« Repères[1] » ? Vous avez dit repaire ?...
Marc Girard, 76 route de Paris, 78760 Jouars-Pontchartainmailto:Jouars-Pontchartainagosgirard@free.fr
Entre autres gadgets réfractaires au filtre de la loi anti-cadeaux qui se sont imposés même aux boycotteurs de la visite médicale, nos confrères se trouvent désormais dotés d’une boule de cristal épidémiologique leur permettant de vaticiner sur des risques – d’infections virales qu’ils n’ont jamais vues sous forme menaçante ou de fractures du fémur tellement tardives qu’ils se seront pété une coronaire bien avant d’apprécier le bénéfice de leurs prescriptions censées les éviter. Qu’on leur amène, dans l’entre temps, un gamin de 5 ans martyrisé de coups, à l’agonie, et ils n’auront pas peur de se mettre à deux pour soutenir qu’il n’y a rien à voir : avec une boule de cristal, voyez-vous, il faut toujours un minimum de champ…
Mais avec le cristal, il faut aussi se méfier des contrefaçons. En admettant, sur la base d’une référence de Prescrire[3] dont chacun aura pu apprécier la crédibilité en termes d’evidence-based medicine (EBM), que la France verrait annuellement quelque 2 000 cas aigus d’hépatite B[4] – maladie dont il est largement admis qu’elle est bénigne dans (environ) 98% des cas – on devrait donc s’attendre donc à (environ) 40 formes compliquées (sinon mortelles) chaque année : outre que cela laisse peu de marge au retour d’expérience personnelle chez nos quelques dizaines de milliers de confrères – notamment en termes de population à risque – l’argument de l’autorité sanitaire (implicitement validé en son temps par Prescrire) lorsqu’il s’agissait de démentir un risque iatrogène qui eût pu se solder par plus de (environ) mille cas annuels de scléroses en plaques n’était-il pas qu’avec des effectifs pareils (environ), on était – hélas, trois fois hélas ! – aux « limites de détection » des méthodes épidémiologiques disponibles ? Et si, dans l’absolu, un maximum de quarante cas évités par an suffisait à justifier des vaccinations annuelles par centaines de milliers, comment Prescrire justifierait-il le rapport bénéfice/risque de l’ensemble (attendu qu’aucune méthode actuelle de pharmacovigilance ne peut garantir contre un risque iatrogène de – environ – 1/25 000 qui suffirait à annuler le bénéfice présumé), pour ne point parler des doutes légitimes qu’on peut entretenir quant à l’efficacité de ce vaccin[5], et abstraction faite du coût en termes d’allocation de ressources dans un système de solidarité sociale sinistré par les dépenses indues ?
Ce qu’illustre un article indigent qui s’affiche néanmoins sans complexe comme « Repères », c’est à quel point cette dérive de la thérapeutique vers le préventif a contribué à exiler les professionnels de santé dans leur pratique : il faut un robuste aplomb pour, au décours d’une tirade sur le bon usage des statistiques, poser comme allant de soi que, parmi tous les tests statistiques opérés dans une étude, c’est comme par hasard celui qui gêne qui ne peut être dû qu’au « seul effet du hasard » !... Il faut une singulière inconscience à l’égard des exigences pourtant élémentaires de l’EBM pour fonder un article sur un amalgame grossier de références incluant « Avis », auto-référencement et renvois – d’ailleurs sélectifs – au BEH dont l’implication dans la campagne vaccinale n’est plus à démontrer[6]. Il faut, de toute façon, une parfaite incompétence épidémiologique et une massive ignorance du sujet pour ne pas sursauter au fait qui, à lui seul, suffit à radicalement décrédibiliser les trois études pédiatriques françaises : compte tenu des conditions notoirement anarchiques dans lesquelles s’est déroulée la campagne vaccinale, il est patent que le carnet de santé eût dû être le dernier moyen pour évaluer l’exposition (facteur pourtant crucial de validité pour une étude cas/témoins). Qui a jamais cru sérieusement que, en 1994-96, alors que les instances responsables (il y en avait) se plaignaient que la médecine scolaire n’était même pas capable de respecter la chaîne du froid, les gamins de l’école s’y rendaient avec leur carnet de vaccination dans leur cartable ? L’épidémiologie, c’est ça aussi – du moins quand on ne l’a pas apprise dans les polycopiés ou dans quelque CESAM à la solde des « experts » de l’administration plus ou moins compromis…
Attendu par conséquent que nos confrères exilés ont besoin d’autres « Repères » que des considérations méthodologiques rédigées par des gens qui le sont tout autant qu’eux, contentons-nous de leur proposer quelques réflexions de bon sens – qui, en leur permettant de se réapproprier des éléments de fait, peuvent contribuer à les ramener au cœur d’une pratique effectivement maîtrisable. Alors que, exception historiquement documentable, la sclérose en plaques (SEP) est l’une des rares pathologies pour lesquelles on dispose, en France, de données épidémiologiques, pourquoi les derniers relevés antérieurs à la campagne faisaient-ils état de moins de 25 000 cas[7], alors qu’on parle couramment de 60 000 à 80 000 cas depuis la campagne[8] ? Pourquoi l’administration sanitaire française est-elle restée muette sur cette effrayante épidémie, avant de se lancer plus tardivement dans une campagne de dénégations ineptes pour contredire l’auteur de ces lignes qui prétendait s’en émouvoir ? Alors que voici 20 ans, pour un non spécialiste, avoir un sclérosé en plaques dans sa clientèle était une exception, pourquoi n’est-ce plus le cas aujourd’hui – par rapport à une maladie dont jusqu’au directeur de la DGS admet qu’elle n’est pas spontanément sujette à des variations brutales ? Pourquoi, alors que la SEP n’a jamais été une maladie pédiatrique, l’équipe de St Vincent de Paul s’ingénue-t-elle à dissimuler la portée d’une épidémie repérable d’après ses propres relevés[9], puisqu’il faut comprendre que la fréquence des SEP pédiatriques aurait été multipliée par 35 (environ) depuis la campagne vaccinale : lorsque l’évidence des chiffres crève les yeux à ce point, le seul apport du cas/témoin, lorsqu’il parvient à déliter une telle évidence iatrogène, c’est de confirmer la tromperie[10]. Pourquoi enfin, Prescrire, habituellement si sourcilleux quant aux coupables inclinaisons de notre administration sanitaire, ne s’est-il jamais ému que la spécialité GenHevac B – spécialité franco-française issue de l’Institut Pasteur qui n’a plus aucune preuve à fournir de son talent pour générer des drames de santé publique (sang contaminé, hormone de croissance…) – n’ait jamais pu obtenir d’AMM dans un pays développé autre que la France ?...
