mardi 24 mai 2011

Grande victoire de l'EBM : à propos de la bronchiolite.


Le 29 avril dernier j'écris et je publie un post sur la bronchiolite avec un titre que je crois provocant "Que faire ? Rien." (ICI).
Quelques jours après, je reçois, à 14 heures un enfant de 9 mois qui a du mal à respirer, qui était fébrile la veille au soir et qui ne l'est plus en ce début d'après-midi.
Je l'examine et je conclus à une bronchiolite (malgré la période de l'année), premier épisode chez un enfant dont la fratrie est exempte de tels phénomènes et chez qui les ascendants ne présentent pas d'asthme. Je donne de bons conseils (hydratation, alimentation régulière, position de couchage, ne pas trop le manipuler) et je conseille des désinfections rhinopharyngées répétées et du doliprane à la demande.
Je suis content de moi (cela ne saurait étonner personne) car je me suis retrouvé devant un cas pratique peu après avoir fait des recherches de littérature pour écrire mon post, je suis dans le cas d'une expérience externe confrontée à une expérience interne (j'ai expliqué le 29 avril quels avaient pu être les modifications de mon attitude au cours de mes 32 années d'exercice) et la maman de l'enfant, attentive, sérieuse, et lisant occasionnellement mon blog, est une femme à qui on peut expliquer les choses (les doutes, j'essaie de ne pas les faire partager) et les raisons de ma façon de procéder.
Aujourd'hui, c'est à dire cinq jours après, je me rends à ma réunion de pairs, bien décidé à parler de cette histoire malgré le fait qu'il ne s'agisse pas de mon troisième malade (cela nous arrive quelque fois et personne ne s'en émeut). Nul n'étant prophète en son pays, aucun de mes pairs n'a lu mon post du 9 avril.
"J'ai reçu mardi dernier un enfant de 9 mois avec des difficultés respiratoires. En voyant et en entendant l'enfant on se rend compte qu'il a le nez bouché ; il avait de la fièvre le soir d'avant et il est apyrétique ce matin ; j'entends des sibilants dans les deux champs, la fréquence respiratoire est de 30 et il n'y a pas de tirage sternal. Je rassure la maman, je donne les conseils habituels, je ne fais pas d'ordonnance car elle a déjà du sérum physiologique à la maison ainsi que du doliprane sirop pédiatrique. Et basta. Le lendemain matin la maman a repris rendez-vous. Vers 21 heures, me dit-elle, le petit Z s'est mis à respirer plus mal. Toujours pas de fièvre. Au premier coup d'oeil je me rends compte que l'enfant n'est plus le même : il respire bruyamment, sa fréquence respiratoire est à 60, il y a un tirage sternal et elle a eu du mal à l'alimenter. Tout cela, pour moi, ce sont des arguments à le faire hospitaliser. Je rédige un courrier tapuscrit pour les urgences et je demande à la maman de m'appeler de là-bas pour me donner le résultat des courses. A onze heures, coup de fil de la maman : "Nous sortons des urgences ; Z va bien. Il a très bien réagi à la ventoline, ils ont conclu à une crise d'asthme, pas à une bronchiolite, et il a une ordonnance de ventoline et de célestène"" Mon commentaire devant mes pairs : "Il y a des moments où le diagnostic n'est pas possible au cabinet. Je n'ai pas encore reçu le courrier des urgences... Je suis quand même surpris de la posologie de la ventoline au baby haler : 6 pulvérisations 6 fois par jour pendant 2 jours puis 5, et cetera..."
Mes pairs : "Moi, dès le premier jour j'aurais fait de la ventoline et du célestène. Un autre : Pareil. Un autre : Oui, mais il faut faire une démonstration avant de les laisser partir. Un autre : La kiné, je la prescris systématiquement. Un autre : Oui, mais pas le premier jour, c'est sec. Suivent des discussions sur les posologies du célestène, sur le moment de la kinésithérapie... Tu as bien fait, avec une fréquence pareille de le faire hospitaliser... Un oxymètre, ça pourrait nous servir ?... Très bonne idée de faire appeler la mère des urgences... Tu as pu faire cela parce que la mère était cortiquée..."
Je passe les détails.
Je reviens à l'EBM : je me suis posé des questions en fonction de mon expérience externe (toute neuve, liée à la rédaction de mon post, c'est ce qui a pu fausser mon jugement), de mon expérience interne (faite de présupposés de 32 ans d'erreurs ou d'à peu près ou de vérités dissimulées derrière le paravent du bon sens) et de la maman cortiquée(le petit Z n'en pouvait mais).
Vivent les goupes de pairs, fussent-ils sauvages comme le nôtre !


samedi 21 mai 2011

La Visite Académique se trompe de cible : qu'elle s'intéresse aux spécialistes hospitaliers !

Figure due à François Pesty

(Je reçois la lettre d'information d'Hugues Raybaud (ici). J'y lis une accroche sur un article de François Pesty qui est, d'après les informations de son site, consultant ITG (???). Sur le site d'Hugues Raybaud il est possible de consulter un fichier Power Point mais il est aussi possible de lire l'article publié sur son site (ici). Je me sers d'un commentaire (anonyme) de CMT sur ce blog qui conseille de lire un article (ici) et je rédige ce post :)

François Pesty écrit pour vendre une idée, la visite académique (ici) que je dénonce en raison 1) de son côté ringard : faire, à l'heure d'internet, de la visite à domicile pour des médecins suppposément déjà dépassés par leur charge de travail et qui plus est, aux heures de bureau, est assez surprenant ; 2) de son côté déplacé : la visite académique ne peut se concevoir qu'entre pairs et, qui plus est, qu'entre pairs qui n'ont pas de liens d'intérêt forts comme ceux d'être des salariés de la CNAMTS ; 3) de son côté rivalité mimétique : Big Pharma fait de la visite médicale et donc, au lieu de critiquer la visite médicale en tant que medium, nous allons faire comme Big Pharma ; 4) de son côté dispendieux : François Pesty doit connaître le prix exorbitant d'une visite médicale chez un médecin et pense que la CNAMTS va suivre en faisant former les VM "officielles" par une officine privée (voir infra).
Il n'est pas inopportun de savoir que le dénommé Pesty s'occupe d'une société (un collectif) pour promouvoir la visite académique : le PUPPEM (Pour une Prescription Plus Efficiente du Médicament) (ici). Donc, le sieur Pesty, chevalier blanc du combat pour les produits reconnus et pas chers, et qui veut promouvoir son collectif sus cité, combat la CNAMTS (et quelqu'un qui combat les méthodes de promotion de la CNAMTS ne peut pas être franchement mauvais) parce qu'elle 1) ment sur les chiffres qu'elle produit pour défendre sa politique (c'est une habitude classique de désinformation autopromotionnelle et cléricale des institutions) ; 2) parce que la visite académique des DAM (déléguée de l'assurance maladie) n'est pas, selon lui, assez efficiente (il se propose de les former).
Il prend l'exemple du traitement de l'HTA et celui de la prescription des IEC (inhibiteurs de l'enzyme de conversion) et des sartans.
Les idées de sa présentation : 1) les produits les plus chers sont les plus prescrits ; 2) les produits les plus chers (i.e. les plus récents) ont le moins de preuves scientifiques d'efficacité ; 3) les produits les plus chers sont promus par Big Pharma ; 3) les DAM sont inefficaces ; 4) la maîtrise médicalisée de la CNAMTS ne marche pas.

