vendredi 13 février 2009

BRONCHIOLITE : PAS DE CORTICOIDES AUX URGENCES !

Bien que les corticoïdes soient couramment utilisés en pratique courante dans le traitement des bronchiolites, il n'est pas inutile de rappeler que les preuves manquent de leur efficacité.

Une étude multicentrique américaine publiée en juillet 2007 (http://content.nejm.org/cgi/content/short/357/4/331) a randomisé 600 enfants âgés de deux à douze mois amenés aux urgences pour un premier épisode de wheezing coté modéré à sévère en deux groupes : dexamethasone (D) en dose unique à 1 mg / kg et placebo (P).

Le premier critère de l'essai était admission ou non après 4 heures d'observation de l'enfant.
Le deuxième critère : Respiratory Assessment Change Score (RACS).
Autres critères : la durée de l'hospitalisation, le nombre de consultations après sortie, les effets indésirables.

Résultats : Le taux d'admission était identique pour les deux groupes : respectivement 39,7 % et 40,1 % pour D et P. Le score clinique a été amélioré de la même façon dans les deux groupes. Les autres critères n'ont pas été différents.

Conclusion : Chez des enfants souffrant d'une bronchiolite modérée à sévère la prescription aux urgences de dexamethasone à 1 mg / kg n'a changé ni le taux d'admission, ni le score clinique, ni l'évolution ultérieure par rapport à un placebo.

En serait-il autrement en médecine générale ?

mardi 3 février 2009

DISEASE MONGERING OU STRATEGIE DE KNOCK


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Disease mongering ou Stratégie de Knock : Premier épisode
Une petite histoire du concept.

La traduction en français de l’expression anglo-saxonne disease mongering est incertaine ou, plutôt, imparfaite : invention de maladies, façonnage de maladies ou colportage de maladies (dans le sens ancien du colporteur / bonimenteur).
Je propose comme traduction : la Stratégie de Knock.
Les Anglo-Saxons ont souvent l’art de réinventer des concepts existants et de se les approprier en leur donnant des noms attractifs et rapidement universels. Or, le disease mongering n’est qu’une version mineure et partielle de la Stratégie de Knock qui est fondée sur le slogan du personnage titre de la pièce de Jules Romains, Knock ou le triomphe de la médecine (1922), : « Toute personne bien portante est un malade qui s’ignore. »
Ce slogan est d’une modernité époustouflante. Il permet de comprendre quels sont tous les partenaires de cette machination sociétale : les bien-portants et les malades, les maladies et les symptômes, les médecins et les non médecins, les fabricants de matériels diagnostiques et thérapeutiques et leurs utilisateurs, les autorités de contrôle les citoyens et les politiques au sens large.
Il souligne aussi pourquoi l’industrie pharmaceutique est seule capable de développer un modèle promotionnel global incluant une démarche marketing complexe (marketing mix) et pourquoi les autres acteurs, dont le point de vue est plus restreint, sont enclins à dire que l’enfer du disease mongering, c’est les autres oubliant que chacun y trouve un intérêt.
Mais la Stratégie de Knock ne peut être comprise sans la replacer dans un contexte historique. Nous en resterons à la période moderne mais nous savons qu’à toutes les époques la façon de considérer la maladie et les malades et a fortiori de les désigner a toujours été un constituant fort du lien social et un instrument déterminant du pouvoir.
Si à l’époque moderne le rôle de l’industrie pharmaceutique au sens large (Byg Pharma) est montré du doigt, cela n’a pas toujours été le cas : Le Malade Imaginaire de Molière (1673) insistait autant sur la bêtise des malades que sur la duplicité des médecins à vouloir faire plaisir aux patients tout en leur soutirant leur argent ; Bernard Shaw, dans son essai décapant de 1903, Doctor’s Dilemma, insistait sur l’outrecuidance des médecins omniscients et sur leur avidité qui leur commandait de traiter un maximum de patients avec pour conséquence inattendue de rendre malades ceux qui ne l’étaient pas encore ; on retiendra d’Ivan Illich (Nemesis Médicale, 1975) qu'il a d'une part attiré l’attention sur la médicalisation de la société et sur l’impasse médicale vers laquelle cela menait en termes d’efficacité et d’autre part qu'il a rendu à l'hygiène ce qui appartenait à l'hygiène en minimisant ce qui revenait à la médecine proprement dite.
Plus près de nous, c’est Lynn Payer (1994) qui a contribué à identifier le concept de disease mongering en insistant sur le lien très fort existant entre l’augmentation du nombre des malades et la courbe des ventes des médicaments.
Il n’est pas inintéressant, dans une perspective plus dynamique, de rappeler la French Theory de René Girard, et l’application de sa Théorie Mimétique aux maladies en général avec, ouvrage dernier en date, la parution en français de Anorexie et désir mimétique (2008).

