jeudi 16 mars 2017

Trop de médecine. Histoire de consultation 196.

J'ai la rateQui s' dilateJ'ai le foie. Qu'est pas droit. J'ai le ventre. Qui se rentre

Monsieur A, 59 ans, est un homme charmant (ce dont tout le monde se moque a priori mais c'est une phrase obligée pour attirer l'attention sur le fait que je ne pratique pas le patient-bashing), cadre supérieur dans une banque, assez fier de lui et de son apparence, ses collègues de bureau l'appellent "coquet" (ne me demandez pas comment je sais cela et j'ajoute, pour être précis, que sa femme ne  sait pas qu'on l'appelle ainsi mais qu'elle y souscrirait volontiers).
"Bonjour.
- Bonjour.
- Qu'est-ce qu'il vous arrive ?
- Oh, pas grand chose. Mais, dites-moi, docteurdu16, c'est de plus en plus difficile d'avoir des rendez-vous avec vous, cela fait quatre jours que j'appelle et c'est toujours complet.
- C'est vrai que c'est un peu chargé en ce moment, (phrase du médecin qui se la pète dans le style "qu'est-ce que je suis demandé..." ou "c'est la rançon du succès" alors que, pour moi, c'est tout simplement de la lassitude), et donc, qu'est-ce qui vous amène ?
- Oh, j'ai fait la grippe, mais c'est passé.
- La grippe ?
- Oui, j'avais le nez pris, je toussais, un peu de fièvre, j'ai empêché ma femme de dormir... mais ça va mieux, j'ai pris du doliprane.
(remarquons ici que je n'ai pas interrompu le patient, enfin, ce qu'il en restait puisqu'il était "guéri", qu'il s'est interrompu lui-même, attendant sans doute un commentaire de ma part, avant les 23 secondes fatidiques, le temps moyen que met une brute en blanc selon Martin Winckler/Marc Zaffran, citant là une étude ancienne étatsunienne de 1999 (voir LA), pour faire taire le patient - -j'écoutais l'autre soir sur France Culture, le feuilleton de France Culture, une adaptation radiophonique du fameux et fondateur roman "La maladie de Sachs" du célèbre sartho-montréalais paru en 1998 et ayant obtenu le prix du livre Inter la même année, qui me conforta dans l'idée, l'adaptation était d'un ridicule achevé, mais, justement, le ratage de cette adaptation, des années après la publication du roman -- que j'avais lu en diagonale et sur les conseils de ma maman qui trouvait le livre formidable sans l'avoir vraiment lu-- montre combien l'idée de la médecine générale n'a pas avancé d'un pouce dans l'esprit des citoyens qui ne retiennent que les côtés romantique et vocationnel comme le film encore plus ridicule "Médecin de campagne" de 2016 le prouve jusqu'à la nausée-- que je n'avais pas aimé le roman initial)
(remarquons aussi que le vocable grippe a un contenu très extensif qui ne cesse de me faire réfléchir)
- Ainsi venez-vous me voir quand vous n'avez plus rien.
- Cest cela.
- Vous auriez pu annuler le rendez-vous, cela aurait fait plaisir à d'autres patients.
- Oui, mais je voulais que vous me confirmiez que j'étais guéri.

Trop de médecine est un slogan mal compris. Les médecins y voient une critique de leur profession et les pharmaciens (voir LA) une atteinte à leur chiffre d'affaire.

Cette consultation montre les dérives de la santé à tout prix et de la médecine à tout faire (j'ai déjà développé cela 100 fois, je ne m'appesantis pas). Bénissons donc les délais pour obtenir une consultation : les patients guérissent avant.

Mais aussi ceci : le besoin d'être malade et d'en parler à son médecin. Ou, plus prosaïquement : le besoin que l'on s'intéresse à soi. Estime de soi et hypochondrie. 

(j'ajouterai ceci : Monsieur A m'a demandé pendant des années pourquoi je ne lui prescrivais pas de statines pour "son" cholestérol jusqu'au jour où il lut un article indiquant que les statines pouvaient entraîner des impuissances (sic) et qu'il comprit à tort pourquoi, lui qui ne présentait aucun facteur de risque cardio-vasculaire, je ne lui avais rien prescrit, alors même que les risques de troubles de l'érection sous statine... , ce dont il me remercia à l'égal de ma façon de ne pas avoir prescrit de mediator à sa femme... Et c'est ce même patient qui me tanne encore pour que je lui prescrive un dosage de PSA, je lui ai pourtant cent fois raconté l'affaire, ce qui montre que la peur du cancer chez CE patient est plus forte que la peur d'être impuissant, ce qui doit être modéré par le fait qu'il n'a toujours pas eu de dosage du PSA alors que je cède le plus souvent dans le cadre d'une décision partagée...  mais que la peur du mauvais cholestérol ne fait pas le poids avec le risque d'avoir des troubles de l'érection)

Bonne journée en bonne santé.

jeudi 2 mars 2017

Harcèlement au travail et/ou burn-out sociétal.


Les cabinets de médecine générale sont désormais remplis de patients consultant pour harcèlement au travail (appelé aussi harcèlement moral : LA) et plus rarement pour burn-out (et, exceptionnellement pour syndrome d'épuisement professionnel, ce qui est la traduction française de l'expression anglaise : ICI).

Un rapport présenté récemment à l'Assemblée nationale propose, selon le journal Le Monde (ICI), "quelques pistes timides pour faciliter la reconnaissance de l'épuisement au travail en tant que maladie professionnelle".

Une nouvelle entité clinique est apparue. Est-ce une maladie professionnelle ou une maladie systémique ?

Jean-Pierre Dupuy, polytechnicien, remarquable épistémologue des sciences et philosophe, et qui côtoya à la fois Ivan Illich et René Girard, parlait de patients "faisant grève de la société" (In : La marque du sacré, 2010, Champs essais).

Nous y sommes.



Et les histoires entendues se répètent à l'infini tant l'organisation des entreprises (privées et d’État) immergées elles-mêmes dans un contexte économique difficile (j'enfile les truismes avec application) est peu favorable à l'épanouissement personnel.

Ce qui m'étonne toujours, et ce qui est peu souvent rapporté, c'est la façon stéréotypée dont les patients expriment leur ressenti à tel point qu'il faut se poser des questions sur ce mimétisme symptomatique (nous n'avons pas le temps ici de parler de maladies construites sur des symptômes et qui ont disparu de la surface de la médecine). On dirait que les citoyens/salariés ont appris leur leçon avant d'entrer dans le cabinet de consultation. On dirait qu'il s'agit d'éléments de langage. Au delà des particularités individuelles qu'il n'est pas possible de nier et qui sont évidentes lors de l'interrogatoire, il existe une ligne de souffrance, un vocabulaire (différent selon le niveau d'éducation), des gestes, des mimiques, des pleurs, qui confèrent une unité sociétale à cette pathologie.

La littérature psychiatrico-psycho-analytique/non analytique est foisonnante et chaque chapelle, comme d'habitude, tire la couverture à soi.

Les sites sont également nombreux (voir LA). Il n'est pas inintéressant de constater que la souffrance au travail est aussi devenu un marché idéologique avec une base constituée par les psychiatres/psychologues du travail dont l'initiatrice est Marie-France Hirigoyen (LA). Au ressenti stéréotypé correspondent des réponses stéréotypées qui sont autant de constructions du réel supposé. Sans références nettes au capitalisme. Car les commentateurs du harcèlement comme du burn-out oublient que le système est vicié à l'origine ou plutôt sont persuadés qu'il s'agit d'un horizon indépassable.

Quelques définitions :

Le burn-out par wikipedia donne ceci :
Le burn-out peut être regardé comme une pathologie de civilisation, c'est-à-dire un trouble miroir qui reflète certains aspects sombres de l'organisation sociale contemporaine, notamment le culte de la performance et de l'urgence, la concurrence exacerbée ou encore la généralisation des méthodes d'évaluation

Pour le  harcèlement moral au travail sur un site officiel (ICI) :
Le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés : remarques désobligeantes, intimidations, insultes...
Ces agissements ont pour effet une forte dégradation des conditions de travail de la victime qui risque de :
porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
ou d’altérer sa santé physique ou mentale,
ou de compromettre son avenir professionnel.
Si vous êtes victime de harcèlement moral, vous êtes protégé que vous soyez salarié, stagiaire ou apprenti.
Ces agissements sont interdits, même en l'absence de lien hiérarchique avec l'auteur des faits.


