mercredi 10 décembre 2008

MEDIA ET PUBLICITE GRAND PUBLIC

Combien de temps les Yves Calvi, Michel Cymes et Marina Carrere d'Encausse, ou les Brigitte Fanny-Cohen, Jean-Noël Flayssakier et autres Paul Benkimoun continueront-ils de feindre d'ignorer, quand ils interrogent des médecins, de leur demander quels sont leurs conflits d'intérêt ?

Un célèbre psychiatre américain participant à une non moins célèbre émission radiophonique a dû démissionner après qu'un sénateur américain Charles Grassley (Iowa) eut révélé qu'il avait touché 900 000 euro d'honoraires et 100 000 euro de frais remboursés pour des participations à des conférences de la part de GlaxoSmithKline.
C'est ce que révèle le British Medical Journal à partir d'un article du New York Times.

http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec09_1/a2934

N'existe-t-il pas une loi ?

Que fait le Conseil de l'Ordre ?

dimanche 7 décembre 2008

LES REGIMES TOTALITAIRES AIMENT LE TABAC

Après avoir signé la convention de l'OMS sur le tabac il y a environ un an la Russie ne se conforme pas à ses engagements.

Contrairement à la convention la publicité est de nouveau autorisée pour les produits "light" et l'industrie du tabac est autorisée à participer au financement des partis politiques.

Rappelons ici que 60 % des jeunes Russes fument, que l'espérance de vie des hommes se situe aux alentours de 60 ans (très loin de la moyenne des pays industrialisés).
On estime (mais nous nous méfions toujours des estimations à la louche) que 330 000 personnes meurent par an des conséquences possibles du tabac.
Le prix d'un paquet de cigarettes sans filtre à Moscou est de 0,07 euro.

Rappelons aux sceptiques que l'industrie du tabac est plus forte que l'industrie pharmaceutique et que cette industrie finance également la recherche cardiologique en Allemagne : German heart specialist received research grant from tobacco industry foundation
BMJ BMJ 2008;337:a2085, doi: 10.1136/bmj.a2085 (Published 15 October 2008)

Envoyons leur le bon Professeur Molimard pour leur expliquer l'alter tabacologie.


Cette rubrique a été écrite à partir d'un article paru dans le British Medical Journal. http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec01_2/a2837

IL EXISTE DES CANCERS DU SEIN QUI REGRESSENT !

Comment dire au bon peuple que la prévention du cancer du sein par la pratique de la mammographie n'est pas aussi effective qu'il n'y paraît ?

Mais d'abord : comment persuader les médecins qui devraient être capables de comprendre et la santé publique et les statistiques que la prévention du cancer du sein n'est pas obligatoirement efficace ?

Quelques faits têtus.
  • L'incidence du cancer du sein est plus élevé dans les populations détectées que dans les populations non détectées.
C'est assez difficile à expliquer : la détection ne devrait pas trouver plus de cancers mais les trouver plus tôt
Une des explications : un certain nombre de cancers du seins régresseraient tout seuls
Une autre façon de l'expliquer : les mammographies détecteraient des cancers qui ne seraient jamais devenus cliniquement apparents.
Ou alors : le nombre de faux positifs détectés par la mammographie est tel que de nombreux cancers mammographiques n'en sont pas.

  • Aucune étude de prévention du cancer du sein par la mammographie n'a montré une diminution de la mortalité globale des femmes dans le groupe détecté.
La reprise des données de l'étude norvégienne (N Engl J Med 2008;359:2305-9[Full Text]) qui montrait une différence de 22 % de l'incidence du cancer du sein chez les femmes détectées par rapport aux autres fait dire aux auteurs que cette différence a été validée par la reprise des dossiers sur six ans (alors même que les femmes non détectées dans le programme subissaient une mammographie systématique à la fin de la période d'observation). Les femmes des deux groupes ont par ailleurs été appariées et aucune différence n'a été constatée en termes d'âge, de revenus et / ou de statut obstétrical. Il a également été tenu compte du traitement hormonal substitutif dans les deux groupes.

  • Attention à l'offensive des gynécologues qui sont en train, malgré toutes les évidences de la littérature internationale, de vouloir refourguer les hormones estroprogestatives dans le "traitement" de la ménopause.
A SUIVRE

mardi 2 décembre 2008

COMMENT ENTERRER UNE ETUDE CLINIQUE - ALLHAT


L’impact minimum d’une grande étude Clinique.


