mardi 6 janvier 2015

Bonne année 2015


L'année 2015 sera un tournant pour les médecins généralistes. Si la courbe des nouvelles installations ne s'améliore pas il semble clair que la partie sera finie.

Je voudrais fournir quelques données (que vous connaissez déjà) et explorer quelques pistes (que nous avons déjà évoquées) qui expliquent le déclin actuel --mais qui pourrait devenir inéluctable-- de la médecine générale telle qu'elle est pratiquée et de la médecine plus généralement.

Je parle ici des sociétés hyper "développées".

La médicalisation de la vie est sur le point d'être achevée.
Il n'existe plus un espace de notre vie (et de notre mort, et de notre conception) qui ne soit abordé sous l'angle de la médecine. La société, après avoir exigé d'être "soignée", exige désormais d'être en "bonne santé" selon la sotte définition de l'OMS (La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité) datant de 1946 et elle ajoute : peu en importent les moyens et peu en importe le coût. Il est amusant de lire cette définition de l'OMS à la fois comme une déclaration de "gauche" dans le sens du droit à la santé pour tous (la santé n'a pas de prix) et comme une déclaration néo libérale qui conduit aujourd'hui à l'utilisation du corps humain, et notamment celui des femmes, et au développement du Quantified Self grâce aux applis de santé.



Le "triomphe" de la médecine ou l'aveuglement des médecins.
Les médecins pensent sincèrement avoir permis l'amélioration constante de l'espérance de vie, et maintenant de l'espérance de vie en bonne santé, mais un certain nombre d'éléments indiquent que ce sont plus les progrès de l'hygiène et des conduites individuelles qui ont permis la fantastique courbe que voici (source INED). Il est normal que la société les croit et leur demande encore plus.


La négation du rôle de l'hygiène et des conditions de vie comme le triomphe du marché des soins payants. 
Mais si le rôle de l'hygiène est évident dans le cas de la rougeole :

Il est moins évident dans le cas de la diphtérie.


Ces courbes sont tirées du livre de Thomas McKeown : The Role of Medicine: Dream, Mirage or Nemesis ? (1979) que j'ai reprises sur le blog de Doctor Skeptic (LA).

L'arrogance de la médecine comme moyen de ne plus parler des inégalités sociales.
Puisque la médecine peut "tout", pourquoi parler des conditions de vie, pourquoi parler de pénibilité du travail, pourquoi prévenir les risques évitables, pourquoi prévenir les addictions, et cetera ? L'accessibilité aux soins est un plafond de verre : seuls les riches éduqués sont placés au dessus.

Espérance de vie à 35 ans selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle.
Une femme cadre a une espérnce de vie de 51,7 ans à 35 ans.


Les médecins désormais sommés de se mettre à la disposition de la société.
Après avoir été les vedettes de l'amélioration constante de l'espérance de vie et, désormais, de l'espérance de vie en bonne santé, les médecins sont devenus pour la plupart les victimes consentantes de cette obligation sociétale. La société impose moralement aux médecins de s'impliquer dans des domaines de la vie devenus médicalisés : rappelons ici que l'IVG par aspiration n'a pas été "inventée" par un médecin, que la procréation médicalement assistée peut ne pas être médicale, que les peines de coeur sont désormais psychiatrisées à l'instar des "maladies" psychiatriques décrites de façon exhaustive dans le DSM, et que la mort (fin de vie et euthanasie) devient un impératif où les médecins doivent s'impliquer. (on apprend aujourd'hui que la Belgique autorise l'euthanasie d'un détenu qui s'estime incurable : on va sommer un médecin de pousser la seringue. Voir LA)

Sainsbury's GP surgery programme in supermarket



L'ère de la consommation médicale.
Nous sommes définivement entrés dans l'ère consumériste, c'est à dire que les médecins (pas tous) qui refusaient l'EBM car ils n'acceptaient pas les valeurs et préférences des patients sont confrontés maintenant à des demandeurs de soins qui, informés par le café du commerce de l'internet (et ce n'est pas péjoratif), veulent tel médicament, exigent tel examen complémentaire, imposent tel spécialiste d'organe ou telle clinique ou tel hôpital. Ce consumérisme est fondé sur la traduction française du self néolibéral rawlsien états-unien, à savoir "Je fais ce que je veux et vous m'emmerdez". Et il faudra être un médecin compliant pour survivre, un médecin dépensier, un médecin béni-oui-oui, un médecin qui rapporte (car l'autre volet de la consommation, c'est celui qui est en face du consommateur, le pourvoyeur de soins, car le médecin qui travaille en clinique, pour survivre, pour payer ses redevances, il doit bosser et fermer sa gueule, sur diagnostiquer et sur traiter, pas tous, bien entendu) et dans ce système consumériste le médecin sera (est déjà) pieds et poing liés à l'adminitration fiscale, à big pharma et à big matériel.




L'Evidence Based Medicine mise au service de big pharma.
L'évidence de l'intérêt de l'Evidence Based Medicine n'a pas été comprise car ce qui gênait les médecins était que l'on pût d'une part leur imposer des données scientifiques qui ne correspondaient pas à leurs pratiques intuitives et d'autre part leur imposer l'irruption du patient pensant et réfléchissant dans leur cabinet de consultation. Cette incompréhension a permis à big pharma d'identifier l'Evidence Based Medicine aux seules études contrôlées, études réalisées par big pharma, études permettant par l'élévation constante de leurs coûts de mettre hors jeu les essais publics ou faits directement par les autorités académiques, de corrompre les investigateurs et de demander des prix de remboursement des médicaments de plus en plus élevés.



