mardi 24 décembre 2019

Quelques conseils de prescription (2011)

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 24.

Cet article est une pépite (de 2011) signalée par l'excellent Pierre Biron (voir LA).


Voici l'abstract.



Prescrire de façon adaptée est un pré-requis pour utiliser une médication de façon sûre et appropriée. En se fondant sur les preuves et les leçons tirées d'études récentes rapportant des problèmes avec des médicaments largement utilisés, nous proposons une série de principes de façon à prescrire de façon prudente et modérée. Ces principes encouragent les praticiens à (1) penser au delà des molécules (considérer des thérapeutiques non médicamenteuses, traiter les causes sous-jacentes, et prévenir) ; (2) pratiquer une prescription plus stratégique (différer les traitements médicamenteux non urgents ; éviter des substitutions injustifiées de traitements ; être prudent avec l'usage non démontré de molécules ; et commencer un traitement une nouvelle molécule à la fois) ; (3) maintenir une vigilance renforcée vis à vis des effets indésirables (suspecter les réactions des molécules : être au courant des syndromes de sevrage et éduquer les patients à anticiper les effets) ; (4) exercer sa prudence et son scepticisme à l'égard des nouvelles molécules (rechercher des informations non biaisées ; attendre que les molécules soient commercialises depuis suffisamment longtemps ; être plus sceptique sur les critères de substitution que sur les vrais critères cliniques ;  éviter les indications élargies ; éviter la séduction de la pharmacologie moléculaire élégante ; se méfier des rapports cliniques sélectionnés) ; (5) travailler avec les patients en partageant un agenda (ne pas répondre automatiquement aux demandes de médicaments ; évoquer la non observance avant d'ajouter des médicaments au régime ; éviter de recommencer un traitement qui n'avait pas été efficace auparavant ; remplacer un traitement par des médicaments inutiles ; et respecter les réserves des patients à propos des médicaments) ; enfin (6) prendre en compte le long terme et les impacts plus larges (peser les résultats à long terme et reconnaître que les systèmes éprouvés équilibrent les avantages marginaux des nouvelles molécules).

lundi 23 décembre 2019

L'homme de l'année médicale 2019 : Peter C. Gøtzsche.

Calendrier de l'Avent médical, Jour 23.


Il a été viré de la Cochrane parce qu'il a demandé que l'organisation s'éloigne de l'industrie.
Il défend l'EBM.
Il défend l'accès par les chercheurs aux données sources des essais cliniques.
Il demande l'arrêt du dépistage organisé du cancer du sein.
Il combat la psychiatrisation médicamenteuse des états non psychiatriques.
Il dénonce les effets indésirables des psychotropes en général et des antidépresseurs et le fait que les psychiatres et l'industrie les minimisent.
Il compare le complexe médico-industriel à une Mafia. Son blog, voir ICI, s'appelle d'ailleurs :

Il a sans doute des défauts mais sa lecture est toujours revigorante.
C'est un type bien.

PS du 3/1/2020: Un article qui fait le point sur ce qui est arrivé à Peter C. Gøtzsche et comment il est allé "trop loin" (LA).

dimanche 22 décembre 2019

Quatre effets, phénomènes et paradoxes de la médecine par Peter Kleist

Calendrier de l'Avent médical de la médecine 2019, Jour 22



Cet article est lumineux, clair, éclatant et épatant : voir ICI pour sa lecture complète. Je le reproduis tel quel pour les définitions et les conclusions.


L’effet Hawthorne peut conduire à une surestimation de l’efficacité dans les groupes contrôle des essais cliniques et rendre plus difficile, voire impossible, la mise en évidence de l’efficacité d’un traitement. Des traitements standards non spécifiés dans les groupes de comparaison d’études contrôlées ou dans le cadre d’études d’observation ne sont souvent pas représentatifs d’un traitement standard dans des conditions de tous les jours.



Les études observationnelles non contrôlées avec des patients sélectionnés ayant des valeurs initiales élevées ou basses surestiment l’effet thérapeutique réel – l’inclusion d’un groupe contrôle prend ici toute son importance. Les distorsions de type «regression to the mean» peuvent alors être neutralisées par l’effet de soustraction de l’action du traitement testé et du traitement comparatif. Les améliorations observées sous placebo sont – en partie du moins – aussi dues à une régression à la moyenne. S’il existe un risque de phénomène de type «regression to the mean», l’inclusion de patients dans les études cliniques devrait être effectuée sur la base de me- sures initiales multiples.



Des facteurs déterminants inconnus peuvent fausser les résultats des études d’observation, en
particulier des études de cas témoins. Un nombre élevé de cas et des niveaux de signification statistiques n’offrent par ailleurs aucune protection contre les conclusions erronées. En présence d’un paradoxe de Simpson, nous ne savons en réalité pas la vérité: en effet, les analyses des sous-groupes peuvent elles-mêmes être influencées par une autre variable inconnue, qui, si l’on en tient compte, pourrait à nouveau inverser le résultat. C’est pourquoi il convient de choisir un protocole d’étude randomisé et contrôlé chaque fois que cela est possible. Dans les méta-analyses publiées, on veillera à la méthode utilisée pour calculer le NNT.



Ne faites pas aveuglément confiance aux résultats d’études utilisant des groupes contrôles historiques. Les progrès réalisés dans le diagnostic ou une augmentation artificielle de la prévalence d’une maladie peuvent simuler une amélioration du pronostic, qui ne doit pas être attribuée à une modification des standards de traitement ou à un nouveau médicament apparu sur le marché.