N’oublions pas non plus que si des maladies apparaissent (et il est difficile de croire que le SIDA fait partie du disease mongering) il y en a d’autres qui disparaissent non pas seulement grâce à la médecine et à l’hygiène comme nombre de maladies infectieuses (du moins sous nos climats) mais aussi par effet de mode anti mimétique (l’hystérie). L'histoire de la médecine est remplie de ces apparitions / disparitions qui permettent de mettre à jour le contexte historique de ces phénomènes et non seulement leur origine psychologique ou sociologique.

Quels sont donc les procédés majeurs de la Stratégie de Knock ?
Je reprends une phrase de Monique Debauche (http://www.grouperechercheactionsante.com/diseasemon_llg51.htm) que je mélange à des données retrouvées dans l’article de Monhyan et al. [Moynihan R, Heath I, Henry D. Selling sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering. BMJ 2002;324:886-91.]

Le principe de la Stratégie de Knock est d’élargir le plus possible les frontières du pathologique traitable pour y inclure un maximum de personnes et ainsi vendre plus de tests diagnostiques, d’examens complémentaires, de consultations médicales et de médicaments. Soit en transformant un trouble mineur ou un processus ordinaire du vieillissement en maladie (la calvitie), soit en élargissant les critères d’une maladie existante (l’hyperactivité chez l’enfant), soit en transformant des symptômes légers en sévères (le syndrome du colon irritable), soit en transformant des facteurs de risques en maladies susceptibles d’être traitées sans qu’en définitive le pronostic du patient ne soit amélioré (ostéoporose)soit en médicalisant des troubles privés (les chagrins d'amour) ou sociétaux (les phobies), soit en exagérant la fréquence ou la gravité d’une maladie pour inviter les patients à consulter (troubles de la fonction érectile), soit en créant de toute pièce une maladie à partir de symptômes mal définis (fibromyalgie), soit en popularisant un syndrome pour en faire une maladie (le syndrome des jambes sans repos), soit en développant une politique de prévention (la pré hypertension, le pré diabète) pour faire peur.

La Stratégie de Knock se sert de tous les moyens anciens et modernes pour arriver à ses fins : la cupidité des médecins depuis le haut jusqu’au bas de la pyramide (cadeaux en tous genres), le besoin de reconnaissance des médecins (faire des diagnostics faciles, publier des articles que l’on a ou non écrits, mettre son nom sur des tests diagnostiques) et des patients (associations de malades), manipuler des données épidémiologiques pour faire peur, négliger les effets indésirables des traitements, etc. Elle infiltre les Institutions comme l'Académie de Médecine, l'Afssaps, la HAS, la Direction Générale de la Santé mais aussi la CPAM et les syndicats d'usagers, de malades et de médecins...

Il ne faut pas croire qu’il y ait un seul chef d’orchestre clandestin à cette Stratégie (qui serait Byg Pharma) : il existe dans la société tout entière un désir d’être en bonne santé et d’exiger que tout soit mis en œuvre (la santé n’a pas de prix) pour que les besoins collectifs et individuels soient satisfaits. Il existe aussi un désir de ne pas souffrir pour rien : il faut que les souffrants aient leur maladie identifiée, que les médecins fassent leur diagnostic, que les vendeurs vendent leurs tests diagnostiques, leurs examens complémentaires et leurs thérapeutiques et que les dirigeants des institutions se glorifient d’être à l’origine de cette bonne santé généralisée grâce à l’argent qui a été injecté et, surtout, grâce aux sentiments qu’ils ont prodigués aux bien-portants comme aux malades.
Et tout cela fait d’excellents citoyens.
Mais, finalement, la Stratégie de Knock permet la médicalisation de la société qui rassure en tentant de faire croire que l’on pourrait d’une certaine mesure échapper à la mort et, là, de façon contractuelle, aux souffrances éventuelles de la mort.

