vendredi 3 décembre 2010

UNE CONSULTATION BIEN REMPLIE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 55

Christian "sac à main" SAOUT


Cette consultation à 22 euro est dédiée à Jacques Chérèque. Et à Jean-Luc Mélenchon. Et à Nicolas Sarkozy. Et à Christian "sac à main" Saout.

Madame A, 62 ans, malade charmante (et c'est vrai), diabétique non insulino-dépendante, hypertendue et traitée en outre par hypocholestérolémiant et aspirine, assurée par la MGEN, la mutuelle la plus bordélique du monde, a pris rendez-vous ce matin pour :
  1. Me montrer ses résultats (dont l'hbA1C)
  2. Se faire vacciner contre la grippe
  3. Se faire expliquer l'hemoccult dans le cadre de la campagne de détection...
  4. "Renouveler" ses médicaments
  5. Demander une presciption d'examens complémentaires pour dans trois mois
  6. Se faire prendre la tension
  7. Se faire écouter le coeur
  8. Me parler de ses brûlures quand elle mange
  9. Prolonger son ALD
  10. Et me parler de sa petite-fille qui lui pose problèmes.
Vous voulez savoir comment on dit 22 dans différentes langues ?

C'est ici.
Et ras-le-bol !

Je ne suis pas allé regarder comment on le disait en hurdu ou en hindi.
Donc, quand ce sera 23 euro, cela ira mieux, c'est ce que disent les syndicats.
Mais on parle aussi de 11 euro : et ici, dix fois neuf : 90 euro !
Parce qu'avec 22 euro et dans la perspective d'une médecine de spécialistes, j'ai fait économiser un diabétologue, un cardiologue, un gastro-entérologue, un psychiatre, une infirmière, un cadre de santé et un médecin-conseil.

Je suis un mec important dans cette société : je cumule les mandats et tout ça pour 22 euro !

Mais je n'en veux pas à la charmante Madame A qui vient de très loin pour me voir : j'aurais dû lui dire comme je dis aux nouveaux hypertendus ou aux nouveaux diabétiques. Que nous allons scinder la consultation en plusieurs séances. Mais j'avais un peu de temps ce matin...

jeudi 2 décembre 2010

CLASSEMENT DES HÔPITAUX LES PLUS SÛRS : L'ENQUÊTE EXCLUSIVE DU DOCTEUR DU 16

Hugh Laurie, Katie Jacobs et David Shore

Alors que le journal L'Express communique ici le classement 2011 (l'année serait-elle finie ou s'agit-il de prévisions flahaultesques ou linaesques ou bricairiennes ?) des Hôpitaux les plus sûrs, nous avons mené une enquête sans nous fier aux évaluations (sic) du Ministère de la Santé (re sic). Je rappelle que le Ministère de la Santé, organisme gouvernemental s'il en est, je précise cela pour les partisans toujours plus nombreux me dit-on de la nationalisation du secteur de la Santé dont Big Pharma, est aussi celui de l'isoméride, du mediator, de la pandémie trente mille mortelle de 2009-2010 et d'autres indigences scientifiques que nous n'énumérerons pas pour des raisons de place, d'intérêt et de complaisance (on ne sait jamais, imaginons que le docteurdu16 soit appelé à de "hautes" responsabilités ministérielles comme Conseiller Spécial de Xavier Bertrand - non, je me trompe, c'est Irène Frachon).

Voici mon classement des hôpitaux performants pour l'éternité :
  1. Les hôpitaux qui ne déclarent pas les infections nosocomiales,
  2. Les hôpitaux qui ne déclarent pas les événements indésirables graves ou inattendus des médicaments (cela ne fait pas partie des critères ministériels),
  3. Les hôpitaux qui commandent beaucoup de Solutés HydroAlcooliques dont les personnels, éventuellement, ne se servent pas,
  4. Les hôpitaux qui prescrivent peu d'antibiotiques car ils n'acceptent que des malades "sains",
  5. Les hôpitaux qui renvoient rapidement les opérés à domicile de peur que l'infection du site opératoire ne se produisent intra muros,
  6. Les hôpitaux qui n'acceptent pas les malades lourds ou qui les transfèrent ailleurs pour ne pas alourdir les statistiques de mortalité
  7. Les hôpitaux qui opèrent des malades qui ne le sont pas
  8. Les hôpitaux qui traitent des malades qui sont des patients
  9. Les hôpitaux qui hospitalisent des patients issus des urgences et qui ressortent guéris le lendemain parce qu'ils n'ont pas été vus par des seniors
  10. Ad libitum
A partir de là, les autres hôpitaux, qui ne sont pas moins "méritants" auront droit aux foudres de l'administration. Ce qui est extraordinaire et il s'agit d'une figure statistique inouïe qui montre combien l'épidémiologie à la française est une science mondialement exacte (on se demande où est la signature de Lucien Abenhaïm ?), je cite : Entre 2006 et 2009 la proportion des hôpitaux classés A (le top des tops) est passé de 4,8 à 60,4 %. On frise le sublime ! Vous avez bien lu. Je ne me suis pas trompé. Il n'y a pas de faute de frappe.

Qui sont les hôpitaux les meilleurs du monde ? Les petits hôpitaux français. Que Harvard aille se coucher, que le Kayser Institute aille se rhabiller, que la Mayo Clinic se cache la face !

