Jésus chasse les marchands du Temple. Leandro Bassano. 1578 |
Je suis allé ce matin aux palmarès Prescrire (LA).
Grande nouvelle : une pilule d'Or a été remise.
Cela faisait depuis 2007 que cela n'était pas arrivé (acide carglumique - CARBAGLU) : vous connaissez ?
Quand je regarde les noms des pilules d'or depuis 1981, je me demande si je n'ai pas rêvé.
Cette année, elle a donc été remise à ORPHACOL - acide cholique : L'acide cholique (Orphacol°) apporte un progrès majeur chez les enfants atteints de rares déficits héréditaires de la synthèse d'acides biliaires primaires, maladie le plus souvent mortelle".
Merveilleux.
Nous apprenons qu'il s'agit d'un progrès majeur avec augmentation de l'espérance de vie.
Cela concerne 20 patients en France.
Fermons le ban.
Mais avant cela nous avons assisté à 3 présentations dans le cadre d'une Conférence-débat intitulée : "Le prix des médicaments : quelle logique ?"
Grosso modo, cela m'a rendu perplexe.
Puis effaré de voir que La Revue Prescrire "cautionne" de telles interventions : la modératrice n'a rien modéré du tout et n'a cessé de dire : "Comme c'est merveilleux... Comme vous nous avez appris des choses... Comme c'était bien..." On pourrait espérer mieux d'une revue critique. Mais on a appris deux ou trois trucs. Pas plus. Mais sur le fond, que d'inexactitudes, que de manque de profondeur, de recul, de réflexion.
Je commence par le morceau de choix qui est la première intervention.
Hépatite C : Médicaments hors de prix = restrictions d'accès aux soins et discriminations.
Par Marianne L'hénaff, représentante des collectifs interassociatifs Traitements et Recherche (TRT-5) et du Collectif Hépatites Virales (CHV).
Elle commence son intervention en disant de façon amusante "Je n'ai pas de conflits d'intérêts avec les laboratoires, je n'ai que des conflits avec eux".
Ce n'est pas tout à fait vrai.
Pour Traitements et Recherche (TRT-5) il suffit de cliquer ICI pour connaître les sponsors big pharmiens. Et, je pense à Bruno Lina, il y a une maxime qui pourrait faire baver tous les corrompus de la terre : La diversité de sources de financement du TRT-5 contribue a l’équilibre budgétaire du collectif ; elle est aussi et surtout une garantie fondamentale de notre indépendance..
Pour Collectif Hépatites Virales (CHV) on clique LA pour connaître les sponsors.
Ce problème étant réglé (1), passons à la suite. Quand le texte complet sera disponible en ligne (par l'intermédiaire de La revue Prescrire) je mettrai le lien LA.
Commentaire personnel : il est évident que le prix du Sovaldi est "scandaleux" mais il n'est qu'un exemple parmi des centaines d'autres concernant des produits de cancérologie, de rhumatologie et de pneumologie (et d'ophtalmologie par exemple). Nous reviendons sur ces sujets avec la deuxième intervention mais voici ce que j'ai ressenti à propos de celle de Madame L'hénaff.
Cette dame joue sur plusieurs registres : la colère, le scandale, la morale, le compassionnel, l'anti capitalisme, et... la santé publique.
Je suis arrivé à la réunion sans en connaître le sujet mais j'avais une certaine culture personnelle et j'avais lu un article fondamental sur le sujet, celui de JF Bergmann paru dans le journal Libération : LA. C'est moi qui grasseye.
TRIBUNE
Nous sommes loin de toutes les navrantes approximations de Madame L.
Son intervention n'était ni plus ni moins qu'une entreprise de disease mongering (voir LA) avec toutes ses tactiques : dramatisation, absence d'évaluation correcte, extension des indications à des stades anté cliniques, manipulation des résultats, groupe d'experts amis, passionnalisation, et cetera. Disease mongering en faveur de big pharma malgré le fait qu'elle et les associations demandent une baisse drastique des prix, l'accès aux pays pauvres et même une autorisation de licence d'office.
Cela souligne le ménage qui devrait être fait dans les associations de patients qui souffrent de leur maladie infantile à savoir la corruption par big pharma.
Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, qu'il ne faille pas tenir compte des patients et de la scince dite profane. Mais nous en avons déjà parlé et nous y reviendrons un jour...
Pourquoi les médicaments sont-ils si chers ? La dérive d'un modèle d'affaires.
Par Marc-André Gagnon, professeur adjoint en politique publique (Ottawa - Canada).
Son exposé (voir ICI quand il sera en ligne) est intéressant car il souligne les tendances de big pharma pour les années qui viennent. Il rappelle que les coûts de la recherche et du développement sont majorés de façon artificielle par big pharma et que parmi les techniques de gonflement existent à la fois des mensonges connus de tous (dont ceux qui décident des prix), des largesses dues à des fonds publics et des promesses non tenues. Je voudrais ajouter ceci : big pharma se plaint partout des contraintes qu'on lui a imposées d'un point de vue réglementaire et des coûts du développement mais il apparaît que les contraintes réglementaires comme les coûts excessifs lui ont permis de saturer le marché, c'est à dire de rendre le droit d'entrée impossible à assumer par la recherche publique et / ou par de petites firmes privées innovantes (dans ce dernier cas big pharma achète les firmes qui ont commencé le développement en étant certaines d'avoir un produit "rentable").
Notre intervenant souligne que big pharma est passé du règne des blockbusters (molécules disposant d'un marché potentiel considérable comme les statines, les anti hypertenseurs ou les antidépresseurs) à celui des nichebusters (produits de niches et/ou de maladies dites orphelines) qui autorisent des essais rapides, sur peu de patients, avec des participations publiques, des crédits d'impôts, dans des indications compassionnelles, avec des critères de jugement allégés et des commissions d'évaluation favorables a priori non tant pour des raisons scientifiques que politiques. Mais MA Gagnon souligne également que ce marché permet de saucissonner les indications (salami-slicing) et d'obtenir plusieurs indications orphelines avec une même molécule (il prend l'exemple du Glivec qui a obtenu 7 indications orphelines différentes, ce qui rend l'orphelinat bourré). Sans compter les utilisations hors AMM qui sont suggérées par les firmes, appliquées par les médecins et soutenues par les associations de patients. Petit commentaire personnel : cette politique des nichebusters est sous-tendue par le marketing de la médecine personnalisée, génétique, et cetera (qui a eu de très beaux succès en hématologie par exemple) qui fait croire au bon peuple qu'il sera possible de faire des médicaments patients centrés et que l'on améliorera le pronostic. c'est bien entendu le domaine d ela cancérologie où, je le rappelle, ce sont des données FDA, les 71 derniers produits d'oncologie agréés par l'Agence américaine ont apporté une survie supplémentaire en moyenne de 2,1 mois au prix de 10 000 dollars par mois et de nombreux effets indésirables graves (ICI).
MA Gagnon nous a dit que big pharma suivait une logique de marché comme toutes les firmes et, après son exposé, nous en avons parlé ensemble, nous sommes convenus qu'il était nécessaire que els autorités de régulation fassent leur boulot, c'est à dire contrôlent et ne soient pas "influencées".
N'oublions pas non plus que big pharma a recentré son action mondiale sur les vaccins (peu ou non génériquables) où les marges brutes sont considérables, les molécules dites innovantes issues du génie génétique et, surtout, les maladies chroniques (avec l'introduction d'un nouveau concept très vendeur, la chronicisation des affections aiguës ou dont on "guérissait" auparavant (l'exemple de l'addictologie est confondant où l'on ne parle plus de guérir des addictions mais de contrôler les addicts).
Sortir de l'impasse créée par la situation de monopole des firmes (brevets, droits exclusifs).
Par Gaëlle Krikorian, sociologue spécialisée sur les questions relatives à la propriété industrielle, notamment dans le domaine pharmaceutique. Elle nous a dit aussi qu'elle était une sorte d'attachée parlementaire au parlement européen mais elle ne nous a pas dit qu'elle appartenait au groupe Europe Ecologie Les Verts (elle avait honte ?).
Elle nous a essentiellement parlé des brevets (voir son texte LA quand il sera en ligne).
Beaucoup d'idéalisme dans son intervention, grande croyance en la médecine, des phrases à l'emporte-pièce ("l'économie actuelle du médicament mène au rationnement"), une affirmation selon laquelle "le principe de l'accès à la santé était essentiellement moral" et, j'imagine, non scientifique... A propos de l'essai dont je parlais sur l'amélioration de 2,1 mois de l'espérance de vie grâce à des médicaments oncologiques, elle a dit ceci (ce qui montre son incompétence absolue en termes de santé publique) : "Il ne faut pas rattacher les 2,1 mois à des coûts mais à un bénéfice de santé publique". Elle n'a manifestement jamais étudié un dossier clinique de médicaments ni apprécié la souffrance induite par les chimiothérapies. Sans intérêt.