Le paradigme de l'oncologie.
L'oncologie est devenue le premier levier de croisssance (avec la vaccinologie) de big pharma. Au delà des succès réels de la spécialité dans certains domaines (hématologie, cancer du testicule, cancer de l'ovaire, et cetera) l'oncologie, se fondant sur la vulgate de l'Eglise de Dépistologie, sur les bons sentiments (tout faire pour sauver une vie) et sur la crédulité de la société et des médecins a réussi l'exploit incroyable de protocoliser le cancer (l'objectif étant, selon un tsar de la cancérologie, d'inclure tous les patients dans des essais), de privatiser la recherche, d'obtenir des prix délirants pour 71 produits ( parfois dangereux) permettant d'allonger l'espérance de vie de 2,1 mois (ICI) au prix de 10 000 dollars par traitement.

Le lobby santeo-industriel.
Nous en avons tant parlé de la corruption de l'Etat, de l'Université, des centres de recherche et du fait que les conférences de consensus sont totalement infiltrées par les intérêts de big pharma, de big matériel et de l'industrie agro-alimentaire.

Est-il possible de faire une autre médecine ?
Je m'arrête là.
Malgré tous nos défauts, il me paraît que ce sont les médecins généralistes aidés de leurs correspondants favoris qui sauveront le système et pourront lutter contre les pratiques délirantes que sont la dépistologie sauvage, la prescription indue d'examens complémentaires inutiles, de médicaments "nouveaux", chers, mal évalués et parfois dangereux et sont les seuls, de par leur "ignorance" et de son acceptation, de gérer l'incertitude, les symptômes qui ne font pas maladie, les maladies construites comme les patients qui consultent car ils font grève de la société, grève de leur milieu professionnel, grève de leur couple, grève de leurs enfants, grève de leurs voisins, grève de leurs amis. Et qui ne sont pas "malades" pour un sou.
Je vous ai jadis proposé la Sécession (LA). Possible ?



Je suis fier d'être médecin généraliste (mais pas celui là).


16 commentaires:

BG a dit…

"La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité" dit l'OMS.

Je ne voyais pas cette définition de la santé comme un objectif politique, social ou que sais-je mais comme un potentiel offert à l'être humain en soi mais pas à tous : ce serait comme sauter 6 mètres au saut à la perche, il faut avoir le potentiel à la naissance puis rencontrer des circonstances favorables.

J'ai entendu Jeanne Calment déclarer que jusqu'à 90 ans elle n'avait jamais senti son corps, n'avait jamais vu un médecin. Elle n'avait donc jamais été malade pour ne pas avoir senti son corps. Et sans doute jamais vaccinée !

Pouvons nous espérer faire comme elle ? Faut-il faire de cet état un objectif que chacun aurait le droit d'atteindre en exigeant de la société qu'elle mette les moyens à disposition quel qu'en soit le coût et en admettant que l'on connaisse ces moyens, s'ils existent ? Il faut sans aucun doute être plus modestes dans nos objectifs. Et pour cela, d'abord ne pas nuire. Recommander l'hexavalent à 2 mois plus le prevenar plus ... on recommence, plus ROR plus, plus... Pour un bon départ dans la vie ? Jeanne Calment avait évité tout cela et pour cause. L'OMS et consorts ont tué les futures Jeanne Calment.

Chantal a dit…

Bonsoir Dr du 16,

cette définition - je reprends votre zexte - "de l'OMS :La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

Excusez-moi, mais elel est stupide! Je me considère en bonne santé, surtout quand je peux faire mes ballades en forêt avec mes toutous (entre 5 à 10kms par chien). Cela malgré deux genous malmené (suite à une fracture une arthrose stade 3 pour l'un, se qui fait que le second contient du liquide par surcharge), aussi malgré une bobologie ophtalmologique! Je me considère comme en bonne santé, même si je dois consulter regulièrement l'ophtalmolgue et l'orthopèdiste. J'aimerais bien que ma bobologie ophtalmologique soit guérissable, elle ne L#est malheureusemnet point. quand au orthopédiste, il se contente de m'accompagner afin de gerer au mieux mes genoux. Je ne demande rien d'autre.

Mais si j'ai un gros rhume, qui dure bien 4 ou 5 jours sans amélioration, là je me sens malade! Car pour les promenades en forêt avec un tel rhume - c'est la galère!

Voilà, la vue d'un simple Humain.

Bonne soirée

CMT a dit…

Beau post, où les éléments du débat sont bien synthétisés et qui rend compte pour moi de un peu plus de quatre ans de discussions, parfois ardentes, sur ce blog. Quatre années au bout desquelles j’ai le sentiment d’être devenue un meilleur médecin. Pas seulement à cause des progrès dans la réflexion sur des sujets théoriques et de fond que ces débats m’ont permis, mais aussi parce que les aller retours entre la théorie et ma pratique ont permis que les familles que je suis et moi nous arrivions à mieux nous apprivoiser mutuellement, au sens saint exupérien du terme. Je comprends mieux, maintenant, ce qui leur fait peur et ils comprennent mieux que je ne suis pas là pour combler tous leurs désirs (le voudrais-je que je ne le pourrais pas), que je ne suis pas là non plus pour fournir la came qu’ils croient indispensable parce qu’on le leur a fait croire. C’est plus facile pour moi que pour les MG libéraux. On pose les règles du jeu dès le départ. Et les exceptions sont rares.

