Docteur du 16 : je vous propose donc un article écrit par CMT que je trouve particulièrement contributif sur le sujet des relations entre les médecins, l'administration et la CNAM.
Le secret médical comme garant de la démocratie
Le secret médical comme garant de la démocratie
Redresser les comptes de la Sécurité sociale et réduire son déficit est une priorité affichée par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années.
Les médecins libéraux, ont une place spécifique dans le système de santé. Bien que dépourvus de la protection que confère un statut de salarié et théoriquement libres de pratiquer comme ils l’entendent, leur activité est largement tributaire des remboursements de leurs actes par la Sécurité sociale.
C’est pour cette raison que l’Etat s’arroge en contrepartie un droit de contrôle et d’évaluation sur l’activité des médecins libéraux. Ce contrôle se fait sur la base de ce qui a été négocié lors de la convention médicale collective. La convention médicale est, l’un des principaux outils de la maîtrise médicalisée, qui vise à responsabiliser les acteurs à savoir essentiellement les médecins prescripteurs, les pharmaciens et les patients en vue de réduire les dépenses de santé.
Le contrôle est exercé, pour l’aspect économique, par les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des organismes de droit privé au niveau local, remplissant une mission de service public. Les médecins conseil des CPAM sont chargés de s’assurer qu’il y a conformité entre les activités du médecin et ses objectifs propres, objectifs pour lesquels les CPAM sont missionnées, qui sont des objectifs économiques de contrôle des dépenses de santé.
Pour exercer ce contrôle, et d’autant plus qu’il prétend exercer un contrôle étroit et fin, le médecin conseil va demander des informations sur son activité au médecin libéral, comme la loi l’y autorise.
Se pose alors la question du secret.
Habemus papam. Nanni Moretti 2011. Le pape, le psychanalyste et la Curie. |
Les fondements du secret médical
Le secret médical est une déclinaison du secret professionnel.
Le secret professionnel a des fondements pratiques et vise au maintien de l’ordre public. Dans tous les cas où un particulier doit être en relation avec un professionnel et que la protection de ses intérêts, dans le cadre de ses relations avec ce professionnel, nécessite la confidentialité, il doit pouvoir compter sur sa discrétion. Celle-ci lui est garantie par la loi sous peine de sanctions pour le professionnel qui violerait cette règle. La nécessité de respect du secret a donc une traduction juridique.
L’article 226-13 du Code pénal énonce cette règle de la manière suivante : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
Le Code pénal considère donc que la révélation d’un secret est un délit et que c’est la personne qui est dépositaire du secret qui en est responsable . Elle pourra donc être poursuivie en cas de faute. L’incitation à la révélation du secret est également punissable.
Dans le cas de la médecine, l’intérêt du secret est aussi de permettre la qualité des soins grâce à l’accès à un grand nombre d’informations pertinentes par le médecin car « Il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret ».Le secret professionnel a aussi des fondements éthiques et répond au principe du droit au respect de la vie privée, qu’on peut aussi appeler droit à l’intimité. Le concept de vie privée n’est pas clairement défini mais le principe de son respect est posé par l’article 8 la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, encore appelée Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée et ratifiée par la France. La Cour européenne des droits de l’Homme, qui veille au respect de la convention, considère que «la protection des données médicales revêt une importance fondamentale pour l’exercice de ce droit, et que le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique des Etats membres de la Convention (CEDH, 27 août 1997, Anne –Marie Ac/Suède) » (P. Chiché, 2005) . http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/086519A8-B57A-40F4-9E22-3E27564DBE86/0/FRA_Conven.pdf .
Dans le Code de déontologie, qui est inscrit dans le CSP (Code de santé publique) , article 4127 et établi par décret du Conseil d’Etat, le secret médical apparaît à l’article 4 qui dispose que:
« Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »
Contrairement à ce que beaucoup de médecins pensaient auparavant, le secret médical est pour eux un devoir et non un droit. Il n’est pas opposable au patient qui souhaite obtenir son dossier, sauf dans certains cas spécifiques. C’est ce qu’a établi la loi du 4 mars 2002, relative à la santé publique et aux droits des patients, appelée aussi loi Kouchner.
Le secret couvre aussi tout ce qui a eu lieu lors de la consultation, et notamment aussi tout ce que le médecin a pu voir ou entendre lors des visites à domicile .
Le médecin qui viole intentionnellement le secret (même sans intention de nuire) s’expose donc à des sanctions pénales (article 226-13) et disciplinaires, de la part du Conseil de l’ordre.
Seule la loi peut autoriser une dérogation au secret
L’article 226-14 du Code pénal limite le caractère absolu du secret professionnel et médical car il précise que «L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret « .Le secret médical a donc un caractère absolu en dehors des obligations légales et des autorisations car :
- Le patient ne peut pas délier le médecin du secret (jurisprudence)
- Le secret demeure même après la mort du patient (cas particulier de la famille du défunt)
- Le secret est valable même pour des confrères sauf dans le cas des nécessités du suivi du patient et avec l’accord de celui-ci (loi du 4 mars 2002 )
- Il est opposable même devant un juge
- Le médecin n’a, à priori pas le droit de révéler le nom des patients qu’il suit
Le médecin peut seulement se délier du secret pour se défendre en cas d’accusation
En pratique les dérogations établies par la loi sont de deux types : obligation ou permission.
La liste des motifs qui obligent un médecin a révéler des informations à caractère secret est limitative et explicite. La première question qu’un médecin doit se poser si on lui demande de fournir ce type d’informations est donc : « est-ce que cela rentre dans le cadre d’une obligation ? ».
Ces obligations, édictées par la loi, répondent à des impéraitfs (tenue de registres des décès et des naissances, protection de l’ordre public, justification de certaines indemnités).
Le médecin est obligé par la loi :
- de déclarer les naissances ;- de déclarer les décès ;
- de déclarer au médecin de la DDASS les maladies contagieuses dont la liste est fixée réglementairement(3).
- d'indiquer le nom du malade et les symptômes présentés sur les certificats d'internement ;
- de signaler les alcooliques dangereux pour autrui (pour les médecins des dispensaires, des organismes d'hygiène sociale, des hôpitaux, des établissements psychiatriques) ;
- d'établir, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, des certificats détaillés décrivant les lésions et leurs conséquences ;
- de fournir à leur demande aux administrations concernées des renseignements concernant les dossiers des pensions militaires et civiles.
