour faire partie de l'élite médicale.

N'oubliez pas, je ne le répèterai jamais assez, que les soins primaires, pour les hospitaliers, pour les spécialistes libéraux, pour les politiciens de tous poils, c'est de la merde en barre, c'est pour les recalés du concours, les outsiders de l'hôpital, les videurs de bidets...

Regardant les commentaires sur X, je remarque que personne, je dis bien personne, mais je ne peux tout lire (et heureusement), n'a parlé des infirmiers et infirmières libérales, des kinésithérapeutes libéraux et libérales, des pharmaciens et pharmaciennes et autres "petits personnels" des maisons de santé... Où sont les patients ?


RIP

PS : la photo de groupe transpartisane. 




lundi 8 septembre 2025

Histoire de santé publique sans consultation. Épisode 29. Empathie au travail.

Les fourmis empathiques


Madame A, 60 ans, revient au travail après six mois d'arrêt. Elle occupe un poste important dans l'entreprise en tant qu'opérationnelle. C'est à dire qu'elle a de l'ancienneté, du professionnalisme et de la compétence et que, lorsqu'elle est là, l'entreprise gagne un temps fou en termes de conception de prévision, de mise en oeuvre, de réalisation et de service après-vente.

Durant la prise en charge de son cancer où elle a "dégusté", la chimie n'a pas été simple, et le reste non plus, d'ailleurs, on l'a appelée de la boîte et elle a gentiment, selon elle, répondu en demandant quand même de ne pas trop l'embêter car elle était très fatiguée.

Donc, elle revient, pimpante, la fleur au fusil, après six mois d'arrêt, en se disant qu'elle ne va quand même pas retravailler autant qu'avant, rester aussi tard, se déplacer en province avec autant de régularité, ou à l'étranger.

Le directeur général lui dit bonjour en passant, le sous-directeur général fait pareil, des collègues itou, personne ne la prend dans un coin en lui disant, "Alors, A, comment ça s'est passé ? Ça pas été trop dur ? Comment tu te sens ? Comment est le moral ? Tu es guérie ? Tu prends encore des médicaments ? Tes enfants ? Ton mari ?"

Ben non : personne n'a réagi commencera, bonjour, bonsoir, et Madame A, douze ans de boîte, elle l'a mal pris. Elle l'a très mal pris.

Son mari : "C'est quoi ce managérat de débiles ? C'est quoi cette façon de maltraiter ses salariées, ses collègues, les gens avec qui on travaille ?" Elle : "Je suis dégoûtée".

Moi : Qu'est devenue notre société ?

PFFF...

samedi 30 août 2025

Lutte contre la désinformation en santé. Une mission missionnée par un gouvernement en soins palliatifs.

 


Rappelons ici avant toute polémique que Yannick Neuder, cardiologue de son état, se fait prendre en video auprès d'un maire pratiquant un massage cardiaque (?) sur un mannequin sur l'air de "Ne me quitte pas..." et non sur celui de "Staying alive..."



ICI en video


Rappelons ce jour, jeudi 28 août 2025, une communication FakeMed de Yannick Neuder. Cela vaut son pesant de cacahuètes.




Comment, quelques jours avant la chute du gouvernement Bayrou, se faire embaucher par le gouvernement pour un rapport sur la désinformation en santé ?

Mais, soyez rassurés, le conseil de l'ordre est OK pour lutter contre la désinformation en santé (sauf pour l'homéopathie, l'acupuncture ou l'ostéopathie).


Soyez rassurés, aucune hypocrisie, l'Académie Nationale de Pharmacie, soutient la mission. On rappelle que ladite Académie ne dit rien sur la vente de produits homéopathiques dans les pharmacies ou la délivrance de produits homéopathiques dans les hôpitaux ou cliniques. Pas plus que les Fleurs de Bach.



On est bien partis.