La blague est un peu facile, au sujet de la définition de la santé par l’OMS, » La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » . Je ne sais pas si cette plaissanterie est aussi connue en France que chez les nord-américains. Mais un certain Wits a fait remarquer que cet état de complet bien-être ne pourrait être atteint, à l’échelle de l’humanité, que si toute la population expérimentait un orgasme au même moment. C’est une blague mais elle permet de mettre en évidence l’absurdité de cette définition.

La définition est pourtant ancienne, puisqu’elle date de 1946, mais elle préfigurait déjà tous les excès de la société consumériste néolibérale. Nous pouvons désormais perdre notre vie à courir après cet état de complet bien-être, et en précipiter la fin en essayant tous les médicaments, dispositifs et procédures qui nous promettent de nous faire atteindre cet état.

Les MG, parce qu’ils sont généralistes, seraient légitimes pour jouer le rôle de gatekeepers, de gardiens à l’entrée du temple médical. Beaucoup de gouvernements de pays riches semblent se faire cette réflexion et semblent pourtant avoir du mal à contrôler la démographie médicale qui génère toujours plus de spécialistes. Les différents gouvernements sont, certes, très ambivalents, puisqu’en même temps qu’ils appellent un contrôle et une rationalisation des dépenses de santé de leurs vœux, ils survalorisent l’innovation et les actes techniques, acceptent une formation médicale faite sur une base purement organiciste et l’omniprésence de Big Pharma, dans tous les lieux de vie et de formation des médecins. Limiter les dépenses non pertinentes est une bonne idée en théorie, mais si on déclare vouloir le faire et qu’on met en place toutes les conditions pour que le contraire survienne, cela s’appelle de la politique politicienne et de l’intox.


La cohérence voudrait, que pour que les MG jouent ce rôle de gardiens, ils soient d’abord formés à l’approche globale du patient, à la réflexion citrique et à la lecture critique des articles scientifiques, ainsi qu’ au savoir être. Qu’ils soient à la fois des cliniciens chevronnés, et férus de prévention. Mais aussi, au faite des progrès techniques les plus récents pour savoir quand adresser de manière pertinente un patient à un spécialiste. Il faudrait que leur statut leur permette de dire non, sans regrets ni états d’âme aux demandes déraisonnables des patients.
Pour tout cela il faudrait d’abord une formation en accord avec ces objectifs et puis créer les conditions pour que les médecins puissent être disponibles au patient. Les obstacles sont multiples, et je pense que le paiement à l’acte en est un, puisqu’il pousse au clientélisme et au bâclage des consultations. Le salariat n’est pas un idéal, et il n’exempte pas de tâches administratives. ..

CMT a dit…

...Mais un mode mixte de rémunération pourrait être imaginé. Une consultation bouclée en 5 ou 10 mn ne peut se conclure que par des actions automatiques. Il n’y a pas le temps de créer quelque chose de l’ordre d’une relation thérapeutique en cinq ou 10 mn. Les tâches administratives sont un autre obstacle.

Les économies financières à réaliser se comptent en dizaines de milliards, (moins de iatrogénie, on ne retrouverait plus de différences de 1 à 10 pour des interventions chirurgicales courantes entre différentes régions comme c’est le cas pour les prothèses de hanche d’après Claude Béraud). Les économies en termes de iatrogénie évitée et de vies humaines pourraient se compter en dizaines de milliers, voire davantage.
Sans compter la réduction des cas de cancer à traiter dans les hôpitaux, source majeure de iatrogénie, de morbidité et de mortalité. Réduction qui pourrait être réalisée si on arrêtait le dépistage organisé du cancer du sein ou le dépistage systématique du cancer de la prostate. Rappelons que la liste en sus, liste de médicaments ouverte pour que les patients puissent avoir accès à des anticancéreux en dehors des budgets hospitaliers, a été ouverte sans aucune précaution, ce qui veut dire qu’elle a constitué une ligne de crédit illimitée pour Big Pharma qui en a largement profité pour diffuser des médicaments très onéreux et peu utiles, y compris et très largement, dans une utilisation hors AMM, et pour accroître son emprise sur les hôpitaux. J’en parlais un peu ici : http://docteurdu16.blogspot.fr/search/label/POLITIQUE%20DU%20MEDICAMENT.

Dans un bout d’article, unpublished, parce que je n’arrive pas à terminer la plupart des articles que je commence, j’écrivais ceci : « Une augmentation galopante des dépenses pour les médicaments onéreux dans l’opacité et en l’absence de vrai contrôle
Ainsi, comme le montre la fiche d’éclairage synthétique de la Commission des Comptes de la sécurité sociale [26] entre 2005 et 2009, le nombre de médicaments pris en charge dans la liste en sus est passé de 248 à 605, tandis que les remboursements par la sécurité sociale de ces médicaments qui représentait 1,6 milliards d’euros en 2005 en représentaient 2,6 en 2010, année à partir de laquelle des mesures de restriction , de radiation et de substitution de génériques aux princeps ont été prises. De 2005 à 2010 le coût des médicaments de la liste en sus a progressé de 62% soit plus de deux fois plus vite que l’ONDAM (Objectif National des Dépenses D’Assurance Maladie qui conditionne toutes les mesures d’économie en matière de système de santé) qui a progressé de 28% sur la même période. Les dépenses médicamenteuses hospitalières, ont, de la même manière, augmenté presque deux fois plus vite que les dépenses en médicaments d’officine, respectivement de 8,8 et de 4,5% [25].
...