Il faut toujours être très prudent en lisant les études contrôlées et à fortiori les études non contrôlées (cohortes, cas-témoins, ouvertes ouvertes). Et l'effet placebo est très lié à ces paradoxes.

samedi 21 décembre 2019

Dry January, le Défi de Janvier : la santé publique Alafrançaise.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 21




Des addictologues ont décidé, malgré le refus du gouvernement et du Ministère de la santé, de lancer seuls l'opération Dry January, c'est à dire de demander aux citoyen.ne.s de ne pas boire pendant un mois entier au mois de janvier.

Qui ne pourrait souscrire à une telle initiative ?

Remplis de bonnes intentions ils veulent imiter l'expérience britannique (Voir le site ICI) qui a commencé en 2013.

Je vais donc passer pour un pisse-froid qui ne me range pas derrière la bannière étoilée des bonnes intentions... Les actions de santé publique se doivent d'être réfléchies, consensuelles, doivent interroger les différentes parties, les différents intervenant.e.s et il faut qu'elles soient susceptibles d'être efficaces.

Est-ce le cas ? 

Il faut dire que la situation est préoccupante.



Voici le site de la branche française : ICI.


Honnêtement, c'est du plus pur amateurisme. Mais le site est en travaux, sans doute. En cours de relecture, sans doute.



Nous allons analyser la maigreur de ce site.

La première page : LA.


Je cite la première règle car, ma brave dame, il y a des règles (trois) : "
  • Ne pas boire d’alcool à partir de votre heure de lever le 1er janvier… et c’est tout !"
Ben oui : c'est pas dur. Il fallait y penser plus tôt.



Et, ensuite, Mesdames Messieurs, on nous assène une histoire de "bon point" qui sort de là comme une colombe d'un chapeau de prestidigitateur comportementaliste.


Et encore, che.è.r.e.s ami.e.s buveurs/euses, on vous invite à vous inscrire, en un click, "Je relève le défi", à donner votre nom, votre e-mail, et vous pouvez lire la politique de confidentialité (ICI). On y croit grave. Non pas que je mette en doute la sincérité des animateurs de ce site mais il est possible de cracker cette liste en une seconde et demie.

Donc, je bois, et je donne mon nom, mon prénom et mon email.

Pour recevoir de la documentation.
Vous pourrez recevoir les e-mails avec les recettes, les trucs et astuces pour trouver des alternatives à la boisson, les conseils d’experts, les lieux partenaires,… mais aussi trouver du soutien et de l’aide en cas de souci !
Pourquoi ne pas la recevoir avant ?

Pourquoi relever le défi ?


La page des effets bénéfiques avancés est gratinée : LA.

Je note ceci qui est d'un niveau atterrant :
  • Une meilleure santé – puisque l’arrêt durant un mois fait un bien considérable au corps
On se croirait franchement dans un tract naturopathe.

Les outils de la campagne

Superbe : LA.

Il est même possible de charger une application en anglais. Chacun sait qu'en France la consommation excessive d'alcool concerne en majorité des Français anglophones. Il fallait y penser. Chapeau les artistes.



C'est tout.

Bon, soyons sérieux, qu'est-ce qu'est que ce binz ?

Ce n'est pas parce que les lobbys de l'alcool entravent les actions de santé publique qu'il faut faire n'importe quoi. Il vaut mieux ne rien faire que le faire mal. 
Ces actions ne peuvent réussir que si tout le monde participe. 
Qui voit le plus de personnes sur consommant de l'alcool ?
Y a-t-il une quelconque allusion aux médecins traitants ?


Il y a aussi Janvier Sobre, une "initiative citoyenne" : LA.

On comprend que ce truc ne sert à rien.
Une réflexion : "Oui, mais si on empêchait une seule personne de boire, ce ne serait pas déjà bien ?" Oui. Une efficience maximum.
Si, cela sert à mettre en avant les organisateurs pour qu'ils soient vus, c'est la technique bien connue de l'annonce, la technique bien connue de la vitrinification des actions, dont le Ministère de la santé, les ARS et la CPAM sont les champions.

Une mascarade.

Et, en plus, ils n'ont même pas les outils pour mesurer leurs actions. Pas un même un critère de substitution pour pouvoir faire les malins après.


Ma déclaration d'intérêts :

1) Selon le décret 2012-745 du 9/5/12 : je n'ai pas de liens avec les industriels de la santé
2) Pas plus de liens d'intérêts avec les alcooliers, producteurs, industriels, vendeurs et revendeurs de substances alcoolisées
3) Mon score AUDIT (LA) est de 3

PS du 21 janvier 2020 : on va s'intéresser à la nébuleuse #DryJanuary et à ses liens éventuels avec Big Pharma

PS du 29 novembre 2021 : les addictologues ne sont pas non plus d'accord, voir LA



vendredi 20 décembre 2019

Bad Pharma.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 20



Ben Goldacre est un auteur prolifique, il se trouve que je ne l'ai jamais cité ici.



J'ai lu Bad Pharma il y a déjà un certain temps et malgré ce que je savais, j'ai été estomaqué. Cette avalanche de faits, d'évidences, cette accumulation de malversations, de tricheries, de maquillage des données, de dissimulations de data est incroyable et invraisemblable... Et réelle. Si vous voulez savoir comment Big Pharma manipule l'EBM : vous êtes servis.