- de communiquer à l’Institut de veille sanitaire les informations nécessaires pour prévenir et maîtriser les risques pour la santé humaine.
Il existe d’autres cas où le médecin est autorisé, mais non obligé, à révéler une information à caractère secret. Cela implique qu’il ne pourra être poursuivi pénalement lorsqu’il révèle une information dans ce cadre, et qu’il lui est permis de refuser de le faire.
Le médecin est autorisé :
1. à signaler aux autorités compétentes et à témoigner en justice à propos de sévices ou mauvais traitements infligés aux mineurs ou à des personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger ; (article 226-14 du Code pénal, loi du 5 mars 2007 relative à la Protection de l’enfance)
2. à signaler au procureur de la République (avec l'accord de victimes adultes) des sévices constatés dans son exercice et qui permettent de présumer de violences sexuelles.
3. à communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé public ou privé, au médecin responsable de l'information médicale, les données médicale
4. à communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé public ou privé, au médecin responsable de l'information médicale, les données médicales nominatives nécessaires à l'évaluation de l'activité.
5. à transmettre les données nominatives qu'il détient dans le cadre d'un traitement automatisé de données autorisé.
6. à informer les autorités administratives du caractère dangereux des patients connus pour détenir une arme ou qui ont manifesté l’intention d’en acquérir une.
NB : il existe aussi des autorisations en rapport avec la jurisprudence que je ne mentionnerai pas iciLe premier point est celui traité par l’article 226-14 du Code pénal, qui restreint explicitement la portée de l’article 226-13 lorsque le médecin a connaissance de sévices sur des personnes vulnérables :
« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :[…] 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ; »
Il faut noter que, dans le cas de mauvais traitements à personnes vulnérables, dont les mineurs de 15 ans, si le médecin est seulement autorisé à informer dans le cadre du Code pénal, le code de déontologie dans son article 44 lui en fait une obligation morale, car le médecin « doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives »
C’est un point important car dans un livre intitulé « Les oubliés , Enfants maltraités en France et par la France », Anne Tursz, qui est pédiatre et directeur de recherche à l’INSERM, établit à travers une étude de cas , que les statistiques d’infanticide sont notoirement sous estimées en France , d’un facteur 3 à 15. Elle montre aussi que les médecins sont très mal informés sur les facteurs de risque de maltraitance, que les médecins généralistes sont particulièrement frileux lorsqu’il s’agit de signaler des violences sur mineurs, que les médecins hospitaliers sous-investiguent certains cas en raison de leurs préjugés concernant l’origine sociale et ethnique des parents, que la coordination entre services est mauvaise, les expertises souvent de qualité médiocre et que, de manière générale, il y a une dégradation de la prise en considération de la maltraitance sur enfants ces dernières années en France, qui est donc de plus en plus occultée.
D’autre part, il faut savoir que si les médecins ne sont pas obligés de signaler dans ce cas, ils ne sont pas pour autant dispensés de toute responsabilité, puisqu’ils peuvent être condamnés au titre de l’article 223-6, sur la non assistance à personne en péril, comme cela est déjà arrivé http://www.nordeclair.fr/Actualite/2009/12/14/maltraitance-sur-enfant-deux-medecins-re.shtml
On pourra aussi remarquer que les notions sur l’autorisation de la télétransmission de données nominatives est particulièrement vague, car on ne précise pas quelles données peuvent être transmises, et à qui.
Vers une violation systématique du secret médical au nom du contrôle des dépenses
Si l’on prend cet aspect au pied de la lettre et qu’on télétransmet toutes les informations autorisées sans discernement, cela vide totalement de son sens la notion même de secret médical et constitue une atteinte grave à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il se crée ainsi, de par les contradictions de la loi, qui traduisent des intérêts contradictoires, ceux des patients d’une part, défendus pas la Convention européenne des droits de l’Homme, ceux de l’administration, d’autre part, qui veut contrôler, il se crée une asymétrie entre l’administration et les médecins, l’administration étant autorisée à réclamer ce que le médecin ne devrait pas révéler.
Il semble alors important de retenir que, hors obligation légale, le médecin n’est jamais tenu de livrer des informations à qui que ce soit au sujet de ses patients. Le secret constitue toujours, en dehors d’une telle obligation, un motif légitime aux yeux de la loi de refus de transmission, y compris à l’égard des autorités judiciaires et à fortiori vis-à-vis des organismes de contrôle.
Dès lors, lorsqu’un médecin refuse de transmettre des informations, il ne pourra être poursuivi. Et seuls certains magistrats, tel le juge d’instruction, ont un pouvoir coercitif pour l’y contraindre, à condition de respecter une procédure rigoureuse, qui pourra être opposée devant un tribunal si elle n’est pas respectée. A savoir que pour accéder à des informations confidentielles il faut procéder à la saisie des dossiers. Celle-ci ne peut être effectué que dans le cadre d’une commission rogatoire, par un officier de police judicaire, ou alors par le magistrat instructeur lui-même et toujours en présence d’un membre du Conseil de l’ordre des médecins, qui vérifie la régularité de la procédure et trie éventuellement les pièces qui doivent être transmises c'est-à-dire uniquement les pièces pertientes.
Il existe un contraste saisissant entre ce formalisme et la facilité avec laquelle des informations à caractère secret sont transmises à l’administration, de manière systématique, dans le cadre de procédures de contrôle.
De fait, depuis que l’Etat cherche à rétablir l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, en axant son action essentiellement en aval sur le contrôle des dépenses, sans se préoccuper des origines du problème, les atteintes au secret médical ont pris un caractère de plus en plus systématique.
La convention collective entre syndicats médicaux et CPAM signée en juillet 2011 crée de nouveaux conflits d’intérêts
Dès 1999 les juristes et le Conseil de l’ordre des médecins se sont alarmés, de la contradiction entre la nécessité d’évaluation des pratiques médicales et l’impératif de la protection du secret professionnel.
Un rapport du Conseil national de l’ordre remarquait : » L’évaluation en médecine libérale pose le vrai problème de gestion du secret médical.