On le voit : il y a du boulot.
Ce que je pourrais reprocher à La Revue Prescrire après que nous avons vu la remise des prix : je ne vois pas ce que viennent faire les industriels sur le podium de Prescrire. Comme le disait Georges Orwell : Je ne veux pas dîner avec un de mes ennemis politiques car je risquerais de voir qu'il est un humain comme un autre.
Notes
(1) A la fin de la réunion Madame L'hénaff m'aborde pour me reprocher mon intervention. Of the records (ce pourquoi je vous en parle) elle me dit que le fait d'être sponsorisé n'entame aucunement son indépendance, qu'elle ne reçoit aucun argent directement et que les médecins prescripteurs reçoivent de l'argent de tous les laboratoires et qu'ainsi ils sont également indépendants (c'est la théorie Bruno Lina dont je vous ai déjà entretenu LA). Je lui dis qu'il existe une littérature très importante sur les conflits d'intérêt et qu'il n'existe pas que des intérêts financiers, des intérêts intellectuels, par exemple le fait qu'elle soit invitée à faire une conférence pour La Revue Prescrire. Elle hausse les épaules.
Pour Collectif Hépatites Virales (CHV) on clique LA pour connaître les sponsors.
Ce problème étant réglé (1), passons à la suite. Quand le texte complet sera disponible en ligne (par l'intermédiaire de La revue Prescrire) je mettrai le lien LA.
Commentaire personnel : il est évident que le prix du Sovaldi est "scandaleux" mais il n'est qu'un exemple parmi des centaines d'autres concernant des produits de cancérologie, de rhumatologie et de pneumologie (et d'ophtalmologie par exemple). Nous reviendons sur ces sujets avec la deuxième intervention mais voici ce que j'ai ressenti à propos de celle de Madame L'hénaff.
Cette dame joue sur plusieurs registres : la colère, le scandale, la morale, le compassionnel, l'anti capitalisme, et... la santé publique.
Je suis arrivé à la réunion sans en connaître le sujet mais j'avais une certaine culture personnelle et j'avais lu un article fondamental sur le sujet, celui de JF Bergmann paru dans le journal Libération : LA. C'est moi qui grasseye.
TRIBUNE
La Sécurité sociale doit-elle dépenser des milliards d’euros pour un nouveau traitement de l’hépatite C qui guérit 90% des malades ? Le prix exorbitant que tente d’obtenir en Europe le laboratoire Gilead pour le Sovaldi (vendu 62 000 euros par malade aux Etats-Unis !) commence à choquer l’opinion et les politiques, comme le montre la lettre envoyée le 3 juillet au laboratoire par quatre députés. Mais ce débat légitime en masque un second : il faut remettre en question l’intérêt des nouveaux traitements. Une tâche difficile, tant la désinformation et la dramatisation ont été bien orchestrées.
Quand on parle de l’hépatite C, on entend que c’est un virus qui provoque cirrhoses et cancers et qui fait 3 000 morts par an en France. C’est vrai, mais ce n’est pas tout. L’hépatite C est une maladie le plus souvent peu grave, qui dégrade les cellules du foie de façon très lente et prévisible. C’est une maladie transmissible par voie sanguine mais pas par voie sexuelle (hormis certaines pratiques extrêmes) ni par contact direct. Surtout, c’est une maladie en voie d’extinction. En France, le pic de contamination date des années 80, par voies transfusionnelle ou hospitalière. Depuis, l’incidence de la maladie ne cesse de baisser, avec seulement quelques milliers de nouveaux cas par an. Même sans les nouveaux traitements, l’hépatite C aura quasiment disparu dans une trentaine d’années.
Les industriels en sont parfaitement conscients. Ils ont investi des milliards pour développer une soixantaine de molécules très efficaces tout en sachant que le marché va disparaître. D’où la pression du lobby pour prescrire le plus vite possible, au plus de patients possibles, des médicaments les plus chers possibles.
Les laboratoires ont évalué ces médicaments chez les patients atteints des formes bénignes, sans inclusion (ou de façon marginale) des cas les plus graves. Du coup, on ne connaît qu’imparfaitement leur efficacité chez les malades qui en ont vraiment besoin - et qui sont aussi les plus résistants aux traitements. L’Agence européenne du médicament a approuvé ces nouveaux médicaments dans une indication d’une largesse coupable, permettant le traitement des malades dont le foie est peu atteint (fibroses F1 et F2), alors que tout médecin responsable sait qu’il n’y a pas lieu de traiter un virus non contagieux lorsqu’il n’est pas dangereux.
La France participe à ce climat artificiel d’urgence sanitaire. L’Agence nationale de sécurité du médicament a octroyé des autorisations temporaires d’utilisation à tous ces médicaments avec des prix non négociés - jusqu’à 100 000 euros par patient ! La Haute Autorité de santé, d’ordinaire rigoureuse et attentiste, n’a pas eu de scrupules à considérer comme une amélioration thérapeutique importante des associations de plusieurs médicaments qui n’ont jamais été testées dans aucun essai clinique ! Les sociétés savantes d’hépatologie ont établi des recommandations d’associations de nouveaux antiviraux qui n’ont jamais été évaluées, en se basant sur des extrapolations logiques mais hasardeuses.
Enfin, un récent rapport ministériel n’hésite pas à considérer comme prioritaire le traitement des hépatites C à fibrose modérée (F2) sans tenir compte d’un facteur majeur qui est l’âge. Or, on sait que les patients âgés de 65 ans qui ne sont «que» F2 après trente-cinq ans d’infection ne seront probablement jamais malades (F4) ! Vouloir traiter tous les porteurs du virus tient du fantasme de «Zorro sauvant la planète», alors que l’immense majorité des porteurs n’est ni malade ni contagieuse.
Que penser d’une telle conjonction de décisions maximalistes et alarmistes, de cette mystification organisée ? L’intérêt des industriels est facile à comprendre. Les hépatologues ont, comme d’autres avant eux, été charmés par les sirènes de l’industrie. Les infectiologues, tout juste sortis victorieux de l’exemplaire combat contre le VIH, rêvent d’un nouveau succès planétaire… Les pouvoirs publics et les agences de santé, aveuglés par le consensus des experts et paniqués par les médias et les puissantes associations de malades, ne veulent pas être accusés d’avoir privé les patients d’une chance de guérir.
Comme disait Kafka, «lorsque l’on se bat contre le monde entier, en général, c’est le monde qui gagne». Donc crier au scandale, c’est sûrement être inaudible… Il faut bien dire que ces médicaments sont très efficaces, qu’un vrai problème de santé publique demeure en France chez les usagers de drogues et une partie de la communauté homosexuelle, et que la vraie endémie se situe à l’étranger, notamment en Egypte et en Europe de l’Est. Mais raison de plus pour ne pas utiliser inutilement les traitements au mauvais endroit.
Réclamer près de 100 000 euros par patient alors que le prix raisonnable des nouvelles molécules devrait être de l’ordre de 10 000 euros, c’est un scandale. Mais le vrai scandale est scientifique : ne traitons que la petite minorité de malades qui en a réellement besoin. En traitant 10 000 vrais malades pour 10 000 euros chacun, on ferait aussi bien sur le plan sanitaire qu’en traitant 100 000 faux malades à 100 000 euros, tout en économisant 10 milliards d’euros ! Battons-nous donc contre le monde entier pour un bon usage, raisonné et raisonnable, des médicaments de l’hépatite C. Et si Kafka avait tort ?
Quand on parle de l’hépatite C, on entend que c’est un virus qui provoque cirrhoses et cancers et qui fait 3 000 morts par an en France. C’est vrai, mais ce n’est pas tout. L’hépatite C est une maladie le plus souvent peu grave, qui dégrade les cellules du foie de façon très lente et prévisible. C’est une maladie transmissible par voie sanguine mais pas par voie sexuelle (hormis certaines pratiques extrêmes) ni par contact direct. Surtout, c’est une maladie en voie d’extinction. En France, le pic de contamination date des années 80, par voies transfusionnelle ou hospitalière. Depuis, l’incidence de la maladie ne cesse de baisser, avec seulement quelques milliers de nouveaux cas par an. Même sans les nouveaux traitements, l’hépatite C aura quasiment disparu dans une trentaine d’années.
Les industriels en sont parfaitement conscients. Ils ont investi des milliards pour développer une soixantaine de molécules très efficaces tout en sachant que le marché va disparaître. D’où la pression du lobby pour prescrire le plus vite possible, au plus de patients possibles, des médicaments les plus chers possibles.