Je n'analyserai pas toute la présentation qui est, à mon sens, un peu trop "démonstrative".

Je ferai cependant les commentaires suivants :
  1. Si vous voulez bien vous reporter à la figure en tête de ce post, vous remarquerez que FP prend comme prix mensuel du captopril 25 mg en boîte de 30 (5,71 euro), qu'il compare ce prix à celui de l'Exforge (association IC et sartan) 26,5 euro et il en conclut, triomphant, qu'il est 5 fois moins onéreux. c'est bien entendu une erreur (ou un mensonge ?) : combien un patient moyen prend-il par jour de comprimés de captopril, sachant que a) la posologie (liée à la cinétique de la molécule) exige deux prises, b) que la dose de 25 mg, même en deux prises, est le plus souvent inefficace ? Je ne connais pas, n'ayant ni les chiffres de la CNAMTS ni les chiffres de l'IMS, quelle est la posologie moyenne du captopril 25 mg mais nous assumerons le fait qu'il y a deux prises par jour et ainsi le prix du captopril 25 mg devient 10,42 euro, soit, à la louche (mais dans cette analyse nous nous mettrons au diapason de FP) un prix une fois et demi plus important. Ne parlons pas du cas où le patient hypertendu est traité par 75 mg par jour de captopril... Il aurait pu se rendre compte de son erreur en notant que l'association captopril / hydrochlorothiazide est dosée à 50 mg de captopril et coûte effectivement 11,03 euro ! La CNAMTS ment mais FP aussi.
  2. FP, inversement, prend comme référence ramipril 10 mg alors que le plus prescrit est le ramipril 5 mg et, pour démontrer, utilise le prix du 10, plus élevé, et non celui du 5, environ 11 euro, le prix du captopril utilisé à bonne dose !
  3. Je n'insisterai pas non plus sur le point suivant : FP ne nous dit pas que la monothérapie est difficile à obtenir sur le long terme dans le traitement de l'HTA et que nombre de produits sont coprescrits avec de l'hydrochlorothiazide qui est le diurétique le plus étudié dans la littérature mondiale.
  4. FP, par ailleurs, découvre le secret de la pierre philosophale : les produits les plus prescrits sont les produits promus par Big Pharma ! Nous croyions, nous, les naïfs, que Big Pharma entretenait des réseaux de visite médicale pour former, édifier, informer, les médecins, eh bien non, Big Pharma le fait pour des raisons bassement commerciales... Et on ne nous l'avait pas dit !
  5. Au lieu de dire que la visite académique, et malgré quelques essais à mon avis pas aussi concluants que cela au Canada et aux Etats-Unis, n'aura jamais les moyens de la visite médicale traditionnelle Big Pharmatée et coûtera une fortune, FP préfère insister pour promouvoir son collectif.
Mais ce n'est pas fini.
Je vais donc, par égard pour FP, faire une pause pour dire que je ne le connais ni des lèvres ni des dents, que je n'ai aucun intérêt (actuel) à dénigrer la visite académique et que je ne signe pas un article dicté par Christian Lajoux...

Il se trouve que l'analyse de FP a surtout un défaut fondamental : elle est encore une fois ciblée sur les médecins généralistes qui n'en peuvent mais alors que la visite académique devrait commencer, si elle avait une quelconque utilité, être faite d'abord à l'hôpital, dans les cliniques et dans les cabinets libéraux de médecins spécialistes d'organes.
Il y en a assez de ce contrôle des généralistes qui épargne les prescriptions hospitalo-centrées !
C'était notre côté démagogue pour les médecins généralistes.
Quoi qu'il en soit un article pêché dans une revue de l'industrie pharmaceutique (ici) nous rapporte que les médecins généralistes sont des has been pour Big Pharma.
Nous lisons ceci :

Les produits de spécialité tirent la croissance

Une nouvelle fois, les produits de spécialité ont pesé lourd dans la balance de l'assurance maladie. Les remboursements de ces spécialités thérapeutiques pour la plupart prescrites à l'hôpital et délivrées dans les officines de ville, ont crû de 386 millions d'euros l'an dernier (4). Elles comptent pour 75 % de la croissance globale des dépenses de médicaments. Dans le détail, les traitements des infections virales chroniques (+92 millions d'euros) et les anti-rhumatismaux spécifiques (+81 millions d'euros) enregistrent les plus fortes variations de l'année 2009. A moindre échelle, les médicaments indiqués dans le traitement des pathologies chroniques (+99 millions d'euros) et des épisodes aigus (+61 millions d'euros) ont respectivement connu une augmentation de 1,2 % et de 1,5 %. Autre phénomène intéressant : les prescriptions hospitalières (médicaments rétrocédés inclus), qui englobent un quart des dépenses de médicaments délivrés en ville (27 %), ont progressé de 7 % en 2009 (contre 0,8 % pour les prescriptions des médecins de ville). Fortes d'une hausse de 371 millions d'euros sur la période, elles représentent 74 % de la croissance des montants remboursés en ville. « Depuis cinq ans, les prescriptions de sortie d'hospitalisation tirent les dépenses de ville, regrette Frédéric van Roekeghem. La maîtrise médicalisée doit absolument s'élargir à la prescription de sortie hospitalière. Il s'agit d'un besoin important pour la dynamique d'ensemble. »


Dernier point encore : la spécificité française de la moindre performance des produits génériques par rapport à des pays comme les Etats-Unis tient à la complaisance de l'AFSSAPS pour les AMM bidons comme le perindopril 5 (Coversyl servier) commercialisé pour contrer la générication de la molécule sans aucun intérêt clinique et, également, le prix globalement élevé des génériques par rapport aux princeps...

Je n'ai rien contre François Pesty, ses analyses sont intéressantes et ont au moins le mérite d'exister pour ceux qui n'y connaissent rien au marché pharmaceutique (les médecins français n'aiment pas l'économie et tout ce qui touche au coût-efficacité ou au coût-efficience) mais je ne partage pas son avis sur la Visite Académique et lui conseille de revoir ses courbes qui sont très démonstratives mais qui pourraient l'être autant en corrigeant les erreurs d'interprétation.

Que la Visite Académique commence par l'hôpital, les staffs, et l'on verrait les problèmes de statuts et de conflits d'intérêt. Que la Visite Académique commence là où les prescriptions de produits chers est générée et on pourra ensuite s'occuper des généralistes qui ont un effet masse mais cependant à la marge des vraies dépenses.




jeudi 19 mai 2011

L'HAS reconnaît que ses recommandations sur l'Alzheimer étaient conflictuelles. Encore un succès du Formindep !


