jeudi 23 mars 2017

Dépistage du cancer du colon : c'est au citoyen de décider.


Le dernier billet de Dominique Dupagne, le champion de la médecine participative (i.e. collaborative, i.e. de l'intelligence collective), dit, me semble-t-il, la médecine ICI d'une façon mandarinale ou plutôt dit le dépistage organisé du cancer colorectal par la pratique de la détection de sang fécal d'une façon curieuse (Je suis convaincu que les inconvénients de ce test pèsent peu face au bénéfice apporté aux patients.) alors qu'à mon sens il eût été beaucoup plus profitable pour tous qu'il prît l'exemple de CE dépistage pour donner la parole au citoyen (n'oublions pas le point fondamental : le dépistage concerne des gens non malades).


Alors que le narratif tient essentiellement à ceci : 
  1. J'ai été le grand gourou de la démolition du dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA, on ne peut donc pas m'accuser d'être partial et d'être un célébrant de l'Eglise de Dépistologie.
  2. La diminution de la mortalité globale n'est pas un critère intangible, il faut savoir déconstruire les vaches sacrées.
  3. A partir du moment où les effets indésirables du dépistage sont minimes ou quasiment nuls, tout est permis.
  4. Dépistons donc allègrement.
Comme il s'agissait d'un article "participatif" certains ont participé. D'autres, voyant que la participation n'entraînait aucun changement dans le texte, n'ont pas participé.