Vous pouvez l'écouter ICI, c'est tremendous and amazing. Il parle aussi vite qu'Eminem chante. Cela dure 15 minutes et c'est époustouflant.

Comme le disait Popper, quand vous aimez trop quelqu'un, méfiez-vous en.

Mais ne vous en méfiez pas trop : c'est brillant.

Le livre n'est pas traduit en français, ce qui montre l'inintérêt de la France pour ce qui combat la fausse science et la corruption.




jeudi 19 décembre 2019

La consultation d'annonce ne devrait pas être réservée à l'oncologie.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 19.




Comme dirait l'autre, il s'agit de "mentir vrai" pour ce qui est des deux cas cliniques (toutes les permutations sont possibles, femme/homme, diagnostic/non diagnostic, circonstances fraies/fausses, à vos calculettes).

Passons sur le fait qu'on ne dit pas consultation d'annonce, mais dispositif d'annonce (voir LA). Voici une publication oncologique datant de 2010 qui rend compte a priori de la lourdeur du dispositif. Et, le plus beau dans l'affaire : le retour vers le médecin traitant (1). Un poème.

Je pourrais en faire des tonnes sur ce que disent les patients de la façon dont s'est passée leur consultation d'annonce en oncologie. une autre fois.

J'ajoute que la consultation/le dispositif d'annonce sont aussi préconisées en cardiologie. Je trouve ICI un papier dans un site dédié aux infirmières...

Commençons par le début.

Cas 1 (il y a au moins 5 ans).

Acte I
Mademoiselle A vient au cabinet avec un test urinaire de grossesse positif.
Elle veut une prise de sang pour confirmer : je lui blablate ce que tout le monde sait et dit.
Elle connaît parfaitement la date de ses dernières règles.
Je lui imprime son calendrier de grossesse avec les dates.
Je lui communique l'adresse du site du CRAT.
Je lui explique que je ne "suis" plus les grossesses parce que : bla bla bla. Nous parlons de qui la suivra et où (elle a déjà choisi et, entre nous, cela n'aurait pas été mon choix).
Interrogatoire.
Pesée, mesure de la pression artérielle.
Prescription du bilan habituel (cf. les référentiels). Conseil pour l'endroit où faire pratiquer la première échographie (tous les radiologues ne sont pas généricables) mais elle s'était déjà renseignée et elle avait fait le même choix.
(Je connais cette jeune femme depuis l'âge de 8 jours, je connais son copain, je connais ses frères et soeurs, je connais ses neveux, je connais sa mère,....)
On cause (alimentation, bla bla bla). J'écris à la main les conseils diététiques et les interdits (2).
La consultation est longue et je dépasse largement le quart d'heure convenu.
Rendez-vous pris pour la semaine prochaine.
Acte II
Elle revient avec les résultats. Tout est nickel.
Elle est soulagée parce qu'il y avait des trucs en gras sur les bilans. J'explique blablate bla le problème des bornes.
Au moment de partir, la consultation est beaucoup plus rapide que la dernière fois, elle a quelque chose à me dire.
" Vous savez, docteurdu16, la dernière fois, vous m'avez expédiée...
- Ah...
- Vous ne vous êtes pas rendu compte de ce que cela représentait pour moi d'être enceinte, cela me faisait entrer dans un nouveau monde inconnu... Vous auriez dû m'expliquer un peu plus..."
Acte III.
Elle est enceinte de son deuxième bébé et je lui rappelle la conversation que nous avons eue sur le sujet : elle ne se rappelle plus.


Cas 2 (novembre 2017)

Acte I et II et III
Je diagnostique chez Monsieur A, 66 ans, qui est venu me voir pour un rhume banal qui aurait très bien pu "passer" avec quelques mouchoirs non remboursés par l'Assurance maladie, une hypertension artérielle. Bref, il est hypertendu. Il a eu droit à un interrogatoire serré, à des mesures répétées de la pression artérielle, à une prise de sang, et il a acheté, sur mes conseils, un appareil automatique de tension qui confirme qu'il est hypertendu et que les valeurs qu'il trouve chez lui sont à la hauteur de celles que je mesure à mon cabinet.
Je lui prescris un traitement qui s'avère non efficace, un autre traitement qui s'avère inefficace puis une combinaison de deux traitements qui est modérément efficace mais acceptable. Je ne cite pas les classes pharmacologiques car cela n'a rien à voir avec mon propos et cela pourrait susciter des commentaires sans fin. Disons qu'il n'y avait pas de bêtabloquants.
Je lui demande de repasser un mois après.
Acte IV
Il n'est pas content. Sa pression baisse peu, il oublie de prendre ses médicaments, ce qui le met dans une rage folle contre lui-même et il me dit ceci : "Docteur, vous vous êtes foutu de moi. Vous m'avez dit sans une once d'émotion, à moi qui n'ai jamais pris un médicament de ma vie, que j'étais hypertendu et, au lieu de me rassurer, vous m'avez collé la pétoche... Vous m'avez fait entrer dans le monde de la maladie, et, à mon âge, dans le monde de la vieillesse, vous auriez pu prendre plus de gants..."

Conclusion : Dire à quelqu'un qu'il ou elle change de condition de façon provisoire (une grossesse) ou qu'il ou elle entre dans une condition chronique (être hypertendu) ou que l'une devient maman (ce qui n'est pas rien) et l'autre, à son idée, devient vieux, n'est pas anodin. Il faut en tenir compte quand nous annonçons à quelqu'un qu'il "a" quelque chose.


