mercredi 26 juillet 2017

Vinay Prasad sur les débats qui animent twitter


Vinay Prasad fait un travail magnifique d'éclaircissement sur un certain nombre de faits qui agitent les sphères de l'oncologie, du dépistage, des traitements, du coût des traitements. Je ne le connais pas personnellement mais je lis ce qu'il écrit (il écrit beaucoup). Il nous enthousiasme sur le niveau de réflexion que des médecins, dans leur propre spécialité, ici l'hématologie et l'oncologie, peuvent atteindre  dans un système de santé aussi étranger au nôtre que celui des Etats-unis et nous déprime quant à l'absence de médecins critiques dans notre propre pays. @VinayPrasad82 pour le suivre sur twitter.




Voici la traduction d'un tweet qui m'avait bien plu. 

Le dépistage des cancers n'a jamais démontré sauver des vies, ce qui signifie améliorer la mortalité globale, et a des conséquences néfastes majeures incluant des faux positifs et des sur diagnostics et nous devons le juger par des preuves provenant d'essais randomisés. Voir ICI pour l'article original (sur abonnement) et LA pour un commentaire. [1]


Le coût des médicaments est hors de contrôle, il n'est pas régi par les forces traditionnelles du marché, il est mauvais pour les patients et la société, et des réformes sont nécessaires (LA).

La FDA états-unienne a assoupli les standards d'autorisation de mise sur le marché fondée sur des critères de substitution (ce qui, en soi, n'est pas la fin du monde) mais en les couplant avec l'abandon des études marketing post commercialisation, ce qui est mauvais pour les patients (ICI). [2]

Le financement de la recherche est majoritairement non fondé sur les preuves et arrose de façon disproportionnée les mêmes fausses  idées et les mêmes personnes (LA). [3]

L'oncologie de précision et les autres "traitements personnalisés" paraissent magnifiques mais manquent de données robustes issues d'essais randomisés.  Le seul essai dont nous disposons est négatif ( LA). [4]

Les nouvelles molécules sont souvent annoncées comme des miracles mais la réalité est typiquement qu'il y a un certain nombre de réserves majeures, de distorsions dans le protocole, des biais et des manipulations derrière tout cela (ICILA, et encore LA). [5]

Les conflits d'intérêts sont vraiment un problème. 


Notes.

[1] Rappelons qu'en France les résistances sont fortes et que l'INCa a exercé des pressions intolérables pour que l'on n'abandonne pas en rase campagne le dépistage organisé du cancer du sein.
[2] les études post marketing (après commercialisation) ne paraissent pas devoir être très conclusives puisqu'elles sont menées dans l'immense majorité des cas par l'industrie pharmaceutique voir ICI ; mais, pire encore, quand les études post commercialisation montrent des résultas négatifs, les produits ne sont pas retirés du marché.
[3] Les recherches sont menées en fonction des marchés porteurs (nombre de patients putatifs élevé) et/ou dans des marchés de niche où le faible nombre de patients traités sera dans un premier compensé par des prix très élevés et dans un second par une extension des indications (alias saucissonnage). Voir à ce sujet l'excellente communication de Marc-André Gagnon lors des Pilules Prescrire 2015 : ICI.
[4] L'oncologie de précision est pourtant considéré comme l'avenir de l'oncologie par tous les experts mais les experts sont surtout payés par l'industrie pour des opérations promotionnelles justifiant a priori une efficacité non démontrée et l'obtention de prix faramineux.
[5] Big Onco organise une messe annuelle sous le patronage de l'ASCO durant laquelle elle fait du pré marketing à base d'abstracts aux résultats rarement confirmés, de communications tronquées et truquées à laquelle est convié le gratin des oncologues et le gratin des journalistes internationaux.

1 commentaire:

CMT a dit…

Oui. Vinay Prasad est vraiment passionnant et ses critiques sont toujours très structurées, rigoureuses et argumentées.
Un tweet après l'autre, un article après l'autre, il nous laisse entrepaercevoir que nous vivons désormais dans un monde parallèle où la vérité médicale et, en particulier, oncologique, a décidé de se passer de toute argument factuel ou scientifique pour asseoir le sentiment permanent d'urgence qui permet de faire entrer sur le marché, toujours plus vite, des médicaments toujours plus inutiles et toujours plus chers avec l'assentiment enthousisate des oncologues et des associations de patients pris dans un formidable, mais, semble-t-il, invisible pour eux, réseau de conflits d'intérêts.

La post-vérité n'a pas attendu Trump pour gouverner le monde.

Le hype permanent n'a rien à voir avec la science ni avec les bénéfices de ces médicaments mais beaucoup avec le capitalisme et le fait de faire monter les enchères. Le capitalisme ne vit et ne survit qu'avac ça, un hype permanent à propos de tout et n'importe quoi.

J'aime aussi beaucoup, Bishal Gyawali @ncology_bg, récemment primé pour ses travaux, qui est un oncologue d'origine népalaise qui fait des analyses approfondies montrant qu'on peut traiter aussi bien les patients avec des médicaments plus anciens, notamment, ce qui est bien pour les pays en développement, mais aussi pour les nôtres.

Les conséquences pour les patients et pour la société de tout ce hype, de tous ces conflits d'intérêts et de tout cet aveuglement sont simplement incalculables.