Les laboratoires ont évalué ces médicaments chez les patients atteints des formes bénignes, sans inclusion (ou de façon marginale) des cas les plus graves. Du coup, on ne connaît qu’imparfaitement leur efficacité chez les malades qui en ont vraiment besoin - et qui sont aussi les plus résistants aux traitements. L’Agence européenne du médicament a approuvé ces nouveaux médicaments dans une indication d’une largesse coupable, permettant le traitement des malades dont le foie est peu atteint (fibroses F1 et F2), alors que tout médecin responsable sait qu’il n’y a pas lieu de traiter un virus non contagieux lorsqu’il n’est pas dangereux.
La France participe à ce climat artificiel d’urgence sanitaire. L’Agence nationale de sécurité du médicament a octroyé des autorisations temporaires d’utilisation à tous ces médicaments avec des prix non négociés - jusqu’à 100 000 euros par patient ! La Haute Autorité de santé, d’ordinaire rigoureuse et attentiste, n’a pas eu de scrupules à considérer comme une amélioration thérapeutique importante des associations de plusieurs médicaments qui n’ont jamais été testées dans aucun essai clinique ! Les sociétés savantes d’hépatologie ont établi des recommandations d’associations de nouveaux antiviraux qui n’ont jamais été évaluées, en se basant sur des extrapolations logiques mais hasardeuses.
Enfin, un récent rapport ministériel n’hésite pas à considérer comme prioritaire le traitement des hépatites C à fibrose modérée (F2) sans tenir compte d’un facteur majeur qui est l’âge. Or, on sait que les patients âgés de 65 ans qui ne sont «que» F2 après trente-cinq ans d’infection ne seront probablement jamais malades (F4) ! Vouloir traiter tous les porteurs du virus tient du fantasme de «Zorro sauvant la planète», alors que l’immense majorité des porteurs n’est ni malade ni contagieuse.
Que penser d’une telle conjonction de décisions maximalistes et alarmistes, de cette mystification organisée ? L’intérêt des industriels est facile à comprendre. Les hépatologues ont, comme d’autres avant eux, été charmés par les sirènes de l’industrie. Les infectiologues, tout juste sortis victorieux de l’exemplaire combat contre le VIH, rêvent d’un nouveau succès planétaire… Les pouvoirs publics et les agences de santé, aveuglés par le consensus des experts et paniqués par les médias et les puissantes associations de malades, ne veulent pas être accusés d’avoir privé les patients d’une chance de guérir.
Comme disait Kafka, «lorsque l’on se bat contre le monde entier, en général, c’est le monde qui gagne». Donc crier au scandale, c’est sûrement être inaudible… Il faut bien dire que ces médicaments sont très efficaces, qu’un vrai problème de santé publique demeure en France chez les usagers de drogues et une partie de la communauté homosexuelle, et que la vraie endémie se situe à l’étranger, notamment en Egypte et en Europe de l’Est. Mais raison de plus pour ne pas utiliser inutilement les traitements au mauvais endroit.
Réclamer près de 100 000 euros par patient alors que le prix raisonnable des nouvelles molécules devrait être de l’ordre de 10 000 euros, c’est un scandale. Mais le vrai scandale est scientifique : ne traitons que la petite minorité de malades qui en a réellement besoin. En traitant 10 000 vrais malades pour 10 000 euros chacun, on ferait aussi bien sur le plan sanitaire qu’en traitant 100 000 faux malades à 100 000 euros, tout en économisant 10 milliards d’euros ! Battons-nous donc contre le monde entier pour un bon usage, raisonné et raisonnable, des médicaments de l’hépatite C. Et si Kafka avait tort ?
Nous sommes loin de toutes les navrantes approximations de Madame L.
Son intervention n'était ni plus ni moins qu'une entreprise de disease mongering (voir LA) avec toutes ses tactiques : dramatisation, absence d'évaluation correcte, extension des indications à des stades anté cliniques, manipulation des résultats, groupe d'experts amis, passionnalisation, et cetera. Disease mongering en faveur de big pharma malgré le fait qu'elle et les associations demandent une baisse drastique des prix, l'accès aux pays pauvres et même une autorisation de licence d'office.
Cela souligne le ménage qui devrait être fait dans les associations de patients qui souffrent de leur maladie infantile à savoir la corruption par big pharma.
Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, qu'il ne faille pas tenir compte des patients et de la scince dite profane. Mais nous en avons déjà parlé et nous y reviendrons un jour...
Pourquoi les médicaments sont-ils si chers ? La dérive d'un modèle d'affaires.
Par Marc-André Gagnon, professeur adjoint en politique publique (Ottawa - Canada).
Son exposé (voir ICI quand il sera en ligne) est intéressant car il souligne les tendances de big pharma pour les années qui viennent. Il rappelle que les coûts de la recherche et du développement sont majorés de façon artificielle par big pharma et que parmi les techniques de gonflement existent à la fois des mensonges connus de tous (dont ceux qui décident des prix), des largesses dues à des fonds publics et des promesses non tenues. Je voudrais ajouter ceci : big pharma se plaint partout des contraintes qu'on lui a imposées d'un point de vue réglementaire et des coûts du développement mais il apparaît que les contraintes réglementaires comme les coûts excessifs lui ont permis de saturer le marché, c'est à dire de rendre le droit d'entrée impossible à assumer par la recherche publique et / ou par de petites firmes privées innovantes (dans ce dernier cas big pharma achète les firmes qui ont commencé le développement en étant certaines d'avoir un produit "rentable").
Notre intervenant souligne que big pharma est passé du règne des blockbusters (molécules disposant d'un marché potentiel considérable comme les statines, les anti hypertenseurs ou les antidépresseurs) à celui des nichebusters (produits de niches et/ou de maladies dites orphelines) qui autorisent des essais rapides, sur peu de patients, avec des participations publiques, des crédits d'impôts, dans des indications compassionnelles, avec des critères de jugement allégés et des commissions d'évaluation favorables a priori non tant pour des raisons scientifiques que politiques. Mais MA Gagnon souligne également que ce marché permet de saucissonner les indications (salami-slicing) et d'obtenir plusieurs indications orphelines avec une même molécule (il prend l'exemple du Glivec qui a obtenu 7 indications orphelines différentes, ce qui rend l'orphelinat bourré). Sans compter les utilisations hors AMM qui sont suggérées par les firmes, appliquées par les médecins et soutenues par les associations de patients. Petit commentaire personnel : cette politique des nichebusters est sous-tendue par le marketing de la médecine personnalisée, génétique, et cetera (qui a eu de très beaux succès en hématologie par exemple) qui fait croire au bon peuple qu'il sera possible de faire des médicaments patients centrés et que l'on améliorera le pronostic. c'est bien entendu le domaine d ela cancérologie où, je le rappelle, ce sont des données FDA, les 71 derniers produits d'oncologie agréés par l'Agence américaine ont apporté une survie supplémentaire en moyenne de 2,1 mois au prix de 10 000 dollars par mois et de nombreux effets indésirables graves (ICI).
MA Gagnon nous a dit que big pharma suivait une logique de marché comme toutes les firmes et, après son exposé, nous en avons parlé ensemble, nous sommes convenus qu'il était nécessaire que els autorités de régulation fassent leur boulot, c'est à dire contrôlent et ne soient pas "influencées".
N'oublions pas non plus que big pharma a recentré son action mondiale sur les vaccins (peu ou non génériquables) où les marges brutes sont considérables, les molécules dites innovantes issues du génie génétique et, surtout, les maladies chroniques (avec l'introduction d'un nouveau concept très vendeur, la chronicisation des affections aiguës ou dont on "guérissait" auparavant (l'exemple de l'addictologie est confondant où l'on ne parle plus de guérir des addictions mais de contrôler les addicts).
Sortir de l'impasse créée par la situation de monopole des firmes (brevets, droits exclusifs).
Par Gaëlle Krikorian, sociologue spécialisée sur les questions relatives à la propriété industrielle, notamment dans le domaine pharmaceutique. Elle nous a dit aussi qu'elle était une sorte d'attachée parlementaire au parlement européen mais elle ne nous a pas dit qu'elle appartenait au groupe Europe Ecologie Les Verts (elle avait honte ?).
Elle nous a essentiellement parlé des brevets (voir son texte LA quand il sera en ligne).
Beaucoup d'idéalisme dans son intervention, grande croyance en la médecine, des phrases à l'emporte-pièce ("l'économie actuelle du médicament mène au rationnement"), une affirmation selon laquelle "le principe de l'accès à la santé était essentiellement moral" et, j'imagine, non scientifique... A propos de l'essai dont je parlais sur l'amélioration de 2,1 mois de l'espérance de vie grâce à des médicaments oncologiques, elle a dit ceci (ce qui montre son incompétence absolue en termes de santé publique) : "Il ne faut pas rattacher les 2,1 mois à des coûts mais à un bénéfice de santé publique". Elle n'a manifestement jamais étudié un dossier clinique de médicaments ni apprécié la souffrance induite par les chimiothérapies. Sans intérêt.
On le voit : il y a du boulot.