The ALLHAT Officers and Coordinators for the ALLHAT Collaborative Research Group. Effects of Angiotensin-Converting-Enzyme
Inhibitor and Calcium Channel Blocker Treatment Compared with Diuretic Treatment on Cardiovascular Morbidity and Mortality in
High-Risk Hypertensive Persons: The Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial (ALLHAT).
JAMA. December 18, 2002–Vol. 288, No. 23.


Rappel des faits : l’étude ALLHAT a montré (décembre 2002) que les diurétiques utilisés depuis les années cinquante et coûtant quelques centimes par jour marchaient mieux que les médicaments les plus récents coûtant vingt fois plus (amlodipine et doxazosine de chez Pfizer, lisinopril de chez Astra-Zeneca).

Rappelons également que la doxazosine a été retirée précipitamment de l’essai pour cause d’inefficacité ; que l’amlodipine a entraîné 38 % de plus d’insuffisance cardiaque par rapport aux diurétiques ; et que le lisiprinosil a entraîné respectivement 15 et 19 % de plus d’AVC et d’insuffisance cardiaque que le même diurétique.

Six ans après les ventes de diurétiques n’avaient pas progressé dans la proportion attendue (elles concernent 40 % des patients hypertendus aux Etats-Unis) et, bien au contraire, puisque ce sont les nouvelles molécules qui ont le plus progressé.

Les conséquences de cet essai sponsorisé par une agence gouvernementale qui a coûté 130 millions de dollars et dont chacun s’accorde à penser qu’il était solide scientifiquement ont été décevantes tant pour les prescriptions que pour les sommes économisées.

Comment expliquer cela ?

La résistance au changement. Les prescripteurs ont eu du mal à changer leurs habitudes car les diurétiques sont des produits anciens, peu valorisants pour le prescripteur et pour le prescrit. Leur image est mauvaise : ça fait pisser, faut faire des bilans réguliers, il existe des interactions médicamenteuses. Mais cela n’a pas empêché les prescripteurs de se lancer ensuite dans la prescription de nouvelles molécules qui n’avaient pas fait leurs preuves mais qui paraissaient plus « modernes ».


La critique de certaines autorités académiques sur la construction de l’essai et sur les interprétations faites par le gouvernement. En effet, un des objectifs de l’essai était de savoir par quelle classe pharmacologique commencer et la mode était déjà aux pilules deux-en-un. Les principales critiques vinrent pourtant de ceux, payés ou non par l’industrie, qui jugeaient que la conception de l’essai était trop favorable aux diurétiques, que le nombre de diabètes induits était minimisé, que la co-prescrition favorisait également les diurétiques… Mais surtout, certains avaient le sentiment que la démonstration était plus économique et politique que scientifique, le but du gouvernement étant de couper les dépenses.


Le poids de l’industrie pharmaceutique et notamment de Pfizer pour rendre flous les résultats de l’étude

Pfizer

Cela a commencé, avant même la publication, par la défense acharnée de certains experts pour soutenir la doxazosine, retirée de l’essai, dont il était démontré qu’elle entraînait plus d’insuffisance cardiaque que les autres molécules. Des documents destinés aux visiteurs médicaux afin qu’ils puissent délivrer la bonne parole argumentaient sur le fait que la doxazosine était sûre et qu’il s’agissait d’un simple problème de doses. Pourtant Pfizer a dû retirer la molécule en 2000 (mais une fois que les objectifs de vente maximum aient pu être atteints)

Pfizer a payé de nombreux intervenants dans les congrès pour mettre en avant les effets de l’amlodipine dans l’essai et de ne pas parler de ses échecs. Le président du Comité de Coordination de l’essai a même démissionné quand il a appris qu’un des membres avait reçu 200 000 dollars de Pfizer l’année suivant celle de la publication de l’étude afin de délivrer « la bonne parole » dans des Congrès.

Par ailleurs les autres firmes qui n’avaient pas de produit impliqué dans ALLHAT ne souhaitaient pas que la prescription de leurs molécules soient transformées en prescriptions de diurétiques génériqués.


Le temps qui passe : entre le moment où l’étude a été conçue et le moment où elle a été publiée, de nouvelles molécules anti hypertensives sont apparues (et notamment des molécules appartenant à d’autres classes pharmacologiques comme les sartans), et, au contraire, la générication de molécules plus anciennes abaissait d’une part la différence de prix avec les diurétiques et incitait les firmes qui perdaient l’exclusivité de leur princeps à ne plus défendre leurs produits (Astra-Zeneca et Merck pour le lisiprinosil).