Les experts vous diront, je les entends déjà, qu'il s'agit de faits différents. Sans doute.

Il faut aller chercher ailleurs.

Dominique Dupagne me signale sur tweeter il y a quelques jours une chronique radiophonique (La Tête au Carré : LA) parlant du burn out parental. J'écris ceci : "C'est la même logique manageriale : la décence commune est remplacée par les injonctions hétéronormes expertales."
Dupagne répond à quelqu'un qui trouvait ma réponse absconse. "Si, c'est logique : la petite entreprise parentale est détruite par des injonctions stupides, intériorisées et aliénantes."

Dominique Dupagne a écrit un ouvrage remarquable sur la logique entrepreneuriale de notre modernité : La revanche du rameur, 2012, Michel Laffon. Mais il n'a parlé que de l'anthropologie du mal ou plutôt de l'éthologie du mal, il n'a pas parlé du contexte social qui est celui du capitalisme, cet horizon indépassable dont j'ai déjà parlé, comme si, le 13 juillet 1789, on avait discouru sur l'immanence de la monarchie de droit divin et de l'impossibilité d'y échapper en France. Bon, je ne vais pas ajouter, Marx et Engels bien entendu (cela ne fait pas bien de les citer), Freud, Ivan Illich, René Girard et quelques autres pour dire qu'il est tout à fait possible de faire le lien entre l'entreprise et la famille qui, justement, n'est pas une entreprise, mais surtout l'Etat qui est encore moins une entreprise, dans le contexte du système capitaliste.



Le burn-out familial :

L'organisation a sociale a dépossédé la famille de ses rôles régaliens autonomes : élever ses enfants, les nourrir, les punir, les encenser, les aider, les aimer.
La famille est en observation : le sens commun autonome (dont il est hors de question de faire l'éloge absolu) est battu en brèche par l'expertise hétéronome des experts qui disent la famille tout en n'ayant de cesse de la déconstruire.
Acrobaties idéologiques qui ne peuvent que rendre les familles folles.
Des livres entiers ont été consacrés à cette division de la pensée.

Je voudrais citer Geoffrey Gorer qui écrivait en 1948 dans The American People: A study in National Character cité par Christopher Lash in La Culture du narcissisme, 1979 : "Il s'est créé un idéal du parent parfait, tandis que les parents réels perdaient confiance dans leurs aptitudes à accomplir les tâches les plus simples attachées au soin et à l'éducation de leur progéniture."

Rappelons aussi, car ce n'est pas anodin, ces chiffres d'une crudité incroyable : 19 000 enfants sont victimes de maltraitance, 78 000 se trouvent dans des conditions à risque et 600 à 700 décès sont attribuables à de mauvais traitements infligés par les parents (voir LA). Bien plus : en 2014, 290 000 mineurs étaient pris en charge par la protection de l'enfance, soit 1,98 % des moins de 18 ans (voir ICI). Voir aussi un article récent sur le rôle des placements : LA.

Il est donc impératif que les services sociaux, la justice interviennent. C'est le rôle de l’État. Et c'est son devoir.

Ce qui est moins rassurant c'est quand les normes s'appliquent au "normal" et fixent des règles dans la règle. Car en ce cas il s'agit, comme on l'a vu, d'une dépossession de la famille, d'une délégation des tâches et d'un transfert des fonctions.

Les experts savent donc, et pas seulement les médecins et les professionnels de santé, comment les femmes doivent accoucher (et même comme elles doivent faire les enfants) et comment les maris (pardon si le terme paraît si vieux jeu) doivent se comporter avant, pendant et après, ils savent aussi comment il faut allaiter, donner le biberon, coucher les nourrissons (même si la dernière fois qu'ils se sont trompés des milliers d'enfants en sont morts, rien qu'en France), je ne continue pas mais, si vous ne le saviez pas, les experts précisent aussi quand il est possible de faire l'amour avant un accouchement, comment procéder pour l'endormissement des nourrissons, des enfants, des adolescents, et cetera, pour le réveil, l'arrivée à la crèche, à la maternelle... et ils n'oublient pas de préciser que l'utilisation des tablettes, des ordinateurs et autres smartphones est un formidable progrès qui va réduire la fracture numérique (mais pas la fracture sociale, idiots).

Les experts conseillent et d'autres, voire les mêmes, n'ont de cesse que de critiquer la famille hétéro-patriarcale alors qu'il est connu que ce sont les familles monoparentales qui sont les plus fragiles.

Quant aux conservateurs, pas tous, ils prônent le travail le dimanche pour des raisons économiques (augmenter le chiffre d'affaire) alors que c'est l'un des facteurs décisifs de la déstructuration de la famille.


Mais revenons au propos initial.

Le lien entre le harcèlement au travail (et le burn-out) et le burn-out familial (et le harcèlement) est le suivant : des experts fixent des normes qui sont à la fois énoncées comme du bon sens pratique et de la morale courante, mais des normes inatteignables qui ne peuvent être atteintes car elles n'ont pas pour but d'être opérationnelles mais pour objet de rendre culpabilisantes toutes les tentatives avortées d'y parvenir, ce qui rend les travailleurs ou les parents coupables et anxieux de ne pas y arriver.

Dans l'entreprise il est beaucoup plus clair d'y voir clair. Le managériat des salariés, et on constate  que ce ne sont pas que les manœuvres ou les professions non intellectuelles qui en sont victimes (bien que ces salariés soient victimes d'une quadruple pleine : exploitation, déshumanisation, bas salaires, manque de reconnaissance sociale) consiste, au nom de principes de rentabilité économique cachés sous le masque de l'organisation rationnelle du travail, à abrutir les gens, à les atomiser (au double sens de les détruire et de les isoler pour couper toute tentative d'autonomie que l'on pourrait traduire par camaraderie, amitié, empathie, voire syndicalisation), à rendre leur travail incompréhensible, à ne cesser de leur demander des comptes, à les réguler, à les juger, à les dresser les uns contre les autres.

Dans la famille les parents n'y arrivent plus ou se résignent au burn-out, et il est symptomatique que ce soient les femmes qui trinquent le plus. Car si les femmes étaient traditionnellement chargées de l'élevage et de l'éducation des enfants, elles ont désormais en plus la nécessité expertale de réussir leur vie professionnelle, pour s'accomplir, certes, mais en s'entendant dire que s'occuper des enfants, leur parler, aller les chercher à l'école ou les aider à faire leurs devoirs pour les familles les plus éduquées, est ennuyeux, barbant, insuffisant, voire dégradant, et on les somme, l'image de la femme d'affaire accomplie, à tout réussir, à prouver à tous, maris, enfants, famille, belle-famille, voisins, collègues, supérieurs hiérarchiques, à être des femmes parfaites, des héroïnes stakhanovistes de romans à l'eau de rose, et, n'y arrivant plus, comment voudriez-vous qu'elles y arrivent sans sacrifier quelque chose ?, elles compensent en étouffant les enfants de sollicitude et de prothèses externes, les nounous, le para scolaire, les cours de soutien, l'inscription au tennis ou aux cours de flûte à bec, parfois au prix de la disparition de leurs sentiments spontanés (on leur a supprimé l'instinct maternel) ou... de leur vie sexuelle.

Quant aux hommes, ils feignent de s'adapter à la situation en tentant de garder leurs privilèges ou en faisant semblant d'y renoncer, et, tant dans l'entreprise que dans la famille ils sont dépossédés de leurs oripeaux merveilleux, tout en gardant le pouvoir et vivent, mais il faudrait développer plus amplement, un paternalisme sans père.

Et les médecins, dans tout cela ?

Comment intervenir quand un patient parle de harcèlement au travail.

Ce sera pour une prochaine fois.





jeudi 23 février 2017

Pudeur et impudeur. Histoire de consultation 195.