Ce que je pourrais reprocher à La Revue Prescrire après que nous avons vu la remise des prix : je ne vois pas ce que viennent faire les industriels sur le podium de Prescrire. Comme le disait Georges Orwell : Je ne veux pas dîner avec un de mes ennemis politiques car je risquerais de voir qu'il est un humain comme un autre.
Notes
(1) A la fin de la réunion Madame L'hénaff m'aborde pour me reprocher mon intervention. Of the records (ce pourquoi je vous en parle) elle me dit que le fait d'être sponsorisé n'entame aucunement son indépendance, qu'elle ne reçoit aucun argent directement et que les médecins prescripteurs reçoivent de l'argent de tous les laboratoires et qu'ainsi ils sont également indépendants (c'est la théorie Bruno Lina dont je vous ai déjà entretenu LA). Je lui dis qu'il existe une littérature très importante sur les conflits d'intérêt et qu'il n'existe pas que des intérêts financiers, des intérêts intellectuels, par exemple le fait qu'elle soit invitée à faire une conférence pour La Revue Prescrire. Elle hausse les épaules.
24 commentaires:
Le simple principe de réciprocité de Ciialdini suffit pour démonter l'idée que l'on protège son indépendance en multipliant les contacts... Il y a encore du boulot...
J'avais lu l'article de Bergmann dont je n'ai lu aucun écho par la suite.
Il semble que Prescrire ne l'ai pas lu non plus
Très riche, ton post.
Je n'avais pas lu l'article de Bergmann. Son raisonnement est pertinent. Même s'il faut encore y mettre un bémol, puisque l'efficacité de ces traitements contre l'hépatite C n'est en fait pas démontrée. Je redonne le lien vers l'article de Koretz et coll http://www.bmj.com/content/350/bmj.g7809. Pour les non abonnés, on peut lire la discussion, fort intéressante.
C'est bien là l'essence de la force du marketing big pharmacien, créer un consensus autour d'une idée absurde: faire payer très cher, pour rien, du vide. La justification des traitements sera, finalement, de les avoir payé très cher et de les faire avaler à des patients (à leurs risques et périls).
Le rôle de l'association de patients rappelle très fort celui que Merck a fait jouer à l'association féministe américaine, Women's initiative, au sujet du Gardasil. On assiste ainsi à la naissance d'une pseudo-éthique qui se substitue à la vraie éthique, qui est celle de procurer au patient des traitements dont le rapport bénéfice/risque favorable a été scientifiquement démontré et de financer les traitements à hauteur de leur véritable intérêt en santé publique.
De même des pseudo agences de régulation font semblant de réguler, des pseudo-experts émettent des avis qui ne reposent sur rien.
Telle est la formidable capacité de travestissement du réel qu'a acquis les marketing big pharmacien. Nous vivons désormais dans une sorte de décor de théâtre créé à notre intention pour nous amener à agir selon l'intérêt de tiers et au détriment de notre propre intérêt.
Bonjour
Juste pour compléter votre article :
Orphacol coute 100 000 euros par an (278€ les 250 mg x 365).
La matière première s'achète à 200$ le kg environ.
Le traitement est à vie. Le chiffre d'affaires du produit en France sera en dessous de 2M€ et l'exportation devrait faire entrer des devises.
Ce CA sera donc une poussière dans budget de la SS mais ce prix participera à l'établissement des normes "coût/efficacité".
Les futurs vendeurs de médicaments orphelins, adeptes du nichebuster, peuvent remercier Prescrire.
Pour le Pr Bergmann, l’hépatite C ne serait vraiment grave qu’au stade de la cirrhose ou du CHC. Je suis convaincue qu’il ne traite pas cette maladie et n’en fréquente pas les porteurs, car il semble en ignorer les manifestations extra-hépatiques et l’aspect clinique.
L’hépatite C est une maladie peu grave lorsqu’on est F1 ou F2, dit-il, et il ne considère le patient “malade” qu’à partir du stade F4; la gravité de la maladie est donc systématiquement corrélée à l’état du foie, qui présente l’immense avantage d’être mesurable. La seule manifestation extra-hépatique actuellement prise en compte pour bénéficier de la molécule miracle est le lymphome induit par le VHC; il n’est pas tenu compte de ce qu’on appelle “la fatigue”, qui peut comporter des troubles de l’attention, de la concentration et de l’humeur invalidants en sus de la sensation d’épuisement et d’un syndrome dépressif fréquent. Actuellement, pour obtenir le sofosbuvir il faut être cirrhotique ou précirrhotique (F3, F4), porteur d’un lymphome ou d’un CHC et/ou en attente de greffe.
Il est pourtant reconnu que le VHC peut entraîner une souffrance de quasiment n’importe quel organe, dont le cerveau, dès le début de la maladie et même quand on est F0 avec des transa normales. L’aspect clinique de cette maladie est volontiers ignoré, alors qu’il peut avoir un impact très fort sur la qualité de vie. J’ai souffert de cette maladie pendant 13 ans, et je ne me donnais pas plus de 3 ans de capacité à mener ma vie avec cette foutue “fatigue”. Transa quasi normales, F0/F1, pas de lymphome = pas de traitement si ce n’est le classique interféron/ribavirine pendant 1 an ou 1 an et demi avec un très mauvais profil de réponse, merci Dr Bergmann.
Le Sovaldi s'est vendu 19000€ la boîte (prix d'ATU) jusqu'en novembre dernier où le prix d'AMM a été fixé à 13000€ et des brouettes; Gilead a conclu en parallèle un marché avec 7 génériqueurs indiens qui vont donc proposer le Sofosbuvir à 300€ la boîte dans 51 pays émergents qui représentent environ la moitié des hépatites C mondiales. On peine à imaginer que l’hépatite C s’éteigne spontanément en Egypte, où 18% de la population serait atteinte et jusqu’à 50% dans certaines zones rurales. La particularité du sofosbuvir est son efficacité sur le génotype 1, qui est le plus résistant et le plus répandu en France, alors qu’il fonctionne mal sur les rares cas de génotype 3 résistant au traitement classique, qui du coup restent en carafe. Miser sur la disparition spontanée du VHC dans 30 ans est un pari original, le Pr s’amuse..
Suite..
Les pays non éligibles au générique de Gilead, comme l'Egypte qui est de loin le pays le plus touché par le VHC, n'auront pas accès à la molécule qui guérit. Le Sofosbuvir y a été proposé à 300€ la boîte, mais vu le nombre d’Egyptiens en attente de traitement la dépense reste prohibitive, et le brevet de ce médicament somme toute ancien n’est peut-être pas si solide selon les autorités de santé égyptiennes.
Le Sofosbuvir, issu de la recherche sur les antirétroviraux des années 90, est réputé revenir à 90 dollars maximum et tous frais compris à la sortie de l'usine, mais contrairement à la floppée d’anticancéreux nouveaux il révolutionne le traitement car il guérit la maladie, dans les études (avec cas graves..) et dans la vraie vie. Je suis concernée personnellement par le sujet, car j’ai eu la chance extraordinaire d’obtenir le sofosbuvir et de guérir, et si ce n’était pas le cas je serais en train de chercher comment faire du tourisme médical en Inde...
Rien ne justifie bien sûr ni le battage médiatique (dépistez-vous car maintenant on peut vous guérir) ni les arguments de Gilead pour justifier son prix. Il est frappant de voir que les 4 ou 5 labo qui proposent les AAD (Gilead, Abbot, Janssen et Merck) les sortent tous à peu près en même temps et pour un prix global de traitement équivalent. Les génériqueurs indiens ne commercialiseront bien sûr leur produit que dans les pays déterminés avec Gilead.
Le marché a été bien réparti et bien préparé, et le Pr Bergmann peut dormir sur ses deux oreilles : le Sovaldi reste un produit de grand luxe réservé à un public limité.
J'ai assisté pour la 1ère Fois à cette réunion annuelle, réalisée avec bcp de sobriété, réalisme et authenticité, en partageant totalement les exposés des 3 orateurs, notamment sur la fixation exorbitante des prix des médicaments et la collusion avec les états et j'ai cité plusieurs exemples. Par contre l'intervention du généraliste dans la salle, très désobligeante à mon sens, n'a rien apporté au débat.De plus les 3 labos primés sont de très petits labos, dont l'un possède 3 produits avec chacun une cinquantaine de malades en France. Toute la Big Pharma a reçu un carton rouge, à raison, sauf une gratification pour Novartis...Donc Prescrire remplit parfaitement son rôle de chevalier blanc de la transparence, d'ailleurs il n'y avait aucune Big Pharma dans la salle.
Serge RADER, pharmacien lanceur d'alerte, notamment sur les prix des médicaments.
