jeudi 19 décembre 2024

Masques, données de santé, procédures holter. Histoire de santé publique sans consultation : 26.

Keith Richards 81 ans le 19 décembre dernier
Bis repetita : encore un défi à la Santé publique !


Ce matin, j'accompagne un voisin dans un hôpital privé situé non loin de Versailles. Non loin : très près.

Il vient rendre son matériel de Holter rythmique qu'on lui a prescrit pour 3 semaines.

Compte-rendu succinct de ma visite (je ne suis pas entré dans le bureau de la technicienne qui recueille les appareils : 

  • Je refuse de me garer dans le parking de l'hôpital pour des raisons éthiques (par radinerie ?) et trouve une place à 200 mètres.
  • Le hall d'entrée est bien rempli.
  • Pas un masque à l'horizon. Sauf le mien (le voisin que j'accompagne me dit qu'il ne "supporte" pas d'en porter. J'ai failli lui dire au dernier moment d'appeler un Uber (c'est quand même ma voiture). Pas un masque, sauf l'employé de la cafétéria (un masque chirurgical presque replié en deux et qui a connu des jours meilleurs).
  • Nous descendons au rez-de-chaussée où la salle d'attente est toujours en attente de patients et de visiteurs masqués mais où les fenêtres sont grandes ouvertes. Tout le monde tousse.
  • Le patient est reçu à l'heure.
  • Voici ce qu'il me raconte (dans le désordre) :
    • j'ai payé 300 euros.
    • 97 % de mes données ont été enregistrées (la technicienne me donne un bon point)
    • je n'aurai pas de résultats avant 3 à 6 semaines, sauf si le/la cardiologue rythmologue trouvait quelque chose avant.
    • je ne reverrai pas le/la cardiologue rythmologue
    • il/elle va m'envoyer le compte-rendu par mail ainsi qu'à mon/ma cardiologue qui me recontactera si nécessaire
    • je ne suis pas content : on me fait un holter pendant 3 semaines, il n'y a pas de contrôle en direct et il faut encore 3 à 6 semaines pour interpréter (si je ne suis pas mort avant d'un arrêt cardiaque)
    • à quoi servent les médecins qui ne "voient" pas les patients ?
La chose qui m'a surtout intrigué : le compte-rendu sera envoyé par mail simple sans utilisation d'un réseau sécurisé. Quant au DMP ? Mystère.

Il est vrai que les données brutes ne sont pas adressées par mail... 

mardi 10 décembre 2024

Un centre de référence pour une maladie non rare : pour qui est-il destiné ? La science ou le patient ? Histoire de santé publique sans consultation 25.

Petr Válek


Je rencontre un collègue dont la fille, 37 ans, est prise en charge dans un centre de référence pour une maladie aiguë/chronique et potentiellement invalidante, très invalidante et au pronostic très incertain.

Il me raconte l'histoire, son inquiétude, le fait qu'il soit médecin n'arrangeant pas les choses. Et accessoirement : les difficultés qu'il a toujours eues à communiquer avec sa fille.

Sa fille est terrorisée. Elle est terrorisée par la maladie qui la frappe, elle est terrorisée parce qu'elle ne sait pas comment elle va pouvoir élever ses enfants, sa carrière professionnelle, comment son mari, bla-bla.

Elle est suivie dans un centre de référence (référencé) d'un hôpital parisien (prestigieux).

Ce n'est pas une maladie rare. La maladie est fréquente et elle caractérisée par des tableaux cliniques très différents, des modalités évolutives prévisibles/imprévisibles, la possibilité de poussées aiguës, des traitements éprouvés qui ne "marchent" pas tout le temps, qu'il faut changer, adapter, et cetera. Bref. Je n'en dis pas trop. 

Sa fille est aussi terrorisée parce que les médecins, sans doute en fonction de l'évolution propre de la maladie, lui tiennent des discours différents : le médecin optimiste et le médecin pessimiste. Avec toutes les variantes. La maladie évoluant par cycles de rémission et d'aggravation, les propos peuvent être justes au moment où ils sont tenus.