(1) Qui connaît le mieux a priori un.e patient.e ? Sa mère, sa voisine de palier, sa femme/mari, ses collègues, sa maîtresse/amant, ses enfants, l'oncologue  ou le médecin traitant ?
(2) Je reviendrai un jour sur ces interdits qui sont devenus effrayants, je vous entends déjà, un cas par an, cela vaut le coup... Je fais le job. Sans conviction.


mercredi 18 décembre 2019

Comment faire (sagement) carrière en médecine.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 18


Adam Cifu, MD. Professor of Medicine, Internal Medicine, Primary Care



CHOIX DE CARRIERE

  • Choisissez le métier qui promet la meilleure équipe de collègues.
  • Choisissez le meilleur métier plutôt que le mieux payé.
  • Soyez honnête avec vous-même en vous demandant si vous serez heureux avec les exigences du métier et les demandes des patients.
  • Ne croyez pas que vos nouveaux employeurs changeront le métier qu'ils vous offrent pour celui que vous désirez.
  • Au début de votre carrière, dites oui à tout ; plus tard dites non à tout sauf pour les choses que vous désirez vraiment faire.
  • Méfiez-vous des "promotions" qui vous éloigneront  de ce que vous aimez faire.
  • Payez pour (investissez pour) élever sérieusement vos enfants.
  • Essayez de vivre et de travailler près des écoles de vos enfants et de minimiser vos déplacements.
  • Fixez un rendez-vous le soir (et même un rendez-vous de petit-déjeuner) chaque semaine avec vos enfants.
Adam Cifu. Voir ICI son pedigree universitaire.
Adam Cifu est aussi sur twitter : @adamcifu

mardi 17 décembre 2019

Un blog indispensable pour comprendre les dessous scientifiques de l'édition scientifique.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 17




Comment faire du copinage quand on ne connaît pas le copain ?

Toujours est-il que le blog de Hervé Maisonneuve est un bijou. Il est une source inépuisable de renseignements sur les publications en médecine, sur l'évolution et sur les dérives éventuelles des professions d'éditeurs, d'auteurs, de correcteurs, de peer-reviewers, sur la structure de l'édition, sur l'open-access, et cetera, sur la non publication des essais cliniques, sur les tricheries, sur les valeureux, sur les victimes, sur les liens endogames entre l'université, l'industrie et les éditeurs...

N'oublions que l'un des bras de l'EBM est la prise en compte des dernières données de la science et notamment des essais contrôlés. Essais contrôlés contrôlés par l'industrie et les éditeurs...

Donc, il est possible que je ne sois pas d'accord ici ou là avec l'auteur du blog, peu importe : vos saurez lire entre les lignes et trouver votre miel.

Hervé Maisonneuve est également sur twitter : @hervemaison

lundi 16 décembre 2019

Deux nouveaux syndromes dans le monde délirant de la psychiatrie : le BSD et le CSD-HD.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 16

























Cela commence comme cela sur twitter :



Allen Frances réagit à un article allemand que relate le Daily Mail publié dans le journal Comprehensive Psychiatry. Ces chercheurs ont, selon eux, découvert une nouvelle entité clinique le Buying-Shopping Disorder (BSD) qui affecterait 5 % de la population. On pourrait traduire cela par le Trouble de l'Achat et du Magasinage (TAM).

Lead investigator Astrid Muller of Hannover Medical School said: ‘It really is time to recognise BSD as a separate mental health condition.


Il faut traiter. Et les auteurs de se désoler que ce nouveau syndrome ne soit pas inclus dans la classification internationale des maladies.

Dans l'article de Allen Frances la conclusion est la suivante :

The ambitious medicalizing of our interests, passions, indulgences, and eccentricitIes has unfortunate practical consequence. But even worse, it somehow cheapens respect for the wonderful diversity and intensity of human experience. It will be a very dull brave new world indeed when all passionate interests are seen as a pathological targets for treatment.

La médicalisation ambitieuse de nos intérêts, de nos passions, de nos complaisances et de nos excentricités a des conséquences pratiques malheureuses. Mais, pire encore, elle rabaisse en quelque sorte le respect pour les merveilleuses diversité et intensité de l'expérience humaine. Nous entrerons effectivement dans un terne meilleur des mondes quand tous nos intérêts passionnés seront vus comme des cibles pathologiques de traitement.

Je vous invite à lire les commentaires sur twitter.

Mais ce qui a retenu le plus mon attention, c'est ceci : 



Un certain Legedin a donc identifié un nouveau syndrome, le CSD-HD, qui peut être considéré comme une maladie mentale. Les gens qui ont un CSD-HD présentent des stéréotypies (1) urgentes ou compulsives qui incluent la recherche d'étiquettes diagnostiques pour chaque comportement ou émotions humaines.

C'est ce que recherche le DSM V : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.

On pourrait traduire cela par Trouble d'Hypermédicalisation par Déficit du Sens Commun (TH-DSC)


(1) Définition : Tendance à conserver la même attitude, à répéter les mêmes mouvements ou les mêmes paroles.




dimanche 15 décembre 2019

Quand les médecins ont tous les pouvoirs : terrorisant.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 15


Le livre de Guillaume Lachenal est pour moi une source inépuisable d'incrédulité.

L'auteur raconte comment un médecin, le docteur Jean Joseph David, a gouverné seul pendant la deuxième guerre mondiale une région entière du Cameroun. On l'appelait l'Empereur du Haut-Nyong. Et comment le roi David a pu monopoliser tous les pouvoirs médicaux, administratifs et militaires pour lutter contre la trypanosomiase.