Voyons un peu ce qui aurait pu être précisé.
  1. Le problème du sur diagnostic n'est pas abordé mais il est rarement mentionné dans les essais cliniques, fussent-ils menés en théorie selon des protocoles validés : une des difficultés tient aussi au diagnostic d'adénome à haut risque pour lesquels l'histoire naturelle est incertaine. Peut-on parler de sur diagnostic pour un adénome dit à haut risque alors que l'on ne sait pas le nombre de ceux qui sont bénins (voir la note 9) ? Mais on peut lire ceci : "According to The Medical Letter, the new DNA stool test “detected 92% of cases of colorectal cancer in asymptomatic average-risk persons, but it detected less than half of advanced precancerous lesions and produced a substantial number of false-positive results.”"
  2. La notion d'échec du test n'est pas mentionnée, ce qui est une donnée forte pour l'information des citoyens : "High-sensitivity gFOBT (Hemoccult SENSA; Beckman Coulter) has a sensitivity of 62% to 79% and a specificity of 87% to 96% for detecting colorectal cancer". Mais les schémas de JB Blanc (cf. infra et son blog : ICI) pourront nous éclairer et les informations fournies par Jaddo et Hipparkhos également (LA).
  3. La notion de dépistage organisé et d'objectifs populationnels est absente, ce qui renvoit au dépistage individuel (les recommandations européennes indiquent qu'il faut obtenir 45 % de participation et les recommandations états-uniennes indiquent 60 %). Ainsi pourrait-on faire un parallèle avec ce que disent les urologues à propos du PSA : le dépistage organisé n'est pas à faire mais le dépistage individuel est indispensable.
  4. Les résultats sont présentés en chiffres relatifs (mortalité liée à la maladie) et non en chiffres absolus (mortalité globale), ce qui nous rappelle les grandes heures de la désinformation sur l'"efficacité" de la mammographie dans le dépistage du cancer du sein, par exemple. Rappelons que dans les grands essais de dépistage en cancérologie quand il existe une diminution concomitante de la mortalité globale et spécifique, c'est la mortalité globale qui diminue le plus, ce qui pose de sérieuses questions (LA) !
  5. La notion de groupes d'âge est absente alors qu'elle est fondamentale dans l'appréciation des résultats. Les chiffres (français) indiquent que la moyenne d'âge de survenue du CCR est de 72 ans chez l'homme et de 75 ans chez la femme et l'USPSTF américain précise : "Empirical data from randomized trials on outcomes of screening after age 74 years are scarce."Il est évident que c'est un point capital dans le sens du dépistage puisque les cancers du colon sont "lents". L'infographie de JB Blanc est éclairante.
  6. Le chapitre complication de la coloscopie est minimisé : "perforation (1/1 000 environ), hémorragie (1/1 000 environ), mortalité (1/10 000)" ce qui, pour une prévision optimale de 1 M de coloscopies par an représente donc respectivement 1000 perforations, 1000 hémorragies et 100 décès pour la France entière en un an (voir LA). Et nous ne parlons pas des effets cumulés sur le temps. Je rajoute cet article plus conforme à la réalité (merci à CMT) : LA.
  7. La mortalité globale n'est pas réduite, voire augmentée : contrairement à ce qui est affirmé, ce n'est pas un essai qui l'affirme mais une revue de trois essais (ICI)
  8. Le chapitre prévention est absent or il appert que la prévention aurait plus d'efficacité que le dépistage. Mais cette notion d'efficacité est niée par l'auteur qui écrit "je considère que l’efficacité d’un dépistage est un élément peu important pour son évaluation ! " Quelques facteurs de risque : " sédentarité, obésité, alcool, viande rouge, faible consommationde fibres alimentaires, tabac, et" Voir LA et ICI.
  9. Jaddo et Hipparkhos ont écrit un texte éclairant à propos surtout de l'ancien hemoccult qui répond en partie au point 2 : "Et effectivement, le test de recherche de sang est caractérisé par une faible sensibilité (inférieure à 50%) et une très faible valeur prédictive (inférieure à 10%), voir par exemple Bleiberg 2002 qui dénonçait à l’époque pour ces raisons l’usage de ce test. Cela signifie que seule une coloscopie de vérification sur dix confirme la présence d’un cancer, et la moitié des cancers ne sont pas détectés au dépistage."La moitié des cancers ne sont pas diagnostiqués au dépistage. Comme le rappelait Siary dans les commentaires du billet de Dominique Dupagne le nouveau test (qui a été étalonné ad hoc) et ce que disent J et H : "et il est de manière standard pratiqué de façon à avoir deux fois plus de positifs que l’hemoccult, donc environ 5% de tests positifs au lieu de 2,5 % (ce taux est donc un choix de la part des promoteurs du test). Cela présente l’inconvénient de faire pratiquer deux fois plus de coloscopies, et donc d’engorger un peu les services concernés, et d’augmenter en proportion les effets indésirables. In fine, on a un peu moins de deux fois plus de diagnostics confirmés de cancer, avec des stades similaires : le test est donc plus sensible (par choix) mais moins spécifique (du fait ce choix de sensibilité). Un petit calcul montre qu’on peut s’attendre à un effet sur la mortalité globale sans doute moins bon qu’avec l’hemoccult, puisqu’on a plus augmenté les effets indésirables (y compris la mortalité pour autres causes) qu’on a diminué la mortalité spécifique…"
  10. On peut désormais aborder le problème central : la décision partagée. L'accumulation de ces informations ne peut être expliquée de façon simple et courte lors d'une consultation (et ce d'autant plus que le patient nous tend souvent sa convocation au dépistage en fin de consultation et qu'il faut non seulement informer mais aussi expliquer comment ça fonctionne). Personnellement je fais revenir les gens.
  11. Petit point mais oh combien déterminant : dans le cancer du colon, et comme toujours en cancérologie, mais pas que, le résultat des courses est éminemmen opérateur dépendant (i.e. le chirurgien et, dans une moindre mesure le gastro-entérologue).
  12. Si vous relisez le texte de Dominique Dupagne vous remarquerez en outre que tous les éléments que je commente "y sont" mais qu'ils ne sont pas tous mis en valeur.