Dans un deuxième épisode nous tenterons d'approfondir la réflexion.

dimanche 1 février 2009

HISTOIRES DE CONSULTATION : SEPTIEME EPISODE

UNE DÉPRESSION ADMINISTRATIVE

Madame V a quarante-deux ans. Elle va mal depuis de nombreuses années en raison de problèmes familiaux : son mari, ses enfants, son boulot. Elle va mal mais elle en sort. Mais aujourd'hui la coupe est pleine. Elle pleurote dans mon cabinet. On parle, on discute, je la connais par cœur mais, bon, on ne sait jamais, a-t-elle envie de se jeter par la fenêtre ? Il ne semble pas. On va dire, pour faire plaisir à tout le monde qu'elle est déprimée. Cela ne lui convient pas tout à fait mais il est certain qu'elle présente certains traits de la dépression. Cela ne me convient pas vraiment mais je suis prêt à céder. Cela va me permettre de gagner du temps. On parle, on reparle, elle n'a pas d'idées suicidaires, elle a un peu de mal à envisager l'avenir mais n'importe qui, dans sa situation, serait un peu embêté : son mari boit (mais pas trop), ses enfants n'aiment pas beaucoup l'école et sa directrice ne l'aime pas. A cause de son mari et de ses enfants, semble-t-il. Je me dis : qu'est-ce que je ferais dans sa situation ? Eh bien, franchement, j'en aurais un peu ras le bol. Mais serais-je déprimé pour autant ?
Nous convenons donc qu'elle prendra un anxiolytique à la demande en cas de crise d'angoisse.
Arrêt de travail car elle ne supporte pas sa directrice.
Coup de fil affolé de la patiente quelques jours après : elle a été convoquée par le médecin du travail de la territoriale qui lui a demandé fortement pourquoi son médecin traitant ne lui avait pas prescrit d'antidépresseurs et pourquoi n'était-elle pas allée voir la psychologue ?
Je calme la malade et prends mon téléphone.
Le médecin du travail est une femme charmante, je la connais un peu, mais elle y tient : il serait nécessaire qu'elle voit une psychologue de secteur et elle voudrait savoir pourquoi j'attends de lui prescrire des antidépresseurs. Ma patiente ne rêvait pas.
J'essaie de lui expliquer qu'il ne s'agit pas d'une dépression vraie, que je ne vois pas l'intérêt d'aller chez une psychologue, peut-être chez un psychiatre, et encore. Et, de toute façon, vus les délais...
Le médecin du travail n'est pas contente du tout : je dois être un mauvais médecin puisque je ne prescris pas du prozac ou apparentés.
j'essaie encore de lui dire que le problème de cette femme n'est pas au prozac mais à ses conditions de vie et que je m'emploie pour qu'elle les accepte mieux. Nus faisons des efforts.
Elle n'est pas convaincue. Elle finit par me dire que cette femme travaille à la crèche, qu'elle a parlé à la directrice qui pense elle-aussi qu'elle est déprimée...
Alors, là, je lui demande si c'est son habitude de discuter médecine avec les directrices de crêche, si elle n'est pas soumise, comme tout le monde, au secret médical, et si les informations qu'elle a dû forcément laisser filtrer ne sont pas venues aux oreilles des collègues de la patiente.
Son silence est éloquent.
Je ne sais plus quoi faire mais désormais, mon objectif, mais cela l'était déjà auparavant, c'est quand même de protéger ma patiente et de faire en sorte qu'elle puisse reprendre le travail le plus rapidement possible. Comment va-t-elle avoir envie de réapparaître devant ses collègues avec un diagnostic de dépression avérée et en sachant qu'on leur a dit sur elle des choses qu'elles n'auraient pas dû savoir ?
Faut-il que je fasse un courrier au directeur de la médecin du travail ?
Je dois avant tout rassurer ma patiente.
C'est ce que je vais essayer de faire.
Tout le monde est capable de réfléchir à ce cas : cette patiente n'est manifestement pas dépressive ; l'institution a décidé qu'elle l'était ; la société pense par ailleurs que tous les dépressifs doivent aller voir un psychiatre et prendre des antidépresseurs. Les médecins du travail aussi. Faut-il, pour être vraiment dépressif, prendre des antidépresseurs ? De quoi la société a-t-elle peur ?

jeudi 29 janvier 2009

HISTOIRES DE CONSULTATION : SIXIEME EPISODE

Un clin d'oeil aux manifestations.