PS/ pour répondre à Cath: aucun essai du sofosbuvir n'a ciblé les patients cirrhotiques. Attendons donc les résultats ! Le scandale réside en son prix: son coût de production autour de 100€ le traitement, son coût de recherche minimaliste grâce à une recherche publique qui a été essentielle pour le dvlpt de médocs anti-hépat C et des essais en phase 3 peu importants. Et une boite de 28cp à 13.667€ ! X3 pour le traitement.En fait il s'agit d'une manipulation, acceptée par les pouvoirs publics, destinée à couvrir en peu de temps le rachat en 2011 par Gilead (financé par Morgan) du développeur Pharmasset pour 11 MdUSD. Je vous invite à visionner les courbes du CA, résult exploit et net 2013/14 de Gilead. C'est l'explosion avec une capitalisation boursière qui a dépassé celle de TOTAL !
Par contre le traitement est proposé à 705€ en Inde, Brésil et Mexique, à 720€ en Egypte... et Gilead n'est pas perdant.
@Rader
Pour le prix du sofosbuvir en Egypte :
http://www.essentialdrugs.org/emed/archive/201404/msg00050.php
[ En parallèle, le ministère de la santé égyptien a passé un accord
avec Gilead Sciences Inc., le labo multinational américain, autorisant un
prix de 300$ pour un flacon d'un mois de traitement de sobosfuvir pour son
programme national de lutte contre l'hépatite C.]
Et pour le générique, je suis restée sur cette info :
http://www.egora.fr/actus-medicales/185103-hepatite-c-un-generique-du-sovaldi-pour-les-pays-pauvres
[ Sept fabricants de génériques -tous basés en Inde- bénéficient d'une autorisation similaire : il s'agit de Cadila Healthcare, Cipla, Hetero Labas, Ranbaxy, Sequent Scientific et Strides Arcolab, selon un autre communiqué.
Ces fabricants ont indiqué qu'il était trop tôt pour savoir à quel prix ils commercialiseraient le traitement. Mais selon le responsable de Gilead, le Sovaldi sera accessible en Inde pour 300 dollars par mois, un niveau de prix qui servira de "référence" pour les autres pays.
(..)
Cette autorisation est valable pour 91 pays en développement où vivent plus de 100 millions de personnes contaminées par le virus de l'hépatite C (soit 54% des personnes touchées dans le monde). ]
Pour ce qui est du retour sur investissement de Gilead et des génériqueurs, dont Ranbaxy, je ne me fais pas de souci..
A propos de l'efficacité non démontrée dans les essais chez les cirrhotiques :
http://www.edimark.fr/ejournaux/AASLD/2013/breve/2426/efficacite-et-tolerance-du-sofosbuvir-sof-administre-en-combinaison-au-simeprevir-smv-avec-ou-sans-ribavirine-rbv-chez-les-patients-infectes-par-un-genotype-1-etude-cosmos
file:///C:/Users/cath/Desktop/Note_de_presse_AASLD_13112014.pdf
Et une petite étude qui concerne 23 transplantés en rechute.
Depuis à peu près deux ans que le sofosbuvir est utilisé en milieu hospitalier un certain nombre d’études de petite taille ont été réalisées avec des cirrhotiques. J’ai sous les yeux une étude d’Abbvie avec les ABT qui comporte huit groupes de 40 sujets, dont un composé de “naïfs+cirrhose” et un autre de “déjà traités+cirrhose”. Les ABT ont des résultats aussi miraculeux que le Sofosbuvir. Ce sont sans doute de petites études, peut-être avec une méthodologie minimale, mais les résultats sont tout aussi impressionnants pour les patients qui ont eu la chance d’accéder aux traitements nouveaux, en ATU (que des cas graves) ou par le biais des protocoles. Les prescripteurs en sont d’ailleurs impressionnés, et parlent de l’éradication prochaine de la maladie, ce qui me laisse perplexe.
@ Rader.
Le médecin généraliste qui est intervenu dans la salle, c'était moi...
je ne connaissais pas un nouveau métier (sans risque) : le retraité lanceur d'alerte auto-proclamé qui rend publics des chiffres publics, le prix des médicaments.
Quand vous dites que prescrire est le chevalier blanc de la transparence, c'est que vous n'avez pas lu mon billet.
Les convertis comme vous sont toujours plus royalistes que le roi...
@ Cath
Vous êtes sans doute l'oratrice de la première intervention.
Vos commentaires montrent que nous en sommes revenus au Moyen-Age de la santé clinique où les essais non publiés sur dix patients sont pris pour argent comptant (c'est le cas de le dire)et s'autopromeuvent avec la bénédiction des industriels.
Formidable pas en arrière.
Il serait utile que les associations, dont nous ne pouvons nier l'importance pour les patients puisqu'elles existent, s'affranchissent des fonds privés et industriels, cela dit les membres des agences gouvernementales ne se privent pas pour prendre l'argent où ils le trouvent et conclure à l'extension des indications de molécules sur la foi d'études inexistantes ou infondées, afin de prendre de la hauteur scientifique.
Ce mouvement de désengagement prendra du temps. mais pour l'instant, même si vous vous vantez de mener des actions contraires aux intérêts visibles de big pharma, il est possible de se demander où se niche la philanthropie de ces firmes en vous donnant de l'argent.
Bonne journée.
@doc du 16
Pardon de m’être lâchée, et du coup de ne pas avoir été très claire, peut-être en raison d’une colère qui peine à s’éteindre. Le vrai scandale de l’histoire de l’hépatite C n’est pas que les essais se fassent en procédure accélérée, qu’ils soient peu robustes et qu’on accepte leurs étonnants résultats avec enthousiasme, c’est surtout que les traitements efficaces vont rester inaccessibles à la majorité des malades avant plusieurs années alors qu’ils sont ardemment convoités, comme peu de médicaments l’auront été dans le monde.
Si les firmes se contentent de petits essais, c’est que les résultats se suffisent à eux-même bien que la démarche soit condamnable. Il se trouve que les antiviraux directs des cinq Big pharma (le 5° est Bristol Myers Squibb) guérissent comme les médicaments miracles des années 60, comme le montrent les nombreux cas traités depuis environ quatre ans.
La position du Pr Bergmann est la position classique du gastro hospitalier auquel j’ai eu affaire : on se base exclusivement sur la fonction hépatique pour évaluer l’évolution d’une maladie qui atteint d’autres organes et qui est en fait cliniquement complexe. Les services d’hépatologie, qui voient passer beaucoup de cas admettent bien sûr que le retentissement des signes extra-hépatiques peut justifier le traitement, mais les AAD ne sont prescrits qu’en RCP en suivant étroitement les recommandations. Il est choquant pour un malade de savoir que le traitement efficace est disponible mais qu’il n’y a pas accès en raison du prix délirant fixé par nos autorités de santé.
Je n’ai pas bien compris la fin de votre réponse à propos des associations de patients, que je ne connais pas et qui déboulent en même temps que les AAD pour l’hépatite C, et je ne me vante d’aucune action contre big pharma.. C’est la première fois de ma vie que je fais une telle publicité pour un médicament, malgré mon indignation devant le ballet impeccablement orchestré des big pharma fourbissant de concert leur pipelines à médoc pour arriver au bon moment et leur compagnonnage si naturel avec les autorités de santé.
Merci pour cet espace, pour le réconfort de vos voix solitaires (vous et CMT), et pour m’avoir permis d’aborder ce sujet bien éloigné de la médecine générale..
Je reviens sur ce post qui me taraude. Je cite le Pr pour le début de sa phrase, qui contredit l’opinion qu’il expose plus haut, et pour sa conception tout de même assez frustre du problème de santé français à propos de l’hépatite C.
[ Il faut bien dire que ces médicaments sont très efficaces, qu’un vrai problème de santé publique demeure en France chez les usagers de drogues et une partie de la communauté homosexuelle, et que la vraie endémie se situe à l’étranger, notamment en Egypte et en Europe de l’Est. ]
Bergmann affirme plus haut que la contamination directe n’existe pas, ce qui est faux dans la contamination soignant/soigné et difficile à évaluer chez les 20 à 30% de contaminations d’origine inconnue, et semble aussi ignorer les hépatites post-transfusionnelles, encore assez nombreuses, avec quelques rares nouvelles contaminations.
Le problème sanitaire ne concerne donc pas que les toxicos et les homos, mais aussi les personnels soignants et les quelques 20 à 30% de contaminations d’origine inconnue.
Outre le fait de laisser sans traitement des malades qui se ressentent comme tels, la mise en oeuvre du diktat des firmes va entraîner une situation inédite pour les systèmes de santé.
Dans les mois qui viennent, on va trouver une zone de 91 pays couverte pas le brevet indien, où le prix du traitement (en négociation) sera inférieur à 300€ la boîte, l’Egypte qui dispose du Sovaldi dans les mêmes prix et les pays occidentaux où les 28 cp de Sovaldi varieront de 13700€ à 20000€ selon le pays. Les traitements sont de trois ou six mois selon l’association choisie.