Il y a tout là-dedans : racisme, colonialisme, état policier, exactions, camps d'internement.

Tout était possible avec les races inférieures.

Et pour des résultats déplorables en termes de santé publique.


Donner tous les pouvoirs aux médecins n'est pas une bonne chose. Ni à personne, d'ailleurs.


samedi 14 décembre 2019

De quoi Jean-Paul Delevoye est-il le nom ?

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 14


Les conflits d'intérêts sont une affaire complexe.

Nous en avons déjà parlé en médecine. Trop souvent.

L'affaire n'est toujours pas comprise.

La retraite de Delevoye : une bérézina.

Chirac avait dit de lui : "C'est un grand con, d'abord parce qu'il est grand (193 cm) et ensuite parce qu'il est con." On pourrait ajouter : C'est un grand conflit d'intérêts.

Le nom de Delevoye signifie corruption.


On apprend qu'en plus de ses activités il avait treize mandats : ICI.

Mais je n'ignore pas que les médecins en général, pas tous, hein, devraient commencer par balayer devant leur porte.

PS du 16 décembre 2019 : Le grand démissionne (je n'y suis pour rien).

vendredi 13 décembre 2019

Combien de temps a-t-il fallu pour réévaluer et abandonner la paracentèse et les antibiotiques en première intention dans l'otite moyenne aiguë ?

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 13.




Un de mes amis chef de clinique assistant en ORL, devenu ensuite professeur et chef de service, m'a fait lire cet article en 1981 : ICI.

THERAPY OF ACUTE OTITIS MEDIA: MYRINGOTOMY, ANTIBIOTICS, OR NEITHER?: A Double-blind Study in Children


Je suis tombé de ma chaise.

Voici l'abstract :

Abstract

In a double-blind study 171 children with acute otitis media (239 affected ears) were treated by four different methods: neither antibiotics nor myringotomy; myringotomy only; antibiotics only; or both antibiotics and myringotomy. All received symptomatic treatment. There were no significant differences in clinical course (pain, temperature, duration of discharge, otoscopic appearances, audiography, recurrence rate) between the four groups. In the groups treated without antibiotics, the ears discharged for slightly longer and the eardrums took a little longer to heal; these differences were not significant. No complications were seen. Symptomatic therapy with nosedrops and analgesics seems a reasonable initial approach to acute otitis media in children. Myringotomy and antibiotics can be reserved for cases in which the course of otitis is irregular, there are complications such as mastoiditis, or ear discharge continues beyond 14 days.
Dans un essai en double-aveugle 171 enfants porteurs d'une otite moyenne aiguë (239 oreilles affectées) ont été traités de 4 manières différentes : ni antibiotiques ni paracentèse ; paracentèse seule ; antibiotiques seuls ; ou antibiotiques et paracentèse. Tous recevaient un traitement symptomatique. Il n'y a pas eu de différences entre les 4 groupes sur l'évolution clinique (douleur, fièvre, durée de l'écoulement, vision otoscopique, audiométrie, taux de rechute). Dans les groupes traités sans antibiotiques, les oreilles ont coulé légèrement plus longtemps et les tympans mirent un peu plus de temps à guérir ; ces différences n'étaient pas significatives. Aucune complication n'a été observée. Un traitement symptomatique par gouttes nasales et analgésiques semble une approche initiale raisonnable pour une otite moyenne aiguë chez les enfants. Paracentèse et antibiothérapie peuvent être réservés aux cas où l'évolution de l'otite est irrégulière, s'il existe des complications comme une mastoïdite ou si l'écoulement continue au delà de 14 jours. 

L'article est la propriété de Elsevier (voir le billet précédent LA), coûte très cher et est interdit à la reproduction.

Je tombe encore de ma chaise en constatant combien de paracentèses inutiles (et douloureuses) ont été pratiquées chez des enfants qui n'en avaient pas besoin, combien de millions (milliards ?) de boîtes d'antibiotiques ont été prescrites à tort. 

Si la paracentèse dans l'indication otite moyenne aiguë a quasiment disparu les antibiotiques continuent d'être prescrits larga manu.

Cet article de 1981 pose encore le problème de la réactivité des consciences confrontées aux croyances, au corporatisme (ici des ORL) et à l'industrie des antibiotiques. A suivre.

Nous parlerons un jour des yoyos ou aérateurs tympaniques.

PS du 14/12/19. Dominique Dupagne fait la réflexion suivante sur twitter :


"Bref, cette étude ne prouve pas de supériorité, mais ne peux pas non plus l'infirmer, faute de puissance suffisante." ajoute Dominique Dupagne.




jeudi 12 décembre 2019

L'Etat calamiteux de l'éthique des publications dans la ligue mondiale de médecine.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 12


Les revues prédatrices dans Nature : LA.


Predatory journals: no definition, no defence

Leading scholars and publishers from ten countries have agreed a definition of predatory publishing that can protect scholarship. It took 12 hours of discussion, 18 questions and 3 rounds to reach.
Predatory journals are a global threat. They accept articles for publication — along with authors’ fees — without performing promised quality checks for issues such as plagiarism or ethical approval.

Elsevier, l'éditeur qui corrompt l'Open Science en Europe : ICI.

Un bel article dans The Guardian. Rappelons que l'Open Science a pour objectif d'ouvrir l'accès aux informations scientifiques en 2020. Un beau projet européen mis en place sous l'égide de la Commission Européenne. Le hic vient de ce que l'on a confié le projet à Elsevier... Lire la suite.