Monsieur S, 56 ans, est un supporter acharné de l'OM. Nul doute qu'il ne s'agit pas d'une catégorie de patients cataloguée par le census braunien mais toujours est-il que ce patient que je connais depuis mon installation, dont je suis le médecin de sa famille depuis mon installation, mais pas son médecin depuis mon installation parce qu'il travaille à la SNCF et qu'il a l'habitude d'aller voir les médecins SNCF (je passe sur ce détail anecdotique sans faire aucun commentaire sur les médecins SNCF, nous sommes à la veille d'un jour de lutte sociale et il faut aussi que les médecins serrent les rangs pour obtenir le plus vite possible des augmentations d'honoraires, donc : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, dont les médecins SNCF, dont acte), donc, ce monsieur, charmant au demeurant, qui a désormais choisi que je sois son médecin traitant depuis qu'il n'est plus contraint d'aller consulter un médecin agréé (je n'ai pas dit agrégé bien que je connaisse de nombreux médecins agrégés, voire chefs de service, qui sont médecins SNCF, dans un grand élan social, n'en doutons pas), supporter acharné de l'OM (personne n'est parfait et nul ne me reprochera de ne pas pratiquer l'empathie et encore moins la sympathie puisque je suis supporter, pas acharné du tout, du Paris Saint-Germain -- chacun ses faiblesses et c'est mieux que de prescrire du pipi de chat hors AMM à un malade qui est tout juste un patient), est malade.
Pour l'heure, rien de politiquement incorrect. Il a même une angine et, comme c'est un malin et que, bien que supporter de l'OM acharné (et il ne sait pas encore que l'OL va battre ce soir son équipe préférée lors d'un match d'un ennui profond), il ait un poil d'humour, il me lance, rigolard : "Les antibiotiques, docteur, c'est pas automatique." Je lui lance une réplique à ma façon (le genre mec qui comprend mais à qui on ne la fait pas...) puis il ajoute : "J'ai surtout une grande nouvelle à vous annoncer : je suis à la retraite depuis le premier janvier !"
Je le regarde avec sérieux et tristesse : Je crains, cher ami, que vous ne deviez changer de médecin traitant. Si vous ne pouvez conduire un train à cinquante-six ans, moi, au même âge que vous, je ne suis pas non plus capable de vous soigner..."
Il a eu beaucoup moins d'humour que pour les antibiotiques mais il a fini par rire jaune et après être sorti du cabinet, avec une ordonnance sans antibiotique, il m'a serré la main avec chaleur.
Le reverrai-je un jour ce joyeux retraité ?

dimanche 25 janvier 2009

ALLHAT : CONFLITS D'INTERET CHEZ LES CHASSEURS DE CONFLITS D'INTERETS

L'étude ALLHAT et ses (non) conséquences en termes de prescription résument de façon spectaculaire la résistance aux changements [Coch L, French JRP (1948) Overcoming resistance to change. Human Relations, Vol 11, pp 512-32] Cette notion de résistance aux changements est généralement appliquée au domaine du monde du travail mais a été souvent élargie (et galvaudée ?) à la société tout entière.
Elle a souvent permis aux innovateurs de s'auto-justifier lorsque les réformes qu'ils avaient proposées ne "marchaient" pas. Ce qui leur permettait de s'exonérer de s'interroger sur la validité intrinsèque des changements qu'ils proposaient.Dans le cas de l'étude ALLHAT il est généralement admis que la résistance aux changements (c'est à dire le non changement des habitudes de prescription de molécules dans le traitement de l'hypertension artérielle [HTA] par les médecins provient surtout des influences délétères de l'industrie pharmaceutique (Byg Pharma) et de son rôle néfaste pour promouvoir les produits les plus chers aux dépens des produits les plus anciens.