L'annonce hier dans l'émission Le téléphone sonne de France Inter (ici grâce à la diligence du site Atoute.org) par le Président de l'HAS (Haute Autorité de Santé), la première phrase de Wikipedia lui étant consacrée indique "hématologue et homme politique français", c'est tout dire, du retrait des recommandations concernant la maladie d'Alzheimer est un coup de tonnerre .
C'est un coup de tonnerre car, après l'invalidation des recommandations sur le Diabète par le Conseil d'Etat (voir ici sur ce blog), c'est encore une fois la preuve que la Loi n'est pas appliquée en France, qu'il existe un lobby politico-administrativo-industriel qui règne en maître sur les décisions du gouvernement et des Agences gouvernementales quand il s'agit de prendre des décisions de Santé Publique.
C'est un coup de tonnerre car le retrait de ces recommandations porte non seulement atteinte à la réputation de l'HAS et à celles et ceux qui y travaillent mais devrait entraîner le caviardage de centaines de milliers de pages officielles consacrées au fameux Plan Alzheimer du Président Sarkozy. Car ce plan cite l'HAS et ses recommandations à gogo. Car la CNAM utilise ce plan pour délivrer les ALD et pour s'assurer que le patient sera "bien" traité. Car les médecins conseils ont les recommandations HAS comme livre de chevet. Car les visites dites académiques des DAM se font en citant les conclusions de l'HAS. Car les préfets se fondent sur cela pour mettre au point les politiques départementales et régionales. Car les ARS n'ont que cet acronyme à la bouche : HAS, HAS, HAS. Quant au Comité Scientifique de la CNAMTS...
Mais ne nous y trompons pas, nous ne sommes qu'au début d'un processus. Car l'HAS a retiré les recommandations pour ne pas se faire toquer sur les liens et conflits d'intérêt, pas sur le fond de l'affaire qui est l'utilisation de produits peu efficaces (les anticholinestérasiques) comme base des traitements médicamenteux.
La refonte du système passe par une meilleure définition des tâches, par l'arrêt du jeu des chaises musicales des différents experts entre l'AFSSAPS, l'HAS, la DGS, le HCSP et autres officines où la carte politique est aussi importante que le handicap au golf qui touchent des jetons de présence de partout à la fois et, bien entendu, de Big Pharma.
Quant à nous dire qu'il n'est pas possible de trouver des experts compétents qui ne soient pas rémunérés par l'industrie, il ne faut pas confondre la compétence vraie et la compétence estampillée par Big Pharma. Je me permets de vous renvoyer au texte que j'ai écrit sur La Fabrication des Experts ou Expert Mongering qui montre que nombre d'experts dits incontestables, dits Opinion Key Leaders (leaders d'opinion) ne sont que des marionnettes de Big Pharma et que, tels des agents secrets, ont été recrutés dès l'internat pour servir de poissons pilotes à l'industrie. Je ne nie pas que certains d'entre eux soient des gens compétents, connaisseurs de la littérature, expérimentateurs de qualité, fluent in English, mais ils sont aussi connus, croyez-vous que les industriels du médicament et du reste fassent de la philanthropie intellectuelle ?, pour être très compliants à l'égard de Big Pharma. Je ne parle pas des autres, les experts bidons, qui signent des articles qu'ils ne sont pas capables de rédiger, qui font des présentations qui leur ont été dictées, qui ont comme seule sources d'informations la littérature qu'on leur a fournie. Mais il y a aussi les entre deux, qui tentent de faire leur boulot et qui n'ont pas compris combien, parfois, ils pouvaient être manipulés.
Est-ce que Le téléphone sonne toujours deux fois

Je rajoute le lien avec le communiqué du Formindep qui est apparu sur son site après la publication de ce post : ICI.

lundi 16 mai 2011

Une photographie déchirante. Histoire de consultation 80.

La mélodie du bonheur - Robert Wise - 1965

Chez Madame A la visite est toujours identique, les mêmes mots, les mêmes gestes, une sorte de cérémonial auquel elle ne veut pas déroger et auquel je me prête sans me forcer, me laissant porter par la grande tristesse supposée de cette femme très âgée (quatre-vingt-trois ans). C'est une demoiselle qui ne souhaite même pas que j'entrouvre son corsage pour écouter son coeur et dont je n'ai palpé l'abdomen, un jour où elle avait mal au ventre, qu'à travers le tissu de sa blouse. J'ai l'impression, mais je ne lui ai jamais posé de questions, pourquoi poser des questions de ce type à une dame qui souffre d'hypertension artérielle et de diabète non insulino-dépendant, que le contact physique et la moindre intention de déshabillage la paralysent. J'ai pensé, toujours les interprétations faciles et évidentes, qu'il y avait une scène "originelle". Mais je ne suis pas intéressé par la nature de cette scène : c'est sa vie. Elle m'en parle, je l'écoute, elle ne m'en parle pas, je me tais. "J'ai toujours eu peur des hommes" m'a-t-elle dit un jour. Je l'ai regardée avec une grande neutralité (je ne sais pas si mon air neutre est réussi, personne ne me l'a jamais dit, enfin, si, il semblerait quand même que mon air neutre soit synonyme de désintérêt. Ce qui n'est pas le cas. Plutôt de la pudeur. Mais le médecin traitant, comme on dit aujourd'hui, doit-il être prude ? Son rôle n'est-il pas de faire parler le patient qui consulte pour un autre motif et de faire éclater la vérité sur la nature profonde du mal non exprimé afin... de prescrire des anxiolytiques ou des antidépresseurs ?). Elle m'a dit cela et je n'ai pas fait de commentaires, j'ai fait oui de la tête, elle avait toutes la possibilité de s'expliquer. Elle ne l'a pas fait. Faute professionnelle, diront certains tenants de la médecine inquisitoriale voire accusatrice. Ce n'est pas mon style. Sauf si la vie de cette malade était en danger...
Quoi qu'il en soit, le problème n'est pas là. Dans son appartement moderne, je veux dire situé dans un immeuble moderne, plutôt cossu comme on en construit dans cette ville pour que les gens qui ont un peu d'argent puissent s'éloigner des zones sensibles, souvent le même promoteur, celui qui gagne toujours les appels d'offre, les mêmes matériaux, les mêmes couleurs dans les parties communes, les entrées, les escaliers, les mêmes tissus sur les murs, les mêmes intérieurs d'ascenseurs, les mêmes ampoules, les mêmes faux plafonds, je m'arrête là, donc, dans son appartement meublé de bric et de broc, plutôt sans goût à mon goût, sans style, des objets dépareillés dont on ne retient que la fonction pratique et non la signification sociale, il y a un objet déchirant.
Sur un des murs, celui qui se situe à ma gauche quand, assis à la table de salle à manger qui ressemble à une table de camping et qui est recouverte d'une nappe à carreaux, je rédige l'ordonnance, la sempiternelle ordonnance qui ne change jamais, que je ne tente même pas de changer, à quoi bon, accroché sur le mur, un cadre, environ quinze sur dix, qui entoure une photographie qui me déchire le coeur. J'en connais l'histoire, de cette photographie. Une histoire qu'elle m'a racontée un jour où je ne lui posais pas de questions, un jour où je ne m'attendais à rien, et d'ailleurs, l'histoire en elle-même est d'une grande banalité, une histoire banale mais qui, rattachée à la photographie que je revois à chacune de mes visites, me rend phobique et malheureux par anticipation.
Il y a au premier plan un jeune homme souriant allongé sur un lit avec la jambe dans le plâtre, le bas de la photographie s'arrête quelques centimètres en dessous du plan du lit, et à côté du visage au sourire éclatant de bonheur, sur la gauche, ce sont les parents, un peu moins de la cinquantaine, une femme et un homme, qui sourient également avec autant de bonheur et, par une sorte de magie, l'homme et la femme se sourient et sourient à leur fils qui semble fier de ses parents. C'est une terrible image de bonheur, un instantané de bonheur qui pourrait très bien être une impression fausse, les trois ayant posé pour la photo pour, une dernière fois, peut-être avant le divorce ou la séparation, se donner l'illusion de la famille heureuse qui ne peut susciter aucun commentaire tant l'image est le sentiment ou, comme on dit dans la publicité, tant l'image est le message.
Madame A, alors que je regardais la photographie, une fois comme une autre, et que je m'extasiais, par empathie ou par politesse, je ne me rappelle plus, m'avait expliqué qu'il s'agissait d'un de ses petits-neveux et que, peu de temps après cette magnifique photographie, il était mort dans un accident de moto. A dix-neuf ans.
Et chaque fois que je reviens chez cette femme, chaque fois que je ne l'examine pas ou si peu, chaque fois que je rédige l'ordonnance, chaque fois que je regarde la photographie en douce, de l'air de ne pas m' y intéresser et dans la crainte que Madame A ne me fasse un autre commentaire sur le décès de cet enfant, je me prends à avoir la trouille : je pense, certes, à la fausseté des images, à l'illusion du media comme sentiment, mais je pense surtout que j'ai des enfants qui ont eu cet âge et qui vont l'avoir, la terrible pensée qu'il est possible de perdre un enfant dans un accident ou à cause d'une maladie, et, surtout, le regard des parents, le regard extatique des parents regardant leur fils bien aimé se reflétant dans le regard extatique du fils regardant ses parents bien aimés. Je ne me rappelle pas que l'on m'ait saisi avec un tel bonheur. Et où est-il désormais ce regard ?
Comment survivre après un pareil drame ? Comment continuer de vivre après que des visages ont pu exprimer, l'espace d'un instant, un tel bonheur ?
Je regarde ailleurs.
Je me tais.
Je n'aime plus aller chez cette vieille dame.