Dans ce cadre d’évaluation, le danger vient du risque de circulation à grande échelle de données dont il faudra vérifier la protection continue tout au long de la chaîne d’exploitation, et de l’intervention de non-médecins »
C’est la codification des actes à des fins d’évaluation économique qui posait notamment problème. D’autant que la loi a imposé, dans les années 1990 et 2000, une codification de plus en plus précise des actes, destinée à des personnels administratifs des Caisses d’assurance maladie, sous peine de non remboursement.
Un patient qui voudrait conserver le secret vis-à-vis de l’administration sur les actes effectués, ce qui est en principe un droit, doit ainsi accepter, pour accéder à ce droit, de ne pas être remboursé. http://www.conseil-national.medecin.fr/system/files/secretevaluation.pdf?download=1
Le recul du droit au secret s’est poursuivi avec l’introduction de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) en 2005, qui, toujours à des fins de contrôle et d’évaluation, introduisait une codification plus précise, permettant, dans un grand nombre de cas, de connaître la raison exacte de la consultation, cette information étant directement transmise aux Caisses d’assurance maladie, c'est-à-dire à du personnel administratif, sous peine de non remboursement .
Les juristes ont commencé alors à penser que le secret médical avait vécu http://droit-medical.com/perspectives/9-variations/35-secret-medical-n-est-plus
La convention médicale collective signée le 26 juillet 2011 entre les syndicats et l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) porte un coup supplémentaire au secret médical autant qu’à l’indépendance des médecins, ces deux aspects étant liés.
Les médecins libéraux, réputés indépendants, sont par ce fait même, peu protégés par le code de déontologie. Les articles 95 et 97 du Code de déontologie, qui traitent de l’exercice salarié de la médecine établissent clairement que la loyauté du médecin salarié doit aller au patient, et que son indépendance professionnelle doit rester intacte.
L’article 95 dispose que : » Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions.
En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. »
L’ article 97 ,dispose que : » Un médecin salarié ne peut, en aucun cas, accepter une rémunération fondée sur des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une limitation ou un abandon de son indépendance ou une atteinte à la qualité des soins. »
C’est précisément ce que les médecins libéraux, moins protégés par le code de déontologie, ont accepté, puisqu’une partie de leurs gains sont liés au respect de normes de prescription.
D’autre part, il n’existe aucune limite « à priori » aux informations que les médecins conseil peuvent demander aux médecins libéraux à des fins de contrôle et d’évaluation. L’article R 315-1-1 du CSP énonce : « Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité. «
Le problème c’est qu’il n’y a pas non plus de limite claire au contrôle ni entre le contrôle et l’évaluation et que l’informatisation, la télétransmission et les DMP (Dossier Médical Personnel, informatisé), introduisent la possibilité d’une évaluation et donc d’un contrôle permanent et total de l’activité du médecin, effectué par les mêmes personnes, qui sont les médecins conseils.
Ceux-ci ne sont pas des soignants et leurs intérêts professionnels sont étrangers à l’intérêt du patient. Ils peuvent de plus être des agents de droit privé http://droit-finances.commentcamarche.net/legifrance/66-code-de-la-securite-sociale/222640/article-l226-1 et donc peuvent présenter des conflits d’intérêts, car, à la différence des fonctionnaires, ils peuvent travailler aussi pour d’autres employeurs dont les intérêts entreraient en contradiction avec ceux du patient, tels des assureurs privés.
Or la nouvelle convention collective laisse la porte ouverte à la transmission de données nominatives outrepassant largement les besoins d’évaluation statistique, puisqu’il est question, parmi les indicateurs qui conditionnent la prime du médecin, d’instaurer la mise à disposition d’une fiche de synthèse individuelle contenant toutes les informations importantes concernant le suivi du patient (Convention médicale collective tableau p22 http://www.fmfpro.com/IMG/pdf/joe_20110925_0223_0016.pdf )
Il n’est pas explicitement indiqué à qui cette fiche de synthèse est destinée, mais le contexte permet de penser qu’elle pourrait aussi bien être destinée au médecin conseil à des fins d’évaluation, puisque cette fiche est mentionnée dans un tableau d’indicateurs, qui ne concerne pas le patient.
Le conseil national de l’ordre des médecins, lors de sa réunion plénière du 14 septembre 2011, s’émouvait de cette possibilité en ces termes : » Le médecin doit-il réaliser une synthèse médicale pour tous les patients qui l'ont choisi comme médecin traitant pour percevoir la rémunération conventionnelle ou seulement pour ceux pour qui cette synthèse présente un intérêt ?
Par ailleurs, quel justificatif en sera demandé ? L’Assurance maladie aurait-elle accès à ces documents. Ce n’est pas concevable.
A l’heure de la simplification administrative, il conviendrait que cet indicateur ne suscite pas d’obligations inutiles et déraisonnables.»
Quoi qu’il en soit ces nouvelles dispositions introduisent des conflits d’intérêts supplémentaires, puisque le médecin est rémunéré dans le but d’influencer ses prescriptions.
Le droit au secret a déjà été restreint pour le patient à travers la codification des actes, assortie d’une sanction de non remboursement en cas de refus.
Désormais, le droit au secret médical est menacé au niveau du médecin. Il ne s’agit pas de sanctions pour l’instant, mais d’incitations financières.
En pratique
Dès lors, lorsque, dans la grande majorité des cas, la liberté est laissée au médecin de décider s’ il doit transmettre des information il doit, se poser des questions pertinentes :
- Qui demande l’information ?
- Dans quel but ?
- Est-ce que cela entre dans le cadre d’une obligation légale ?
- Quelle information est pertinente ?
- Quelle information est nécessaire au but recherché ?
- A qui sera transmise (pourra être transmise ) l’information ?
- Et surtout : est-ce que la transmission de cette information est faite dans l’intérêt du patient ?
.