Nous avons déjà analysé l'étude sous cet angle : voir LA.

Mais nous nous attacherons ici à analyser un certains nombre de commentaires sur l'étude elle-même, notamment sur un site "indépendant" de formation médicale continue (FMC) ou, plutôt, de surveillance de l'indépendance de la FMC [http://formindep.org/Grande-etude-petites-consequences], et un certain nombre de recommandations comme celles de La Revue Prescrire "déduites" de l'étude ALLHAT dont nous avons déjà parlé sur ce blog : [http://docteurdu16.blogspot.com/search/label/HTA%20%3A%20traitement%20de%20deuxi%C3%A8me%20ligne%20selon%20La%20Revue%20Prescrire].


La critique de Byg Pharma.
Voici ce que je lis sur le site Formindep pré-cité, c'est le début d'une phrase : "Voilà donc un essai indépendant, financé par l'argent public, à la méthodologie inattaquable,...".

  • "Essai indépendant, financé par l'argent public," : cet essai, dont le promoteur était le National Heart, Blood and Lung Institute, qui est une des agences du National Institute of health, (NHLBI is part of the National Institutes of Health (NIH), the Federal Government's primary agency for biomedical and behavioral research. NIH is a component of the U.S. Department of Health and Human Services.) peut être retrouvé en ligne[http://www.nhlbi.nih.gov/health/allhat/facts.htm], a coûté 130 millions de dollars dont 40 millions de dollars payés par Pfizer (source : New-York Times cité par Formindep : http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?_r=1&scp=1&sq=allhat&st=cse). Peut-on donc affirmer avec autant d'aplomb que l'essai était financé par l'argent public, en laissant entendre, seulement par l'argent public, alors qu'un peu plus de 30 % des fonds provenaient du premier laboratoire mondial dont le chiffre d'affaires dans l'HTA pour le produit Norvasc (amlodipine) était en 2002 de 38,1 milliards de dollars ?