samedi 14 mai 2011

Indemnisations des victimes du mediator : Xavier, MG France, FMF et les autres. Le bal des faux-culs.

Le Guépard (Scène du Bal) - Lucchino Visconti (1963)
Irène Frachon et Xavier Bertrand

Tout a commencé le 7 mai 2011 par une déclaration incontrôlée et devenue intempestive de Xavier Bertrand indiquant que les prescripteurs de Mediator "pourraient rentrer (sic) dans la procédure" d'indemnisation puis l'affaire s'est poursuivie le lendemain par un virage sur l'aile de notre ex Ministre de la Santé du Mediator devenu, par un tour de passe passe idéologique, le Ministre de la Santé du post Mediator, qui précisait, avec l'assurance qu'on lui connaît, que "les médecins ne seront pas les payeurs". Voir ICI.
Et c'est alors que le bal des faux-culs a continué.
Claude Leicher, pour le syndicat de médecins généralistes MG France, a dit, dans une belle envolée lyrique que rapporte le journal Le Monde, et après avoir critiqué les laboratoires Servier et les Autorités, que les médecins (généralistes, je suppose, pardon, spécialistes en médecine générale) avaient prescrit de bonne foi et, là on nage dans le sublime, que "Nous avons des documents qui montrent que lorsque des médecins ont eu des doutes et ont interrogé le laboratoire, on leur a répondu que ce produit ne posait aucun problème particulier"
Il est probable que les médecins généralistes ne savaient pas lire la presse indépendante et qu'ils prenaient leurs informations uniquement par les canaux de la visite médicale et / ou en lisant le Quotidien du Médecin (pour leurs locations de vacances ?). Nul n'est censé ignorer la loi, dit-on, mais dans le cas précis Nul n'est censé ignorer des informations scientifiques quand on a fait de nombreuses années d'étude.
La CSMF, dont le grand chef, Michel Chassang, doit passer son temps à s'entraîner à passer une carte vitale dans le sabot avant de s'en procurer une, n'est pas restée de marbre et son communiqué (voir ICI) devrait faire jurisprudence dans les écoles de mensonge organisé. Après avoir salué la décision de Xavier Bertrand (ils se rencontrent dans les mêmes isoloirs ?), voici ce que l'on apprend : En effet, les médecins, qui ont prescrit du Médiator, n’ont pas prescrit un produit illicite, mais un médicament dont la mise sur le marché a été autorisée par l’Etat via l’AFSSAPS. La question de la prescription dans le cadre ou en dehors de l’AMM ne doit pas conduire à des erreurs de jugement. Si le médicament incriminé a pu générer des effets secondaires indésirables, dans le cadre d’une utilisation conforme à l’AMM, ils ont pu se produire de la même façon en dehors de l’AMM.
Puis la FMF est passée à la vitesse supérieure. Son président, Jean-Paul Hamon, sorti indemne de son coup d'état interne, a lancé des missiles et, avec un courage exemplaire, celui des résistants de la première heure, a annoncé qu'il allait porter plainte contre l'AFSSAPS (ICI) pour "manquement à l'obligation d'information" et pour "faute".
Auparavant l'Assurance Maladie et la Mutualité Française avaient porté plainte pour "escroquerie" et "tromperie aggravée".

Quelle belle pantalonnade !
Si dans ces divers communiqués vous entr'apercevez le mot victime vous aurez de bons yeux.
Les syndicats de médecins se tamponnent des malades à qui ils ont prescrit des merdes (pardon merdiator), ils s'inquiètent des plaintes au civil.
Les syndicats de médecins s'en remettent à l'AFSSAPS pour dire la médecine et quand la médecine est mal dite, ils se lavent les mains de leurs péchés, puisque l'AFSSAPS l'avait dit.
Ces médecins qui se moquent d'habitude comme d'une guigne des avis de l'AFSSAPS et préfèrent écouter la visite médicale avec ses aides-visuelles en couleur, ses post-it, ses gommes, ses crayons fluorescents, ses invitations à déjeuner ou à dîner, ou ses séjours dans les congrès, se plaignent maintenant du fait que l'AFSSAPS n'a pas fait son boulot mais ne se plaignent pas d'eux-mêmes, incapables d'esprit critique, incapables de se poser des questions d'EBM (qu'est-ce qui est bon pour mon patient ?) ou capables de ne pas lire Prescrire ou les articles du New England Journal of Medicine, ou incapables de ne pas se rendre dans des formations sur le diabète sponsorisées par Servier, Euthérapie ou autres officines de Monsieur Servier...
Responsables mais pas coupables. C'en est trop ! Non : irresponsables et non coupables.
Et les syndicats médicaux, c'est leur rôle, défendent les prescripteurs de Mediator qui ne savaient pas, qui ont été trompés, pauvres petits animaux tristes, même les diabétologues qui continuent de prescrire des glitazones cancérigènes, les yeux fixés sur la ligne bleue de l'HbA1C et de leurs cadeaux en tout genre...
Car, si la CNAM a produit des statistiques qui ont permis de déterminer les "morts" dus au Mediator (nous avons vu que les données sont assez fantaisistes), elle connaît aussi les médecins qui ont prescrit larga manu le produit, des médecins qui s'appellent des diabétologues, des cardiologues, des obésologues, des charlatonologues ou des médecins généralistes qui se sont pris pour des obésologues distingués, je ne parle pas des médecins généralistes (qui n'étaient alors pas des spécialistes en médecine générale) qui ont prescrit de façon occasionnelle, pour suivre une prescription, pour faire plaisir à une malade obèse, pour ne pas laisser sortir de leur cabinet une patiente ou malade ou les deux sans traitement, eh bien, la CNAM, elle se tait. Elle se tait, heureusement pour ces charmants médecins prescripteurs de chirurgie cardiaque, elle se tait, la CNAM, car elle a peur que les vénérés syndicats médicaux ne se retournent contre elle au cas où des objectifs CAPI seraient tout aussi fallacieux et tout aussi dangereux. Elle se tait, elle qui s'est toujours tue malgré son Conseil Scientifique dirigé par le fameux Hubert Allemand, elle se tait comme elle s'est toujours aplatie devant le pouvoir politique, les experts, la DGS, l'AFSSAPS, la HAS et tout le toutim, peut-être dans un autre ordre, allez savoir, tous ces experts qui jouent au jeu de la chaise musicale entre tous ces organismes, j'y vais, j'en repars, j'y retourne... et je touche.
Quant aux victimes, je leur suggère de ne pas faire confiance à tous les avocats bidons qui n'y connaissent rien en médecine et qui se font avoir et par les juges d'instruction et par les commissions d'enquête et par les experts judiciaires, je leur conseille de prendre des experts qui connaissent les pathologies, les statistiques, qui connaissent la Santé Publique, qui connaissent la corruption de toutes ces agences gouvernementales...
Où en étais-je ? Ici : nous avons appris, grâce aux syndicats médicaux, que les médecins prescrivent n'importe quoi, dans n'importe quelle situation, qu'ils n'ont qu'une envie, toucher des cadeaux de Big Pharma (pourquoi s'en priverait-elle, il y a si peu d'efforts à faire), ne pas lire les articles scientifiques, croire que Impact Médecine est un journal sérieux malgré leurs sept années, voire huit, voire dix d'études, ou plus, qu'ils ne font pas la différence entre Voici et Les Cahiers du Cinéma et qu'ils préfèrent les Stabilo boss offerts aux kilos honnêtement perdus.
Qu'avons-nous fait de nos jeunes prescriptions ?
Nous étions jeunes et beaux...