Et si le médecin décide de transmettre l’information demandée, toujours avec l’’accord du patient hors cas particulier des enfants mineurs dans le cadre de la protection de l’enfance et des personnes vulnérable, il doit se limiter aux informations strictement nécessaires au but recherché en prenant en considération le bénéfice du patient.Pour le médecin : quelles que soient les protestations de confidentialité des médecins conseils des services de contrôle, les médecins libéraux doivent se rappeler que ce sont eux qui sont les dépositaires du secret médical, et qu’il leur incombe de le protéger. A minima, en demandant l’avis du patient avant de transmettre toute information le concernant. Au maximum en refusant de transmettre des données nominatives à chaque fois que la loi ne les y oblige pas.
Pour le patient : La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) précise que : » Le titulaire d’un DMP (Dossier Médical Personnel, informatisé) se voit reconnaître le droit de « masquer » les informations qui y sont portées, c’est à dire de les rendre inaccessibles à tous les professionnels, hormis le praticien auteur du document. »
Le mieux est donc pour le patient de discuter en amont avec le médecin traitant des informations que le patient ne souhaite pas voir figurer sur le DMP. Le patient doit profiter au maximum de cette liberté qui lui est encore laissée de protéger le secret auquel la Convention européenne des droits de l’Homme lui donne droit.
Il est possible aussi au patient de demander au médecin de ne consigner certaines informations que sur un dossier papier personnel au médecin et non transmissible. C’est la pratique des « notes personnelles ». Celles-ci, placées à part dans un dossier dûment identifié ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie judiciaire.
En conclusion,
Pour beaucoup de juristes le secret médical et le secret professionnel sont des garants de la démocratie que nous devons protéger http://laure.dourgnon.free.fr/articles/tsa26_2011.pdf
La nouvelle convention médicale, qui occupe une place subordonnée dans la hiérarchie des normes et n’entraîne pas d’obligation légale, agit par des mesures incitatives. Appliquée sans discernement, elle peut éventuellement empêcher le médecin de délivrer les meilleurs soins au patient (normativité des prescriptions) et met potentiellement en danger le secret médical, dont le médecin est dépositaire et reste garant vis-à-vis de son patient.
Le consentement du patient et du médecin à la divulgation d’informations à caractère secret a été obtenue à plusieurs reprises sous la pression (non remboursement pour le patient et incitations financières pour le médecin).
Cette entrave de fait à l’application du droit à la vie privée reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme, pourrait faire un jour l’objet d’un recours, soit individuel, soit de la part d’une ONG en tant que personne morale, devant la Cour européenne des Droits de l’Homme pour mettre fin à ces dérives.
Sources :
- Conseil Nationale de l’Ordre , article 4 : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-4-secret-professionnel-913
- Légifrance
- Chiché P, docteur d’Etat en droit, « Le secret médical face à la justice », Bulletin juridique de la Santé publique, février 2005.
- Verdier P, « Secret porfessionnel et partage des informations « , revue d’action juridique et sociale novembre 2005
- Améli.fr ; les missions de la CNAMTS, http://www.ameli.fr/l-assurance-maladie/connaitre-l-assurance-maladie/missions-et-organisation/l-assurance-maladie/les-missions-de-la-cnamts.php
16 commentaires:
Cet article est riche mais instruit à charge contre l'assurance maladie. Je ne suis pas d'accord avec cette phrase: "qui sont les médecins conseils.Ceux-ci ne sont pas des soignants et leurs intérêts professionnels sont étrangers à l’intérêt du patient." L'intéret professionnel du médecin conseil est que le patient bénéficie des lois sociales en vigueur concernant la sécurité sociale. Ceci est également un devoir du médecin traitant puisque le code de déontologie médicale stipule dans l'Article R4127-50 du code de santé publique:
"Le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit. A cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin-conseil nommément désigné de l'organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre médecin relevant d'un organisme public décidant de l'attribution d'avantages sociaux, les renseignements médicaux strictement indispensables."
Je rappelle par ailleurs que les organismes de sécurité sociale (et donc les médecins conseils qui y travaillent) sont sous la surveillance morale des Administrateurs des caisses qui sont eux mêmes des assurés sociaux et représentent les intérêts des assurés sociaux (et donc potentiels patients). Vous savez très bien que sans remboursement il n'y aurait, pour une grande majorité de la population, plus de soins possible. Les services médicaux des caisses et les médecins conseils ont été créés justement pour que le secret médical soit protégé.
Bien cordialement.
A Philippe Ha Vinh
Votre propos vient confirmer ce que je dis dans cet article qui n’est pas un article à charge pour les médecins conseil de la Sécurité sociale ni pour la Sécurité sociale.
Si vous n’êtes pas à l’aise et vous sentez visé, c’est que vous êtes vous-même pris dans des conflits d’intérêts.
Vous ne me contredisez pas sur le point central de mon propos, à savoir que il y a de moins en moins de limites aux droits de contrôle que s’arrogent les caisses sur les médecins et les patients.
Le recul du droit à la vie privée, en matière de respect du secret médical par les administrations, s’est fait de manière insidieuse mais constante pendant ces dernières années. Il s’est fait, comme je le précise, en utilisant des moyens de pression financiers.
Cet article a été motivé par le souhait d’informer patients et médecins sur leurs droits, sur les limites que le droit pose à l’atteinte à la vie privée dans le cadre des relations médecin-patient.
L’Etat a un statut et joue un rôle très particulier en ces matières. L’Etat doit être d’abord garant des droits de l’Homme et de l’intérêt général.
L’individu, le citoyen, est vulnérable face à un Etat qui saurait tout de lui.
Le devoir de l’Etat est donc de S’AUTOLIMITER dans ses capacités de contrôle et non d’essayer de contourner la loi en exerçant des pressions pour en savoir toujours plus sur les citoyens.
Les demandes de l’Etat, au travers des personnels administratifs ou des médecins conseil devrait se limiter à ce qui est STRICTEMENT NECESSAIRE pour le respect de la loi (éviter les fraudes) et rester proportionnées à ces objectifs.
Personnellement, je n’utilise pas, pour l’instant, des dossiers informatisés. Mais je sais que le jour où on me demandera d’utiliser de tels dossiers, ce qui ne saurait tarder avec le paiement à l’acte des consultations de prévention, je ne pourrai en aucun cas garantir aux usagers que les informations que je mettrai sur ces dossiers ne seront pas un jour utilisées par d’autres administrations, ou par la mienne, en leur défaveur. Cela va me contraindre à des aller-retour entre les dossiers informatisés et des notes personnelles, consommateurs de temps.