  • "...à la méthodologie inattaquable," : il faut être assez innocent et peu expérimenté pour penser que la méthodologie d'un essai puisse être inattaquable ! La mise au point d'un essai clinique est une entreprise intellectuelle et scientifique qui entraîne, à tous les moments du processus, des prises de décision, des arbitrages, des choix cornéliens, quand il ne s'agit pas de choix liés à des contraintes... économiques. C'est Pfizer en particulier qui a imposé le Cardura (doxazosine) dans l'essai en augmentant sa participation financière de 100 % (cf. supra) ! Ce qui n'a pas été une initiative très heureuse ! Et ce qui montre combien les firmes peuvent s'auto-intoxiquer par tout le bien qu'elles pensent a priori de leurs produits et combien l'esprit critique est indispensable dans la prise de décision industrielle.Pourquoi, en particulier, n'avoir pas introduit un bêtabloquant comme produit de première ligne, notamment chez des patients avec au moins un facteur de risque, dont coronarien ? Les auteurs répondent : en raison des contre-indications : dont acte.
Voici un certain nombre de points qui semblent infirmer l'idée d'une méthodologie attaquable :
  1. Le recrutement des patients. Il y avait deux types de patients inclus : d'une part des patients naïfs qui n'avaient jamais reçu auparavant de médications antihypertensives, d'autre part des patients hypertendus traités qui n'avaient pas atteint les valeurs cibles. Ces patients présentaient au moins un facteur de risque associé, soit, par exemple, être fumeurs et / ou présenter un diabète sucré. Jamais dans les commentaires lus cette mention n'est rappelée.
  2. Le recrutement des patients. Les patients naïfs avaient en moyenne (SD) à l'inclusion des pressions artérielles (PA) de 156 (12) / 89 (9) mm Hg, ce qui signifie que nombre de patients inclus dans cette étude à la méthodologie inattaquable ne sont probablement pas considérés comme des hypertendus à traiter par La Revue Prescrire [Rev Prescrire 2004;24(253):601-11] mais il est vrai que je n'ai pu me procurer la distribution des patients en fonction de leurs PA... Quant aux patients déjà traités et inclus dans l'essai leurs chiffres moyens de PA étaient de 145 (16) / 83 (10) mm Hg (mêmes remarques).
  3. La randomisation. Il est assez difficile, même si la randomisation automatisée a été faite par téléphone, de croire que les médecins n'étaient pas au courant de la médications qu'ils donnaient dans la mesure où la première phase a été une phase de titration avec le dosage des produits inscrits sur le comprimé (les dosages de titration de la chlortalidone [12,5 ; 12,5 en aveugle, 25] sont différents de ceux de l'amlodipine [5, 10, 20], du lisiprinosil [10, 20 et 40 mg] et de la doxazosine). Détails, me direz-vous, mais méthodologie inattaquable : nenni.
  4. La deuxième phase de traitement : lorsque les objectifs de PA n'étaient pas atteints et que la dose maximum du premier produit avait été atteinte, les patients recevaient soit de l'atenolol (25 à 100 mg / jour), soit de la réserpine (0,05 à 0,2 mg / jour), soit de la clonidine deux fois par jour (0,1 à 0,3 par prise). On ne peut pas dire qu'il s'agisse de produits "modernes" (ces produits ne sont même pas cités par LRP dans les produits utilisables dans le traitement de l'HTA) et on peut remarquer que la chlortalidone a plutôt un effet coopératif... Quant à la troisième phase, je ne résiste pas à vous la donner en exclusivité : hydralazine (25 à 100 mg deux fois par jour). Il était cependant possible de donner les autres molécules de la première phase en fonction des circonstances cliniques...
Les Préconisations de La Revue Prescrire.
Comme nous l'écrivions le jeudi 20 mars 2008 [http://docteurdu16.blogspot.com/search/label/HTA%20%3A%20traitement%20de%20deuxi%C3%A8me%20ligne%20selon%20La%20Revue%20Prescrire] La Revue Prescrire a décidé de privilégier les monothérapies successives après échec du traitement diurétique plutôt que les bithérapies d’emblée à partir de sources qui, selon LRP, sont d’un faible niveau de preuve [Dickerson JEC et al. Optimisation of antihypertensive treatment by crossover rotation of four major classes. Lancet 1999;353:2008-13] : selon cette étude, quelle que soit la première monothérapie utilisée (diurétique, bêtabloquant, IEC ou IC) seuls 39 % des patients ont atteint l’objectif de réduction de la pression artérielle (en dessous de 140 / 90 mm Hg) sans différence entre les monothérapies tandis que 73 % des patients ont atteint l’objectif avec au moins une de ces monothérapies testées successivement pendant un mois.
La question qui se pose est la suivante : pourquoi La Revue Prescrire n'a-t-elle pas suivi les Préconisations de l'étude ALLHAT ?
"De nombreux patients hypertendus ont besoin de plus d'une molécule pour contrôler la PA de façon parfaite et les diurétiques devraient faire partie des traitements multiples."
La Revue Prescrire n'aime-t-elle pas, par principe, les associations fixes qui auraient permis d'augmenter de façon significative le nombre de patients traités par diurétiques thiazidiques ?
Enfin, il aurait été intéressant de noter qu'une étude ne durant que six ans, pouvait passer à côté de la survenue de diabètes de type II chez les patients traités par diurétiques (et qui n'apparaîtraient qu'au bout de dix ans).

Conclusion : Mêmes les études les plus inattaquables sont discutables et une discussion avec TOUS les arguments méritent mieux qu'une mise en cause a priori de l'industrie pharmaceutique. La transparence doit s'appliquer même aux résultats qui dérangent.
Ainsi, la résistance aux changements, doit autant aux médecins qui sont gênés (à tort me semble-t-il) par les contraintes supposées des diurétiques qu'aux malades (mis au courant des effets indésirables possibles des diurétiques) qui pourraient les refuser.

mardi 20 janvier 2009

CONFLITS D'INTERETS : LA FDA NE FAIT PAS SON BOULOT

Selon un rapport des contrôleurs du Department of Health and Human Services américain [The Food and Drug Administration's Oversight of Clinical Investigators' Financial Information. Department of Health and Human Services, Office of Inspector General. January 2009. Available at http://www.oig.hhs.gov/oei/reports/oei-05-07-00730.pdf.] la FDA ne fait pas son boulot qui est de s'assurer que les recommandations fédérales exigeant des promoteurs d'essais cliniques qu'ils rassemblent les informations financières concernant les investigateurs lors de la sortie des essais et qu'ils essaient de minimiser les possibilités que les intérêts financiers modifients les résultats soient respectées.