Chaïm Soutine : Portrait de Madame X (1919)

Madame A consulte ce matin pour le "renouvellement" de sa pilule. On parle de choses et d'autres, de sa famille, d'un deuil récent, des enfants et elle me dit : "Je crois que vous allez voir mon frère cet après-midi - Sans doute. - Il ne vous le dira pas mais sa femme l'a quitté. - Ah..." 
Elle ne me dit pas grand chose et je ne pose pas de questions. Je connais bien son frère, Monsieur B et je connais bien aussi sa femme dont je suis également le médecin traitant. 
Elle ajoute : "Il ne va pas bien. Il dort mal, il fait des genres de crises d'angoisse."
Il ne m'a parlé de rien.


Chaïm Soutine : Portrait d'homme (1922-1923)


Monsieur B consulte cet après-midi pour le "renouvellement" de son traitement anti hypertenseur. Il m'apporte également les résultats d'une prise de sang. On parle de choses et d'autres, de sa famille, d'un deuil récent, des enfants, et il me dit : "Je crois que vous avez vu ma soeur ce matin. - Sans doute. - J'imagine qu'elle ne vous a pas dit que son mari était parti. - Je ne crois pas."
Il ne me dit pas grand chose et je ne pose pas de questions. Je connais bien son beau-frère, Monsieur A, dont je suis le médecin traitant. 
Il ajoute : "Elle ne va pas très bien. Elle dort mal. Elle est fatiguée."
Elle ne m'a parlé de rien.




samedi 18 février 2017

Transparence.


Une maison transparente qui fait froid dans le dos.
Rêve totalitaire ou exhibitionnisme ?
Pas pour moi.
Par l'architecte Travis Price à Berkeley Springs, Virginie Occidentale en 2014.
image © ken wyner

Commentaires (je rajoute cela le 26 février 2017) :

Je suis assez surpris par les commentaires et par le manque de commentaires.
Je ne me ferai plus prendre à ne pas commenter ce que je suggère.

Cette maison est "transparente" car elle montre son intérieur mais elle n'est pas transparente car il n'y aucun humain visible. Une maison n'est pas faite pour ne pas y vivre et on comprend mieux l'architecture "moderne" celle des barres des "quartiers" où il est impossible de vivre.

Cette maison est donc magnifique au sens architectural du terme (on dit toujours "des maisons d'architectes", c'est à dire des théories inhabitables et inhabitées) mais elle est surtout obscène.
Son obscènité tient à ce qu'elle exhibe la richesse, la transparence, mais qu'il n'est possible pour le commun des mortels que de faire du lèche-vitrine. Ni l'acheter, ni entrer, ni y vivre.

La transparence est donc une métaphore triste en ce cas.

Une maison transparente serait une maison que l'on ne remarque pas comme on dit d'un footballeur après une partie ratée qu'il a été transparent.

Cette maison n'est pas transparente elle est faite pour être vue. Et on ne voit rien.

On n'est donc loin de la transparence morale et politique que l'on voudrait nous faire prendre pour de la démocratie.

Mais c'est une autre acception.

Cette maison est à l'image de l'architecture moderne telle qu'on la voit par exemple à la Fondation Louis Vuitton : de l'épate bourgeois comme on disait jadis, de l'épate bobo comme on pourrait le dire maintenant, mais, surtout, elle est d'une immoralité absolue, comme si l'argent n'avait pas d'odeur, c'est un pied de nez aux pauvres et à ceux qui aimeraient ne plus l'être.

C'est une architecture qui ressemble à un diamant gros comme le Ritz.




jeudi 26 janvier 2017

Faits alternatifs/Alternative facts.


Une certaine Kellyanne Conway vient d'inventer les faits alternatifs : ce qui compte, ce n'est pas la vérité mais la perception de la vérité par le chef (ici Donald Trump) et la façon dont le service de presse de la Maison Blanche présente les faits. 
L'exemple qu'elle a pris est celui du nombre de personnes ayant participé à la journée d'intronisation de Donald Trump.


Donc, à gauche, c'est Obama et, à droite, c'est Trump. Bien entendu, il faut se méfier des images qui proviennent de USAToday (LA), il faudrait vérifier que ce sont les "bonnes" images, mais il semble qu'il ne s'agisse pas de photographies truquées. Voici un commentaire de CNN (ICI) et un article anglais sur les faits : LA.

Les faits alternatifs sont des mensonges.

Ne vous désolez pas trop à propos de ces faits états-uniens, ils existent aussi en France et en médecine, notre sujet.

Des exemples : 
  1. L'HAS vient d'annoncer que les anti Alzheimer étaient inefficaces et pourtant il existe toujours des docteurs Kellyanne Conway et des politiques dans le même métal qui disent qu'il faut continuer de les rembourser
  2. Des docteurs Kellyanne Conway disent que le dépistage organisé du cancer du sein sauve des vies
  3. Des docteurs Kellyanne Conway disent que le dosage personnalisé du PSA sauve des vies (et notamment l'AFU : Alternative Facts in Urology).
  4. Des docteurs Kellyanne Conway disent que la détection de sang dans les selles diminue la mortalité globale.
  5. Des docteurs Kellyanne Conway disent que les examens périodiques de santé servent à quelque chose.
  6. Des docteurs Kellyanne Conway disent que le paiement à la performance (alias ROSP en France) améliore la Santé publique.
  7. Des docteurs Kellyanne Conway disent que le tamiflu est un produit efficace.
  8. Je m'arrête : je suis las. Voir quand même ce que j'écrivais sur les MedTrump : ICI. Et l'ensemble du blog.
Ainsi notre Kellyanne Conway n'est pas une extra terrestre, elle est l'image de ce que nombre d'entre nous acceptons en médecine : des faits alternatifs.

Ras le bol.

Quelques rajouts :

  1. Le 12 février 2017 : méniscectomie versus kinésithérapie chez l'adulte jeune : LA.




dimanche 15 janvier 2017

Parler du silence. Histoire de consultation 194.


Madame A, 36 ans, je ne l'ai pas vue depuis six ans. Je demande parfois de ses nouvelles à ses parents dont je suis le médecin traitant et ils me disent que tout va bien. Qu'en savent-ils ?
Aujourd'hui elle est venue avec sa fille de 5 ans, la petite B, qui a de la fièvre et qui tousse.
Elle est contente de me voir mais elle n'a rien perdu de sa tristesse. Elle me prie de l'excuser d'avoir pris rendez-vous, blabla, car elle n'habite plus Mantes : elle travaille près de Roissy comme institutrice. Elle est chez ses parents pour quelques jour et sa fille est malade.
La petite a une rhinopharyngite banale, je lui crée un dossier, il n'y a pas de carnet de santé, tout cela est très banal. L'ordonnance est étique : deux lignes.
A : "Vous n'avez pas changé."
Moi : ?
A : "Pas d'antibiotiques alors que ma fille a 40, pas de gouttes dans le nez."
Moi : "Pourquoi veux-tu que je change ?"
Elle sourit.
Moi : "Ca va ?"
A : "Ca va".
Sa petite fille est l'aînée de deux enfants. Ils vont bien.

Je suis certain que cela ne va pas bien. Cela ne peut pas aller très bien.

Flash-back.

Je connais Madame A, qui s'appelait B quand je l'ai vue pour la première fois quand elle avait deux ans (les parents faisaient suivre leurs enfants à la PMI pour des raisons pratiques et financières).
Un jour, elle est venue me présenter son mari qui avait une angine. Je ne me rappelle plus si j'avais prescrit ou non des antibiotiques (je n'ai pas regardé le dossier).

Puis elle est revenue seule. Elle avait l'air encore plus triste que d'habitude.

Son couple ne fonctionnait pas.
Notamment le sexe.

Nous nous sommes revus plusieurs fois et nous faisions du sur place.
Il y avait quelque chose et soit elle n'avait pas envie d'en parler, soit elle pensait que cela ne ferait pas avancer les choses.

Je lui ai raconté des trucs pour qu'elle s'en tire. Cela ne venait pas.

Un jour elle m'a annoncé qu'elle avait obtenu sa mutation dans le 93 (elle est institutrice de maternelle). Qu'elle divorçait. Sans enfants.

Et un jour elle a parlé. La veille de son départ dans le 93.