Elsevier are corrupting open science in Europe

La pratique frauduleuse de ne publier ni les protocoles ni les données bases des études quand elles sont négatives ou autres : ICI.

The idea of RIAT (Restoring Invisible and Abandoned Trials) was born in a specific time period: the early part of this decade. This was when we started realising that clinical trials published in traditional biomedical journals were in the best case scenario extreme summaries of clinical study reports and other documents which contained extensive descriptions of the design, conduct and results. The underlying richness of detail and data, which was astonishing for those who had been used to journal articles, allowed two important aspects of scrutiny. First, we could do many more analyses and look at traditionally neglected aspects, such as harms reporting. This was not possible with journal articles. Second, we and other groups started noticing what we called discrepancies between the content of clinical study reports and their published counterparts. The discrepancies were misreporting in most cases.


Comment les AMM sont obtenues en oncologie : facilement : LA.

Cet article, qui vient à la suite d'autres que j'avais déjà cités, est fondamental car il montre combien ni les industriels, ni les agences gouvernementales (ici l'agence européenne, EMA), ni les revues ne font attention aux "détails" que sont les biais, la conduite des essais, l'analyse et la notification des effets indésirables.

Most pivotal studies forming the basis of EMA approval of new cancer drugs between 2014 and 2016 were randomised controlled trials. However, almost half of these were judged to be at high risk of bias based on their design, conduct, or analysis, some of which might be unavoidable because of the complexity of cancer trials. Regulatory documents and the scientific literature had gaps in their reporting. Journal publications did not acknowledge the key limitations of the available evidence identified in regulatory documents.


Les études alakhon : LA. La Chapelle des facteurs confondants.

BREAST CANCER LINKED TO PERMANENT HAIR DYE AND CHEMICAL HAIR STRAIGHTENERS IN STUDY OF ALMOST 50,000 WOMEN

La part de l'industrie dans les essais ou comment l'EBM est flouée : ICI.


For example, the New England Journal of Medicine — one of the most prestigious medical journals in the world — published 73 studies of new drugs. Of those studies, a pharmaceutical company funded 60, 50 had drug-company employees among the authors and 37 lead researchers had accepted money from a drug company, according to a review conducted by the Washington Post.

For instance, a report from John Hopkins University showed that the number of clinical trials funded by the pharmaceutical industry has increased each year since 2006, while those funded by the NIH decreased. In 2014, Big Pharma paid for 6,550 trials, while NIH funded 1,048, according to a study by Stephan Ehrhardt and colleagues published in JAMA.


On s'arrête là ?


mercredi 11 décembre 2019

La grande mascarade du procès Mediator.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 11

Jean-Michel Alexandre


Le procès Mediator est une vaste farce.

Les "vrais" coupables sont oubliés ou sont "blanchis".

Je vous propose trois visions de l'affaire mais il manquera toujours une quatrième vision qui concerne les prescripteurs. Par un tour de passe-passe extraordinaire les prescriptions de Mediator n'ont pas été faites par des médecins. Elles se sont retrouvées sur le comptoir des pharmacies écrites par la main invisible du marché. Où sont-ils ? Où se sont-ils cachés ? Où peut-on les trouver ? En tous es cas, pas au prétoire.

Mediator : Didier Tabuteau, un «Kouchner boy» grand absent du dossier


L'article de Anne Jouan (ICI) qui date de 2017 est un modèle de qualité journalistique. Il renseigne sur la République des copains et des coquins qui sévissaient au Ministère de la santé, à la DGS, à l'Agence du médicament et dans les différentes firmes concernées. Comment l'IGAS (avec à sa tête Aquilino Morelle) a blanchi Didier Tabuteau. Je vous laisse déguster.

L'audition de Arielle North (LA) montre que tout indiquait qu'il eût fallu enlever l'indication diabète de la notice Mediator en France dès avril 1997, comment une note manuscrite de cette pharmacienne a mystérieusement disparu et comment Servier a pu continuer à porter l'indication diabète. Sous l'influence du professeur JM Alexandre.



L'article de Catherine Riva (ICI) sur Irène Frachon éclaire également un aspect moins lumineux de cette dernière, tout en ne niant pas son rôle décisif.

Comment croire un seul instant que les différents protagonistes de l'affaire ne savaient rien, ne comprenaient rien, était de sombres imbéciles, et cetera ? Commet des pharmacologues de renom n'ont-ils pas compris les liens entre isoméride et Médiator, entre les anorexigènes en général et Médiator ?

Mais, plus encore, ces trois aspects connus de tous montrent que ce qui s'est passé pour Mediator se passe encore maintenant.

Vous n'y croyez pas ?

mardi 10 décembre 2019

La professeure Audrey Gabelle prend des risques.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 10





ICI


Vous pouvez aller jeter un oeil sur les titres et travaux de la professeure : LA sur PubMed

Sur la base Transparence Santé (LA) il existe 40 mentions la concernant.

Cela dit, je ne la connais ni des lèvres ni des dents.

Elle prend des risques.