Près de 42 % des nouvelles demandes de commercialisation d'un produit approuvées par la FDA en 2007 ne comportaient pas d'informations sur de potentiels conflits d'intérêt concernant les investigateurs susceptibles d'entraîner des biais au cours du processus d'approbation. Bien plus : dans un cinquième des cas où ces informations étaient présentes, la FDA n'est pas intervenue.

La FDA n'a pas nié les faits rapportés.

Les faits importants de ce rapport sont les suivants :
  • Seulement 1 % des investigateurs (206 sur 29691) a déclaré un intérêt financier.
  • La FDA ne dispose pas de la liste complète des investigateurs cliniques et ne pratique pas des inspections sur sites pour confirmer que les informations financières soumises sont complètes, ce qui signifie qu'elle ne peut savoir si les promoteurs ont fourni des informations finacières sur tous les investigateurs.
  • Pour 42 % des demandes approuvées par la FDA, les informations financières sont manquantes, pour 23 % des demandes le certificat de déclaration est manquant et dans 28 % des demandes les sponsors "due-diligence", c'est à dire "avec un devoir élémentaire de précaution" (ou : de bonne foi).
  • La FDA ne documente pas les informations financières pour 31 % des demandes.
  • Dans 20 % des demandes où apparaissent des conflits d'intérêt financiers ni la FDA ni les promoteurs ne font quelque chose.
Rassurant, non ?

jeudi 15 janvier 2009

GLAXOSMITHKLINE SAVAIT POUR LA ROSIGLITAZONE / AVANDIA !

Le Wall Street Journal qui, comme vous le savez, est un journal gauchiste, mais, comme vous le savez aussi, préfère probablement les intérêts américains à ceux d'un groupe britannique (GSK), révèle dans son numéro du 14 janvier dernier [Mundy A, Favole J. Glaxo's emails on Avandia reveal concern. Wall Street Journal, January 14, 2009. Available at www.wsj.com.] que la firme GSK disposait des mêmes informations que les chercheurs sur les risques cardiovasculaires de leur molécule rosiglitazone / avandia.
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Nous ne rappellerons pas ici qu'un des relecteurs du New England Journal of Medicine avait prévenu GSK de l'imminente publication de la méta-analyse de Steven Nissen [Nissen SE and Wolski K. Effect of rosiglitazone on the risk of myocardial infarction and death from cardiovascular causes. N Engl J Med 2007; 357: 100. ] qui montrait que la rosiglitazone augmentait significativement le nombre des infarctus du myocarde (+ 43 %) et augmentait le risque de décès cardiovasculaire de 64 % (limite de la significativité).
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Ce relecteur, Steven Haffner, avait permis à GSK de publier précipitamment des données qui ne montraient pas les mêmes effets délétères cardiovasculaires [Home PD, Pocock SJ, Beck-Nielsen H, et al. Rosiglitazone evaluated for cardiovascular outcomes-an interim analysis. N Engl J Med 2007; 357: 28-38. ]. Par la suite on avait appris qu'Haffner avait reçu de l'argent de GSK (400 000 dollars en huit ans !) et GSK n'avait eu de cesse que les résultats de cet essai soient inclus dans la méta-analyse de Nissen...
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On sait donc maintenant que les chiffres de l'étude Nissen n'avaient pas surpris Moncef Saoui, directeur de recherche et développement chez GSK, mais que GSK reprochait à Nissen d'avoir tiré des conclusions trop hâtives.
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Mais le Wall Street Journal souligne que la FDA est également sous pression pour ce qui est de la conduite de l'affaire. En juin dernier la FDA avait décidé de laisser le produit sur le marché dans l'attente de l'analyse des nouvelles données tout en durcissant les avertissements, mais on sait maintenant qu'elle connaissait les données de Nissen un an avant leur publication !