L’expérience ALLHAT incite tous les promoteurs d’essais indépendants à être prudents. Elle montre que les plus grands laboratoires mondiaux sont capables de tout pour défendre, non leurs molécules, mais leurs chiffres d’affaires et que la générication, loin de favoriser l’innovation scientifique, entraîne une augmentation des coûts.


http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?_r=2&scp=1&sq=ALLHAT&st=nyt

dimanche 30 novembre 2008

BRONCHITE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE ET CORTICOIDES INHALES

Les corticoïdes inhalés ne réduisent pas la mortalité dans la bronchite chronique obstructive stable.

Comme la majorité des traitements médicamenteux dans cette indication, les corticoïdes inhalés sont meilleurs pour contrôler les symptômes et prévenir les exacerbations que pour sauver des vies. La dernière méta-analyse publiée dans le JAMA (JAMA 2008;300:2407-16[Abstract/Full Text]) montre non seulement que la mortalité totale n’est pas diminuée mais que le risque de pneumonie est augmenté.

L’essai : les auteurs ont sélectionné 11 essais évaluant fluticasone, triamcinolone et budesonide utilisés seuls ou en association avec d’autres molécules inhalées, le plus souvent la salmeterol. Les essais ont au moins duré six mois et ont étudié plus de 14000 adultes.

Aucune différence, malgré des analyses de sous-groupe, pour le risque relatif de mort.

En revanche l’utilisation des corticoïdes inhalés s’est accompagnée d’une augmentation significative du nombre de pneumonies (+ 34 %) mais pas du nombre des fractures.

Voici un commentaire des auteurs qui pourrait s’appliquer à de nombreuses autres pathologies : « Parce que ce traitement ne semble pas avoir d’effet sur la mortalité, les médecins doivent peser les autres risques (pneumonie) et les bénéfices (moins d’exacerbations, amélioration de la qualité de vie) quand ils prennent des décisions dans cette pathologie."

A préciser : le risque de pneumonie était d’autant plus important que les patients avaient une fonction pulmonaire altérée, ou que les doses étaient les plus élevées ou que les traitements étaient combinés.

Conclusion : corticoïdes inhalés : oui en pesant le pour et le contre. A la plus faible dose possible, encore mieux.

MEDICALEMENT CORRECT

Le politiquement correct est une notion d’un grand flou dans laquelle tout est dans tout et réciproquement, comme le disait le regretté Pierre Dac.

Tout le monde peut, un jour ou l’autre, être considéré comme politiquement correct, ce qui n’est pas un compliment, cela n'aura échappé à personne, mais un défaut. Comme tout le monde est possiblement le beauf ou le Jacky de quelqu’un.

Nous n’échappons pas, en médecine, à cette notion catégorisante qui renvoie les autres dans les cordes du conformisme et du suivisme.
Car le médicalement correct (MC), comme le politiquement correct n'est pas aussi flou que cela : il y a en effet le MC Quotidien du Médecin, le MC FMC sponsorisée, le MC visite médicale, le MC le-spécialiste-en-sait-plus-que-le-MG, le MC le-MG-est-plus-fort-que-le-spécialiste-d'organe, le MC Revue Prescrire, le MC de ddroite, du centre et de gauche, voire d'extrême-gauche.

Le dernier numéro spécial de La Revue Prescrire (n°298) nous place dans un autre domaine : la bien-pensance généralisée, c'est-à-dire la médecine citoyenne (y aurait-il une médecine noble, ci-devante, camarade ?), médicalement correcte de gauche, l’éthique absolue associée à la transparence dans le même métal.

Et nous avons droit, dans le plus pur style missionnaire, à des phrases dans le genre « C’est ajouter du mal à son mal que de considérer le soigné indigne de recevoir l’information qu’il sollicite… » (p 577) ou « Les soignants ne sont pas des êtres humains à part dotés de la fonction de guide moral. » (p 576) ou « La recherche biomédicale : l’intérêt des personnes d’abord. » (p 569). Mais laissons là ce florilège dont le chapeau est « S’appuyer sur des principes utiles aux patients. »

OK, on l'a compris : il faut être éthique.