Pour finir, mais il faudrait un billet entier, la comparaison avec l'efficacité du frottis du col utérin comme geste de dépistage du cancer du col est assez peu crédible. Ce sujet est sensible. Je rapporte seulement cette phrase de Margaret McCartney : "Les femmes ont plus de chance d'avoir un test faux positif que d'avoir une espérance de vie prolongée." dans "The patient paradox" (voir LA). N'oublions pas non plus deux choses à ce propos : le sur diagnostic et le sur traitement sont impressionnants (avec des conséquences majeures pour la femme : jadis l'hystérectomie était aussi banale que l'amydalegtomie, désormais le col est menacé).


CONCLUSION : 

Le billet de Dominique Dupagne est le contraire de la démarche participative, collaborative, intelligemment collective, et, en l'espèce, et d'ailleurs comme dans d'autres dépistages fussent-ils très discutés et discutables (prostate, sein), la décision doit revenir au CITOYEN informé. Et la pratique quotidienne de cet exercice est très difficile.

16 commentaires:

Pascal a dit…

Je profite de votre réaction pour réagir...
Je vois à chaque fois que les inconvénients de la coloscopie sont mineurs.
Mon expérience (suite à du sang auto-repéré dans les selles) unique est sensiblement différente.
Pour quelqu'un qui n'est pas malade, j'ai trouvé assez gratuitement infects les litres de potion qu'il faut ingurgiter pour rincer l'intestin.
Si j'ai des trucs (? polypes) qui saignent de temps en temps, je vais devoir inutilement me taper ça tous les 2 ans?
Par curiosité, je me demande s'il ne faut pas compter dans les risques de la coloscopie les conséquences éventuelles d'une anesthésie générale.
Merci de votre volonté continue de tenir ce blog.

Unknown a dit…

Dominique, 72 ans, pontée et en rémission d'un cancer du sein retirera-t-elle le même bénéfice et courra-t-elle les mêmes risques en participant au dépistage du CCR que Jean-Claude, fringant sexagénaire sans ATCD particuliers ?
Si on pense que oui alors on peut être docte
Si on pense que non alors il faut discuter avec chacun pour décider ensemble de ce qui conviendra le mieux.
Ça me semble facile à comprendre

(Reste qu'avoir des infos fiables, adaptées et compréhensibles / intégrables par le destinataire reste une immense gageure)

Dr MG a dit…

Bonsoir

Je suis ravi que tu ais fait toi aussi un billet sur le sujet.
Développer un sujet difficile en 140 caractères est impossible.

Ton billet apporte des faits qui peuvent être mis en parallèle avec le billet de Dominique Dupagne.
C'est de l'information en plus et avoir le plus d'information possible est très bénéfique pour pouvoir prendre des décisions.

Donc merci pour avoir développé ta réflexion.

Ensuite, chacun est libre de faire pencher la balance de la décision pour ce qui le concerne, d'un coté ou d'un autre.
Chacun doit pouvoir décidé pour lui-même en toute indépendance.
C'est pour cela que ton billet essentiellement informatif est utile.

En tant que patient de plus de 50 ans, ma décision est pour m'abstenir de ce dépistage qui pour moi n'apporte que peu de bénéfice au regard des risques fussent-ils minimes. Mais je sais que les inconvénients sont très sous-évalués en médecine, par rapport aux bénéfices qui sont systématiquement surévalués. Mais sur le sujet, le plus souvent "un grand vide".

En tant que médecin, il est de mon devoir de ne pas imposer ma décision personnelle à un patient.
Et là c'est très difficile de rester neutre dans la présentation des informations.
C'est là que le billet de Dominique et le tien peuvent m'aider grandement.
Car il est indispensable de faire son maximum pour laisser le patient libre de son choix.
Là est la plus grande difficulté.