Mais comme je ne veux pas de la banalisation de la violation institutionnelle du secret médical je le ferai.
Pour ce qui concerne les médecins-conseil les conflits d’intérêts sont évidents : peut-on s’attendre à ce que les médecins conseil refusent spontanément des pouvoirs de contrôle accrus qui leur seraient conférés ?
D’autre part, je n’ai pas voulu le développer dans l’article, mais je conteste aussi la LEGITIMITE DES JUSTIFICATIONS QUI SONT APPORTEES A CETTE TENDANCE A L’OMNICONTROLE.
Je ne pense pas être suspecte de défendre le droit des médecins libéraux à prescrire n’importe quoi n’importe comment (là aussi les conflits d’intérêts entrent en jeu de par le paiement à l’acte qui génère un lien de nature commerciale avec les patients) mais il est clair que PAR UN PROCESSUS QUE JE QUALIFIERAIS DE PERVERS, caractérisé par le fait que les victimes d’actes illégaux ou moralement indéfendables SONT A LA FOIS VICITMES DE CES ACTES ET CULPABILISEES PAR CEUX LA MEME QUI SE RENDENT RESPONSABLES DE TELS ACTES, tout le poids de la maîtrise des dépenses de la Sécurité sociale est reporté sur ceux qui sont en bout de chaîne, patients, médecins, pharmaciens et QUI NE SONT DONC PAS A L’ORIGINE AU PREMIER CHEF de ces déficits.
Sur les ORIGINES DU DEFICIT de la Sécurité sociale, on est très loin de l’unanimité qui est mise en avant par les pouvoirs publics et les médias. Dans son livre , « le mythe du trou de la sécu », le chercheur au CNRS Julien Duval, insiste sur le rôle des décisions politiques prises dans le creusement du fameux trou. Notamment le rôle des EXONERATIONS PATRONALES de charges sociales.
D’après l’INSEE http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=T10F092
Citation :« L’augmentation de la part des ménages dans le financement du régime général s’accompagne d’une baisse de
près de 17 points de la contribution relative des entreprises entre 1983 et 2009. Le poids grandissant des
exonérations de cotisations sociales patronales depuis le début des années 1990 permet ainsi d’expliquer une
baisse de la contribution des entreprises de près de 11 points depuis 1992, qui se fait aux dépens de celle de
l’État jusqu’en 1999 et en 2004 et 2005 et de celle des ménages entre 2000 et 2003 et depuis 2006 »
Une balance comptable est constituée de recettes et de dépenses. Et il semble bien que la part des exonérations patronales dans le creusement du déficit soit quelque peut sous-estimée.
D’autre part, l’analyse économique, permet de montrer que l’essentiel (plus de la moitié) des augmentations de dépenses sont dues aux changements de pratiques et notamment à la DIFFUSION D’INNOVATIONS ONEREUSES mais pas toujours bénéfiques pour l’état de santé de la population. http://conferences-cdf.revues.org/303. J’ai parlé assez souvent des conséquences de la généralisation abusive de vaccins luttant contre des maladies rares.
Ceci nécessiterait un CONTROLE ACCRU EN AMONT. Au lieu de cela les mécanismes de contrôle pour l’octroi des AMM tendent à être de moins en moins rigoureux sous l’effet conjoint des conflits d’intérêts et de la régression réglementaire qui y est associée.
Pour les conflits d’intérêt au sein de l’Agence européenne du médicament voir les articles du Formindep. Les patients et les médecins libéraux ne sont pour rien dans le fait que les organismes de contrôle deviennent des vraies passoires et que des médicaments, notamment issus des biotechnologies, très onéreux, et aux effets secondaires dévastateurs, sont diffusés dans les hôpitaux par le biais des conflits d’intérêts avec les administrations hospitalières et avec les médecins hospitaliers.
L’accroissement des contrôles est désormais DECONNECTE de l’évolution des dépenses puisque d’une part, les dépenses de médecins de ville sont celles qui sont le mieux contrôlées et qu’elles constituent une part faible de la consommation médicale totale (CMT) (moins de 10% pour les honoraires), et ne contribuent plus du tout à l’évolution des dépenses en matière médicamenteuse, car celles-ci sont tirées par les dépenses hospitalières et les médicaments de niche issus des biotechnologies.
Citation, en 2009 : « Une nouvelle fois, les produits de spécialité ont pesé lourd dans la balance de l'assurance maladie. Les remboursements de ces spécialités thérapeutiques pour la plupart prescrites à l'hôpital et délivrées dans les officines de ville, ont crû de 386 millions d'euros l'an dernier «
« Autre phénomène intéressant : les prescriptions hospitalières (médicaments rétrocédés inclus), qui englobent un quart des dépenses de médicaments délivrés en ville (27 %), ont progressé de 7 % en 2009 (contre 0,8 % pour les prescriptions des médecins de ville). Fortes d'une hausse de 371 millions d'euros sur la période, elles représentent 74 % de la croissance des montants remboursés en ville. » http://www.pharmaceutiques.com/archive/une/art_1347.html
On peut évoquer aussi le rôle du fait que l’Etat a laissé totalement le FINANCEMENT DE LA FORMATION MEDICALE aux firmes pharmaceutiques dans le fait que les médecins français prescrivent plus souvent des pseudo-innovations plus chères mais pas plus efficaces que des molécules plus anciennes, que leurs confrères européens.
Tous ces aspects sont déterminants dans le déficit de la Sécurité sociale et le citoyen, qui paie toujours plus cher, de toutes les manières possibles, y compris dans les conséquences sur sa propre santé, le refus de l’Etat de prendre ses responsabilités et de choisir entre l’intérêt général et des intérêts particuliers n’en peut mais.
Il y a donc, comme je le disais, UN DEFAUT DE PROPORTIONNALITE ET DE LEGITIMITE ENTRE DES MESURES DE CONTROLE DE PLUS EN PLUS RIGOUREUSES ET ATTENTATOIRES AUX DROITS DE L’HOMME et la réalité de l’origine des déficits.
J’en reviens à ce que je disais : un Etat qui mène des politiques équitables justes et cohérentes peut réduire les contrôles au strict minimum. L’inverse est vrai aussi.