Je voudrais rajouter ceci : 

  • J'ai un préjugé très favorable à l'égard d'Hervé Maisonneuve dont le blog (ICI) n'a cessé au cours des années de se radicaliser et de dénoncer avec force la triche dans les essais cliniques qu'ils soient académiques ou industriels, l'emprise de l'industrie des publications, le poids des revues prestigieuses, les liens et les conflits d'intérêts dans le complexe santéo-industriel.
  • Il est difficile de critiquer Dominique Costagliola, icône des covidistes canal historique, tout au plus peut-on remarquer qu'elle est épidémiologiste et que dans ses déclarations sur les réseaux sociaux elle considère que les études épidémiologiques peuvent remplacer scientifiquement les essais contrôlés non effectués (et non exigés par elle) et qu'il est possible de prescrire des molécules à des populations qui n'ont pas été testées dans des essais.
  • Mathieu Molimard me paraît être le représentant le plus symbolique de l'establishment académique (voir LA), il fait partie de ceux qui savaient et n'ont rien dit à propos de Raoult et consorts, et qui sont devenus ensuite les chantres de l'intégrité scientifique et de la dénonciation des tricheries de l'IHU de Marseille. Ses participations constantes aux évaluations de l'HAS n'augurent rien de bon sur la critique des agences gouvernementales.
Gageons que la mission contre la désinformation en santé tirera d'abord sur les ambulances transportant les malades universitaires en fin de vie de l'IHU de Marseille et laissera de côté toutes les prises en charge non fondées sur les preuves qui saturent en France (et partout ailleurs) la médecine hospitalière et les soins primaires.


mercredi 2 juillet 2025

Histoire de santé publique sans consultation 28 : il y a encore des médecins qui prescrivent Spasfon (phloroglucinol) sans dire qu'il s'agit d'un placebo.



Compte-rendu de (fausse) télé consultation (acte gratuit).

Une de mes anciennes patientes (54 ans) est allée consulter aux urgences pour des douleurs abdominales aiguës.

Elle a attendu son tour dans la fournaise.

Elle a été examinée.

Elle n'a pas très bien compris ce qu'elle avait ou ce qu'elle n'avait pas.

On lui a prescrit du Spasfon.

Elle a entendu le mot cancer.

Elle s'est affolée.

Elle a entendu le mot cancer car elle s'est fait engueuler (je répète, je n'y étais pas), crier dessus (je répète encore que ce sont des propos rapportés), parce qu'elle n'avait pas encore fait un test de dépistage du cancer du colon.

Je l'ai rassurée après l'avoir interrogée.

La pauvre, avant de m'appeler, était allée "consulter" internet et avait lu le site de Gustave Roussy (LA) où elle avait lu ceci : 


En gros, j'ai pris un peu de temps pour raconter l'affaire, la patiente a fait une violente colite qui l'a fait souffrir quelques jours. Un scanner a été prescrit pour des raisons que j'ignore.

Elle n'a plus mal : le spasfon a fait son effet.

Rappel de 2020 : 


Rappel pratique : prescrire un placebo à un.e malade (ou à un.e citoyen.ne) en lui précisant qu'il s'agit d'un placebo mais queça peut être efficace chez certaines personnes ne modifie pas l'effet placebo.

On peut aussi aimer Placebo.



mercredi 18 juin 2025

Désogestrel, le bannir par prévention et préférer le lévonorgestrel. Un avis (tardif) de l'ANSM.


Je pourrais faire le malin, c'est ce que je vais faire, mais je prévenais en 2009 (septembre) sur l'inutilité et la dangerosité potentielle d'utiliser le désogestrel et de préférer le levonorgestrel : c'est ICI.

Le billet a vieilli puisque le désogestrel est remboursé depuis 2015.

Je me rappelle le poids de l'industrie, le poids des spécialistes gynobs et sages-femmes (qui n'étaient pas corrompus par l'industrie, ils ou elles prenaient leurs décisions en fonction de la science, cela va sans dire) et les fausses informations (qui avaient été dénoncées par La Revue Prescrire) sur le risque d'oubli beaucoup moins important (plusieurs heures) pour le désogestrel par rapport au lévonorgestrel.

Prescrire du lévonorgestrel signifie aussi prescrire une alarme sur un smartphone.

Les données étaient là, devant nos yeux, personne ne nous les cachait, il suffisait de savoir lire (il semble que c'est un impératif essentiel pour entamer des études de médecine, par exemple) et de ne pas prendre les arguments de l'industrie pour de l'argent comptant.

L'ANSM oublie de rappeler que l'étude Epi-Phare (LA) date de décembre 2024.

Elle oublie de rappeler son communiqué rassurant de mars 2025 (ICI).

Et que ses nouvelles recommandations datent du 18 juin 2025.

Essayez de lire, les prescripteurs, quant aux femmes, lisez aussi et demandez des comptes.

Le risque est faible.

Certes.

Pourquoi le prendre ?

Le lien avec l'ANSM : LA