J'accompagne un de mes amis (médecin) en consultation dans un établissement qui se présente à la fois comme une clinique et comme un hôpital privé, les financiers ou les spécialistes du marketing de la santé n'ont pas su choisir entre le sens un peu vétuste mais terriblement académique du mot hôpital et le sens moderne mais mercantile du mot clinique...
L'établissement renommé est situé dans le 92.
J'accompagne mon ami médecin parce que sa femme, médecin, n'a pu se libérer, et qu'il ne voulait pas se rendre seul à la consultation. Bien qu'il soit beaucoup plus affuté que moi dans de nombreux domaines de la médecine et que mes discussions avec lui atteignent rapidement le seuil de mon incompétence (et parfois, ne soyons pas modeste, le seuil de son incompétence, chacun ses passions en médecine), il a souhaité que je vienne avec lui car il perd pied quand un médecin le reçoit, l'interroge, l'examine, parle de lui et lui soumet ses conclusions. Il me dit : "Je me fais toujours embobiner". Je connais cette perte de compétence mais je suis toujours ébahi que mon ami, si virulent dans les réunions de concertation pluridisciplinaires, si mordant lors de ses communications dans les congrès, si pertinent dans les staffs, puisse perdre ses moyens quand il est le sujet de l'histoire. Je suis donc son témoin, celui qui pourrait intervenir s'il était perdu ou s'il ne savait pas qu'il l'était.
La salle d'attente est pleine de patients et de familles de patients attendant d'être reçus d'abord par les secrétaires, ensuite par les chirurgiens.
Personne n'est masqué (à part votre serviteur et son ami).
La salle est aveugle, blindée de monde et la circulation de l'air est tout à fait insuffisante.
Je n'ai pas mon mimiryudo® portable avec moi (je n'en ai d'ailleurs pas) et je ne peux vous fournir aucun chiffre sur le taux de CO2 régnant dans la pièce. Mais mon nez renifleur m'indique que l'on doit dépasser de très loin les chiffres admissibles par ceux qui les ont définis (soyons prudents).
Les patients font donc d'abord la queue pour atteindre le bureau des secrétaires puis on leur demande de s'asseoir pour attendre les médecins qui viendront les appeler. C'est une jolie pagaille.
Les deux amis n'ont pas l'habitude d'être assis dans une salle d'attente, ils n'en connaissent pas les rites, les habitudes, les coutumes, les règles.
Ils sont estomaqués. Vous savez ce que font les gens avant de prendre leur place dans la queue ? Ils comptent leurs espèces. Pour payer le dépassement d'honoraires.
Mon ami ne paiera pas de dépassement car il est médecin. La clinique, pour l'intervention, se "vengera" sur l'hôtellerie.
Pour son intervention, et après enquête : 300 euros pour l'anesthésiste, 1500 euros pour le chirurgien. Mais il ne paiera rien.
La salle d'attente, contrairement à toute attente, n'est pas remplie de princes saoudiens, de qataris ou d'émiratis, mais il y a beaucoup d'étrangers qui viennent de loin pour être opérés à l'hôpital clinique dont la réputation (en termes monétaires) est en-dessous de l'Hôpital Américain, là où tous les riches à la mode (et les super riches) sont les sujets de la médecine et de la chirurgie de luxe (les médecins mondains ont été décrits cent fois dans la littérature et pas dans les meilleurs termes).
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Salle d'attente (vide) à l'Hôpital Américain de Paris (classouille) |
S'il n'y avait que les riches qui consultaient à la clinique H ou à l'hôpital A, ce serait une vengeance de la lutte des classes, mais il existe aussi des non-riches qui les fréquentent pour atteindre leur zone d'accessibilité sociale.
Sans oublier les étrangers (riches ou apparatchiks dans des pays autoritaires) qui sont victimes d'un marketing mensonger.
C'est déplaisant.
On se croirait dans un film de gangsters.
On devrait mettre des compte-billets dans la salle d'attente à destination des "usagers" de la médecine de luxe.
J'imagine l'entrée de l'hôpital comme une vaste salle où, comme dans un hôtel de Las Vegas, il faut traverser les dizaines de machines à sous, pour atteindre la réception.
Mais ce ne sont pas des machines à sous à l'entrée de la clinique, ce sont des DAB (distributeurs automatiques de billets) et des compte-billets pour vérifier que le bandit-manchot n'a pas triché.
Voilà où nous en sommes.
Vu des US :