Voici l'accroche (sobre) de l'entretien qu'elle a accordé au journal Le Point :

Traitement d'Alzheimer : « Cette fois, l'espoir est bien réel »

"

De retour de San Diego (États-Unis), où se tenait le congrès international sur les essais thérapeutiques dans la maladie d'Alzheimer et les syndromes apparentés, Audrey Gabelle (professeure de neurologie et neurosciences, directrice du Centre mémoire de ressources et de recherche et du centre de compétences démences rares et précoces au CHU de Montpellier) ne masque pas son enthousiasme. C'est aussi le cas de la majorité des chercheurs, des cliniciens et des laboratoires pharmaceutiques réunis aux États-Unis jusqu'à samedi dernier. Après tant d'espoirs déçus, différentes annonces poussent à l'optimisme. Elles concernent la gestion des troubles du comportement (hallucinations et délires) à des stades avancés de la pathologie et, surtout, les effets positifs d'un traitement ciblé destiné aux premiers stades de la maladie d'Alzheimer. Interview.
Elle prend des risques car :

  1. Elle s'autoproclame, à la sortie d'un congrès, Key Opinion Leader en risquant de fâcher la communauté neurologique des professeurs plus gradés qui auraient aimé être KOL en premier et es qualités
  2. Elle en dit plus sur les résultats (elle est plus optimiste) que le laboratoire : elle accentue le hype post congrès en majorant les effets bénéfices et en minorant les effets délétères.
  3. Les résultats sont post hoc : analyse refaite après que l'analyse intermédiaire a été considérée comme négative et que de nouveaux patients ont été inclus en recevant des doses plus importantes.
Elle participe à l'insu de son plein gré :
  1. Au début du marketing mix de Biogen
  2. A la mise en branle des réseaux politiques/Big Pharma/KOL
  3. A la mise sous pression des agences gouvernementales hors US (car la FDA trumpienne a déjà annoncé que son doigt était déjà posé sur le bouton presseur de l'AMM)...  
  4. ... favorisée par l'irruption des associations de patients sur le devant de la scène : mon médicament, mon dû...
  5. ... par la prochaine tribune de prestigieux grands patrons (parisiens) déjà et futurs KOL dont la Base Transparence Santé indiquera, selon la doctrine Buzyn qu'ils sont des "bons", exigeant : ...
  6. ... l'ATU, l'AMM fast tracking, et la fixation d'un prix pharamineux remboursable (la santé des patients le vaut bien)
  7. A la campagne de presse en cours dans les journaux grand public et dans les journaux médicaux à partir d'un dossier de presse réalisé par les marqueteurs de Biogen.
  8. A la future publication d'un éditorial dithyrambique dans le NEJM (New England Journal of Marketing) ou dans tout autre journal à fort pouvoir d'impact international dans le même numéro du journal publiant des résultats plutôt plus décevants que ce qui avait été annoncé en congrès...
Mais, imaginons que cette molécule soit aussi géniale que cela, que ses effets d'échelle (cognitives) soient prolongés au delà des 78 semaines actuelles... que ses effets sur les critères de substitution (IRM montrant un déclin de la substance amyloïde) soient corrélés à la clinique (ça peut arriver)...

Je serais le premier ravi pour tous les patients porteurs d'un Alzheimer et/ou d'autres démences dans ma patientèle...

Mais, ce que je crains, quand le soufflé retombera, les comptes de Biogen seront non seulement à l'équilibre mais largement bénéficiaires.




lundi 9 décembre 2019

Le rapport de la Cour des comptes sur l'Ordre National des médecins : In memoriam.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 9.




Le rapport de la cour des comptes sur l'Ordre des médecins est comme tout rapport : il n'est pas neutre, il a des intentions, il porte un message, il dépend des rédacteurs et des conseilleurs. La Cour des comptes s'est parfois trompée.

Je vous laisse, très chers confrères, le lire : ICI.

Nous en reparlerons.

L'accumulation des faits rapportés pose des questions avec des réponses. Les médecins ordinaux sont donc des hommes et des femmes comme les autres (pourris ?).

Sauf que :



Je rappelle que je suis pour sa dissolution pure et simple. Et cela ne date pas d'hier. Ni de ce rapport.

Avec, peut-être, une phase de transition qui serait la pure administration de ses tâches régaliennes. L'éthique et la morale.

L'éthique et la morale.

L'éthique, c'est le coeur de notre métier, c'est ce qui fait notre spécificité de soignant. C'est ce qui doit nous guider. C'est ce qui doit nous protéger des ingérences extérieures, celles de la société civile qui comprend l'Etat, les pouvoirs régaliens (notamment la police et la justice) et les pouvoirs administratifs (l'Assurance maladie) et/ou privés (banques, assurances, et cetera), sans oublier les autres institutions comme l'Education nationale.


La morale, ce sont nos relations entre médecins (la confraternité au sens large, l'aide à nos confrères dans le souci) mais ce sont aussi nos relations avec les patients (nous devons être proches mais distants, proches pour défendre à tout crin le secret médical, distants pour ne pas nous substituer à eux dans leur vie, leurs valeurs et leurs préférences, ne pas médicaliser leur vie même s'ils le demandent).

dimanche 8 décembre 2019

L'épidémie de rougeole aux Îles Samoa.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 8



L'effroyable nombre de décès aux îles Samoa peut-il s'interpréter autrement que comme un défaut de vaccination ?

Cette question est sotte. Il faut vacciner contre la rougeole dans les pays Low middle Income Countries dont voici la liste : ICI. Et ailleurs aussi. Mais il faut que les pays s'en donnent les moyens ou plutôt que la communauté internationale leur en donne les moyens.


Les Îles Samoa (200 000 habitants) font partie du sous groupe de la Polynésie à laquelle appartiennent les territoires français. 