Quand elle était petite fille elle était constamment victime d'attouchements de la part de son oncle maternel. Elle n'en avait parlé à personne. Une fois à sa mère qui lui a dit de se taire et que ce n'était pas vrai. Puis elle apprit que l'une de ses soeurs y avait droit. Puis un jour il a tenté de la violer. Elle avait douze ans. Elle ne s'est pas laissé faire mais elle en a reparlé à sa mère. Qui n'a rien dit mais qui a interdit à son frère de venir à la maison quand elle n'était pas là.
Le père ? Selon elle : au courant de rien.
Pourquoi ne pas en avoir pas parlé avant ? Elle craignait que son père ne tue son oncle.

Aujourd'hui je suis toujours le médecin de la famille, les parents, dont la mère présumée consentante et le père présumé ignorant, consultent au cabinet. Je n'ai jamais abordé le sujet.

L'oncle âgé vit au bled (Tiznit). 
Madame B, que je connaissais Mademoiselle A et qui est devenue Madame C après son nouveau mariage, est toujours institutrice de maternelle.

Il y a six ans, quand elle est venue me voir parce qu'elle était grippée, elle était seule. Son nouveau mari était resté chez ses parents. Elle avait encore une fois envie d'intimité.
Moi : "Tu ne veux toujours pas porter plainte ?"
A : "A quoi cela pourrait servir ?"
Moi : "Dire la vérité, par exemple."
A : "Et alors ? Est-ce que je me sentirai mieux ? Je n'ai pas envie de replonger dans ce cauchemar. J'ai fermé le robinet. Mon mari n'est au courant de rien. Je n'ai pas envie qu'il sache. Il serait dévasté. C'est mon truc, mon secret, ma douleur mais il vaut mieux que je continue à garder cela pour moi. J'ai trouvé un bon généraliste à D, j'ai pu lui parler. Il m'a beaucoup aidée.
Moi : "Super. Et ta soeur ?"
A : "Elle a rompu avec la famille. Elle vit à Bordeaux. Elle s'est mariée avec un Français... Cela n'a pas plu à mes parents. Ils ont deux enfants. "
Moi : "Et tu la vois ?"
A : "Peu. Une fois par an. Mais c'est l'éloignement. Je crois qu'elle a fait le bon choix pour elle. Et moi j'ai fait le bon choix pour moi. Nous ne pouvons pas parler de tout cela. Elle en veut beaucoup à ma mère. Elle dit que tout ça, c'est de sa faute. Qu'elle aurait dû s'en mêler. Elle a raison mais c'est ma mère, elle est victime des traditions..."
Je ne dis rien.
A : "Quant à mon père... Il ne savait sans doute rien. Mais je ne sais pas. Il est faible. Il est vieux, maintenant."
La tristesse de B... quand elle était enfant, sa retenue.
Sera-t-elle un jour vraiment heureuse ? En parlant ou en ne parlant pas.

Quand je reçois la mère en consultation, elle est traitée pour une hypertension modérée, elle prend un peu de doliprane quand elle a mal à la tête, je suis gêné. Mais que puis-je faire d'autre ?

Parler ?




jeudi 29 décembre 2016

Relations soignant/soigné. Episode 2 : Doctolib.


Monsieur A est venu avec son papa, Monsieur A, qui parle très mal le français.
Je soupçonne Monsieur A de présenter une lésion suspecte à la pointe externe du sourcil droit.
Moi : "Je vais faire un courrier pour le dermatologue."
Le fils : "OK."
Moi : "Vous connaissez un dermatologue sur Mantes ?"
Le fils : "Non, mais de toute façon j'ai déjà pris un rendez-vous sur doctolib avec un dermatologue à B."
Oups.
B est une ville située à onze kilomètres de Mantes.
Moi : "Vous avez le nom du dermatologue ?"
Le fils : "Oui, c'est le docteur Z."
Je ne connais pas cette dermatologue. A Mantes, où j'exerce depuis 1979, je connais les dermatologues, pas tous, car les relations hôpital/ville se sont distendues en raison de changements incessants et du fait que toutes les occasions de se rencontrer, les réunions de formation médicale continues, sont payées par l'industrie pharmaceutique, eh bien, à Mantes je ne prescris pas un dermatologue "comme ça". J'ai mes têtes, mais surtout je sais ce qu'ils savent faire et ce qu'ils ne savent pas faire et je tiens compte aussi des délais pour qu'ils reçoivent les patients. J'ai écrit sur les spécialistes d'organes en soulignant combien ils étaient indispensables (voir ICI) et encore indispensables (voir LA) mais, à mon humble avis, ils ne sont pas généricables.

Qu'aurais-je dû faire ?

Finalement, j'écris un courrier à la dermatologue en question.

Voici quelques commentaires désabusés :
  1. Cette médecine impersonnelle commence à m'ennuyer sérieusement. 
  2. La générication des médicaments a conduit tout naturellement à la générication des médecins.
  3. Nous sommes entrés de plain pied dans la médecine de service : j'ai besoin de guérir mon rhume et je vais voir n'importe quel médecin pour qu'il me prescrive ce que j'ai envie qu'il me prescrive dont, c'est selon, des antibiotiques (pour pas que cela ne tombe sur les bronches), des gouttes pour le nez (avec un bon vasoconstricteur efficace), de la pseudoéphédrine (y a que ça qui marche chez moi), du sirop (on sait jamais).
  4. 23 euro (et plus si affinités)
  5. Et si le médecin n'obtempère pas aux ordres du consommateur il se plaindra sur twitter et il criera au manque d'empathie, à l'arrogance et autres reproches et convaincra une association de patients ou un patient expert du rhume (celui qui connaît tous les arguments sur la non prise en compte par les vilains médecins de l'altération de la qualité de vie pendant un rhume et sur le fait qu'une étude a montré que la prise des médicaments précédents entraînait un retour à la normale quatre heures avant le mouchage dans un mouchoir jetable, les deux groupes absorbant du paracetamol) de faire écrire sur un blog dédié les mésaventures enrhumées d'un patient livré aux brutes en blanc.
  6. Le système Doctolib de prise de rendez-vous sur internet est symbolique de cette médecine de consommation où le patient peut aller voir un médecin en aveugle et où le médecin, déjà débordé par sa clientèle, cela semble être le cas partout, peut rencontrer de nouveaux patients qui ne reviendront peut-être jamais. Doctolib semble plaire aux patients branchés, connectés, modernes, ceux qui commandent leurs chaussures sans les avoir essayéees et qui peuvent les renvoyer si elles ne leur plaisent pas, et est le symptôme plus que la conséquence de la dégradation définitive de la médecine et de la disparition désormais presque effective de la médecine générale de proximité (expression galvaudée et surtout utilisée par les politiciens pour dire n'importe quoi, sans compter les Agences régionale de Santé -- dont on me dit qu'elles sont éminemment politiques) que l'on pourrait nommer avec emphase le dernier lieu de la common decency médicale.
  7. La médecine "un coup" prend le pouvoir. J'ai mon spécialiste pour les verrues, mon spécialiste pour la sleeve, mon spécialiste pour ma tension...
  8. La dermatologue en question, elle s'est abonnée à Doctolib pour faire des économies de secrétariat, et il n'est pas possible de la blâmer vues les conditions actuelles d'exercice, mais qu'elle ne se plaigne pas ensuite que sa consultation de médecin spécialiste soit envahie par les verrues, les acnés vulgaires ou les pieds d'athlètes.
  9. Bon, ben, faut s'adapter, mon vieux, c'est comme ça, ça changera plus. Le progrès est en marche.
Le monde change mais on n'est pas obligé de dire amen.
Et les responsables des politiques publiques doivent savoir que ces transformations seront catastrophiques sur le plan de la Santé publique et vont entraîner une explosion des coûts.

PS. Il faudra que j'écrive un billet sur http://www.mesconfreres.com de Dominique Dupagne 

jeudi 22 décembre 2016

Est-il encore possible pour les médecins libéraux de discuter avec les pharmaciens libéraux ?


Mon dernier billet (voir ICI) sur les 10 propositions des pharmaciens était, je l'avoue, un peu provocateur, un peu orienté, un peu maladroit, mais je ne regrette rien.