Peut-être que parce que je n’ai pas la chance d’être née en France et d’avoir toujours vécu en démocratie, je suis plus encline à faire attention à certains signaux d’alarme, que sont les atteintes insidieuses aux droits de l’Homme, et qui peuvent préfigurer des atteintes plus graves à la démocratie.
A défaut de l’Etat chacun devrait se sentir responsable, à son niveau, de veiller au respect des droits fondamentaux.
J'ai été surpris de voir que ces questions, si elles ont suscité des controverses vives dans de petits cercles (par exemple la liste de diffusion du syndicat des ophtalmos de France)ont mobilisé finalement peu de personnes. J'ai été assez déçu du nombre de médecins s'opposant au P4P dans le sens ou cela a montré, à mon avis, que vraiment beaucoup s'en foutaient et ne savaient pas de quoi il s'agit. Beaucoup qui, par ailleurs, se défendent avec leur cursus pour revendiquer éducation et sens des responsabilités.
D'autre part, en matière de conflit d'intérêt je m'interroge toujours sur la double casquette des assureurs et mutualistes: comment rend-on étanches les activités de complémentaire-santé d'avec les autres activités d'assurance ? Y-a-t'il deux médecins différents pour les deux activités ? Les assureurs échangent-ils des informations ou les laissent-ils disponibles, y-a-t'il un fichier des surprimes ou des exclusions ?
@NP il y a étanchéité entre régime obligatoire et régime complémentaire.
Par contre je ne sais pas si à l'intérieur des régimes complémentaires il y a étanchéité entre leurs différentes branches.
@CMT les médecins conseils des trois grands régimes obligatoires assurant le privé (MSA,RG,RSI) ne peuvent pas travailler pour un autre employeur ou pour eux mêmes -ils ont une obligation d'exclusivité (sauf activités artistiques ou d'enseignement). Ce qui n'est pas le cas des médecins agréés chargés du contrôle des prestations en espèce des fonctionnaires.
Merci Philippe Ha Vinh, pour ces précisions.
Mais le problème va très au-delà des médecins conseil, de leur statut, de leur attitude.
J’ai voulu montrer que la convention médicale était un pas supplémentaire dans une direction qui a été prise depuis plusieurs années, une tendance de l’Etat à collecter toujours plus d’informations, toujours plus précises, sur les citoyens. Comme ce processus est lent, se fait sans modification législative spectaculaire, il passe plus ou moins inaperçu (l’histoire de la grenouille qui ne se rend pas compte qu’on l’ ébouillante).
L’aspect insidieux de cette évolution, qui se fait sans débat avec les principaux intéressés, les acteurs étant mis en permanence devant le fait accompli est hautement déplaisant voire malsain.
L’histoire du secret médical, la convention européenne des droits de l’Homme, le Code pénal, la lourdeur des procédures de saisie des dossiers médicaux sont là pour témoigner que le secret médical a un sens, et que ce n’est pas juste une lubie des patients.
Concrètement l’atteinte se fait par une DILUTION DES RESPOSABILITES. L’informatisation, la transmission automatique des données, mais aussi les évolutions réglementaires introduites par la convention médicale, y participent.
Auparavant, quand les médecins n’utilisaient que des dossiers papier, ils étaient conscients d’être dépositaires du secret médical et de la confiance des patients sur les informations livrées lors des consultations. D’autre part, toute personne voulant accéder aux informations détenues par le médecin devait en faire la demande explicite et ensuite le médecin devait réfléchir à l’opportunité de délivrer ces informations, en discuter avec le patient, décider avec lui quelles informations étaient nécessaires et pertinentes.
Par ailleurs, si quelqu’un voulait s’approprier ces informations sans l’accord du médecin il devait se mettre hors la loi, entrer par effraction dans le cabinet et s’exposer.
Désormais, le médecin est délesté de sa responsabilité, puisque la loi l’autorise à télétransmettre tout ce que l’administration pourra souhaiter lui demander.
Il est important que le patient soit informé de cette situation, qu’il en connaisse les enjeux.
J’emploie une image : si un ami vous confie son enfant et que vous acceptez la responsabilité de vous en occuper, le laisseriez vous à un groupe d’inconnus, sous prétexte qu’ils vous disent qu’ils en prendront bien soin ?
Lorsqu’une information est donnée à des personnes travaillant pour une administration, elle circule dans un réseau intranet, elle est souvent partagée par plusieurs personnes, elle peut éventuellement être accessible à d’autres administrations, elle peut être consultée à distance par des tiers, peut-être malveillants, un peu habiles en informatique.
On est loin du colloque singulier entre le médecin et le patient et de la confiance qui mène le patient à faire des confidences qu’il n’aurait pas fait ailleurs.
Si le patient pensait qu’il aurait aussi bien fait de convoquer une conférence de presse et que ce qu’il dit au cabinet risque de présenter les mêmes garanties de confidentialité que s’il prenait un porte voix pour l’annoncer aux populations, je pense qu’il serait plus circonspect dans ses propos.
Il y a trop d’impondérables, car le secret des confidences du patient dépendent désormais de la bonne volonté de toute une série de personnes, qui ne se sont pas engagées directement vis-à-vis du patient, de la virtuosité des services techniques de maintenance informatique, de plus en plus souvent confiés à des sociétés privées.
La justification invoquée pour cette demande toujours croissante d’informations est la nécessité d’évaluer afin de contrôler les dépenses.
Mais si on ne traite que les conséquences, sans traiter les causes en amont, il n’y a pas de raison qu’il y a ait un jour une limite à cette exigence d’information, car les dépenses vont continuer à déraper.
Il y a donc à la fois une illégitimité de cette demande d’information, un défaut de pertinence et une disproportion par rapport au but recherché.
@CMT Si je comprend bien vous voudriez que la sécurité sociale revienne à l'âge du papier sans aucun codage des actes, payeur aveugle. Combien alors auraient beau jeu de reprocher à la Sécu d'être un dinosaure en retard sur son temps. Mais je vous rappelle que l'Union Soviétique n'a eu nul besoin ni d'informatique ni de transfert automatisé de données pour surveiller l'ensemble de sa population sous Staline. Donc le retour au bon vieux papier n'est pasune garantie contre la collecte d'informations précises, sur les citoyens. N'accusons pas l'outil qu'est le codage et informatisation et la télétransmission des remboursements car ce sera toujours les hommes qui seront responsables de l'usage qui en est fait. Les services médicaux des caisses sont les garants du respect du secret médical.