T D a dit…

" c'est au citoyen de décider "

Quand on est un citoyen
On doit savoir ce qui est bien
Et choisir ce qui est bon
Dans sa condition

Pour se faire sa propre idée
Faut se mettre à travailler
Chaque soir après l'usine
On lit les revues de médecine

Quand on a toute sa tête
Et une bonne calculette
On voit bien quand elle est fausse
La courbe de Gauss

Et maintenant on participe
Au calcul de l'écart -type
On voit quand il y a un biais
Dans le recueil des données

Dans les magazines on informe
Sur ce qui est bon pour la forme
On peut se faire son opinion
Sur ce qui est bon

Pour aller au magasin bio
On ne prend plus son auto
Chaque jour on n'oublie pas
De faire ses dix mille pas

On sait qu'il faut plus manger
Le gluten du boulanger
Le sucre du pâtissier
Ni les graisses du Boucher

Chaque jour ne pas oublier
Dix fruits et légumes faut avaler
Il n'y a pas que les ruminants
Qui soient au courant

CMT a dit…

Bravo pour ce post. L’essentiel a été dit.
Tu as bien décrit le narratif de Dominique Dupagne, basé sur un à priori favorable à ce dépistage.

Je rappelle un aspect que nous avions déjà discuté à propos du cancer du sein.

Il existe une confusion, y compris dans l’esprit des médecins, entre sensibilité et valeur prédictive positive. La sensibilité est la capacité d’un test à détecter correctement les malades. Elle répond à la question : quelles sont les chances que JE SOIS POSITIF SI JE SUIS MALADE. Ici la sensibilité des tests fécaux est faible. Les tests fécaux ne détectent qu’environ 50% des cancers colorectaux.

La valeur prédictive positive répond à la question : quelles sont les chances QUE JE SOIS MALADE SI JE SUIS POSITIF. Et sa valeur dépend de la SPECIFICITE c àd la capacité du test à détecter les non malades, qui est faible ici et rendue encore plus faible par les choix de seuils de détection par les tests fécaux. La réciproque de la spécificité sont les FAUX POSITIFS (non malades détectés à tort). La VPP dépend aussi de la fréquence de la maladie. En général les non malades sont très majoritaires dans une population donnée. C’est pourquoi la valeur prédictive positive des tests est faible .

Finalement les tests fécaux ne sont pas vraiment des tests à visée diagnostique, ils se contentent de stratifier une population pour isoler un groupe qui a plus de risques que la moyenne d’avoir un cancer du colon.

Mais comme J-B Blanc l’a montré, on peut aussi stratifier la population selon d’’autres critères, comme l’âge. Et on se rend alors compte que le rapport bénéfice-risque du test fécal varie beaucoup en fonction de la tranche d’âge prise en considération et qu’il est bien moindre de 50 à 59 ans que de 70 à 79 ans.

Il y a d’autres aspects qui viennent encore compliquer l’évaluation du rapport bénéfice-risque. Il y a une règle quasi universelle en santé publique qui est que quand on fait une démarche de dépistage ou de prévention collective ou universelle ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qui en bénéficient le moins http://gut.bmj.com/content/early/2017/01/23/gutjnl-2016-313311 donc les bénéfices du dépistage ne sont pas proportionnels à la participation, c’est plus compliqué que ça.

Un autre facteur, abordé par J-B Blanc, est que le bénéfice d’une intervention et son rapport bénéfice-risque sont aussi inversement proportionnels à l’âge car, si on parle de diminution de la mortalité, ceci est trompeur parce que le bénéfice se mesure surtout en années de vie gagnées par rapport à une espérance de vie théorique moyenne (on n’empêche pas les gens de mourir, mais dans le meilleur des cas on reporte leur mort à plus tard). Plus on est âgé plus il y a de cancers mais moins l’espérance de vie est longue.Donc ces deux facteurs évoluent en sens inverse l’un de l’autre et tendent à se neutraliser.
...

CMT a dit…

SUITE
Si le but des tests de dépistage fécaux est d’isoler un groupe à risque élevé d’avoir un cancer il existe d’autres moyens de le faire.
Et ces autres moyens sont en relation avec la prévention du cancer colorectal et non plus seulement avec son dépistage. Cette dernière méthode pose la question : comment dépister tôt un cancer colorectal ? L’approche préventive pose une autre question qui est comment éviter la survenue du cancer colorectal ?