Les pharmaciens qui ont réagi ne l'ont pas fait en s'exprimant sur le blog, sans doute pour ne pas lui donner de l'importance ou pour le boycotter, mais ce que j'ai lu ici ou là, et heureusement que certains d'entre eux ont gardé un regard critique sur leur métier (ils me l'ont fait savoir en messages privés), montre que le déchaînement de certains dans l'entre soi de leurs conversations est franchement inquiétant. Ayant le cuir dur je ne m'en formalise pas. Mais ce que j'ai compris par en dessous (UTC : under the counter) m'a stupéfait au point que je suis désormais certain qu'il n'y a plus rien à attendre d'un dialogue, à condition même que l'on puisse se réunir autour d'une table, car le dit et le non dit sont terribles. J'ai compris que selon certains je ne comprenais rien, que j'étais un âne, mais, pas l'once de l'esquisse d'une tentative de pédagogie, alors qu'il ne me semble pas que je sois le plus bête d'entre nous.

Les échanges sur twitter ont montré une irréductibilité incroyable.

Les pharmaciens ont un problème avec leur chiffre d'affaires, ce que je comprends, mais qu'ils en fassent leur axe de santé publique est plus difficile à avaler.

Tout le monde se plaint et les médecins sont les premiers à demander une augmention de leurs honoraires (pas moi).

Il est donc nécessaire avant d'argumenter de préciser, pour ceux qui ne savent pas lire, qui ne lisent pas le blog, ce que je prétends. Et ne croyez pas qu'il s'agisse d'un plaidoyer pro domo : pour tous les points que je vais énoncer je suis également fautif.

  1. Les médecins en général croient trop en la médecine.
  2. Les médecins en général prescrivent trop de médicaments.
  3. Les médecins en général ne contrôlent pas assez le nombre de lignes de traitements sur leurs ordonnances.
  4. Les médecins en général rédigent mal leurs ordonnances.
  5. Les médecins en général se moquent des avertissements que leurs banques de données signalent lors de leurs prescriptions : contre-indications, précautions d'emploi.
  6. Les médecins en général peuvent se tromper sur les posologies des médicaments.
  7. Les médecins en général n'ont pas de bonnes relations avec les pharmaciens quand ceux-ci émettent des doutes sur la qualité, la pertinence et/ou la cohérence de leurs prescriptions.
  8. Les médecins en général se moquent de l'Evidence Based Medicine et/ou du processus de Share Decision Making.
  9. Les médecins en général ne connaissent pas le prix des médicaments qu'ils prescrivent.
  10. Les médecins en général sont influencés dans leurs prescriptions par l'industrie pharmaceutique.
  11. J'en passe et des meilleures.
Donc, ces préliminaires indispensables étant précisés, on peut aller au fond du sujet.

Les pharmaciens en général ont donc raison de se plaindre de la façon dont les ordonnances des médecins, en général, sont rédigées, de leurs incohérences, de leurs erreurs, de leurs fouillis, de leur inconsistance, de leur mal-à-propos, de leurs accumulations d'interactions médicamenteuses possibles, mais ils deviennent réticents quand on leur parle de diminuer le nombre de lignes sur les ordonnances, le nombre de molécules prescrites, le nombre de placebos prescrits, le nombre de produits coûteux, et cetera.

La principale source d'effets indésirables des médicaments est la méconnaissance des interactions et plus il y a de médicaments prescrits et plus il y a d'interactions, c'est automatique, plus il y a de médicaments nouveaux (c'est à dire dont on ne connaît pas l'étendue des potentialités nuisibles) prescrits (i.e. chers) et plus il y a d'interactions médicamenteuses, plus il y a d'ordonnances rédigées pour le même patient par des médecins différents et plus le risque d'interactions médicamenteuses est important (d'où l'intérêt du médecin traitant et du pharmacien traitant). Et cetera.

Il serait malencontreux que les pharmaciens, dans le souci de limiter les interactions médicamenteuses potentiellement nuisibles, puissent cependant penser que la surmédicamentation des patients est une bonne chose et, par conséquent, que la dé médicalisation en est une mauvaise.

Au delà d'un certain nombre de lignes de traitements sur l'ordonnance on fait de la mauvaise médecine mais de la bonne pharmacie. C'était une plaisanterie.

Est-ce que l'Evidence Based Pharmacy est une bonne chose pour les patients mais une mauvaise chose pour les pharmaciens ?

Quant aux références constantes des pharmaciens français sur ce qui se passe au Québec, rappelons qu'au Québec un grand nombre de médecins internistes, pharmacologues, pharmacovigilants, prônent la dé prescription. Voir LA, par exemple, le livre de Pierre Biron intitulé "Alter dictionnaire médico-pharmaceutique".

J'ai proposé des réunions de pairs pharmaciens/médecins sur la base de l'intérêt partagé des patients. Sans intérêt m'ont dit mes contradicteurs puisque mon idée de départ, c'est ce que j'ai compris entre les lignes, est de diminuer le chiffre d'affaires des pharmaciens (utilitarisme versus conséquentialisme).

Dont acte.

Peut-on encore parler d'exercice conjoint du soin entre libéraux et libéraux ?

S'il y a des bonnes volontés la porte est ouverte.

mardi 13 décembre 2016

Et si Fillon avait raison sur le rhume mais pour de mauvaises raisons ?


Les déclarations (maladroites ou émanant de son inconscient libéral avancé) de François Fillon sur le rhume (alias le petit risque) ont entraîné des réactions outrées, des réactions incongrues, des réactions non argumentées, des réactions politiques (les adjectifs précédents peuvent encore servir, accolées à politiques), et cetera.

Nul doute que le rétropédalage du candidat à l'élection présidentielle (voir ICI), mais pas de celui choisi par la primaire de droite, est électoraliste mais, s'il est aussi peu fondé que ses propos précédents, il pose des questions fondamentales dont les habitués de ce blog sont au courant.

Le rhume nécessite une boîte de mouchoirs en papier.

Rappelons la vieille pochade : un rhume dure huit jours en général et... une semaine si l'on va voir son médecin.

Vous avez autre chose à dire ?

Voici les arguments des pro rhumes :
  1. Un rhume peut "descendre" sur les bronches
  2. Un rhume peut cacher une maladie grave
  3. Un rhume est un motif caché de consultation
  4. Un rhume est une demande d'arrêt de travail
  5. Un médecin aimant les histoires de chasse : "Jai un jour vu un rhume se transformer en infarctus à mon cabinet..."
  6. Un rhume peut en cacher un autre
  7. Un rhume peut enrhumer l'entourage, et cetera.
Convainquant ? 

Nous entendons à longueur de réseaux sociaux les médecins se plaindre de l'encombrement de leurs consultations par des citoyens qui ne sont pas vraiment malades, nous entendons ces plaintes en ville comme à l'hôpital, ces consultations et ces urgences surchargées qui feraient passer les vrais médecins à côté des vraies urgences ou des vraies pathologies.

Alors, le rhume ?

Il faut aller chercher le motif caché de François Fillon : les maladies graves, ou rendues graves par le marketing, seraient remboursées par l'Assurance maladie et, le reste, par les mutuelles privées. OK, mais n'est-ce pas exactement ce qu'a initié Marisol Touraine en obligeant les salariés à avoir une mutuelle (privée) pour le (petit) risque ?

Car, ne l'oublions pas, le lobby santéo-industriel parle la même langue de gauche et de droite (ou l'inverse) : favoriser la consommation de soins inutiles, coûteux et dangereux. A gauche on agite le mouchoir de la justice sociale et à droite celui de l'efficacité économique (vous me dites si je me suis trompé quelque part...). 

Un citoyen porteur de rhume consulte. Le médecin perd son temps (on me souffle dans l'oreillette qu'il pourrait mesurer sa pression artérielle, lui demander s'il est fumeur, s'il boit exagérément, s'il frappe sa femme, enfin, toutes les petites cases qu'il faut cocher pour être un "bon" médecin aware des problématiques modernes, et cetera) en le recevant, en lui demandant de l'argent et, surtout, en lui prescrivant quelque chose.

Le comité novlangue me demande déjà pourquoi je n'ai pas écrit "Un.e citoyen.ne" au lieu de... Zut. Parce que seuls les rhumes d'homme sont à prendre en compte, les femmes, je généralise, ne consultent pas pour un rhume, elles ont d'autres choses plus importantes à faire.