A P Ha Vinh
Vous dites« si je comprends bien ». Non, vous comprenez très mal. Et je pense que c’est parce que vous n’avez pas envie de comprendre, comme toute personne prise dans des conflits d’intérêts. Car je suppose que si votre hiérarchie vous autorise à accéder à toutes les informations contenues dans le dossier médical de chaque patient ce n’est pas vous qui allez sortir dans la rue pour protester. Comme on dit, il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Et vous revenez aux éternels propos lénifiants et langue de bois des caisses aux patients et aux médecins : les services médicaux sont les garants du secret médical. Comme si rien n’avait changé pendant ces dernières années.
Vous utilisez une technique rhétorique qui n’est que trop utilisée par les politiques et les communicants et je vois que vous avez bien assimilée la leçon.
J’appellerai cette technique la technique de l’extrapolation ou du « TOUT OU RIEN ».
Mon propos dans le texte était de montrer le chemin parcouru, parcouru dans le mauvais sens, celui d’une perte de droits en matière de secret médical et de vie privée pour les patients au nom d’une supposée légitimité de l’Etat à contrôler et à évaluer en exigeant des informations de manière de plus en plus systématique pour l’ensemble des patients, de plus en plus précises pour chaque patient.
A aucun moment je n’ai dit ni laissé entendre que je souhaitais un retour aux dossiers papiers.
Je me contente d’analyser ce qui a changé de manière FACTUELLE, purement factuelle. Ce qui a changé à l’insu des patients mais aussi, des médecins, sans que la question du droit à la vie privée et au secret médical ait été clairement posée et débattue avec les principaux intéressés.
L’atteinte au secret peut avoir lieu car il existe un POINT AVEUGLE DANS LA LOI PAR RAPPORT AU SECRET MEDICAL, celui qui autorise les caisses à demander aux médecins des informations aux fins de contrôle (on est là dans le cadre du respect de la loi ) mais aussi, de plus en plus, à des fins d’EVALUATION.
Et contrairement au contrôle, qui est encadré par la loi, et suppose que ne peut être contrôlé que ce qui pourrait avoir trait à une violation de cette loi IL N’EXISTE AUCUNE LIMITE A PRIORI A CE QUI PEUT ETRE EVALUE. Ergo, il n’y a aucune limite à priori à la quantité et à la précision des informations que les caisses « s’autorisent » à demander aux médecins au nom de l’évaluation.
Sous tendue par une volonté constante et toujours croissante de l’Etat de tout contrôler, de tout savoir des citoyens, cela a permis une évolution portant de plus en plus clairement atteinte au droit du patient au respect du secret médical et à la vie privée.
La généralisation de l’informatique n’est qu’un des aspects de cette évolution.
Je reprends ce qui a changé :
• Une classification des actes plus précise (la Classification Commune des Actes Médicaux) depuis 2005 permettant dans un grand nombre de cas aux PERSONNELS ADMINISTRATIFS des caisses de savoir pour quelle raison précise un patient a consulté. Le refus de transmettre ces données se solde pour le patient par un défaut de remboursement.
• Une transmission automatique des données au travers de la carte vitale, ce qui fait que le patient ignore, la plupart du temps, ce qui est transmis à l’administration
• Une exigence croissante d’information de la part des caisses au nom, officiellement, d’une nécessité d’évaluation, encouragée par des incitations financières et présentée comme une routine où le médecin traitant n’aurait pas à se poser la question de ce qu’il est bon ou non de transmettre
• Un glissement vers la demande de données nominatives, de plus en plus circonstanciées, justifiée vaguement et légitimée par des besoins d’évaluation.
On peut imaginer, si l’on veut être pessimiste (mais quand il s’agit de défendre des droits fondamentaux être pessimiste est un devoir, car il faut imaginer le pire avant que le pire ne devienne réalité) que, comme pour la télétransmission, les incitations financières n’auraient pour but que d’enclencher le processus et permettraient d’obtenir à moindre peine le consentement des médecins à une violation routinière de secret médical. Mais que dans quelque temps, quand une certaine accoutumance à cette violation se serait établie, les médecins ne seraient plus incités mais contraints de transmettre de telles informations, sous peine de sanctions.
Face à cela le choix n’est pas soit le retour aux dossiers papier soit une violation systématique et généralisée du secret médical à des fins de contrôle et d’évaluation.
Le patient et le médecin peuvent encore exercer un contrôle en amont, poser des limites que l’Etat refuse désormais de se poser à lui-même. Entre le tout et le rien il y a toute une palette de possibilités qu’il s’agit d’exploiter, pour protéger les droits fondamentaux.
Les patients peuvent les exploiter à condition d’être correctement informés. Tant qu’il n y’ aura pas de caméras de surveillance dans les cabinets médicaux, cela sera encore possible.
Mieux vaut prévenir que guérir est ma devise. En l’occurrence, le « malade » secret médical est déjà bien abîmé et je ne suis pas sûre qu’on soit encore dans le cadre de la prévention.
@CMT Tout au long de votre discours vous semblez amalgamer les mots Etat et Caisse de Sécurité Sociale. Si l'état est bien le tuteur légal des caisses pour ce qui est du respect des réglements, il ne peut absolument pas avoir accés aux données nominatives détenues par celles-ci (je parle des données de remboursement et des données des services médicaux). Si des données sont transmises aux Agences Régionales de Santé (les représentant de l'état dans les régions) elles sont anonymes et aggrégées par exemple à l'échelle d'une commune de plus de 2000 habitants sous forme de moyenne et ratios et font l'objet d'une convention signée entre le Directeur de la Caisse et le Directeur de l'ARS où tous les points de respect de l'anonymat des bénéficiaires sont repris et stipulés. A mon sens seul un état totalitaire pourrait faire main basse sur les données de l'assurance maladie. Mais dans ce cas extrême, un état totalitaire peut faire un mauvais usage y compris du botin téléphonique. Donc no panic please.