CMT a dit…

...Toutefois, cet angle d’analyse s’avère insuffisant pour comprendre l’impact de la liberté de prix laissée à l’hôpital sur la dépense médicamenteuse totale.
En laissant les établissement négocier les prix des médicaments de la liste en sus directement avec les laboratoires pharmaceutiques , les pouvoirs publics ont offert aux Pharmas un formidable levier pour obtenir des marges juteuses. Car celles-ci ont alors pu faire entrer dans la négociation des médicaments qu’elles souhaitaient placer à l’hôpital pour stimuler leur prescription en ville, comme l’Inexium®. D’autre part, les chimiothérapies à domicile se sont banalisées pendant ces années et les antinéoplasiques ont été comptabilisés comme des dépenses de ville. En 2011, selon le rapport de l’ANSM, les antinéoplasiques prescrits en ville représentaient 0,5% du volume des ventes mais 11,8% du montant des dépenses. Et si on ajoute aux antinéoplasiques les immunomodulateurs les dépenses étaient de 2,56 Mds€ en ville et de 2,27 Mds€ à l’hôpital.
En réalité, un tiers des dépenses de ville en 2011 étaient d’origine hospitalière. C'est-à-dire 7,77Md€ sur un total de 22,60 Mds€. »
L’article de Tito Fijo et coll, sur l’aberration que constitue le coût des anticancereux, est excellent (en lien dans le post dans le paragraphe sur l’oncologie). Il y explique que pour faire croire à une innovation toujours vivace des labos et vendre très cher (10 000 dollars par mois de traitement en moyenne) des traitements qui ne prolongent probablement pas la vie des malades dans la vraie vie hors essais cliniques, il a fallu que la FDA, et pas seulement elle, accepte toutes les formes de triche imaginables sur les essais cliniques que Big Pharma a bien voulu mettre en œuvre. Pour faire croire que les nouveaux anticancéreux représentaient un progrès, la FDA a beaucoup abaissé ses standards de certification, faisant passer pour efficaces des médicaments qui n’auraient jamais passé la barre quelques années auparavant. On a pourtant fait payer très cher ces médicaments par les pouvoirs publics et les assureurs privés. Les assureurs privés s’y retrouvent sans doute, l’un dans l’autre, cela fait une augmentation d’activité et permet de gonfler les primes d’assurance. L’Etat, qui ne dispose que de l’argent des impôts et taxes, ne s’y retrouve pas. Mais cela permet aux anciens et nouveaux libéraux de dire que l’Etat est mauvais gestionnaire.
La gestion du cancer et des anticancéreux, sera, probablement, le plus grand scandale politico-sanitaire, le jour où l’on se réveillera. Si toutefois on se réveille un jour.
On a besoin des MG, de MG formés de manière indépendante, pour contenir le massacre.




BG a dit…

L'exceptionnelle endurance des Apaches du temps de Cochise puis de Géronimo suivies d'une impressionnante dégradation quand ils seront déportés pourrait être un exemple très intéressant à étudier car riche d'enseignements sur la santé en relation avec l'environnement voire la génétique.

Pour résumer : les Apaches Chiricahuas vivaient en Arizona à 2000 mètres sous des huttes de branchages et dormaient souvent à même le sol ou sur un tapis de feuillage. L'air y était très sec : à Tucson les Américains stockent des dizaines de milliers d'avions car ils n'y rouillent pas. En altitude, les Apaches faisaient sécher la viande au soleil et la conservait ensuite longtemps. Pas de frigo, pas de sel. Cela implique que les cadavres d'animaux et les végétaux ne pourrissaient pas et donc qu'il n'y avait pratiquement pas de microbes. L'environnement microbien et la flore intestinale de ces Apaches devaient être très différentes de la nôtre. Ils consommaient aussi des baies qui, sous un tel soleil, devaient être très riches en vitamine C. Sans doute aussi n'avaient-ils aucune carence en vitamine D.

Est-ce tout cela qui explique l'extraordinaire endurance qu'ils manifestèrent ainsi que la grande sensibilité à l'humidité ? Ainsi, Taza le fils ainé de Cochise qui lui succéda à sa mort en 1874, mourut 2 ans plus tard d'une pneumonie à Washington où il allait rencontrer les autorités. Quand ils seront déportés en Floride puis à Fort Sill en Oklahoma ils seront décimés par la tuberculose. Un médecin militaire américain qui avait soigné les Apaches en Arizona et qui le fera encore à Fort Sill témoignera qu'il n'avait jamais vu de maladies respiratoires quand ils vivaient en Arizona.

A titre d'exemple, le fils cadet de Cochise, Naiche aura 14 enfants avec 3 femmes. Huit de ces enfants et 2 femmes mourront de tuberculose à Fort Sill. Au moment de la première déportation vers l'épouvantable réserve de San Carlos ils étaient près de 2000. Dix ans plus tard, à la reddition de Géronimo, ils n'étaient plus que 450 et en 1913, quand ils pourront aller à Mescalero au Nouveaux Mexique ils n'étaient plus que 286 malgré une natalité très importante.

Pourtant, ils étaient capables de parcourir 100 à 120 kilomètres chaque jour avec des armes et des vivres comme l'atteste la fuite éperdue de Géronimo avec une trentaine de guerriers, de femmes et d'enfants (ces derniers sur des mules). Ils trottinaient ainsi chaussés de mocassins de leur confection, sur des pierres, en altitude, dans des canyons, pas sur des pistes d'athlétisme. L'armée américaine (5000 hommes à leur poursuite plus 3000 soldats mexicains) était incapable de les suivre. Seuls, les éclaireurs Apaches parvenaient à les pister, laissant loin derrière les soldats américains épuisés par les pentes et l'altitude.