vendredi 6 mai 2011

Parler de mariage forcé et de polygamie, c'est possible en médecine générale. Histoire de consultation 80

Griot au Niger.

Il y a deux ans.
Monsieur A, 26 ans, je ne l'appelle pas Monsieur mais par son prénom (B). Je le connais depuis sa sortie de la maternité. Aujourd'hui il a un (gros) rhume et il s'agit, peut-être, d'un prétexte pour m'annoncer qu'il va se marier. "Avec ta copine ? - Non. - Ah..." Cela fait au moins trois
ans qu'il a une copine que je connais. Il se tortille sur sa chaise.
A moins que cela ne soit pour obtenir un arrêt de travail pour aujourd'hui qu'il me parle de son mariage. Allez savoir. "Je suis cassé et je n'ai pu aller au taf."
Mouais.
"Tu me présenteras ta future ? - Elle est encore au Sénégal."
Gloups.
Mon ami B se marie avec une Sénégalaise. Pourquoi pas (enfin je ne pense pas cela) ? Moi, très lourd : "C'est un mariage arrangé avec une cousine ? - Vous savez ça comment ? - Je suis un gros malin. Tu ne le savais pas ? - Docteur... - Bon, dans ma naïveté, je croyais que les mariages forcés, cela ne concernait que les filles. - Vous ne savez pas tout docteurdu16... - Les toubabs ne sont pas informés de tout sur les Poulars. Ils ont même parfois des surprises."
Je le regarde avec ma tête de toubab qui essaie de ne pas faire de morale dans le genre "Nous les blancs on se marre..."
Il sourit.
"Vous pensiez que cela ne pouvait pas m'arriver ? - Quoi ? - Ben, un truc comme cela. - Je ne sais pas, tu jouais les affranchis et, maintenant... Tu ne pouvais pas refuser ? - C'était difficile de faire autrement. Vous savez, chez nous, il faut faire plaisir à la famille, je n' avais pas envie d'être éjecté... - A ce point ? - A ce point."
Je ne souris pas. Je réfléchis à la façon de me tirer de ce mauvais pas. Quel mauvais pas me dit mon petit diable bobo ? Mauvais pas : comment ne pas laisser penser à B que je vais le juger et, si je le juge, après tout, on a bien le droit de juger ses patients, comment ne pas être vécu comme un méchant blanc post colonial faisant suer le burnous moral des Indigènes de la République ? Je me calme. Heureusement que B vient à mon secours : "Je sais ce que vous pensez. - Ah oui... - Je sais que vous me désapprouvez, que vous pensez que je n'ai pas eu les roucous assez costauds pour dire non. - Non, je ne pense pas cela." Là, je mens. Pas tout à fait. Mais je mens quand même. Je me rappelle telle fille qui a dit non à sa famille et pour laquelle les choses ont fini par se tasser.
"Non, je pense à ta copine..." Je viens de trouver un argument de poids, la corde sensible sur laquelle il est possible de tirer des lamentos.
"Là, docteurdu16, c'est pas cool. - A ce point ? - Vous savez que je ne pense qu'à cela." J'enfonce le clou :" Tu n'es pas le premier et tu ne seras pas le dernier. La femme blanche peut aller pleurer dans son coin et toutes ses copines lui diront On te l'avait bien dit... - Mais je l'aime. - Mais tu la quittes. D'ailleurs, est-ce que tu savais que tu la quitterais ? - Oui."
Je me reprends. Je suis un sale con. "Ecoute-moi, B, je sais que tu es plongé dans une situation inextricable et que tu souffres. Je le sais, tu as beau prendre de grands airs... Tu souffres. Et pas seulement de ton mariage forcé et de ton abandon forcé. Tu souffres parce que tu te demandes ce que ta thèse va devenir, ta grande thèse sur la polygamie en zone sensible. Je me trompe ?"
J'ai droit à un sourire. "Comment pouvez-vous savoir des choses pareilles ? Vous êtes un marabout blanc. - Cela ne fait que trente ans que je suis ici..."
Aujourd'hui. C'était ce matin. Madame A est face à moi et elle vient simplement pour renouveler (je sais, il y a des médecins qui s'étranglent en lisant ce verbe, moi, non) sa pilule. C'est la femme de B. La cousine sénégalaise. Il n'y a rien à dire : elle est charmante. Elle fait des études à Nanterre et ce n'est pas le genre à être la deuxième femme. La consultation est sur le point de durer deux minutes. Madame A, quand elle s'est mariée, n'était jamais venue en France. "Comment va B, sa thèse avance ?" Elle fait un bruit avec l'arrière-gorge : cela veut dire que quelque chose ne va pas. "Il a du mal." Va-t-elle parler ? Je n'ai pas encore appuyé sur Imprimer et un grand silence règne dans la pièce. "Qu'est-ce qui se passe ? - Il a presque abandonné... - Non ?"
L'histoire est simple : quand elle est arrivée en France il a fallu qu'il se mette à travailler pour les faire vivre et la thèse de sociologie est passée quasiment à la trappe. Un effet collatéral du mariage forcé ? Sans doute. "Mais c'est une grosse con..., bêtise... - Oui, je le lui ai dit. Mais on ne peut pas faire autrement. Vous ne connaisse pas les Africains..." Ben, si, je connais un peu les Africains originaires de la région du fleuve, cela fait trente-deux ans que je les reçois et qu'ils viennent me voir.
Je dirai qu'ils sont plus pessimistes que moi sur l'avenir de leurs pays (Sénégal, Mauritanie, Mali).
B a longtemps parlé avec moi de sa thèse. Lui-même issu d'une famille polygame il avait le "droit" et l'"autorisation" du parler universitairement correct d'enquêter sur les souffrances des femmes et des enfants de ces familles. J'y reviendrai peut-être un jour. J'ai beaucoup d'histoires à raconter. Des histoires de chasse, comme on dit. Pas un discours structuré de sociologue ou d'anthropologue. Mais je me suis fait une opinion, non pas une opinion morale, occidentale, mais une opinion humaine.
B a de la chance qu'on l'ait forcé à se marier à une jeune femme qui paraît équilibrée et qui se fond dans sa belle-famille avec sincérité. Madame A a de la chance qu'on l'ait forcée à se marier avec B qui est un garçon ouvert, intelligent et qui aurait été capable de terminer sa thèse (ce qu'il ne fera plus, désormais) sur un sujet sensible.
"Vous vous sentez coupable ?"
Elle me regarde comme si elle n'avait pas compris mais elle a compris.
"Coupable de quoi ? - Ben, qu'il n'ait pas continué sa thèse. - Non. Pas coupable du tout. - Ah..." Où ai-je mis les pieds dans le mauvais plat ?
Nous nous regardons. Elle est jolie et elle le sait. Mais elle ne veut pas en profiter. Elle a un secret à me dire. Elle ne me regarde plus : elle a besoin de se lancer.
"B n'a pas terminé sa thèse parce qu'il ne le pouvait pas. - Heu... - Il ne le pouvait pas car plus il avançait, plus il racontait, plus il faisait des statistiques et plus il se disait qu'il n'avait pas le droit. - Le droit de quoi ? - Le droit de raconter ce qui se passe dans les familles africaines polygames vivant dans les quartiers. Il ne pouvait pas leur faire cela. - Et qui le fera ? - Peut-être personne."
Je vous disais que cette jeune femme était un ange.
B a renoncé deux fois : en acceptant ce charmant mariage arrangé et en quittant la jeune femme qu'il aimait et en n'écrivant pas sa thèse.
Nous avions la chance d'avoir en B à la fois un presque griot et un futur diplômé de troisième cycle de l'enseignement supérieur et il s'est tu. J'espère, mais je ne suis pas un spécialiste de l'anthropo-sociologie, que ce genre de thèse existe déjà ou va exister, mais la sienne est morte. C'est drôlement dommage.