Le médecin généraliste prescrit donc, il faut bien qu'il justifie ses maigres 23 euro, plus s'il est filloniste et qu'il consulte un médecin généraliste secteur 2 (va pour 50 euro), mais on me chuchote à l'oreille que des non fillonistes, voire des hamonistes ou des montebourgeois, consultent aussi des généralistes secteur 2, voire 3. Il prescrit des "gouttes pour le nez" (les seules encore remboursées : pivalone), du sirop (on tousse toujours un peu), du doliprane. Mais il peut faire mieux : du rhinofluimucil, voire du derinox (le rhume à nez bouché) ou un dérivé de la pseudo éphédrine par la bouche (non recommandé par La Revue Prescrire), un sirop codéiné, de l'ibuprofène, de la lamaline, le choix est vaste. Sans compter les antibiotiques : "On ne sait jamais", "ça peut tomber sur les bronches", "chaque fois que vous me voyez pour un rhume ça se transforme en bronchite", "mon médecin, dans les rhumes, y me prescrit toujours du clamoxyl"...

On en reste à la boîte de mouchoirs en papier ?

Il y a aussi le pharmacien qui peut faire la même chose que le médecin généraliste (sans les 23 euro ou plus pour les fillonistes ou les non fillonistes - voir plus haut) avec des produits dans le même genre mais un peu plus chers et non remboursés... sans compter quelques granules, pas chères, mais des granules quand même. Mais sans antibiotiques. 

Il y a aussi les urgences, non, je ne plaisante pas, tout urgentiste vous dira qu'il a reçu des rhumes à deux heures du matin, et les urgentistes, dont ce n'est pas le métier, feront aussi mal que les médecins et les pharmaciens.

Il y aussi l'ostéopathe qui redressera la cloison nasale à l'origine du rhume.

Mais n'oublions pas l'association des patients enrhumés (APE-National) qui va hurler en affirmant que l'accès aux soins est largement entravé si le rhume n'est plus remboursé et que c'est la santé publique tout entière qui est menacée.

Voilà. On a trouvé l'éléphant dans le couloir : ce n'est pas le déremboursement du rhume qui pose problème, remontons en amont, c'est le fait que des concitoyens pensent qu'il faut consulter un médecin quand on a un rhume. Et a priori les médecins ne protestent pas pour certaines des raisons sus-citées et... pour protéger leur chiffre d'affaires.

Bon, on récapitule ?

L'instruction sanitaire nationale devrait dire et répéter à nos concitoyens que le rhume n'est pas grave et qu'il n'est pas nécessaire, justifié, raisonnable, de consulter pour cela.

Je livre ces concepts à votre attention :
  1. Médécalisation/démédicalisation
  2. Autonomie/hétéronomie
  3. Médicamentation/démédicamentation
  4. Santé publique/hygiène/médecine
  5. Bonne santé
  6. Maladie/symptôme
  7. Sur médicalisation/sur diagnostic/sur traitement
  8. Hypochondrie
J'en passe et des meilleurs.

Mais, cela dit, le "petit risque" (que le rhume ne résume pas) mériterait un long billet. Et les déclarations de François Fillon montrent assez combien quelqu'un qui est en campagne depuis trois ans se fie à des collaborateurs qui ne préparent pas leurs dossiers.

Les propositions Fillon 2017 sont LA. On voit que c'est du bla bla déjà entendu et lu cent fois et que la bonne idée du rhume ne s'est pas concrétisée. Il a d'ailleurs corrigé et caviardé en fonction des réactions à son incise rhumesque.

C'est dramatique.

Fillon s'est enrhumé tout seul.

(lien d'intérêt : je ne suis pas allé voter pour Fillon, ni pour personne, d'ailleurs, à la primaire de la droite)

jeudi 8 décembre 2016

10 propositions pour la pharma. Par un "collectif de pharmaciens". Commentaires.


Avant de me lire il est souhaitable de lire le texte que vous trouverez ICI.

Je souhaiterais d'emblée préciser ceci : tout médecin généraliste (les autres médecins, je ne sais pas, enfin, je sais mais je préfère me situer dans le cadre de l'exercice que je connais le mieux, dans les situations qui sont les miennes, mes consultations, mes prescriptions) commet des erreurs de prescription. Ces erreurs, qui peuvent être graves, sont sans doute courantes dans le cas de ma pratique, mais il est important de hiérarchiser leur dangerosité car le seuil de gravité est tout aussi normé et normable que le seuil de conformité. Il faudrait également s'interroger sur la pertinence des logiciels signalant les interactions médicamenteuses : celui dont je dispose (Vidal) parle de deux interactions quand je prescris deux anti hypertenseurs A et B sur la même ordonnance : A vs B et B vs A. Trop d'effets indésirables tuent les effets indésirables...

Quel médecin généraliste ne rêve pas de pouvoir parler, discuter, commenter, avec un pharmacien compétent qui non seulement pourrait lui apprendre quelque chose mais également conforter des actions communes pour "mieux" prescrire et moins prescrire ? 

Les réflexions qui sont faites par le collectif semblent issues d'une pratique hospitalière où l'influence des pharmaciens est plus forte mais où, surtout, des réflexions de pairs peuvent être menées entre pharmaciens et médecins. Dans le cadre de la pratique de ville la méconnaissance physique entre médecins et pharmaciens est la plus fréquente, ce qui ne facilite pas la communication raisonnée et raisonnable.

Ainsi, pour terminer, il est important que la bonne entente entre pharmaciens et médecins se fasse sur des valeurs communes. Je fais partie des médecins qui, avant l'apparition des génériques, connaissait les produits que je prescrivais, la couleur des comprimés, le boîtage, le goût des sirops... Désormais c'est impossible.

Liens d'intérêts intellectuels.
Je précise également que je suis opposé aux génériques (ce qui ne signifie rien puisqu'on ne reviendra jamais en arrière) qui sont le summum de la société consumériste (raisons idéologiques), qui sont de façon concomitante une banalisation des médicaments qui, d'une part, ne valent plus rien, et, d'autre part, sont interchangeables et qui, au lieu de faire baisser le prix des médicaments, les ont fait monter (raisons économiques) au point que ce sont désormais des citoyens des pays riches qui sont privés de médicaments devenus hors de prix (et non plus ceux des pays du monde pauvre). Enfin, les génériques sont l'expression ultime de la financiarisation/mondialisation de l'industrie pharmaceutique dans un contexte ultra-libéral (les Etats auraient dû imposer aux princeps une baisse drastique des prix à la fin des brevets). Je ne parle pas non plus de l'absence de contrôle des génériques (les pro génériques disant que c'est la même chose pour les princeps, sans doute, mais pourquoi multiplier les lieux de production ?). Enfin, j'en parlerai tout à l'heure, où est le patient dans cette affaire ? 
J'ai publié un billet qui a eu peu d'écho sur l'Evidence based pharmacy (LA) où il faut tenir compte des valeurs et préférences des patients, je me suis prononcé dubitativement sur le suivi de l'INR par le pharmacien et, on le verra, je suis opposé à la primo vaccination par les pharmaciens...

Peut-on parler d'un socle de valeurs communes ? Les lecteurs de ce blog savent combien nombre de médecins généralistes ne partagent pas certaines "valeurs "communes. Alors, les pharmaciens ?
Parlons avec une brave bonne langue de bois : travailler avec les pharmaciens est indispensable. Mais comment ? Analysons le texte.


Proposition 1INCITER L'OPINION, L'INTERVENTION ET LE REFUS

Dès le troisième mot on parle de "rémunération". Mais cette réflexion sur l'élargissement du champ des compétences des pharmaciens, pardon, excusez-moi, sur ce que devraient faire, sur ce qu'auraient dû faire les pharmaciens depuis belle lurette, et comment faire en sorte qu'ils le fassent vraiment moyennant finances, résonne dans mon esprit : c'est le pendant du paiement à l'acte pour le médecin libéral. Le médecin libéral est payé majoritairement par le nombre de patients qu'il voit par jour, par semaine, par an. Mais aussi par le nombre de patients inscrits sur sa liste, celle des patients l'ayant choisi comme médecin traitant. Eh bien, instituons et rémunérons le PhT, soit le pharmacien traitant.