Une fois déportés dans des régions humides ils s'effondrèrent. Mais le premier talon d'Achille des Apaches fut l'alcool. La race indienne a au moins 2 caractéristiques génétiques connues : pas de système pileux et pas de métabolisation de la vitamine B5 qui permet la métabolisation de l'alcool. Ainsi les Indiens sont rapidement ivres. Les Mexicains offraient à boire aux Apaches puis les tuaient une fois ivres. Ce qui générait des représailles qui ...

CMT a dit…

A BG,
on peut dire la même chose des Inuits, également décimés après leur contact avec la civilisation occidentale. C'est une vision occientalo-centrée et anachronique. Nous sommes désormais trop nombreux et trop habitués au confort pour aller vivre dans des huttes à 2000 m d'altitude.

Des suggestions de pistes de réflexion, pour 2015, comme on est bien partis, parce qu’il ya toujours des choses qui me chiffonnent (référence à « Columbo » et au regretté Peter Falk, pour l’ancienne génération).

2014 fut plutôt une bonne année pour moi. Entre autres parce que j’ai pu faire beaucoup de formations. Et j’ai remarqué quelque chose : lorsque des non médecins, des chercheurs, s’intéressent à la médecine, ils le font avec bien plus d’objectivité que les médecins eux-mêmes. Ainsi, Didier Torny, le sociologue du Comité technique de vaccination, entendu lors de la journée sur la vaccination de l’enfant, en octobre. Didier Torny a bien été approché par des représentants big pharmaciens mais il a décliné leurs offres. Il a refusé. Là où la question de l’influence des conflits d’intérêts est source d’interminables débats parmi les médecins, lui, a tranché sur la question de l’influence des conflits d’intérêts des médecins avec Big Pharma : elle fausse le jugement et cela apparaît clairement dans les articles médicaux. Et, (c’est moi qui l’ajoute) cette influence existe dès le premier stylo ou croissant accepté. Pour ceux que cela fait s’écrouler de rire, je conseille la lecture du « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens », de J L Beauvois, où il est démontré que des petits présents peuvent obliger davantage que de des gros. Il existe beaucoup de sources de conflits d’intérêts, j’entends bien ce que beaucoup disent. Mais dans le cas des conflits d’intérêts générés par Big Pharma cette influence est massive, à la hauteur des sommes investies, orientée dans un seul sens, presque toujours contraire à l’intérêt du patient, et délibérément conçue pour être l’objet d’un déni de la part de celui qui est influencé.

Autre exemple, un chercheur, ingénieur de formation, travaillant sur le neurofeedback. C’est une technique où l’on cherche à stimuler certaines zones du cerveau, par des exercices sur écran. Le patient peut visualiser le résultat de son activité cérébrale. Cette technique fait déjà un tabac aux Etats Unis, où elle est vendue dans les cliniques privées comme la solution miracle à plein de problèmes psychologiques, psychiatriques ou somatiques, allant de l’épilepsie à l’autisme en passant par la dépression le stress et l’insomnie, les troubles de l’alimentation, j’en passe… En France, cela démarre http://www.neurofeedback-pour-tous.fr/. Là où elle est le plus mise en avant et, en théorie, la plus éprouvée, c’est dans le cadre du TDAH, c'est-à-dire pour les enfants qu’on appelle à tort hyperactifs. En France, 80% des consultations chez les psys des enfants en âge scolaire seraient dues à des difficultés scolaires, nous apprend une psychologue. Cette proportion semble en importante augmentation au cours des 15 dernières années. Autant dire qu’il y a un marché à prendre. Et bien, ce chercheur, qui travaille donc sur la technique du neurofeedback, s’est donné beaucoup de mal et a passé trois quarts d’heure pour nous exposer toutes les études qui ne montraient pas d’effet de cette technique sur les symptômes de l’enfant TDAH, ou, en tous cas, n e montrait que des effets contestables, à court terme et non statistiquement significatifs. Qui a déjà vu un médecin qui aurait fait cela ?

CMT a dit…

...C’est pourquoi je pense que la médecin gagnerait à être davantage un objet d’étude pour des chercheurs non médecins. Et, d’autant que, bien sûr, leurs recherches bénéficient de la même publicité que le dernier me-too mis sur les marché par Big Pharma.


Autre piste : réfléchir aux meilleures formes de formation, d’organisation du travail et de rémunération des MG dans une optique d’amélioration du service rendu au patient. Ce qui ne veut pas dire dans une optique de satisfaction du patient. Mais plutôt dans une optique d’autonomie du patient. Autonomie de pensée avant tout.

En trois je mettrais une réflexion sur l’effet placebo. Sujet d’une grande complexité mais d’une importance centrale en médecine. Est-il une affaire de croyance ? Apparemment pas seulement puisqu’un tel effet peut être retrouvé chez les animaux.

En quatre. La question des circuits nerveux courts de conditionnement, dont le modèle semble être le syndrome post traumatique. Une stimulation brutale et intense des systèmes d’alerte(qui peut être aussi chronique, comme dans le cas d’abus sexuels intrafamiliaux de l’enfant et, dans ce cas, la question est plus complexe), court-circuite le cortex cérébral. Un conditionnement à des reviviscences brutales et incontrôlables se met en place chez certains entraînant une grande souffrance. Cela n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, les techniques utilisées pour conditionner à la consommation médicamenteuse. Face à ces techniques de vente court-circuitant la conscience et la rationalité, quelles sont les meilleures techniques de déconditionnement ?