Le cancer colorectal est typiquement un cancer très lié à des facteurs de risque environnementaux et surtout comportementaux.
Connaître ces facteurs permet donc d’évaluer le risque individuel mais aussi de prévenir ce risque.

On connaît avec une très bonne précision, suite à de nombreuses études convergentes le rôle de plusieurs facteurs de risque (Doc INCA « Nutrition et prévention primaire des cancers »)

Alcool. L’augmentation du risque est de 8 à 10% pour le cancer colorectal pour une augmentation de la consommation d’alcool de 10g/jour (1 verre standard)

Poids Augmentation du risque de 3% chaque fois que l’IMC augmente de 1 point (1kg/M2). . « La comparai¬son des groupes (obésité versus poids normal) indique une aug¬mentation du risque de cancer colorectal de 33 % (I²=69 %). La stratification selon le sexe (28 études) révèle un risque plus important chez les hommes (46 %) que chez les femmes (15 %). »

viandes rouges et charcuterie Pour chaque augmentation de 100 g/jour de la consommation de viande rouge ou charcuterie on estime qu’il y a une augmentation de 25% du risque de cancer du côlon et de 31% du risque de cancer du rectum.

Activité physique. Facteur protecteur. Chaque augmentation de l’activité physique de loisir de 30 mn / jour diminue le risque de cancer colorectal de 10 à 11%.

Les fruits et légumes ont un effet protecteur maximal pour 200gr de consommation de légumes et 100 gr de fruits par jour. La diminution du risque escomptée est d’environ 10%.

CMT a dit…

SUITE
On pourrait utiliser ces facteurs pour évaluer le risque individuel de cancer comme on le fait pour le risque cardio-vasculaire http://chd.bestsciencemedicine.com/calc2.html .

Cela permettrait de faire deux choses : identifier les personnes qui ont le plus de chances de tirer un bénéfice du dépistage par test fécal, et aussi, inciter ces personnes à changer leurs comportements pour prévenir ce risque.

Parce qu’il faut prendre conscience que les facteurs de risque comportementaux associés à différents cancers (ceux que je viens de décrire plus le tabagisme) sont sensiblement les mêmes que ceux associés à une mortalité prématurée par risque cardio-vasculaire ou par maladies respiratoires.

Ce rôle des facteurs environnementaux se retrouve au niveau épidémiologique lorsqu’on compare l’évolution dans le temps dans différents pays et entre pays : http://www-dep.iarc.fr/includes/Gut-2016-Arnold-gutjnl-2015-310912.pdf . Il y a une différence qui peut aller de 1 à 10 dans le risque de cancer entre différents pays et l’évolution du risque de cancer colorectal est liée surtout à des facteurs de style de vie. Au Japon , en Norvège, en Colombie, en Slovénie, au Brésil, le risque de cancer colorectal (incidence) a été multiplié par 2 à 3 en quelques dizaines d’années.

En France, la mortalité par cancer colorectal diminue avec le temps, mais pas l’incidence. En France, on ait traiter mais c’est bien la prévention qu’on ne fait pas, qu’on ne sait pas faire.


Dr MG a dit…

Merci à CMT pour ce complément au combien informatif.

La promotion de ce dépistage, comme la plupart des autres d'ailleurs est dans la droite ligne du message qui est véhiculé dans notre société :
Continuer à vivre comme bon vous semble, la médecine est là pour palier au fait que vous ne faites rien pour améliorer votre santé.
Qui plus est ce message est "bon pour le business".

Ces informations complémentaires sur les facteurs de risques individuels viennent renforcer ma conviction personnelle que je n'ai rien à gagner comme je le pensais déjà à me faire dépister, loin s'en faut.
Par ailleurs en tant que médecin ces informations me donne des éléments supplémentaires à évoquer avec le patient pour qu'il puisse lui aussi prendre une décision pour ce qui le concerne lui.