Elle a besoin d'un soutien psychologique qui lui a été proposé mais elle le refuse. Elle en a assez d'être trimbalée entre soignants... Sans oublier que lors de sa longue première hospitalisation puis lors des hospitalisations de jour, elle a entendu tout et n'importe quoi, pour résumer, des médecins, des kinésithérapeutes, des internes, des externes, des infirmières, des aides-soignantes, des agents d'entretien, des propos qui lui étaient adressés ou qu'elle a volés dans sa chambre, entre sa chambre et le couloir, dans les couloirs. 

Elle est terrorisée par son avenir parce que, ouvrez vos oreilles, retenez votre souffle, accrochez-vous aux branches, dans le centre de référence où se rend régulièrement cette jeune femme, elle n'a pas de médecin référent. Elle voit à chaque fois un médecin différent !

Un médecin différent qui regarde le dossier, bien entendu, mais qui ne sait pas comment les autres confrères ou consoeurs ont parlé à la patiente la consultation précédente, l'hospitalisation de jour précédente et cetera.

Ce n'est pas comme cela partout.

Heureusement.

Mon collègue me demande à quoi sert ce centre de référence s'il n'est pas surtout destiné à prendre soin des patients, si la réflexion scientifique sur les relations soignants/soignés n'est pas étudiée avec le même sérieux scientifique que la maladie dont le centre est la référence...

Je lui dis avec prudence qu'il est possible que sa fille soit mal tombée, qu'un concours de circonstances ait fait que les plannings étaient serrés, que le médecin référent désigné a changé d'hôpital, que le personnel n'est pas assez nombreux, pas assez formé ou fatigué...

Il n'est pas convaincu car il est inquiet, qu'il souffre pour sa fille, qu'il se dit qu'il n'a pas assez communiqué avec elle quand elle était en bonne santé... et que ce ne sera plus jamais la même chose.

Il est désemparé. 

Désemparé par le malheur.

Je pense ne moi-même qu'il n'existe pas un centre de référence pour le malheur.


lundi 2 décembre 2024

24 Aphorismes Médicaux pour choquer son entourage profane et non profane.

#24 Chaque fois que l'on accole un adjectif à médecine, ce n'est plus de la médecine.

C'est la fin de ces aphorismes. Bon Noël.

#23 Le médicament le plus utilisé en médecine générale est le médecin lui-même

Michael Balint (1957)

Pour plus de détails sur lr manque d'études le concernant : LA.

1896 - 1970


#22 La loi de Brandolini en médecine.

La quantité nécessaire pour réfuter des sottises est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire.

Alberto Brandolini (2013)

Exemple : 4 ans et demi pour rétracter l'étude Gautret/Raoult.

Alberto Brandolini



#21 La loi de Goodhart appliquée à la Santé publique.

"Lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure... car elle devient sujette à des manipulations directes (truquage des chiffres) ou indirectes (travailler uniquement  à améliorer cette mesure)"

Charles Goodhart (1975)

Exemples : pression artérielle, taux de cholestérol, glycémie. Ad libitum.

#20 Prise de décision partagée en santé.

La prise de décision partagée en santé est une ruse juridique mise en place par les soignants pour les innocenter en cas d'échec et pour les glorifier en cas de succès.




#19 Les économistes de la santé sont à la santé ce que les professionnels de santé sont à l'économie.

Pseudonyme, 2024.



#18 Big Data en médecine

"Le Big Data prétend se jouer de la complexité des données... alors que la pierre d'achoppement est la complexité des phénomènes." 

"Le Big Data signifie prendre la corrélation pour la causalité."

Jean-Pierre Dupuy (2024)

#17 L'hospitalocentrisme est la maladie infantile de la Santé publique



#16 Les vaccins sont des médicaments comme les autres.