Donc, voilà, c’étaient quelques idées pour 2015.



Popper31 a dit…

Chère CMT, je me faisais un plaisir de te montrer combien l’actualité récente corroborait ma vision de l’avenir de la médecine générale comme futur pendant de l’Education nationale, grâce à la loi de notre chère MST. Je parle de cette augmentation (un peu trop substantielle) de la prime des recteurs d’académie, alors que les enseignants végètent ; triomphe absolu de l’Enarquo-pseudo experto-démocratie qui nous gouverne. Ce geste me faisait entrevoir l’augmentation future et tout aussi indécente des patrons d’ARS ayant bien géré leur budget, au détriment des nouveaux généralistes aux ordres, (on recrutera de plus en plus bas et de plus en plus loin puisque personne ne veut plus le faire, main d’œuvre pas chère manipulable). La seule question au fond étant se savoir si ces nouveaux « médecins » auront droit à 3 mois de vacances ou si les enseignants seront obligés de travailler comme des médecins . Le plus marrant dans tout ça, étant que ces mêmes recteurs se défendent en disant que cela correspond entre autres aux salaires des professeurs de médecine…. On sait que ceux-ci seraient avantageusement remplacés par des MOOCS, ce qui augmenterait vertigineusement le nombre de fils d’ouvriers pouvant accéder à la médecine , ça a été prouvé.
Malheureusement une autre actualité, qui nous oblige à revoir le lancinant problème philosophico-éthique jusqu’où être tolérant avec les intolérants, a fait disparaitre toute trace de plaisir. Je vais même devoir me réabonner à ce journal que j’avais laissé tomber depuis longtemps, et encore plus délaissé depuis que notre vibrionnant urgentiste, arriviste futur ministre, y exerçait ses « talents ».

CMT a dit…

A Popper31,
Oui. Pas très envie de débattre ce soir.
Mais plutôt de se poser et de se recueillir.

C'était une lâche exécution d'innocents menée par des hommes entraînés qui ont perdu tout sens de la valeur de la vie humaine.

Des gens très malades pour qui le sentiment de toute puissance que procure une arme, tuer ou être tués est le seul moyen de combler le vide insondable qui les habite et de se sentir exister.
La religion n'est qu'un prétexte.

Anonyme a dit…

je suis un robot

CMT a dit…

La presse me déçoit

Sur trois sujets d’importance la presse écrite généraliste, et ses spécialistes santé, se sont montrés d’une grande indigence, récemment.
Sur la crise Ebola : je ne peux pas développer ici mais tout est contestable dans la manière dont cette crise a été rapportée au public. Peut-être ferai-je un article explicatif, en attendant la prochaine crise Ebola et la mise sur le marché du futur vaccin salvateur. Mais un bon point pour la presse : le journal « le monde » après avoir accrédité la thèse catastrophiste http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/03/ebola-le-bilan-risque-d-atteindre-plusieurs-centaines-de-milliers-de-morts_4481158_3244.html a revu sa copie et calmé le jeu, en faisant un bon travail pédagogique, mais n’est pas allé au bout de l’analyse. Dominique Dupagne, néo-journaliste, a lui, fait un travail de démystification sur le net https://twitter.com/ddupagne/status/523052021684109312 . Il a été finalement expliqué aux populations terrorisées qu’une épidémie de la même ampleur que celle rencontrée en Sierra Leone, pays de 6,2 millions d’habitants où la mortalité des enfants de moins de 5 ans est de 117 pour 1000 ( 39 000 enfants de moins de 5 ans sont morts en 2012 selon l’UNICEF, faute de nourriture et de soins), ne pouvait pas se produire en France. Les relevés finaux du CDC http://www.cdc.gov/vhf/ebola/outbreaks/2014-west-africa/case-counts.html montrent qu’il y a eu à ce jour 3159 décès recensés dus à Ebola. Et encore, on a ramassé toutes les miettes et on a probablement inclus pas mal de cas de paludisme (c’est le pays où l’on meurt le plus de paludisme au monde) ou des décès dus à d’autres maladies infectieuses.
Ouf ! On est passés tout près d’une vaccination de masse par un prototype de vaccin non éprouvé. Je ne sais pas si c’étaient les plans des laboratoires ou si ceux-ci se sont jetés sur l’aubaine de ce qu’on leur a offert sur un plateau. Mais je ne suis pas sûre non plus que les pays africains concernés aient retiré un profit quelconque de cet engouement médiatico-humanitaire.

Sur le Solvadi : nouveau traitement miracle contre l’hépatite C. Que des mauvais points pour les journalistes, qui ont bien fait monter les enchères pour ce médicament dont on ne connaît en réalité pas les bénéfices réels ni l’intérêt du point de vue de la santé publique, comme l’explique cet article du BMJ
http://www.bmj.com/content/350/bmj.g7809 . Encore un merveilleux tour de passe passe de la FDA, en collaboration étroite avec Big Pharma, avec l’agence européenne du médicament, dont on connaît la probité, la sélection pointilleuse des dirigeants et experts pour éviter tout conflit d’intérêts, et le sens de l’intérêt général, lui emboitant le pas, comme d’habitude.
Le principal argument pour justifier le prix exorbitant de ce médicament est que Gilead, laboratoire américain au chiffre d’affaires de 11 Mds $, a voulu faire un coup juteux en rachetant le laboratoire Pharmaset producteur du Solvadi pour 9,7 Mds$ et que donc, il demande de rentrer dans ses frais. Malgré un coût de revient à la fabrication qui serait de 2,50 euros par comprimé, Gilead exige que les autorités lui assurent la rentabilité de son acquistion....