A Ha Vinh,
Vous persistez dans un discours facile et langue de bois qui est censé rassurer patients et médecins (tout est sous contrôle) mais qui fait très bon marché de la responsabilité du médecin quant à la nature confidentielle de ce que lui confie le patient et quant droit du patient au secret médical et au respect de sa vie privée.
Su le plan factuel vous ne démentez en rien ce qu j'ai dit. Vous vous contentez de donner à entendre que les atteintes croissantes au secret médical sont quantité négligeable.
De votre point de vue, peut-être. Vous êtes médecin conseil, vous n'êtes pas le dépositaire de la confiance des patients, et vous avez tout intérêt à ce que les médecins et les patients se montrent conciliants pour vous faciliter le travail.
Je persiste à penser qu'un citoyen averti en vaut deux. Tel était le sens de ma démarche.
excusez moi mais un patient doit avoir autant confiance dans le service médical de sa caisse obligatoire d'assurance maladie que dans son médecin traitant. Vous me direz il ne le choisit pas...Mais choisit-il son contrôleur des impôts? et pourtant ce dernier en sait beaucoup plus sur sa vie privée que le médecin conseil. Ne dénigrez pas les institutions mises en place démocratiquement (tout est prévu et voté par le parlement: cf le code de la sécurité sociale...) Sinon c'est la porte ouverte au populisme qui ouvre la route au totalitarisme que vous semblez justement tellement craindre. Entre médecin traitant et médecin conseil il existe un secret partagé dans l'intéret collectif prévu par les textes de la république. Mainteant si vous regardez de l'autre côté du spectre les assureurs privés sont beaucoup plus durs que celà et si l'assuré omet de déclarer la moindre petite pathologie sa couverture saute automatiquement.
A HA Vinh,
Je comprends bien ce que vous me dites. Mais c'est là justement notre point de désaccord.
Laisser croire que des atteintes toujours plus importantes au secret médical exigées par les administrations seraient la condition du redressement des comptes de la Sécurité sociale, c'est là, justement que réside l'erreur, ou l'arnaque selon le point de vue où on se place.
Le choix ne peut pas être entre le pire et le plus pire encore en permanence. A un moment il faut dire stop.
En l'occurrence, c'est à chacun de veiller au respect de ses droits.
Tant qu'un patient respecte la loi, il a droit au respect de sa vie privée et au secret médical, y compris de la part des administrations.
Articles et commentaires très intéressants.
Nous sommes en 2014, la dégradation se fait sentir de plus en plus fortement à la fois vis à vis des professionnels de Santé que vis à vis des assurés sociaux.
Le constat qui m'apparait et qui n'engage que moi est : que la dégradation est beaucoup plus importante
chez les médecins salariés à 100% des CPAM qui n'officient plus en tant que médecins mais en tant que contrôleur
que chez les médecins libéraux qui interviennent dans le même cadre pour la CPAM.
Ces derniers étant plus respectueux de l'état du patient et de leurs serments.
Il en va de même pour la catégorie des médecins du public qui - comme les médecins contrôleurs acceptent de rendre des comptes à leurs hiérarchies publiques et administratives sur un plan statistiques.
Le terme médecin ici englobent, hélas aussi bien des sommités qui veulent donner un exemple de la transparence mais qui oublient que cette transparence a un coût : l'oubli de leurs engagements "sermentaux" et leurs obligations déontologiques à l'égard du patient.
Aujourd'hui, cette dégradation est si présente que les établissements publics ne rechignent pas à fournir aux CPAM des informations qui ne devraient pas quitter les dossiers médicaux.
La dégradation dénoncée par le CNOM n'est pas dénoncé avec la même vigueur par les CDOM...
Cela créé déjà une dyssonnance car cela sonne le glas de la crédibilité du médecin lorsque des informations médicales se retrouvent, on ne sait comment, entre les mains d'un médecin contrôleur salarié, sans l'accord du patient, plus intéressé par ses propres chiffres statistiques et sa propre carrière.
En matière de communication de pièces couvertes par le secret médical, le Conseil National de l'Ordre des Médecins et la Cour de Cassation reviennent régulièrement sur ce point de manière récurrente et stable considérant qu'un médecin doit, avant toute autre chose, assurer la confidentialité des informations qui lui sont confiées.
Mais ne nous leurrons pas :
les anciens disaient : si tu veux vivre libre entretiens ta démocratie.
Aujourd'hui, combien de patients sont violés, avec le consentement du voyeur qui assiste à la chose, dans leurs droits médicaux.
La médiatisation à outrance de directeurs de CPAM incompétents ou hableurs qui crient au scandale à l'égard des professionnels de santé qui trichent ou des assurés sociaux qui fraudent devient alarmant :
ils justifient leurs incompétences par des jeux de "manches" devant les caméras
tout en s'asseyant sur les textes de loi en vigueur.
Un seul exemple : loi kouchner, une loi formidable qui donne accès aux malades le droit à l'accès à leurs dossiers.
Combien savent que ce droit s'applique aussi aux CPAM ?
Combien d'assurés sociaux peuvent dire qu'ils ont eu leur dossier du 1er coup.
Donc en finalité il y a deux choses qui ressortent dans cet article la déontologie et le passage en force des administratifs.
Très concerné par cela, j'assure aux lecteurs qu'ils devront faire face à des problèmes familiaux importants s'ils continuent à accepter la réforme de la CPAM telle qu'elle est pratiquée car, contrairement aux propos politiques tenus, la CPAM ne joue déjà plus sa fonction et est sortie du contexte déontologique qui met en porte- à-faux les professions de santé.
La déontologie a été bafouée par les Administratifs qui prennent un pouvoir énorme dans notre société. Pouvoir dysproportionné contre lequel, le Pouvoir exécutif n'a plus les moyens de sortir.
Soyons sérieux : on a proposé aux administratifs d'être jugé sur pièce. Imaginez que l'objectif ne soit pas obtenu à la fin d'une année comptable . Que fera le médecin ou le contrôleur, il assassinera son patient en tournant le dos à la Déontologie.
Fort heureusement la majorité des médecins n'a pas encore cette démarche. Mais les nouvelles générations si et sans aucun complexe....
Enregistrer un commentaire