Quel est l'aspect de l'EBM / Médecine par les Preuves qui est le plus dédaigné par le corps médical ? LES VALEURS ET LES PREFERENCES DU PATIENT. Bien entendu pas en paroles (tout le monde a la main sur le coeur quand il faut parler de la médecine faite pour les patients) mais en réflexion épistémologique et en travaux cliniques.

Surtout en France, encore plus qu’ailleurs (et ce n'est pas par autoflagellation que je dis cela mais par constat), mais aussi, rassurons-nous, dans la littérature internationale, car les travaux sur ce que veut et désire le patient (quelle vulgarité !), sont la dernière roue du carrosse de l'EBM.
Il y a donc, dans la hiérarchie qualitative et quantitative de l'EBM, d'abord et toujours les études cliniques randomisées, que tout le monde critique mais dont il est impossible de se passer, ce qui permet aux firmes de placer la barre des coûts le plus haut possible (tout en s'en plaignant) afin que le moins possible d'essais indépendants puissent voir le jour, puis, derrière, loin derrière, l'évaluation de l'expertise interne (dont les Agences Gouvernementales se sont emparées à la fois par désoeuvrement et pour faire plaisir aux Payeurs) et enfin LE PAUVRE PATIENT.

Qu'est-ce qui peut remettre le plus en cause l'autorité du médecin praticien ?

L'évaluation de son expertise interne et le non respect des Valeurs et Préférences du Patient.
La Revue Prescrire a choisi le point de vue éthique et politiquement correct. On l'a vu. Mais où sont les solutions scientifiques derrière les bonnes paroles ?

Où peut-on se nourrir pour s’informer du patient, l’informer, connaître les limites de ces méthodes, les juger, les interpréter et, finalement, prendre des décisions avec son accord (valeurs et préférences) à moins de s’en référer au bon sens (tant décrié et à juste titre par Balint) et à son expertise interne fondée sur ses propres valeurs, préférences et agissements ? On en revient, sous le couvert de l’éthique à une philosophie paternaliste agissant pour le compte, citoyen, de l’autorité de celui qui sait. LRP ne cite jamais la Qualité de Vie Liée à la Santé (Health Related Quality of Life), assez rarement les études QALY (Quality Adjusted Life Years) dont on peut discuter à l’infini de leurs valeur dans nos sociétés non anglo-saxonnes, et encore moins les procédures de tradeoff qui sont étrangères à la culture française.

On demande aux lecteurs de La Revue prescrire de développer leur sens critique mais où sont les armes ?
On conseille, certes, aux lecteurs de La revue Prescrire de « développer une pensée critique, c'est-à-dire de savoir effectuer des déductions correctes à partir d’informations factuelles… », à propos du Quotidien du Médecin (mais qui ne s’est pas fait avoir par une location de vacances ?) ou du Généraliste ou d’ Impact Médecin, mais ne devraient-ils pas, ces chers lecteurs, faire de même avec leur revue chérie dont il est dit parfois, sur des forums éminents, « Qu’elle a toujours raison ».

J’espère n’être ni politiquement ni médicalement correct, ce que les réactions que je glane ici et là confirment, mais, après tout, ce qui compte c’est de toujours se tromper pour toujours faire réagir et se faire traiter d’Ayatollah par un lecteur du Quotidien du médecin, par un lecteur de La Revue Prescrire, par un confrère spécialiste ou non ou par un syndicaliste médical, ou par une revue généraliste, ne peut que procurer un plaisir exquis.

mardi 25 novembre 2008

COMMENT EXPLIQUER L'EFFET PLACEBO AUX PATIENTS...


Voici un exemple tiré d’un article paru dans le BMJ (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct30_1/a2281) sous la plume de Nicholas A Christakis, professor of medical sociology, Harvard Medical School, and attending physician, Mt Auburn Hospital, Cambridge, Massachusetts

Dans l’étude ASCOT (Lancet 2003;361:1149-58, doi:10.1016/S0140-6736(03)12948-0) qui a réuni 10000 patients pendant une moyenne de 3,3 ans, il a été montré que 1,9 % des patients qui ont pris l’atorvastatine ont eu un accident cardiaque contre 3 % de ceux du groupe placebo.


Cette différence relative est importante mais nul doute que de nombreux patients n’auraient pas accepté le traitement si on leur avait dit que le placebo « marchait » au moins dans 97 % des cas.


Commentaire : de nombreux médecins continuent de prescrire des placebos dans des affections qui guérissent toutes seules (i.e. des antibiotiques dans une angine virale) en s’en félicitent. Le risque de se tromper est tellement faible…