CMT a dit…

Toutes les négociations sur le prix tournent donc autour de ce sujet : à quel niveau de prix se situe la rentabilité pour Gilead ? Mais on peut se poser la question autrement : en quoi les états et les contribuables sont ils tenus d’assurer la rentabilité d’un laboratoire privé qui mène ses petites affaires comme ça lui chante ? La vrai question à se poser est donc : il y a-t-il un quelconque rapport entre le prix payé et l’intérêt en santé publique de cette molécule ?

On peut dire que la campagne médiatique, avec le soutien des journalistes dits scientifiques est tombée à point pour faire monter les enchères et permettre à nos autorités et à notre ministre de la santé de passer pour des héros pour avoir réussi à limiter les dépenses pour ce médicament en 2015 à 700 millions d’euros (cela ne prend pas en compte les traitements associés par interferon ou autres qui sont recommandés par la HAS), c'est-à-dire, l’équivalent de la totalité du budget de la PMI et du planning familial ; qui pourrait donc être doublé avec un effort financier de cette ampleur.

Or, que disent les auteurs de l’article du BMJ ? Je le résume succinctement et incomplètement. Alors que le nombre de nouveaux cas d’hépatite C avait été divisé par 17 spontanément entre 1989 et 2010 (de 291000 à 17000) avant de remonter en raison d’un changement du mode de comptabilisation des cas et à une intensification du dépistage, n’y a pas eu d’essais randomisés concernant ces molécules, les essais réalisés sont mal faits sur une courte durée et un petit nombre de sujets (alors que la cirrhose et le cancer mettent de 20 à 30 ans pour se développer), le critère d’efficacité est un critère de substitution (absence de ARN dans le serum) qui n’a pas montré de corrélation avec l’étape finale d’évolution d’une hépatite C, et la vaste majorité des personnes ayant une hépatite C, qui sont majoritairement des personnes ayant des comportements à risque, 80 à 85% mourront d’autre chose que de leur hépatite, notamment des effets de l’usage de drogues et de l’abus d’alcool (qui est aussi un facteur majeur d’évolution délétère d’une hépatite chronique). Sans compter qu’on n’a pas pris en compte les effets indésirables, redoutables, produits par la combinaison de cette molécule et de l’interferon.
D’où il ressort que le prix du médicament devrait être fonction du véritable bénéfice de santé publique escompté pour cette molécule, c'est-à-dire faible.

sur le facteur chance dans l’origine des cancers
Le titre repris en cœur par la presse était « le cancer, la faute à pas de chance ». P exp par « le parisien » http://www.leparisien.fr/informations/le-cancer-c-est-la-faute-a-pas-de-chance-03-01-2015-4415509.php , http://www.liberation.fr/societe/2015/01/02/de-nombreuses-formes-de-cancer-sont-largement-dues-a-un-manque-de-chance_1172895 , et, de manière plus critique, par « le monde » http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/01/cancers-le-role-du-hasard-reevalue_4548347_3244.html .

Où il est montré qu’on peut être un ponte internationalement reconnu et néanmoins perdre toute fiabilité lorsque les conflits d’intérêts vous gagnent
L’un des deux auteurs de cet article publié dans « sicence » http://www.sciencemag.org/content/347/6217/78 qui a fait tant de bruit est un ponte dans le domaine de l’oncogénétique, par son rôle dans la découverte du rôle des mutations séquentielles et de certaines protéines dans la genèse des cancers http://en.wikipedia.org/wiki/Bert_Vogelstein#Affiliations . Il est donc en partie à l’origine du paradigme actuel qui régit toute la recherche sur le cancer. Il serait celui qui aurait publié le plus d’articles dans sa spécialité (625). Il travaille à l’université Johns Hopkins à Baltimore dans le centre Ludwig de recherche sur la génétique des cancers (renommé centre Kimmel du nom d’un généreux et millionnaire donateur). Il a signé cette étude avec un biostatisticien, qui travaille dans la même université que lui, Cristian Tomassetti.