jeudi 5 mai 2011

L'hormone de croissance : Tout va très bien Madame la Marquise.

Une fois n'est pas coutume je reproduis in extenso un papier de Marc Girard qui est paru sur son site (ICI).
C'est à pleurer.
Sans compter les victimes.
Vous avez la première partie.
La deuxième est ICI : l'exception française.

Hormone de croissance : autopsie d’un désastre judiciaire

I - L’INCOMPÉTENCE À L’OEUVRE
jeudi 5 mai 2011 par Marc Girard

La scène se passe au téléphone, dans le courant de l’année 2004. Chargé par le juge d’instruction d’une expertise visant à expliquer les causes de « l’exception française » – pourquoi, toutes choses égales par ailleurs, l’hormone de croissance a-t-elle fait bien plus de victimes en France que dans les autres pays ? –, je lui fais part de ma perplexité : tout bien considéré, quel est l’intérêt de ma mission quand il apparaît que l’instruction dispose, et depuis des années, d’un rapport signé entre autres par le Prof. Jean-Hughes Trouvin qui répond à la question de façon précise, avec une crudité d’ailleurs inattendue chez un membre aussi éminent de l’establishment pharmaceutique ? Sur un ton de surprise contrariée, le juge me demande d’où je tiens ce document avant de m’expliquer que je ne dois pas l’utiliser attendu qu’il s’agit d’un rapport « de biochimie » et que je ne suis pas moi-même biochimiste : « cela vous serait reproché. »

Il y a tout le désastre judiciaire de l’hormone – et, par delà, du « Pôle santé » – dans cet échange minuscule.

L’anarchie procédurale, d’abord : par quel mystère un simple collaborateur occasionnel de la Justice aurait-il pu se procurer un document dûment coté, bien entendu couvert par le secret de l’instruction ? De deux choses l’une : ou bien, d’une façon ou d’une autre, il y a eu violation dudit secret, et le magistrat en charge de l’instruction serait fondé à s’en émouvoir – alors que le sentiment exprimé se limite à la simple contrariété d’une mission parasitée par une pièce qu’il considère manifestement comme inopportune. Ou bien c’est le magistrat lui-même qui m’avait communiqué le rapport de Trouvin ; qu’il ne s’en souvienne plus en dit long sur les modalités de circulation des pièces au cours de l’instruction et, plus encore, sur son niveau de conscience quant à l’importance de ce rapport – pourtant unique contribution relativement à une problématique évidemment cruciale pour la judiciarisation de l’affaire : si la contamination de l’hormone par le prion était une fatalité liée à l’état des connaissances de l’époque, pourquoi les Français ont-ils fait plus mal, et de loin, que leurs collègues étrangers ?

En admettant, deuxièmement, que – pourtant spécialiste éprouvé du médicament et ayant donné moult preuves documentables d’une forte inclinaison vers l’interdisciplinarité – je sois dans l’incapacité de maîtriser une contribution réputée aussi spécialisée que celle de Trouvin, qui l’exploitera ? Quand même pas un juge ! Dès lors, à quoi bon prolonger l’instruction par des mesures d’expertise débouchant sur des contributions que leur technicité rend inexploitables ? De fait, je ne cesserai de découvrir dans la suite que ce rapport accablant était bien passé inaperçu et du juge, et des parties civiles. Et je comprendrai mieux, rétrospectivement, cette rebuffade d’une magistrate du Pôle santé de Marseille rencontrée au hasard d’une réunion publique, à qui j’avais cru bon de me présenter comme très impliqué symétriquement dans les affaires du Pôle parisien : avec une absence d’aménité frisant l’impolitesse, elle m’avait froidement rétorqué que, à Marseille, « on n’aimait pas les usines à gaz »…

Mais, dans sa portée, cette saynète inaugurale va encore plus loin. Car jusqu’à plus ample informé, l’excellent J H. Trouvin n’a jamais été biochimiste : il est pharmacien, docteur d’Etat en pharmacologie, professeur de pharmacologie, il a assumé de multiples fonctions tant à l’Agence française du médicament qu’à l’Agence européenne du médicament. Au moment des faits, il est « Directeur de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques » : en gros, Monsieur Numéro 1 dans la France des médicaments et produits biologiques – qualification fort distincte de « la biochimie » mais qui pourrait, en revanche, s’avérer très utile dans une affaire judiciaire où, comme chacun sait, un produit biologique, justement, – l’hormone de croissance – s’est vu, et durant des années, placé dans une exception radicale par rapport aux règles qui s’appliquent normalement aux médicaments, fussent-ils d’origine extractive (insuline, hormones thyroïdiennes, gonadotrophines, etc.) Et de fait, loin de toute « biochimie », l’expertise de Trouvin concerne (comme attendu sur la base de ses titres et travaux) la problématique pharmaceutique de l’hormone considérée comme médicament.