Les questions posées dans le sous chapitre "Opinion pharmaceutique et intervention pharmaceutique" sont intéressantes et mériteraient, même si elles sont parfois farfelues, que l'on s'asseye autout d'une table pour en discuter (je suis gentil car quand je lis que "cela a pour but de faciliter l'observance", je sors mon manuel d'éducation thérapeutique) : prescripteurs, patients et dispensateurs de prescriptions. Le deuxième sous chapitre "Refus de délivrance" est, de mon point de vue, une obligation déontologique de la part du pharmacien mais le collectif nous dit que pour accéder à la déontologie il faut que les pharmaciens soient valorisés financièrement. Hum. L'exemple choisi ("Rappelons que 80 % des prescriptions de Mediator étaient non conformes aux conditions de prescriptions du médicament (dont hors AMM)") me laisse songeur : 1) Ce qui veut dire que si les pharmaciens avaient été "valorisés" ils auraient refusé 80 % des prescriptions non conformes de Mediator ; 2) Ce qui veut dire aussi (cf. infra Proposition 9) qu'il vaudrait mieux que les cours de chimie ne soient pas supprimés des études de pharmacie car dans les 20 autres % de prescription de Mediator les pharmaciens ne pourraient plus savoir pourquoi ils auraient dû aussi interdire la délivrance de médicaments néfastes aux valves cardiaques. 3) Ce qui signifie également, pardon Madame Frachon, que, ne voyant que Servier, Servier, Servier, vous pardonnez aussi aux pharmaciens d'avoir délivré des substances toxiques prescrites par des prescripteurs toxiques.

Proposition 2 : SUBSTITUER LES ME-TOO,
LES BIOSIMILAIRES ET UN MÉDICAMENT EN CAS DE RUPTURE D’APPROVISIONNEMENT 
Substituer un me-too par un générique de la même classe. Je ne comprends pas cette proposition, enfin, les termes employés. Les pharmaciens, est-il écrit, ont déjà le droit de substituer un médicament de marque par son équivalent générique. Heu ! Ils ont le droit de le faire à condition que le médecin prescripteur n'ait pas, en accord avec son patient, indiqué la mention manuscrite "Non substituable" précédant la prescription tapuscrite. N'est-ce pas plus correct ? Mais que vient faire ici la notion de me-too ? Un me-too est un princeps dont la molécule est très semblable à celle d'une molécule d'un princeps déjà existant, c'est à dire dont les effets pharmacologiques sont identiques, ce n'est pas un générique, bien qu'il existe des génériques de me-too.



Le collectif souhaite dont que la prescription de Tahor (atorvastatine) puisse être, au gré du pharmacien, transformée par exemple en simvastatine. Pourquoi pas ? Mais sur quels critères ? Sur des critères commerciaux (le contrat passé à tel groupement pharmaceutique plutôt qu'un autre), des critères scientifiques (bien malin celui qui peut faire la diférence entre les statines sinon sur des critères d'interactions hépatiques avec d'autres molécules ou sur la foi d'essais cliniques dont on peut douter de la qualité, sur les critères des Agences, de La Revue Prescrire ?), des critères d'approvisionnement ? Mais pas un mot sur la sécurité d'emploi des médicaments, notamment chez les personnes âgées, mais, surtout, pas un mot sur la décision partagée. C'est vraiment ce qui manque le plus dans ce chapitre. C'est un retour au paternalisme pur et dur : où sont les soins pharmaceutiques quand on assène l'idée que toutes les molécules de la même classe pharmacologique se valent alors que les AMM, le collectif ne nous en a pas assez parlé, les AMM, donc, peuvent être différentes selon les génériques et par rapport aux princeps ? Quand on passera d'un me-too à un générique, le pharmacien informera-t-il le patient de ces différences d'AMM  quand elles existent ?



Enfin, le collectif demande une rémunération pour cette substitution alors que les pharmaciens l'ont déjà obtenue puisque ils touchent un bonus sur le prix réel des génériques.

Substituer un médicament biologique par un médicament biosimilaire. Là, on est dans un cas de figure plus osé puisque ce ne sont pas (sauf exception) des médicaments tombés dans le domaine public, et prendre l'exemple des Etats-Unis est assez curieux dans la mesure où c'est un des pays où les biosimilaires sont les plus chers du monde. N'oublions pas non plus (ce n'est pas indiqué dans le texte) que ces biosimilaires ont des effets indésirables différents les uns des autres et des surveillances biologiques pas toujours équivalentes : le pharmacien fera-t-il revenir le patient pour lire les examens complémentaires ? Je demande à voir.

Substituer un médicament en rupture d'approvisionnement. Encore une fois le vocabulaire employé est peu précis : que signifie un médicament "de la même famille" ? S'agit-il de la même famille pharmacologique ou de la même famille thérapeutique ? Mystère.

Proposition 3 : DEREMBOURSER L'HOMEOPATHIE
Peu de commentaires à faire sinon celui-ci : le déremboursement de l'homéopathie signifierait-il qu'il faille dérembourser tous les placebos prescrits par les médecins ou tous les placebos vendus par les pharmaciens ? Est-ce bien raisonnable ? Je suis un farouche opposant moral à la prescription de placebos (voir LA) mais est-ce possible de ne jamais en utiliser ?




Proposition 4 : RENDRE LA PILULE ET D'AUTRES MEDICAMENTS ESSENTIELS ACCESSIBLES SANS ORDONNANCE
Je lis cette phrase "Avec la démocratisation des informations médicales"... Que vient faire le mot démocratisation dans cette galère ? Il est vrai que l'exemple des sites anti IVG montrent à l'envi ce qu'est la "démocratisation" des informations... Il vaudrait mieux dire : avec le développement de l'information par les professionnels de santé dans le cadre d'une décision partagée ou en raison du déluge d'informations médicales ou pseudo médicales sur internet... Notre collectif donne trois exemples :
La pilule contraceptive. De deux choses l'une, soit la pilule contraceptive est un outil non médical de contraception, soit non. Dans le premier cas, et comme le préconisait le chanteur Antoine, il faudrait la vendre dans les supermarchés. Dans le second cas il serait nécessaire que le pharmacien, comme tout médecin, envisageât avec la "cliente", la "patiente", la citoyenne, quel est le moyen de contraception le plus adapté à sa personnalité, à ses antécédents, personnels et familiaux, à son mode de vie, et cetera. L'exemple des pilules de troisième génération non bloquées au comptoir par les pharmaciens nous incite à la prudence. Par ailleurs, il serait utile de refaire le point au bout d'un certain temps d'utilisation afin de ne pas passer à côté des facteurs de risque, et cetera. Les pharmaciens ont par ailleurs déjà le droit (et le devoir) de délivrer la pilule du lendemain sans ordonnance.
Quant aux deux autres points, arrêtons nous-y. Pour le paludisme, et en zone 3 par exemple, je prescris hors AMM (doxycicline) dans un but utilitariste : pour que les patients peu fortunés prennent le traitement. Les pharmaciens prescriront-ils des produits onéreux non remboursés ou le doxypalu  peu onéreux non remboursé ? Pour les antibiotiques chez les femmes qui ont une infection urinaire récente (et sous réserve d'un test urinaire de confirmation) (sic), je demande au collectif de revoir les recommandations officielles pour ce genre de situation pathologique.

Proposition 5 : AJUSTER UNE ORDONNANCE
Comment s'opposer à une telle proposition de bon sens ? Il est vrai que la vision de certaines ordonnances de médecins, sans compter le fait que certains patients prennent des médicaments prescrits sur des ordonnances différentes émanant du MG, du rhumatologue, du cardiologue, de l'endocrinologue... laisse rêveur. Mais il me semble que le médecin aborde toujours (ou presque) tous ces sujets avec ses patients mais que c'est souvent par lassitude et par manque de temps qu'il finit par céder... Donc, s'il est possible d'obtenir un renforcement positif de la part du pharmacien, ce ne peut être que du bonheur... Mais le pharmacien ne se rend-il pas compte des mouvements de foule qu'il va provoquer dans sa pharmacie quand il va passer un quart d'heure lors de chaque délivrance ?...

Proposition 6 : RENOUVELER/PROLONGER LES ORDONNANCES
D'accord. Mais cela n'existe pas déjà ? Quand je lis le début de la phrase qui aurait pu être écrit auparavant dans le texte, "Il s'agit également de répondre à la pénurie de médecins", "et de la difficulté grandissante pour obtenir un rendez-vous dans les délais fixés par l'ordonnance"... De qui se moque-t-on ? Le patient A est traité par un antihypertenseur et il revoit son médecin traitant tous les 3/6 mois, n'est-il pas capable de prendre les devants ? Remplacer les médecins généralistes est un but que poursuivent tous les acteurs de santé et cet objectif sera bientôt atteint.