Il est possible de tester leur efficacité sur des critères cliniques (prévention des formes graves, transmission, par exemple) et pas seulement sur des critères de substitution (les taux d'anticorps) en menant des essais contrôlés. Il est aussi nécessaire d'en déterminer les effets indésirables sévères et inattendus. 

#15 La médecine a fait tellement de progrès que plus personne n'est en bonne santé.

Aldous Huxley (1894 - 1963).




"Medical science has made such tremendous progress that there is hardly a healthy human left."

#14 La médecine préventive est 3 fois arrogante :

La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations.

David Sackett

#13 La maladie est le salaire du péché.

De très nombreux soignants pensent cela tout comme de très nombreux citoyens.

"Vous l'avez mérité"

C'est bien entendu plus grave pour les soignants qui prescrivent et délivrent des soins.

Mais c'est aussi très préjudiciable pour les patients.




#12 Dépistage

Aucun dépistage de cancer n'a montré qu'il diminuait significativement la mortalité globale des personnes qui y participaient.

@ZoltiumHQ


#11 Effet Matthieu.

La privatisation de l'État providence ne conduit pas à faire disparaître les droits sociaux mais à en concentrer le bénéfice sur ceux qui en ont le moins besoin.

Par référence à un verset fameux de l'Évangile selon Saint Matthieu (XXV, 29) : "À celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l'abondance, mais à celui qui n'a rien, il sera tout pris, même ce qu'il possédait."

L'effet Matthieu désigne la capacité des forts à devenir les premiers bénéficiaires des dispositifs visant à améliorer le sort des faibles.

In : L'esprit de Philadelphie. Alain Supiot. 2010. Paris, Le Seuil.



#10 Médecine et morale.

Chaque fois qu'un médecin fait la morale il ne fait ni de la bonne médecine ni de la bonne morale.




#9 Diagnostic

Une erreur de type 1 condamne un innocent.
Une erreur de type 2 acquitte une coupable.



#8 Prescrire est plus facile que ne pas prescrire.

Jamais un patient n'a traduit en justice un médecin qui lui avait prescrit un dosage de PSA sans l'avoir informé du rapport bénéfices/risques.

Dans le métro.


#7 Surdiagnostic

Un surdiagnotic de cancer, par exemple, est un authentique cancer qui, s'il n'avait pas été décelé, n'aurait provoqué ni morbidité ni mortalité.

Le surdiagnostic, toutes pathologies confondues, est la pandémie silencieuse des pays développés.



#6 Placebo 

"Prescrire un placebo est un danger pour le patient comme pour le prescripteur." 

Shapiro HM, 1986.

Mais il peut être éthique de prescrire un placebo en le disant au patient (cela ne change en rien son effet).


#5 Les études en conditions réelles

Les études en conditions réelles pour démontrer l'efficacité d'une molécule ou d'un traitement, c'est comme danser un slow avec sa soeur, ça ne mène à rien.

(Adapté de Diego Maradona : "Arriver dans la surface et ne pas pouvoir tirer au but, c'est comme danser avec sa soeur")

1960 - 2020


#4/24 Les examens complémentaires


La prescription d'examens complémentaires est souvent le cache-misère d'une triple absence d'interrogatoire, d'examen clinique et de connaissance de la sémiologie mais malheureusement aussi la première étape d'un traitement inutile.


#3/24 Quatre-vingt % des déterminants de santé sont non-médicaux.


Les médecins en concluent contre toute évidence qu'il faut intensifier la médecine.

#2/24 La loi inverse des soins (Inverse Care Law)



La possibilité d'accès à des soins médicaux de qualité est inversement proportionnelle aux besoins des populations concernées.

 

#1/24 La médecine n'est ni un art ni une science.

"La médecine n'est ni art ni science. C'est au contraire une discipline empirique, fondée sur des talents diagnostiques et thérapeutiques, aidée par la technologie, c'est à dire l'application efficace de la science." Petr Skrabanek et James McCormick