Il apparaît donc que plus de 13 ans après l’ouverture d’une instruction dans une affaire qui, par quelque bout qu’on la prenne, relève d’abord et avant tout d’un exercice illégal de la pharmacie [1], le juge qui la conduit, emblème surmédiatisé d’une politique de spécialisation judiciaire, n’a toujours pas une maîtrise même élémentaire – non pas des problèmes techniques, encore moins scientifiques qui sous-tendent la pharmacie ou la thérapeutique modernes – mais simplement des lois et réglementations gouvernant la fabrique et la distribution des médicaments… Car au terme d’une tradition juridique qui, depuis des siècles et sans doute même des millénaires, a constamment contraint l’exercice de la pharmacie d’une forte exigence de sécurité, la commercialisation d’un médicament repose sur une évaluation tripartie : 1) données pharmaceutiques (nature chimique, composition, matières premières, fabrication, contrôle des impuretés et contaminations, stabilité, etc.), 2) données toxicologiques (essentiellement : tests chez des animaux), 3) données cliniques (tests chez des humains). Conformément aucurriculum vitae connu de ses cosignataires, l’expertise de Trouvin et coll. est justement concernée par l’évaluation pharmaceutique (et non pas « biochimique ») de l’hormone de croissance considérée comme médicament : on est bien là au cœur le plus traditionnel du métier pharmaceutique, car si l’exigence de données animales, puis cliniques ne s’est fait jour qu’assez récemment, on n’aurait aucune peine à documenter la conscience séculaire des autorités quant aux risques de la préparation médicamenteuse – particulièrement ceux de l’extraction (qu’elle concerne le venin de serpent, la bave de crapaud ou les excréments de bouc) – partant leur souci constant d’imposer un minimum de règles à ceux qui prétendent fabriquer des remèdes.

Cependant – spécialisation oblige – cette évidence historico-juridique aussi ancestrale que facilement documentable échappe manifestement aux juges du « Pôle santé » : la requalification « biochimique » d’un exercice éminemment pharmaceutique dit assez l’ignorance des magistrats en charge du dossier hormone relativement aux pré-requis législatifs élémentaires en matière de médicament…

Cette désinvolture du juge à l’égard des lois et réglementations régissant la « spécialité » qu’il est censé représenter n’est pas un cas d’espèce, mais semble refléter un état d’esprit dont on retrouverait sans peine d’autres indicateurs. Lors du procès lui-même, on entendra les mis en examen soutenir que l’hormone de croissance n’était pas à proprement parler un « médicament », avant d’insinuer qu’il pouvait aussi s’agir d’un « médicament orphelin » : ce, sans qu’aucun des magistrats présents (incluant les représentants d’un parquet organiquement lié, lui aussi, à la structure « spécialisée » du Pôle santé) ne fronce le sourcil devant l’énormité juridique d’assertions aussi aisément réfutables sur la seule base des textes en vigueur, pour ne point parler de la jurisprudence.

Au moment de ce même procès (en première instance), alors que, par suite de la médiatisation inhérente, l’affaire hormone de croissance s’imposait comme référence naturelle, des témoins fiables entendront mon juge d’instruction déplorer au cours d’un colloque que les magistrats ne fassent pas assez de médecine et que les médecins, de leur côté, soient trop ignorants du droit… D’où l’on comprend rétrospectivement que si, dans l’affaire précédente du sang contaminé, relativement superposable, le magistrat en charge de l’instruction s’est ainsi obnubilé sur une histoire de faute médicale là où il y avait d’abord et avant tout exercice illégal de la pharmacie, il n’ait rien trouvé de mieux que la qualification atterrante « d’empoisonnement » pour évacuer avec brio cette histoire abominable vers une relaxe généralisée que d’aucuns considèrent désormais comme « le scandale judiciaire du 20e siècle » [2] …

Ainsi obsédés de médecine quand il se fût agi de qualifier des manquements accablants à la législation pharmaceutique, les magistrats – de l’instruction ou du Parquet – s’inscriront paradoxalement aux abonnés absents lorsqu’il s’agira d’examiner la contribution spécifique des médecins aux drames sanitaires susmentionnés – dans la mesure où, du moins à l’époque moderne, le plus frelaté des remèdes reste largement inoffensif tant qu’il n’est pas prescrit : élémentaire, mon cher Watson, mais manifestement ignoré des juges dont la « spécialisation » reste pourtant la seule justification d’une initiative centralisatrice aussi redoutable qu’un Pôle santé permettant à l’autorité judiciaire de concentrer sur quelques têtes connues – largement prévisibles – l’essentiel des affaires dont l’ampleur, loin d’appeler une sanction en rapport, justifie simplement une classification sous la rubrique « santé publique » et la captation subséquente… Ainsi, on ne sache pas que l’instruction ait été très active pour examiner si toutes les personnes contaminées par le sang avaient été sérieusement justiciables d’une transfusion ou d’une administration de produits dérivés – alors que, secret de Polichinelle dans le milieu médical, il y aurait eu beaucoup à dire sur cet aspect du problème. Semblablement, lorsque, après plus de dix ans d’instruction, un prescripteur se trouvera enfin mis en examen par suite de ma première expertise consacrée à l’hormone [3], le juge restera ensuite obstinément sourd à mon exhortation de refaire la même évaluation critique de la prescription dans chaque cas particulier, pavant ainsi en avenue la route qui permettra ensuite au Parquet de demander la relaxe pour ce médecin dont on voit effectivement mal au nom de quoi, parmi bien d’autres au comportement identique, elle aurait dû être la seule sanctionnée : illustration, au passage, de cette stratégie que nous ne cesserons de retrouver, qui consiste à ponctuer une instruction interminable de mesures aussi anodines que frénétiquement médiatisées , finalement destinées à ne déboucher sur rien. Quand, 7 ans plus tard, dans l’une de mes dépositions au procès, j’introduirai que, aux antipodes de la pratique pédiatrique recommandable, les médecins de France Hypophyse se seront comportés en « incendiaires de l’anxiété parentale » pour imposer leurs prescriptions abusives, le Président m’interrompra immédiatement comme « sorti du sujet » – sans susciter la moindre protestation chez les avocats des parties civiles (lesquelles, néanmoins, viendront ensuite me dire à quel point l’expression correspondait à leur triste expérience : j’étais, précisément, au cœur du sujet)… Ainsi, dans cette affaire hormone de croissance, l’inconfort psychologique compréhensible d’une pauvre praticienne hospitalière supportant le joug d’une mise en examen durant quelques années malgré une prévisible relaxe aura été le moins de ce qu’il fallait payer pour accréditer devant des parties civiles exténuées la perspective d’un procès censément « exemplaire » [4] , pourtant voué à les ridiculiser et à insulter la mémoire des victimes.