Hormis le drame sanitaire sous-jacent – et la souffrance humaine inhérente –, la question des conflits d’intérêt contribue à faire de ce « Repères » un véritable cas d’école. Car ce qu’illustre la situation, c’est bien que cette question – qui empoisonne la médecine et menace la santé publique – ne saurait, en aucun cas, se réduire aux liens d’argent. Les conflits d’intérêt, ce sont aussi les liens d’affiliation (les relations avec certains « experts » dont Prescrire s’est, de toujours, enorgueilli), les positions idéologiques (la vaccination comme lutte contre les inégalités…), la vérole des erreurs jamais assumées (ah ! cette Pilule d’or de 1981…), le refus du débat (les propositions d’article toujours traitées par le mépris), l’incompétence enfin – tant il est vrai qu’on n’est jamais aussi manipulable que quand on ne sait pas : si Prescrire ne sait pas que dans toute étude épidémiologique, l’évaluation de l’exposition est un préalable incontournable, et si à la fin de 2008, Prescrire n’a toujours pas remarqué que la campagne scolaire lancée en 1994 par M. Douste-Blazy s’était déroulée dans un climat d’effroyable anarchie, que la revue se taise enfin sur ce sujet grave et tragique – l’hypothèse alternative qu’elle batte sa coulpe pouvant être considérée comme hautement improbable (p = 0,000000… ) sur la base d’une épidémiologie même sommaire de sa rhétorique traditionnelle…
A preuve le risque élevé (p = ?) que la présente correspondance, comme d’autres, ne soit jamais publiée.
[1] Rev Prescrire 2008 ; 28 (302) : 924-5
[2] Conflits d’intérêt, vous disiez ?...
[3] Un « avis » du Haut conseil de la santé publique : ce Haut conseil à qui, au printemps 1998, il n’a pas fallu plus de 4 semaines pour réaliser les études épidémiologiques longues et complexes permettant de revenir sur ce paradoxe franco-français des rappels à un an et à cinq ans (lequel, soit dit en passant, n’a jamais ému Prescrire pourtant si sourcilleux en matière de méthodologie…)
[4] Malgré son intérêt évident à ne pas ridiculiser ses estimations antérieures grossièrement alarmistes, l’Institut de veille sanitaire peine à répertorier plus de 600 cas aigus par an dans notre pays.
[5] Petersen KM, Bulkow LR, McMahon BJ et al. Pediatr Infect Dis J 2004; 23(7):650-5
[6] De toute façon, quitte à citer cette revue qui ne craint pas, depuis peu, de se présenter comme pourvue d’un « comité de lecture » (qui a ri au fond de la salle ?), pourquoi avoir omis les relevés précédant juste la campagne, qui attestaient que, parmi les sujets contaminés par le virus de l’hépatite B, on trouvait régulièrement des sujets antérieurement vaccinés et jamais de professionnels de santé, pourtant réputés tellement à risque ?…
[7] Delasnerie-Laupretre N, Alperovitch A. Rev Prat 1991; 41:1884-7.
[8] Livre blanc de la sclérose en plaques, avril 2006.
[9] Boutin B et coll. Neuropediatrics 1988; 19:118-23
[10] Evidence frauduleuse parmi bien d’autres : pourquoi, alors qu’elle avait été formellement exclue du débat en raison de ses incohérences patentes (communiqué de l’AFSSAPS daté de février 2000), l’étude de Zipp et coll (Nat Med 1999; 5(9):964-5), favorable au vaccin, a-t-elle été ensuite systématiquement réintégrée dans les analyses des autorités sanitaires – sans que Prescrire ne se formalise jamais d’un aussi impudent coup de force ? Pourquoi les 3 premières études cas/témoins mises sur pied par l’Agence n’avaient-elles pas le minimum requis de puissance statistique, réalisant de la sorte le type même des études faites pour ne pas conclure – même si Prescrire n’a jamais craint de faire l’inverse ?