Gilead est en train de mettre au point une stratégie lourde pour éviter tout risque de revente du sofosbuvir ou tout nomadisme des populations ciblées par ses brevets.
Les personnes occidentales qui souffrent de cette maladie sans être éligibles au traitement auront pas mal de difficultés à tenter de se faire traiter dans les zones “pas chères”. Une petite pensée pour les Marocains et autres étrangers non compris dans les zones de brevet : le tarif est aligné sur le nôtre et aux frais du malade, et donc encore plus inaccessible que le traitement classique.
Les pharma n’ont jamais eu autant de pouvoir, ou ne se sont jusqu’à présent jamais permis de l’exposer de la sorte. Le Pr Bergmann connaît extrêmement bien ce milieu, car, je le cite, [ L'évaluation des médicaments, c'est mon truc: la moitié des évaluateurs de l'ANSM sont mes élèves. ]. Je trouve son article d’un cynisme accompli, même s’il est sans doute révélateur du jeu des lobbies en place.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/22/hepatite-c-bataille-pour-l-acces-a-un-traitement-revolutionnaire_4561824_3244.html
[ En effet, il prévoit que l’accès d’un patient au médicament à partir d’un distributeur agréé par Gilead ou auprès d’un professionnel de santé se fait sur une base nominative, avec des preuves de l’identité, de la citoyenneté et du lieu de résidence.
Chaque flacon de comprimés sera porteur d’un QR code comprenant les informations nominatives du patient ainsi que son adresse. Les représentants de Gilead pourront ainsi contrôler avec un simple smartphone les informations relatives au patient. Il est prévu que Gilead et ses représentants pourront à tout moment accéder à ces informations auprès du prescripteur.
Influence sur la conduite du traitement :
L’interférence dans la relation médecin-patient pose problème. Un représentant du laboratoire, que Gilead désigne sous le nom de patient support executive (« cadre de soutien au patient ») pourrait ainsi influer sur la conduite du traitement, son éventuelle extension ou son interruption dans le cas où un flacon n’aurait pas été retourné ou se serait égaré dans le courrier. ]
@ Cath
Je voudrais préciser mon propos.
1) je n'ai rien contre vous mais vous avez 50 ans de retard quant à la prise de conscience des liens d'intérêt en médecine
2) Les associations de patients sont nées de l'arrogance médicale en général et ont un double défaut de jeunesse (je l'espère) : leur financement et leur compassionnalité
3) L'EBM, très critiquée, tente avec justesse de prendre en compte les valeurs et préférences des patients
4) La partie études cliniques contrôlées de l'EBM est effectivement sous la coupe de l'industrie pharmaceutique qui décide des essais, des méthodes et... des résultats. Mais ce n'est pas une raison pour produire des essais non contrôlés réalisés par des médecins "amis", cela desset la cause des malades eux-mêmes.
5) L'épidémiologie n'est pas une science neutre et est un instrument de l'industrie pour imposer ses produits. Elle surestime le rôle des médicaments par rapport à l'hygiène et aux conduites individuelles. Regardez les courbes du CDC sur les 3 hépatites dont le nombre de cas diminue qu'il y ait ou non un vaccin : ICI
6) JF Bergmann n'est pas un saint et ses liens d'intérêt ont été nombreux
7) La corruption est au centre des conduites médicales depuis la DGS jusqu'à l'aide-soignante
8) Votre implication serait d'autant plus crédible que vous seriez sans attaches avec l'industrie.
Bonne journée.
5) Je ne conteste pas du tout le fait que la prévalence des hépatites s’effondre aux USA et en Europe de l’Ouest.
L’hépatite C est née de la transfusion, mais peut-elle disparaître du fait de nos bonnes pratiques alors que les contrôles sont aléatoires ou absents dans de nombreux pays ? Je ne sais plus quand on a décidé de tester le VHC dans le sang collecté et de fournir des seringues aux toxicos, à peu près dans les années 88, ce qui correspond bien à la baisse des schémas. La prévalence mondiale de l’hépatite C est de 2,2 à 2,4%, 5,3% en Afrique, 22% en Egypte, peut-être 1,3 millions de cas en Russie, où ils sont stigmatisés et peu soignés, et 1,6 millions en Chine. Si vous inscrivez son évolution pour la Russie, la Chine ou bien d’autres pays, vous n’obtiendrez pas les mêmes courbes que pour les USA.
Environ 60% des toxicos mondiaux sont positifs, rarement bien pris en charge pour éviter les risques. Si l’on veut que tout ce cheptel s’éteigne spontanément en trente ans, il faut les y aider un peu, pratiques transfusionnelles adéquates et matériel aux toxicos obligatoires, mais sans doute aussi traitement.
Le Pr Bergmann dit que l’hépatite C n’est pas contagieuse (ben voyons..), sous-entendant par là que ce n’est donc pas un problème de conserver un important réservoir à virus. C’est une maladie faiblement contagieuse certes, mais le VHC est capable de subsister plusieurs semaines hors du corps en restant contaminant.
8) ? il doit y avoir confusion.. l’oratrice de la 1° intervention que vous évoquez plus haut ?
Je n’ai absolument aucun lien d’intérêt ni attache avec aucun industriel ni aucune assoce. L’infectiologie m’a toujours intéressée, mais votre article m’a fait réagir car j’ai été récemment traitée avec le cp à 666€, auquel je n’ai cru que lorsque la boîte a été dans ma main. Des millions de porteurs de cette maladie sont à l’affut de traitement, et lorsque j’ai lu le docte exposé du Pr expliquant qu’il n’est nul besoin de les traiter car ils ne sont pas malades, j’ai eu besoin de répondre.
@ CMT
De retour de l’article sur la prostate, je vous cite..
[ La difficulté est sûrement de changer le mode de raisonnement et de passer d’un raisonnement de type inductif, qui est le mode de raisonnement naturel du patient (cf cath : ça a marché sur moi, donc ça va marcher sur tout le monde) au raisonnement de type déductif et statistique : quelles sont les chances que ça marche sur moi d’après les résultats statistiques obtenus dans les études? ]
Merci CMT de résumer aussi fidèlement mon post ! La biologiste Françoise Barré-Senoussi, sans doute au courant de mes efforts pour obtenir la fameuse molécule, a pris position dès mars 2014 : « Nous assistons à une révolution dans le traitement du virus de l’hépatite C avec des molécules puissantes capables de guérir l’infection. Il n’est pas question que ces traitements, qui peuvent sauver des millions de vies, ne soit pas universellement disponibles à un prix abordable. » Pr. Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine, 2008
Tous les intervenants médicaux concernés tiennent ce discours et donc suivent ce raisonnement infantile de patient, y compris le Pr Bergmann, qui n’a tout de même pas envie de passer pour un benêt, et qui préfère axer son argumentaire sur la relative absence de problème sanitaire en France concernant l’hépatite C.
La stratégie des firmes n’est vraisemblablement pas de blanchir l’hépatite en quelques années, mais de laisser pourrir la situation tout en assurant une gestion optimale des zones sous contrat. Il nous arrive aussi une nouvelle culture du contrat, complexe mais beaucoup mieux adaptée à la gestion d’un marché mondial que le système actuel, et qui crée un précédent qui a de l’avenir:
[ Les licences volontaires consistent, pour le détenteur d’un brevet sur une invention, à licencier un tiers pour que celui-ci puisse produire l’invention brevetée, contre paiement de royalties. Les termes de la licence fixent certaines conditions telles que, entre autres, le montant des royalties, ainsi que les pays dans lesquels le producteur sera autorisé à produire et à commercialiser le produit licencié. Les licences volontaires répondent à des stratégies industrielles développées par les firmes pharmaceutiques afin de leur permettre de continuer à contrôler des marchés de médicaments particuliers. ]
Un document assez complet sur l’incidence mondiale de l'hépatite C, sur l'évolution et la répartition des traitements et qui pratique résolument le raisonnement scientifique :
file:///C:/Users/cath/Desktop/Strat%C3%A9gie+%C3%A0+suivre+pour+atteindre+l%E2%80%99acc%C3%A8s+universel.pdf
L’hépatite C reste un problème sanitaire minime en France, car il concerne assez peu de monde, mais je trouve un peu triste de vous voir cautionner un texte de soutien à la stratégie des industriels et aux recommandations, qui se base sur des approximations et dont la valeur scientifique se limite au poids académique de son auteur.
A cath,
De quel texte parlez vous ? Celui de Bergmann ? Croyez vous vraiment que je ne suis pas capable de me faire une opinion par moi-même ? Et ne vous rendez vous pas compte que vous répétez l’argumentaire mis au point par le service marketing du labo à l’identique, sans le moindre esprit critique ?