JC GRANGE a dit…

Bonjour,
Je suis très étonné du peu de commentaires sur le sujet mais surtout du peu de nombre de lecteurs par rapport à d'autres billets plus "légers"..
Ce sujet est d'importance car le dépistage du K du colon par test fécal va être intégré dans le ROSP. C'est ce qui se laisse entendre.
Par ailleurs, pour ceux qui sont convaincus de son utilité, il semble que cela "marche" mieux lorsque ce sont les patients qui sont incités à le faire par leur médecin traitant.
Je crois aussi que la démarche "c'est au citoyen de se décider" ne convainc pas les docs qui "croient" en leur mission pacificatrice.
La décision partagée est pourtant l'avenir d ela médecine.
Bonne journée.

hexdoc a dit…

L'utilité du test peut aussi se juger par rapport à ce qui se faisait avant : soit le patient demandait une colonoscopie, soit le médecin la préconisait par habitude, conviction ou en fonction des symptômes.
La campagne a au moins le mérite de dire que s'il n'y a pas de facteurs de risque ou de symptôme, on fait le test (en expliquant toutefois ses limites) et que dans le cas contraire c'est la coloscopie.
Depuis que cette campagne existe, la démarche volontaire d'un patient sans motif réel est tout de même plus facile à cadrer. D'ailleurs, y a t'il plus ou moins de coloscopie depuis le début de ces campagnes ?
Les résultats 2016 dans mon département avec le test OCsensor : 243 cancers (dont la pluspart de bon pronostics) 1600 et quelques de polypes en dysplasie pour une participation de 57%.

Anonyme a dit…

j'avais donné des chiffres de tête, les chiffres exacts sont :
251 cancers - 1472 polype à risque (lésion précancéreuse) et 53,6% de participation

siary a dit…

L'approche par facteurs de risque me semble la plus intéressante . En fonction du niveau de facteurs de risque on propose soit une colonoscopie d'emblée, soit le test fécal. Si le niveau de risque est très faible, le rapport bénéfices risques du dépistage n'est plus efficient .
Donc nous( le Collège de Médecine Générale) allons comparer dans un essai randomisé l'intérêt d'une participation des MG à une formation d'une journée sur le dépistage du CCR par une approche centrée patient . L'objectif est d'augmenter la participation des personnes les plus à risque au dépistage du CCR . Il serait utile de stratifier le niveau de risque pour proposer l'attitude la plus appropriée, la personne concernée choisissant de se faire dépister ou non . J'ai bien conscience que ce n'est pas simple d'intégrer cette pratique dans le cadre de l'exercice de la MG et du paiement à l'acte qui me semble inapproprié . Le taux de participation au dépistage était de 29% lors de la dernière utilisation de l'Hémocult .
L'essai entrepris ( prénommé FORCEPS) consistera à proposer aux généralistes de participer à cette étude, puis de créer par randomisation un groupe assistant à cette formation versus un groupe témoin et de regarder si il y aura une différence du taux de participation au dépistage du CCR dans les mois à venir .
Cette étude a évidemment des limites, entre autre parce qu'il n'existe pas encore de calcul de risque comparable à SCORE pour le risque cardiovasculaire .
Par ailleurs les patients comme les médecins ne sont pas assez sensibilisés aux risque environnementaux du CCR. Comme le souligne justement CMT certains pays qui ont modifié leur comportement alimentaire ont vu croitre l'incidence du CCR . Le cas du Japon est exemplaire : il y a une trentaine d'années, ce cancer était rare et n'était pas précédé de polypes adénomateux ; ce n'est plus le cas aujourd'hui en raison de modifications du comportement alimentaire.
en ce qui concerne les facteurs de risque environnementaux il ne faut pas oublier le tabac qui complète l'action de l'alcool : L'un favorise l'apparition d'adénomes avancés et l'autre leur transformation maligne .
De toute façon il me semble indispensable de poursuivre une réflexion sur les dépistages des cancers . On sait que dans leurs majorités ils n'ont pas d'intérêt démontré. Les seuls qui jusqu'à présent ont un impact sur l'augmentation de l'espérance de vie sont le dépistage du cancer du col et du CCR avec d'importantes limites : sur traitements de certaines dysplasies avec effets délétères sur les grossesses, dépistages trop précoces des dysplasies du col ( surtout avant 25 ans), iatrogénie des colonoscopies mal évaluée etc .
En outre en privilégiant en oncologie l'investissement sur les traitements et les dépistages , les pouvoirs publics délaissent l'identification des facteurs environnementaux . Peu de travaux sur les méfaits des nitrites utilisés dans la charcuterie, sous-estimation des facteurs d'exposition professionnelle, sous-estimation du rôle des perturbateurs endocriniens . Bref la politique de l'INCA reste très conservatrice , et l'on sait que l'identification des facteurs environnementaux se heurte à de nombreux intérêts financiers .