Comment juge-t-on la santé publique dans un pays ? Samoa en rouge et France en gras.

Espérance de vie à la naissance : 70,8 ans pour les hommes et 76,8 pour les femmes. F : respectivement 79,5 et 85,4.
Mortalité maternelle en couche : peu de données pour Samoa.
Mortalité infantile : 2016 : 17,3 décès pour 1000 naissances vivantes avant un an (2 %) (voir LA) contre 1,58 au Luxembourg (0,2 %) (le champion du monde) et 3,3 en France (0,3 %) (soit 2900 enfants). Pour la France il est flagrant que dans le territoire de la République ce taux soit de 6,8 à  La Réunion, et de 9,3 à Mayotte et en Guyane. Les conditions socio-économiques comptent.
Nombre de médecins par habitants : (les chiffres datent de 2006) : 0,46 pour 1000 habitants et France : 3,4.
Dépenses de santé : 7,2 % du PIB (2014). Cette donnée est sujette à caution comme indicateur de bonne santé quand on voit le tableau des pays : LA.
Le PIB par habitant : Samoa : 5737 $, F : 43551 $


Relation entre indice synthétique de fécondité et mortalité infantile (source INED 2010)


En 2005 le taux de vaccination contre la rougeole était de 71 % selon des sources INED précédentes.

La baisse de la vaccination entre 2018 et 2019 est liée à la mort de deux enfants après vaccin due à une erreur de manipulation de 2 infirmières le 6 juillet 2018 : LA. Elles sont en prison.

Les chiffres Unicef/who de la couverture vaccinale : ICI

Pour la deuxième injection de rougeole.


Donc, les articles qui parlent d'un taux de vaccination passant en un an de 74 à 34 % sont erronéLA

Mais la couverture vaccinale n'est, pour le moins, pas fameuse. Les autres vaccins ne sont pas mieux lotis : voir le doc.

Aujourd'hui, pour la présente épidémie, et pour l'instant, il y a eu 4357 cas déclarés de rougeole aux Samoa et 63 décès.

En France, en 2018, il y a eu 2902 cas et 3 décès (source Santé Publique France : ICI) pour 67 millions d'habitants contre 200 000 habitants aux Samoa.

Le niveau socio-économique et la qualité des services de santé comptent quand on regarde le taux de mortalité.

23 % des cas en France ont été hospitalisés.

89 % des cas sont survenus chez des sujets non ou insuffisamment vaccinés.

Nous n'avons pas de données de morbidité annuelle en France mais les chiffres suivants (LA) :

Du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2018, plus de 27 500 cas de rougeole ont été déclarés en France (dont près de 15000 cas pour la seule année 2011). Après avoir fortement diminué en 2012, le nombre de cas déclarés est resté stable en 2013 et 2014 (respectivement 859, 259 et 267 cas). En 2015, le nombre de cas augmentait de nouveau (364 cas), en lien avec un important foyer épidémique en Alsace (230 cas). En 2016, une circulation moindre du virus de la rougeole a été notée avec seulement 79 cas déclarés, puis elle s’est intensifiée en 2017 avec un total de 519 cas déclarés, en lien surtout avec des foyers épidémiques en Lorraine, Nouvelle Aquitaine et Occitanie, et 2918 a vu une reprise intense de la circulation du virus de la rougeole avec 2921 cas déclarés.
Au cours de ces onze années, plus de 1500 de ces cas ont présenté une pneumopathie grave, 40 une complication neurologique (37 encéphalites, 1 myélite, 2 Guillain-Barré) et 23 sont décédés. 
Ces données montrent que, début 2019, il reste en France un réservoir de sujets réceptifs suffisant pour maintenir la transmission du virus, en particulier dans la population des jeunes adultes. Le virus continue à circuler au cours du premier trimestre 2019 (plus de 500 cas au 31 mars 2019), de façon moins intense qu’en 2018, mais avec toutefois la survenue d’un 24ème décès dans un tableau d’encéphalite subaiguë.

Ainsi, les déclarations des vaccinolâtres (i.e. les personnes, médecins ou non qui, tels des zélotes affirment que les vaccins, tous les vaccins sont efficaces, efficients, sans effets indésirables, on ne discute pas et tout le monde le sait, oubliant que les vaccins sont des médicaments comme les autres avec leur taux d'efficacité, d'efficience, leurs effets indésirables, leurs balances bénéfices/risques) sur le rôle des antivaxx (i.e. les personnes, médecins ou non, qui contestent a priori les vaccins en général et qui leur dénient, quel que soit le vaccin, tout effet bénéfique) dans cette épidémie qui touche horriblement les îles Samoa indépendantes, ont raison si Madame Michu ou Monsieur Michu des Samoa ont été influencés par des gourous falsificateurs tels Wakefield, certaines Eglises protestantes, certains fondamentalistes juifs, musulmans, hindouistes, taoïstes et autres écologistes. 

Mais.

Les chiffres de la santé publique aux Samoa indiquent que la vaccination sans les structures  médicales (hôpitaux), les structures d'hygiène, d'éducation, et des professionnels de santé de qualité et de quantité ne peut pas tout pour prévenir la survenue d'une épidémie, et la juguler.

Les Iles Samoa ne sont ni les territoires français de Polynésie, ni la France métropolitaine.

Il faut donc vacciner mais aussi faire le reste mais c'est la loi inverse des soins (Inverse Care Law) qui préside en santé publique dans le monde.

PS du 12/12/19 : des commentaires de Martin Fierro sur twitter : LA.