CMT a dit…

...L’angle pris pour démontrer l’effet du hasard dans la survenue des cancers est pour le moins tortueux. Les auteurs partent de l’hypothèse qu’il y a une corrélation entre le nombre de divisions de cellules souches de chaque organe et le risque de survenue de cancer. Explications : le nombre de divisions varie d’un organe à l’autre, mais aussi, avec l’âge et le risque de mutations augmente avec le nombre de divisions (si on suppose que chaque division comporte un risque de mutation plus il y a de divisions plus il y a de risques de mutations et donc d’émergence d’un cancer).
Ils ont donc établi une courbe de corrélation entre le nombre de divisions observé dans des tissus de différents organes in vitro et le risque cumulé de cancer pour chaque organe au cours d’une vie.
L’étude portait sur 31 localisations de cancers ou tissus mais les cancers les plus fréquents en France et très fréquents dans la pluspart des pays riches, les cancers du sein et de la prostate, ont été exclus de l’étude, sans explication claire.
Rien que par la description de l’étude on peut voir déjà qu’il existe d’innombrables sources d’erreur potentielles, notamment, penser que le nombre de division observées in vitro et in vivo correspondent, apprécier avec précision le nombre de divisions cellulaires, en établir une moyenne, alors que celui-ci varie au cours de la vie, etc. Mais surtout : on part d’une hypothèse non démontrée pour démontrer une autre hypothèse, différente de la première.
Dans l’étude 22 cancers ou localisations tissulaires sur 31 étudiés ont montré une corrélation entre le nombre de divisions et la fréquence cumulée des cancers concernés.
L’interprétation ouvertement assumée par les auteurs et reprise dans la presse est que dans deux tiers des cas les cancers sont dus au hasard .
Or, en admettant que l’hypothèse de départ ne soit pas une hypothèse mais une certitude, c'est-à-dire que corrélation signifie, dans ce cas, causalité, aucun cheminement scientifique ou logique ne permet de tirer une telle conclusion.
C’est ce que démontre un autre biostatisticien ici : http://www.theguardian.com/science/grrlscientist/2015/jan/02/bad-luck-bad-journalism-and-cancer-rates (vous y trouverez les graphiques qui vous permettront de mieux comprendre, si tous les points du premier graphique avaient été très proches de la ligne médiane traversant le graphique la corrélation aurait été parfaite).
En fait l’expérience permet tout au plus, dans le meilleur des cas, en admettant que l’hypothèse de départ soit juste, de montrer qu’une part de la variabilité du nombre des cancers serait due au nombre de divisions cellulaires, que les auteurs assimilent au hasard. Mais cette corrélation ne nous dit rien sur le risque absolu de cancers. Ce qui est montré dans le deuxième graphique ou x pourrait représenter l’effet de la vitesse de division cellulaire. Plus le risque absolu de cancer augmente pour les organes (le nombre total de cancers dans une population) plus la part de x est faible.
Les auteurs de l’article de Scinece B Volgestein et C Tomasseti, concluent néanmoins qu’il faut intensifier le dépistage pour détecter le plus tôt possible les cancers.
Pourquoi les auteurs se sont-ils livrés à une telle fraude scientifique ?
Peut-être parce que, bien que l’université Johns Hopkins déclare encadrer les conflits d’intérêts chez les chercheurs, sa notion de l’encadrement est plutôt laxiste. Ainsi, B Volgestein, s’avère être l’heureux fondateur et détenteur d’actions d’une société privée qui propose des tests génétiques au public et à Big pharma http://www.sysmex-inostics.com/company/who-is-sysmex-inostics/about-us.html , Inostics. B Volgestein a donc tout intérêt à ce que le public croit que le cancer vous tombe dessus par hasard et qu’on devrait tous subir des tests génétiques.
Je termine là ma revue de presse guère encourageante.




JC GRANGE a dit…

@ CMT
Je te réponds à propos de l'étude sur les cancers.
Elle est peut-être pertinente, peut-être pas, je n'ai pas le temps.
Mais son esprit est celui-ci : bouffez, fumez, buvez, puisque tel est votre bon plaisir et que ce sera la faute à pas de bol si vous avez un cancer ou autre chose... Les cancers du poumon dus au tabac, les cancers dus à l'amiante sont des hasards (et on exonère les décisionnaires par la même occasion), vivez votre vie comme bon vous semble, faites plaisir à votre self néo libéral et, au delà, les accidents de voiture seront dus au hasard, et cetera...
C'est une stratégie de désinformation.
Et le président Obama va investir de l'argent pour les traitements patients-centrés sur la génétique. Faites ce que vous voulez et la médecine vous sauvera...

CMT a dit…

A JCG
Tu as raison, indubitablement. Mais cela va même plus loin que ça. Richard Lehmann, dans son blog sur le BMJ, expliquait qu’il y a donc maintenant pas moins de 57 types de cancers du sein http://blogs.bmj.com/bmj/2015/01/19/richard-lehmans-journal-review-19-january-2015/#more-33179 (item 165). Si tu testes chaque molécule sur des petits groupes de cancéreuses sur les 57 types de cancers tu vas tomber, rien que par le fait du hasard, sur des résultats positifs, sur un des critères plutôt flous pris en compte (survie sans progression, mais qui juge de ce qu’est une absence de progression ?). Les chances seront d’autant plus grandes d’avoir des résultats positifs que les seuils d’efficacité acceptés sont faibles : et, là aussi, nous sommes sur la bonne voie, puisqu’il suffit qu’il y ait une survie sans progression supplémentaire de qqs semaines dans des études financées par les labos pour que la FDA et l’EMA approuvent, et que les associations de patients, financées aussi en sous main par les labos, crient au miracle.

Donc, pile je gagne, face tu perds. Les labos gagnent à tous les coups et décrochent le jackpot.

Mais avec la médecine personnalisée on entre dans une nouvelle ère, celle où Big Pharma se fournit à elle-même ses propres débouchés, en utilisant les populations, les corps des personnes, comme outil de valorisation financière. En effet, il est question, avec la médecine personnalisée, de détecter les personnes qui pourraient avoir telle maladie, ou de détecter un cancer dès l’apparition des premières cellules. Or, rien de plus facile que de guérir une personne en bonne santé, on le voit avec le dépistage du cancer du sein. Le système s’auto-alimente et s’auto-entretient. On va tester les gens puis les traiter pour des maladies qu’ils n’auraient jamais eues avec des médicaments inutiles qui vont les rendre malades et permettre de les traiter encore.

Les américains sont ravis parce que pour eux l’objectif premier du système de santé est de booster l’économie et la croissance, d’assurer des bénéfices à leurs labos, qui sont des champions dans la guerre économique et qu’ils surprotègent et que dans leur esprit cela ne peut être que totalement compatible avec la santé de la population. Du moins c’est ce qu’ils font mine de croire. Juste rappeler que le système de santé américain dépense près de 3000 Mds de dollars, c'est-à-dire 12 fois plus que le système de santé français pour une population qui est à peine cinq fois plus nombreuse.