J’avais déjà évoqué dans un autre commentaire, l’article de Koretz et coll dans le BMJ http://www.bmj.com/content/350/bmj.g7809, autrement plus intéressant, qui dénonce la volonté d’étendre le dépistage de l’hépatite C, dont le principal intérêt est de recruter des nouveaux patients pour les labos. Dans certains états américans, le dépistage des populations âgées de 40 à 65 ans est devenue obligatoire.
S’il n’y avait que des patients comme vous, Big Pharma pourrait faire des grosses économies sur son budget marketing. Et je ne comprends pas bien pourquoi vous vous êtes auto-investie de la mission de faire la promotion de ce médicament.
Je vais vous dire le Solvadi n’existe pas. Le médicament dont vous parlez, dont le Figaro parle lorsqu’il y est écrit« Le Sovaldi, traitement révolutionnaire qui guérit plus de 90% des patients avec très peu d'effets secondaires, sera facturé 41.000 euros et intégralement remboursé par la Sécurité sociale » n’existe pas. Il n’y a pas de « traitement révolutionnaire qui guérit 90% des hépatites avec très peu d’effets secondaires. » Ce Solvadi là est seulement virtuel et est le produit de l’imagination débordante du service marketing de Gilead.
Pour commencer l’hépatite C, quelques idées sur l’hépatite C, qui est une maladie transmissible essentiellement par voie parentérale (du fait de l’utilisation d’aiguilles contaminées, de transfusion, d’endoscopie), est en train de s’éteindre en France. Depuis que les risques dus aux gestes invasifs et à la transfusion sont contrôlés, la majorité des quelques 5000 cas annuels surviennent chez des toxicomanes s’échangeant des aiguilles ou par voie nasale (cocaïnomanes).
Sur l’ensemble des patients contaminés 15 à 25% guériront spontanément, et sur le nombre restant 80% n’évolueront pas vers la cirrhose ou le cancer. Cette évolution vers la cirrhose ou le cancer ainsi que la virémie, dépendent de plusieurs co-facteurs, association à l’HIV et l’hépatite B, qui sont aussi des facteurs associés à des conduites à risque, mais, surtout, il existe une corrélation très étroite et linéaire de la virémie et de l’évolution vers la cirrhose, avec la consommation d’alcool avant l’infection. Le risque pour une personne qui ne consomme pas régulièrement d’alcool d’évoluer vers la cirrhose est de 8%, en dessous de 40 gr (moins de 4 verres standard), le risque est de 33%, et au dessus de 40 gr, le risque est supérieur à 40%.
Comme on sait que, avec 49 000 morts annuels, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable, et que 92% des porteurs du virus de l’hépatite C qui ne boiraient pas d’alcool n’évolueraient pas vers la cirrhose, on peut dire que être porteur de l’hépatite C n’est pas le problème mais que l’hépatite C est un des co-facteurs qui contribuent à la mortalité due à l’alcoolisme .
Pourquoi le Solvadi n’est-il pas ce médicament miraculeux qui guérit 90% des hépatites C ?
Parce que, d’une part, le critère utilisé dans les études est un critère de substitution qui est la disparition du virus du sang, ce qui, d’une part, n’est pas ce qui provoque les symptômes, et, d’autre part, ne signifie pas qu’il y ait guérison de la fibrose. Le critère étudié est « réponse virale soutenue » ce qui signifie que le virus est indétectable dans le sang pendant 6 mois.
...
Je reviens sur le fait que l’hépatite C ne se résume pas à une maladie du foie, mais peut toucher d’autres organes, et qu’il n’est pas crédible d’évaluer sa gravité uniquement sur le score de fibrose. L’alcool est loin d’être le seul responsable de la fibrose, d’autres facteurs interviennent, comme le genre, l’âge au moment de l’infection, l’activité virale, des facteurs génétiques, l’appartenance raciale ou ethnique, la stéatose due au surpoids, les co-infections et même le diabète, induit ou pas par l’hépatite.
http://titan.medhyg.ch/mh/formation/print.php3?sid=22802 : “La régression de la fibrose et même de la cirrhose à un stade précoce a été décrite lors de l’éradication de l’agent causal de l’hépatopathie et tout particulièrement dans le VHC chronique lors de réponse prolongée (..)”
Le fait que la majorité des hépatites C en France soient d’anciens toxicomanes lie la maladie à l’alcool et focalise la clinique sur la cirrhose et le CHC. Les manifestations extra-hépatiques sont diverses, d’origine auto-immune et d’intensité très variable, et peuvent être liées à la consommation d’alcool ou pas.
http://www.fmcgastro.org/wp-content/uploads/file/pdf/500.pdf
MANIFESTATIONS EXTRA-HÉPATIQUES ASSOCIÉES À L’INFECTION PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE C (VHC), AVEC LEUR PRÉVALENCE (%) AU SEIN DE POPULATIONS INFECTÉES
1. Atteintes extra-hépatiques liées au VHC
• Cryoglobulinémies mixtes [36-55 %]
• Neuropathie périphériques [9-45 %]
• Néphropathies glomérulaires membrano-prolifératives [4-6 %]
• Fatigue [35-67 %]
• Arthralgies-myalgies [23-35 %]
• Syndromes secs [9-67 %]
• Production d’auto-anticorps : antinucléaires [17-41 %], anti-cardiolipine [3-44 %], antimuscle lisse [9-40 %], anti-thyroglobuline [8-13 %], anti-LKM1 [3-6 %]
• Vascularites systémiques de type périartérite noueuse [1-2 %]
• Lymphoproliférations malignes [0-39 %]
• Prurit [15-20 %]
• Thrombopénies auto-immunes [10 %]
• Porphyries cutanées tardives [1-5 %]
• Diabète sucré [14-33 %]
Dans mon cas, qui n’est pas une exception, la phase aigüe de la maladie a été d’apparition brutale et spectaculaire : fatigue majeure, troubles cognitifs et de l’humeur, intolérance digestive, puis au fil des années arthralgies avec perte de sensibilité et de la force des mains, manifestations cutanées, syndrome dépressif, hypersomnie, impossibilité de se projeter dans l’avenir, désocialisation. C’est sûr que c’est moins impressionnant qu’un CHC ou une rupture de varices œsophagiennes, mais l’incapacité à mener sa vie amène à réfléchir longuement à la façon d’y mettre un terme même si l’on n’est pas du tout suicidaire. Je fais partie des patients qui ne boivent pas et la fibrose était minime après 13 ans d’évolution (F1/F2).
Je vais vous dire CMT que le Sovaldi de Gilead, tel qu’il est promu et perçu par le milieu médical concerné, eh bien il existe et j’ai eu la chance de le rencontrer. Je ne fais la promotion de la prescription de ce médicament (je n’aurais jamais pensé dire ça un jour !) que parce que c’est celui dont nous disposons en France, car il y a l’équivalent en efficacité mais plus confortable (Abbvie), et que je souhaite aux hépatites neurologiques de mon genre ou à celles qui sont en souffrance d’y accéder.
Etant naïve de traitement et plus près de F1 que de F2, j’avais la possibilité de me traiter avec une nouvelle molécule pas miracle du tout (telaprevir, ou boceprevir) associée à IFN/RBV pendant 6 mois, la bithérapie pendant 36 à 48 semaines n’ayant jamais auguré de bonne réponse pour mon génotype et ma charge virale. Le traitement a été refusé en RCP en raison de la toxicité du telaprevir et de l’arrivée sur le marché du sofosbuvir, et ce n’est que parce que j’ai eu affaire à une PH hépatologue investie dans sa fonction, consciente de la réalité de mon tableau clinique et pour qui la maladie ne se résume pas à une atteinte hépatique que j’ai pu accéder au p..n de cp à 666€. Il va de soi qu’il m’a d’abord été dit que je ne serais pas traitée et qu’il me suffisait d’attendre quelques années.
C’est aussi parce que la contamination a été reconnue professionnelle que j’ai eu gain de cause, et que l’argument d’une possible transmission soignant/soigné (je suis infirmière), bien que ce soit très rare, a été avancé en RCP, et surtout parce que mon dossier a été très bien défendu..
Vous dites que le virus ne provoque pas de symptômes ? C’est la position classique, mais je vois bien à mon niveau que la “fatigue” a inauguré lourdement la maladie dès la phase aigüe, donc la primo infection, et qu’elle a disparu dès les premiers jours de traitement avec l’effondrement spectaculaire de la charge virale, typique de l’effet miracle des AAD. La RVS est souvent corrélée à une amélioration de la fibrose dans les traitements classiques, mais l’hygiène de vie est évidemment très importante. L’aspect clinique de cette maladie intéresse manifestement très peu, d’ailleurs les descriptions qui en sont faites n’ont pas évolué depuis dix ou quinze ans. La fibrose n’est pas un indicateur de l’hépatite C, mais juste de l’état du foie; on peut être guéri de l’hépatite et cirrhotique, quel que soit le traitement, bien que la fibrose régresse dans un certain nombre de cas à la guérison.