CMT a dit…

A Siary,

Pourquoi ne pas solliciter des statisticiens pour situer les patients, en fonction du risque et de l’association de facteurs de risque, dans un groupe à risque défini par un intervalle de confiance?

En outre, il est notable que l’INCA admette que les effets de l’exercice sur la diminution du risque de cancer du côlon serait due, entre autres, à l’accélération du transit provoquée par l’exercice (p 61 du rapport « nutrition et prévention primaire des cancers ») et donc à la diminution du temps de contact des cancérogènes potentiels avec la muqueuse intestinale . Mais l’INCA n’évoque que les cancérogènes classiques de l’alimentation comme l’alcool ou la viande rouge et la charcuterie .

Mais il peut s’agir aussi des substances cancérogènes spécifiques comme l’acrylamide, qui est une substance qui se forme lors de la cuisson de certains aliments et aussi utilisées dans certains plastiques et emballages alimentaires et qui peut être présente dans les produits alimentaires industriels en quantité excessive, notamment pour les nourrissons comme le montrait une récente étude de l’ANSES sur l’alimentation totale des enfants de moins de trois ans https://www.anses.fr/fr/content/l%E2%80%99acrylamide-dans-les-aliments https://www.sciencesetavenir.fr/sante/des-substances-toxiques-dans-l-alimentation-des-tout-petits_105213 . Récemment le dioxide de titane, E 171 présent notamment dans les bonbons, mais aussi dans des dentifrices, cosmétiques comme substance servant à améliorer l’aspect et dont la visée est donc purement marketing, a montré un effet cancérogène possible sur le côlon humain et pose la question plus globale des nanoparticules dans notre environnement et dans notre alimentation . Le problème est que, si les substances doivent être étudiées une par une, nous sommes en permanence soumis à un cocktail de ces substances dont on ignore l’effet global.

Les péoccuaptions sur les problèmes de santé posées par l’environnement et l’exposition à diverses substances potentiellement toxiques restent du domaine déclaratif et absolument rien n’est fait concrètement . On investit dans ce qui fait tourner le commerce comme le dépistage de masse.

La maladie aussi fait tourner le commerce. On est là vraiment dans ce phénomène typique de notre époque où on mise tout sur la communication qui veut qu’on parle le plus de ce qu’on fait le moins.Il s'agit de faire croire qu'on agit, alors qu'on s'agite sans rien faire. J’ai rencontré récemment une jeune femme ingénieur en environnement, obligée de se reconvertir car ne trouvant que des CDDs rémunérés au lance-pierre dans le secteur privé. Qu’on ne vienne donc pas nous raconter que c’est un problème pris au sérieux par les gouvernants.

A noter que les complément alimentaires, notamment le béta carotène en excès, pourrait également favoriser le cancer du côlon.

En tous cas, stratifier les groupes dépistés selon le niveau de risque , me paraît de l’ordre de l’évidence.