Ainsi démasquées à l’épreuve, les insuffisances individuelles sont assez voyantes et répétitives pour conduire à s’interroger sur les véritables motifs ayant conduit l’autorité politique à dépouiller les juridictions françaises de tout droit de regard sur les affaires de quelque ampleur sous le prétexte désormais intenable d’une « spécialisation » dont on chercherait vainement le moindre indicateur crédible. Techniquement bien plus complexe que celle du sang contaminé ou de l’hormone, aussi médiatique, l’affaire du dopage dans le cyclisme, traitée localement par le TGI de Nanterre, n’a pas exigé une instruction interminable et n’a pas débouché sur un procès honteux : on ne sache pas que le magistrat instructeur fût doté de quelque « spécialisation » que ce soit… Le présent article, cependant, se soucie peu des défaillances personnelles, mais trouve sa justification dans une réflexion citoyenne qui va bien au-delà de la dénonciation : le détail des turpitudes individuelles, aussi anonymisé que possible, ne valant que pour documenter en fait – sur la base d’une expérience aussi dense qu’intensive – une interrogation inquiète sur l’évolution de la Justice française et dont on aurait aucune peine à trouver un écho qui dépasse largement l’horizon d’un seul témoin : rendant compte d’un livre consacré au « fiasco » du Pôle financier [5] (dont le Pôle santé n’est lui-même qu’une excroissance tardive), le Canard enchaîné n’écrivait-il pas (21/11/06) que « la hiérarchie judiciaire semble aussi s’entêter à nommer des magistrats qui ignorent tout des techniques financières » (c’est moi qui souligne)…

Or, justifiant l’abandon à mes risques et périls de ma confortable activité de consultant privé pour mettre ma compétence à son service, le mystère et la beauté de la Justice sont justement que, dans son principe, elle est invulnérable aux défaillances individuelles. Dans la préface (1865) de son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Pierre Larousse écrivait :

Nous savons qu’il y a des grâces d’état ; c’est la sagesse des nations qui a proclamé cet axiome, dont personne ne conteste la vérité : un juge, assis sur son tribunal, nous inspire du respect, même quand nous le savons indigne de juger ses semblables, parce que notre connaissance du cœur humain nous persuade qu’il y a dans ses fonctions mêmes quelque chose qui doit réveiller en lui le sentiment de la justice.

La question profonde consiste justement à se demander par quelle malédiction la justice française a perdu cette « grâce d’état » qui permettait aux citoyens de croire que les plus indignes des juges visaient toujours au Juste – tout simplement parce que, comme me l’avait dit en parallèle, 125 ans plus tard, l’éminent juriste qui a déterminé ma vocation d’expert judiciaire, « ils sont possédés par le Droit ».

Les quelques éléments de fait qui viennent d’être évoqués fournissent déjà une première réponse à l’angoissante question qui précède : les juges français sont aujourd’hui d’autant moins « possédés par le Droit » qu’à l’évidence, ils sautent sur tous les prétextes pour n’en plus faire. Et quel prétexte que l’expertise « scientifique » [6] pour évacuer la charge du Juste !... Car ce qu’illustrent plus que tout les affaires de santé publique – qui relèvent pourtant d’un corpus législatif et réglementaire quasi millénaire –, c’est la difficulté des magistrats à s’ancrer dans une épistémologie adéquate ; c’est leur coupable inclinaison à se laisser déporter vers une technique à laquelle ils n’entendent manifestement rien au lieu de s’en tenir d’abord et avant tout aux lois et règlements qui régissent – depuis des décennies, voire des siècles – l’exercice de la technique en question.

Quand, du plus haut magistrat au plus humble greffier en passant par tous les avocats de passage, l’intimité du Palais bruit d’une rumeur aussi récurrente qu’unanime – « il/elle est nul(le) en droit » ! – on peut s’interroger sur la perversion qu’exerce sur les catégories habituelles du monde judiciaire le prestige des affaires censément spécialisées. Quand, de la Chancellerie aux escaliers du TGI de Paris en passant par la Cour de cassation, le même hochement tête aussi entendu que résigné ponctue l’évocation de tel ou tel indéboulonnable juge, on en vient à se demander si la « spécialisation », au fond, ce n’est pas le prétexte infernal par quoi les représentants du monde judiciaire abdiquent leurs concepts naturels et, pour tout dire, leur esprit critique.

De façon légèrement antérieure au procès hormone de croissance, j’étais tombé par hasard sur un reportage télé consacré au désastre judiciaire du sang contaminé. Des victimes interrogées aux éminents magistrats associés à la Cour de Justice de la République, une seule conviction : en s’attaquant à la Transfusion française, on s’était heurté à trop forte partie. Or, dans le monde médical, l’organisation de la transfusion n’a jamais été quelque "forte partie" que ce soit et, pour s’en convaincre, il suffit de constater de quelle façon – et avec quelle brutale célérité – elle s’est trouvée exterminée dans les suites du scandale : on a vu des directeurs de centre sangloter d’humiliation au traitement qui leur était réservé par l’autorité de tutelle. Dans la hiérarchie médicale académique plus généralement, l’appartenance à cette organisation a toujours été traitée avec condescendance : commentant l’exaspérante médiatisation d’un histrion heureusement disparu que la presse avait l’habitude d’évoquer comme « le grand cancérologue », l’un de ses anciens chefs de clinique me dit un jour que l’intéressé n’avait jamais été cancérologue [7], mais qu’il n’était que « médecin de transfusion » – sur ce ton d’absolu mépris dont on ne trouve l’équivalent que dans les chansons de geste, quand il s’agit d’informer l’auditeur que, si dissimulé qu’il fût, le félon ne pouvait celer qu’il était malingre, borgne, boiteux, basané et le plus probablement lépreux… Intenable à l’épreuve, l’idée que la Transfusion était invulnérable apparaît d’autant plus fantasque qu’elle sert surtout à préserver un fantasme fort du monde judiciaire, à savoir « l’indépendance » des juges : qui donc aurait plié devant cette organisation de la transfusion, et sous quel type de pression ?

Mais pour imaginaire qu’elle soit, cette idée d’une forteresse médicale imprenable permet d’esquiver la triste réalité, bien plus prosaïque : à savoir que le désastre judiciaire du sang contaminé provient d’abord et avant tout de l’incapacité radicale où se sont trouvés les magistrats en charge du dossier à qualifier les faits de façonjuridiquement appropriée. Tant il est vrai qu’invoquer une faute d’indépendance laisse ouverte l’hypothèse de défaillances individuelles, alors que reconnaître les effets de l’incompétence, ce serait remettre en cause l’institution dans son ensemble – notamment dans ses procédures de formation, de sélection et de discipline interne.

On en revient - comme par hasard - à la question de l’incompétence - si récurrente sur le présent site. Car de même que les liens d’argent ne résument pas à eux seuls les conflits d’intérêts, cette question de l’incompétence est loin de se limiter au seul monde expertal.

On vient d’en avoir une superbe confirmation aujourd’hui...

[1] Strictement ignoré par l’ordonnance de renvoi.

[2] Les malins formalistes ne manqueront pas de remarquer qu’à l’époque des faits, les produits dérivés du sang, justement, n’étaient pas considérés comme médicaments. Occasion excellente, en vérité, d’examiner la responsabilité de l’administration et des politiques dans les dérives consécutives à cette regrettable carence. Encore eût-il fallu que – normalement synthèse des investigations opérées au cours de l’instruction – l’ordonnance de renvoi fût disponible pour être mise à la disposition de la Cour de Justice de la République, ce qui ne fut malheureusement pas le cas.

[3] Hormone de croissance : le premier médecin prescripteur mis en examen, Le Figaro, 09/08/2001.

[4] Hormone de croissance : le procureur de Paris promet un procès exemplaire, Le Monde, 11/11/04.

[5] E. Decouty. Un fiasco français. Histoire secrète du pôle financier. Paris, Denoël, 2006.

[6] N’a-t-on pas vu, 24 ans après les faits, le Parquet relancer l’affaire Grégory au motif préoccupant que les progrès de « la Science » (en l’espèce, du typage génétique) pourraient permettre de retrouver le chemin du Juste que la machine judiciaire avait complètement perdu après les embardées effarantes de l’instruction.

[7] Comme illustré, d’ailleurs, par les bases de données bibliographiques permettant d’inventorier sur pièces les contributions effectives de tout un chacun.