Le Sovaldi est utilisé en association, comme tous les AAD, soit avec un autre AAD pendant 24 semaines, soit avec la ribavirine, soit avec ribavirine et interféron pendant 12 semaines (vs 24 à 36 semaines en bithérapie). Ca a été mon cas, et je n’ai pas fait la fine bouche sur IFN/RBV malgré la lourdeur du traitement et l’efficacité limitée de l’interféron. Il est vraisemblable qu’en France la majorité des hépatites C soient depuis longtemps liée aux drogues intra-veineuses et donc à l’alcool, mais pour avoir longtemps suivi le forum officiel http://www.hepatites.net/ j’ai toujours été surprise qu’une maladie si volontiers réputée asymptomatique leur donne une telle obsession de guérir, et la capacité de supporter de si lourds effets secondaires pendant 36 à 48 semaines.
Gilead et les quatre autres big pharma ont préparé l’arrivée sur un marché mondial stimulant de vingt-quatre AAD (de mémoire), en organisant de façon novatrice la mise sous tutelle des autorités de santé, dont certaines se débattent pourtant un peu plus que les nôtres, comme l’Egypte. Je mets d’ailleurs l’accent sur le fait que ce pays, où l’on consomme assez peu d’alcool en principe, est malgré tout en grande souffrance du fait de l’hépatite C.
Les remboursements de 19000€ par mois que je lisais sur Ameli ne m’ont pas fait l’effet placebo bien connu, mais m’ont donné une colère qui dure encore : dépérir devant la clé de la guérison est plus rude que de ne pas avoir de traitement, et c’est le sort de beaucoup de porteurs du VHC non cirrhotiques. L’hépatite C est en régression en France après le boom post-transfusionnel, mais s’il n’est pas sûr qu’elle soit en voie d’extinction (2000 cas/an ?), il est certain qu’en Chine, Russie, Afrique, Inde, Pakistan ou en Egypte elle est plutôt en voie d’augmentation.
J’ai souffert 13 ans d’une maladie inflammatoire chronique invalidante, dissimulée bien sûr, qui ne correspondait pas à la description essentiellement hépatique de la littérature, que je n’arrivais plus à nier et qui m’avait amenée à un stade d’épuisement physique et de mal-être difficile à supporter. Je souhaite aux malades de ce type (je ne me disais pas malade pendant l’hépatite) d’échapper à la bithérapie d’un an, même si Roche occupe encore le terrain.
Interrogez-vous sur la réaction inhabituelle de vos confrères un peu éberlués : les AAD sont un traitement vraiment novateur, même mal évalués, et c’est bien sûr ce qui autorise les industriels à exiger un prix aussi indécent. Mais demande-t-on aux industriels d’avoir une éthique ?
Le comble de l’indécence est pour moi détenu par la majeure partie des autorités de santé mondiale et nationales, dont les nôtres, dont la fonction ne semble pas tant liée aux intérêts de santé publique qu’aux aspects économiques et sociaux du marché et au bénéfice des industriels.
Merci de m’avoir permis de m’exprimer, et je ne peux m’empêcher d’espérer que vous consacrerez un jour votre puissance de travail, votre culture et votre passion pour la santé à l’industrie agroalimentaire, à l’utilisation massive des antibiotiques et des produits phytosanitaires et aux remarquables conditions de vie que notre mode de vie actuel propose aux populations bactériennes et virales et à leurs recombinaisons..
Malheureusement en retard comme souvent, je voudrais juste poster quelques commentaires tirés d’une expérience de terrain, rapidement exprimés mais que je n’aurais aucune peine à documenter.
1) Sauf erreur de lecture, je m’étonne de ne pas voir rappeler que Gilead, le papa (la maman ?) de Sovaldi a aussi engendré Tamiflu, une formidable escroquerie (cf. entre autres les travaux de la bande à Doshi et Jefferson pour en avoir le détail). Alors que chacun d’entre nous est sous la menace d’une inscription durable à son casier judiciaire en cas de délit, alors même qu’un 0,56 g d’alcoolémie lors d’un contrôle peut poursuivre le contrevenant durant des années, je m’étonne que les instances de Big Pharma puissent, à chaque fois, se présenter vêtues « de probité candide et de lin blanc » comme si rien ne s’était passé avant.
2) À propos de « probité candide et de lin blanc », je m’étonne similairement d’entendre Bergman invoqué en défense contre la criminalité pharmaceutique. Il faudra bien se faire à l’idée qu’en pareille matière, les ennemis (d’un jour…) de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis. Ou, pour le dire de façon plus directe : ce n’est pas parce qu’un profiteur du système va, pour une fois, dans mon sens, qu’il devient une référence crédible.
3) Je peine décidément à comprendre comment le qualificatif de « lanceur d’alerte » peut être utilisé comme titre de gloriole, surtout quand on a déjà attaché son nom à pas mal de mystifications grossières (la « myofasciite à macrophages », « aucun Big Pharma dans la salle », Prescrire « chevalier blanc », etc.). D’expérience, la fonction de lanceur d’alerte passe par un douloureux conflit de loyautés et se vit plutôt comme une cruelle vérole : en tout état de cause, elle devrait se justifier par ce qu’on a perdu et non gagné dans ce rôle (sous réserve de ne pas imputer ses échecs personnels à des initiatives censément héroïques, mais exclusivement rétrospectives : ce n’est pas parce qu’on s’est fait jeter par son sponsor qu’on en devient pour autant un héros).
4) De mémoire, je n’ai jamais vu une association de patients ou de victimes (et j’en ai connu beaucoup) qui ne soit pas grossièrement manipulée par les principaux acteurs du système : il y a même toute une littérature sur le sujet.
A Marc Girard,
En effet, vous avez raison.
Il faut rappeler que l’affaire du Tamiflu est à l’origine d’un très long bras de fer entre deux fameux membres de la collaboration Cochrane, Peter Doshi et Tom Jefferson, spécialistes de la grippe, et l’Agence européenne du médicament, pour la récupération des données brutes des essais menés par Roche : P. Doshi et T. Jefferson expliquaient que Roche avait obtenu l’approbation du Tamiflu par la FDA et l’agence européenne du médicament en ne fournissant que des données partielles des essais cliniques que la société avait mené et en occultant tous les essais négatifs. D’après eux la décision de stocker du Tamiflu (30 millions de doses stockées en 2005 en France dans l’attente d’une pandémie grippale) était basée sur des données partielles tronquées et sélectives fournies par Roche. Il a fallu plusieurs années de combat juridico-administratif pour que T Jefferson et P Doshi puissent obtenir de la part de l’EMA une partie seulement des données. Pour eux le Tamiflu réduisait d’une demi journée en moyenne les symptômes de la grippe et n’avait aucun effet démontré sur la mortalité.
Lorsque les Etats Unis décidèrent de stocker pour 1,8 milliards $ de Tamiflu en 2005, c’était Donald Rumsfeld qui était secrétaire d’Etat à la défense du gouvernement Bush. Or, Donald Rumsfeld avait été le président du conseil d’administration de Gilead de 1997 à 2001 et avait pour plusieurs millions de dollars d’actions de Gilead en 2005. En 1996, Gilead avait cédé des droits exclusifs sur le Tamiflu à la firme suisse Roche, moyennant le versement de royalties sur toutes les ventes effectuées par Roche.
Malgré cela, comme je le disais, les agences britanniques émettent des recommandations obligeant les MG à prescrire du Tamiflu en prophylaxie de la grippe dans les résidences pour personnes âgées http://www.bmj.com/content/350/bmj.h417. Et il est possible que la France émette des recommandations semblables sur la foi d’essais financés par Roche http://jeanyvesnau.com/2015/02/02/grippe-prescrire-ou-pas-le-tamiflu-pour-reduire-la-hausse-de-mortalite-inexpliquee/ .
Dans la liste des reconvertis tardifs qui ont participé pendant toutes leur carrière à la détérioration de la pharmacopée et du système de santé et qui se découvrent, une fois toute perspective de promotion devenue improbable, une âme de rebelles, on peut citer aussi Philippe Even, et Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence de 2003 à 2014. Mais j’en oublie sûrement beaucoup.
A propos du Tamiflu j'ai le souvenir que l'OMS avait acheté 3 millions de doses en 2005 en prévision de la pandémie H5N1. Ce fut annoncé en page d'accueil du site OMS à l'époque. Elle était dirigée par un Coréen mort en fonction. Il avait rencontré Chirac en juin-juillet 2005 (de mémoire) et ce fut à la suite de cette rencontre que notre président commandera pour 145 millions d'euros de Tamiflu stocké dans un dépôt militaire.
Si vous avez plus de précisions sur cette épisode ?
John le Carré s'y intéresse aussi (mais pas qu'à Big Pharma): The Constant Gardener (La constance du jardinier), laisse encore plus désabusé que d'habitude...
Enregistrer un commentaire