ANNETTE LEXA a dit…

..et le nitrite de sodium dans la charcuterie...

siary a dit…

Il est probable que la nitrosamine dérivée des nitrites explique en partie le risque carcinogène des charcuteries industrielles .
Aujourd'hui les pouvoirs publics, l'INCA et le secteur privé, délaissent presque complétement la recherche des facteurs environnementaux des cancers pour investir dans les traitements et les dépistages . En outre il n'existe pas en France dans la profession médicale une véritable culture de santé publique axée sur les facteurs environnementaux . De plus les lobbys de l'industrie agroalimentaire utilisent tous les obstacles possibles pour contrecarrer des travaux susceptibles de remettre en cause leurs intérêts financiers . je pense qu'il s'agit d'un véritable combat pour amener les pouvoirs publics à investir dans la recherche sur les risque environnementaux : c'est donc avant tout un problème politique .

ANNETTE LEXA a dit…

Ce n'est pas encore plus de recherche dont nous avons besoin. Les mécanismes classiques de cancerogénèse sont archiconnus depuis des décennies et on l'enseignait déjà quand je démarrais à 22 ans mon 3e cycle de toxicologie en 1982 où j'apprenais par le détail les mécanismes biochimiques de cancerogénèse des substances chimiques.. Ce qui a été nouveau depuis, ce sont la découverte vers 1992-94, des mécanismes de perturbation endocriniennne, c'est la sortie du tout génétique avec l'acceptation puis la compréhension des mécanismes épigénétiques. Nous en savons suffisamment pour agir. Alors, attention, dire " ce qu'il faut c'est encore plus de recherche" ne fait qu'entretenir le doute et sert les intérêts des lobbies (pendant les travaux , les ventes continuent) comme on l'a amplement démontré avec de cas d'école comme l' histoire du lobby du tabac. Aujourd'hui, le principe danger se situe dans la nourriture industrielle. La législation a interdit de très nombreuses substances cancerogènes en milieu professionnel et dans l'environnement, mais aussi dans les additifs alimentaires (colorants, conservateurs, édulcorants) , dans la cosmétique, dans les pesticides, etc. On a réduit considérablement la pollution aux particules (charbon, bois, poussières) respsonsables de nombreux cancers. La principale source de danger sur laquelle il faut agir , aujourd'hui , c'est l'alimentation industrielle comme le sucre qui est partout et sur lequel on ne fait aucune recherche pour démontrer le iien entre sucre et cancer. Ou alors sur le microbiote intestinal, ce qui revient au même car le microbiote est très dépendant de la nourriture ingérée . On préfère affoler les foules en confondant danger et risque, faire peur en disant que respirer et boire de l'eau est dangereux, du moment que nos mode de vie soit sauf (sédentarité, mal bouffe, tabac, alcool, etc.). C'est une toxicologue réglementaire - évaluateur de risque en santé environnement - qui dit cela, mais des gens comme moi n'ont aucune tribune pour parler et ne sont jamais invités nulle part : Je vous mets au défi de me citer un/une toxicologue invité'e) par un journaliste pour parler des risques chimiques en santé environnement . Vous tomberez immanquablement, pour faire le "buzz", sur - au choix, ou tous ensemble : un Professeur de médecine - anti ou provaccinaliste d'ailleurs, au choix - , un haut fonctionnaire médecin carriériste à l'INCa, un lobbyiste de l'agroindustrie , goguenard et sûr de lui car il est du côté de l'argent, un chercheur militant qui confond danger et risque mais qui a des problèmes d'ego , un(e) journaliste militante qui a connu ses heures de gloire mais insulte les toxicologues tous vendus au grand capital, un membre d'une association environnementale proche de EELV ou qui se présente à une élection territoriale, etc. Ce qui crée un grand confusion, mais me procure à chaque choix une bonne occasion de rire/râler/ me donner envie d'aller respirer dehors et m'occuper de mon jardin.