Proposition 7 : DEMANDER ET INTERPRETER DES TESTS
DE LABORATOIRE
Là, les pharmaciens ont fumé la moquette. Demander des tests de laboratoire sans disposer du dossier, sans savoir quels examens ont déjà été demandés, quels en ont été les résultats, quelles sont les indications (par exemple de l'anticoagulant), c'est pas gérable. Ou alors faudrait-il que la communication médecins/pharmaciens ou pharmaciens/médecins s'améliore et que l'on puisse convenir de façon conprofessionnelle de réunions types groupes de pairs afin de parler des prescriptions et des dossiers. OK pour moi.

Proposition 8 : AUTORISER LA VACCINATION PAR LE PHARMACIEN ET L’ENSEIGNEMENT DE L’ADMINISTRATION DES MEDICAMENTS
Je ne vois pas le rapport entre les deux propositions. Et pour la deuxième, je pensais que c'était déjà le cas. Cela dit, mais je ne fréquente pas assez les pharmacies, combien de fois sur 100 délivrances un pharmacien montre-t-il comment il faut utiliser un aérosol doseur ? (et je trouve anormal par ailleurs que certains médecins, en prescrivant ventoline ou airomir, ne fassent pas la démonstration devant leurs malades ou ne demandent pas systématiquement à leurs malades de vérifier que le patient sait le faire, en prétendant que 'c'est le boulot du pharmacien', voir ICI)
La vaccination. Je passe sur l'argumentaire prônant la nécessité de vacciner, bla bla bla, tous les vaccins se valent, et bla bla bla, et ce qui compte, ce n'est pas l'efficacité mais le nombre de personnes vaccinées... Non, tous les vaccins ne se valent pas, tous les vaccins n'ont pas la même efficacité, non, tous les vaccins n'ont pas le même intérêt, non, tous les vaccins n'ont pas les mêmes effets indésirables (pardon, il y en a). La vaccination contre telle ou telle maladie, et indépendamment des vacins obligaroires, recommandés ou facultatifs, comme tout médicament, exige un accord, un consensus, une entente, une décision partagée, entre le médecin et la patient. La vaccination dans les pharmacies ne me choque pas (j'imagine qu'il faudra une longue formation aux pharmaciens pour apprendre à vacciner...) si la décision de vacciner ou non n'est pas une décision d'Etat mais un choix individuel pris après une séance de décision partagée. Quant au Dossier Pharmaceutique Vaccination, encore un "machin" de plus. Mais là où je trouve le collectif particulièrement léger, c'est qu'il ne parle pas des infirmières/infirmiers qui sont déjà formés pour cela.



Je viens de voir le rapport avec la deuxième proposition : les pharmaciens veulent apprendre aux diabétiques à s'auto-administrer l'insuline. Là encore les infirmières/infirmiers sont renvoyés dans leurs cordes. Je croyais également que certains pharmaciens le faisaient déjà...

Proposition 9 : REFORMER LES ETUDES :
MOINS DE CHIMIE PLUS DE SOINS PHARMACEUTIQUES 

J'en ai déjà parlé plus haut : si la chimie et la pharmacologie ne sont pas le domaine réservé des pharmaciens il ne reste plus qu'à tirer l'échelle... Réformer les études de pharmacie, je n'en ai aucune idée, mais enlever la chimie est une très mauvaise idée.

Proposition 10 : VALIDATION PHARMACEUTIQUE OBLIGATOIRE ET SIGNÉE PAR CPS SANS DÉLÉGATION
On ne peut qu'applaudir des deux mains. Mais cela va poser de sacrés problèmes d'organisation dans les pharmacies sans pharmaciens (non, je plaisante).

Que retenir de tout cela ?

  1. Les pharmaciens veulent trouver des moyens d'augmenter leurs rémunérations.
  2. Les pharmaciens veulent remplacer en certains domaines les médecins généralistes surchargés.
  3. Les pharmaciens ne se rendent pas compte du surcroît de travail que cela va représenter pour eux en termes de temps de contact avec les clients.
  4. Les pharmaciens devraient opter, dans une logique scientifique, pour l'Evidence Based Pharmacy mais cela risque de rendre leur chiffre d'affaire encore moins vigoureux.
  5. La création d'un pharmacien traitant devrait sans doute valoriser leur activité.
  6. Les pharmaciens et les médecins libéraux ont besoin de contacts plus rapprochés et plus professionnels qui permettraient à chacun d'apprécier les qualités des uns et des autres et de pouvoir au mieux déprescrire pour éviter une consommation inutile de médicaments mais, surtout, éviter les effets indésirables. On voit ici une zone conflictuelle évidente puisque les rémunérations supplémentaires demandées ne compenseront jamais les baisses de chiffre d'affaires liés à cette déprescription
  7. Les conflits d'intérêts entre pharmaciens et médecins ne sont pas seulement économiques et on imagine un patient à qui son médecin aurait prescrit une statine et dont le pharmacien dirait qu'elle est inutile (et on voit ici que je ne prends partie ni pour l'un ni pour l'autre). 
  8. Les logiciels d'interactions médicamenteuses devraient être unifiés mais surtout améliorés.
  9. J'aime beaucoup la notion de validation pharmaceutique qui est une prise de position à la fois scientifique, intellectuelle et morale qui engage le pharmacien et témoigne de son professionnalisme. 
  10. Le but de ces propositions est d'éviter les affaires mais il m'apparaît clair, au delà de la responsabilité évidente de prescripteurs, dans l'affaire Mediator comme dans celle de la Dépakine, que le filtre pharmacien dans ces deux affaires a échoué.
  11. Je trouve quand même que le patient et la décision partagée sont légèrement absents de ces propositions.
Discutons, discutons pour le grand bien des citoyens non malades ou malades.

vendredi 11 novembre 2016

L'élection de Trump a l'air de scandaliser tout le monde... même les medTrump.


Il est assez amusant de constater que l'élection de Donald Trump scandalise tout le monde : comment un homme aussi peu cultivé, aussi vulgaire, aussi misogyne, aussi raciste, aussi je ne sais quoi encore,  a-t-il pu être élu alors qu'il sent la corruption, la triche, le mensonge, les scandales, les arnaques ?... On a quand même trouvé des gens qui, sans oser le dire, il y en a quand même qui se lâchent, suivez mon regard, laissent parler leur inconscient, c'est à dire leur inconscient vulgaire, goût de chiottes et compagnie. Dans le domaine médical.

Il y a les medTrump qui ont prescrit du Mediator larga manu.

Il y a les medTrump qui continuent de prescrire des coxibs.

Il y a les medTrump qui disent que les médicaments anti Alzheimer structurent la maladie d'Alzheimer.

Il y a les medTrump qui continuent d'organiser des congrès avec Servier.

Il y a les medTrump qui affirment que le dépistage organisé du cancer du sein sauve des vies.

Il y a les medTrump qui pensent que l'EBM, c'est dépassé.

Il y a les medTrump qui prescrivent du nicorandil.

il y a les medTrump qui pensent que les franchises médicales, ça responsabilise le patient. 

Il y a les medTrump qui décalottent encore les nourrissons.

Il y a les medTrump qui pensent que le tiers payant généralisé dévalorise l'acte médical.

Il y a les medTrump qui pensent que si un médecin reçoit de l'argent de big pharma c'est parce qu'il est un bon médecin.

Il y a les medTrump qui trouvent que la lecture du Quotidien du médecin, ce n'est pas lire Closer.

Il y a les medTrump qui pensent que la médecine générale doit disparaître.

Il y a les medTrump qui font des frottis du col utérin tous les six mois.

Il y a les medTrump qui pensent que malades et médecins traitants n'ont rien à faire dans les réunions de concertation pluridisciplinaire.

Il y a les medTrump qui prescrivent un PSA sans prévenir le patient.

Ad libitum.

Je suis désolé d'avoir oublié des électeurs de Trump.

Donald Trump, c'est pas seulement les autres.