Je suis fier d'être Français et du Ministère de la Santé (français).

lundi 29 novembre 2010

LA VIEILLE DAME ET SA FILLE PRESSEE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 54

Pierre Soulages (1919 - )

Je connais Madame A, 90 ans, depuis une dizaine d'années. Elle vit seule dans un grand deux pièces situé dans un immeuble bourgeois du centre ville. Elle a eu de nombreux problèmes de santé, nous les reverrons, mais elle souffre beaucoup de la solitude : une de ses filles habite Lyon, et son fils est dans le sud (je n'en sais pas plus). Elle a, depuis environ quatre ans, beaucoup de mal à prendre le train toute seule et ses enfants, par euphémisme, sont peu empressés de venir la voir. Elle a déjà tenté l'expérience d'une quinzaine de jours en résidence pour personne âgée mais elle n'a pas aimé.
Sur le plan physique Madame A se déplace peu mais elle peut encore faire quelques courses légères et aller voir quelques unes de ses amis qui habitant comme elle en centre ville.
Elle ne vient jamais au cabinet (qui est situé à dix minutes en voiture) et je gère comme je peux cette patiente, charmante, qui me raconte souvent qu'elle aimerait bien aller rejoindre ses parents. Au ciel.
Ce lundi matin je me rends chez elle et la secrétaire me dit que sa fille (que je n'avais jamais vue) "y serait".
Onze heures quarante. Je suis agressé dès mon entrée dans l'appartement : "Comment avez-vous pu laisser maman dans un tel état ?" et autres amabilités du même ordre. Maman me fait un grand sourire dans le style "Excusez-la, elle ne sait pas ce qu'elle dit..." Je suis quand même un peu embêté : Madame A a des œdèmes importants des membres inférieurs et un orteil violet. Je l'ai vue la dernière fois il y a un mois.
Je l'examine sous le regard courroucé de sa fille.
Madame A est donc une polyartérielle, endartériectomisée à gauche (carotide interne) il y a quelques années, en fibrillation auriculaire depuis plusieurs années (sous kardegic), avec une fonction cardiaque "moyenne" et plusieurs poussées d'insuffisance cardiaque à son actif (elle est sous lasilix), une anémie de Biermer traitée, et, surtout, une insuffisance rénale majeure, que nous sommes convenus, la patiente, le cardiologue et ma pomme, de respecter contre l'avis du néphrologue qui a commencé à pousser des hauts cris et à vouloir la dialyser (il y a deux ans). Elle a refusé la dialyse pour plusieurs mauvaises raisons dont celle qu'elle était trop vieille et qu'une de ses amies était morte après qu'on lui eut commencé les fameuses séances de dialyse... (désolé pour Kyste, le néphrologue qui ne laisse rien passer...)
J'explique donc à Madame la fille de Madame A, celle qui habite Lyon, quel marché j'ai passé avec sa mère. "Oui, mais docteur, on ne peut la laisser comme cela... - J'en conviens, chère Madame, mais ce dont souffre le plus votre maman, c'est de la solitude. Ce dont elle souffre c'est à la fois d'avoir du mal à rester seule dans son appartement et de refuser d'aller dans une maison médicalisée, dont des raisons financières. - Mais j'ai un mari très égoïste qui ne s'entend pas avec sa belle-mère et je pourrais très bien la loger dans ma grande maison mais il refuse. Quoi qu'il en soit, pourriez-vous appeler ce numéro, c'est un cardiologue de la Salpétrière que l'on m'a indiqué, j'aimerais qu'elle soit hospitalisée là-bas..." Je fais des yeux ronds et lui demande, par bonté, de me donner le nom de ce fameux cardiologue, elle ne le connaît pas... "Vous voulez qu'elle soit hospitalisée à La Salpétrière ? - Oui, c'est près de chez mon fils. Mais... je ne suis même pas certain qu'il viendra la voir..." Elle commence sérieusement à m'orchidoclaster. J'interroge la patiente qui, effectivement, ne veut pas retourner à l'hôpital de Mantes où elle a été accueillie modérément agréablement les deux dernières fois où elle y est allée, et je m'exécute : courrier circonstancié (à domicile, c'est pas facile), bon de transport et salutations distinguées. "Et vous croyez, poursuit la Lyonnaise, que tout sera réglé aujourd'hui ? Parce que je dois prendre le train à 14 heures demain ?" Je la regarde avec mon air le plus désagréable, celui que je réserve aux grandes occasions, mais je ne m'étends pas, et je lui demande si elle ne se fout pas de ma tronche, si elle croit qu'en réservant quarante-huit heures à sa mère de 90 ans malade avec un état de santé fragile, elle ne pourrait pas se montrer plus modeste, moins exigeante et, finalement, plus humaine... Je suis embêté car je sens que Madame A est d'accord avec moi et, d'ailleurs, elle ajoute timidement : "Tu pourrais remettre ton départ..." Mais il ne faut pas croire que Madame A est dominée par sa fille, qu'elle est diminuée intellectuellement, elle est au contraire, et avec beaucoup de finesse, gênée que je me rende compte par moi-même du terrible désintérêt que sa fille exprime à son égard, ce dont elle m'avait largement parlé.
Je dois dire que si la fille de Madame A n'avait pas été là, j'aurais souhaité l'adresser rapidement à l'hôpital, le teint de la patiente évoquant effectivement une insuffisance rénale terminale. Et cela n'aurait pas été de la tarte...
Vers 15 heures la secrétaire me passe la fille de Madame A qui me dit qu'elle part pour les urgences de Mantes car, à Paris, ce serait trop compliqué... Nouvel appel à 18 heures 30 (je suis sans secrétaire) de la dame qui me dit qu'il y a trois heures d'attente, "Est-ce que vous ne pourriez pas leur téléphoner pour accélérer ?"
J'aurais mieux fait de faire légumier.

dimanche 28 novembre 2010

ACTUALITES D'IVAN ILLICH


Ivan Illich (1926 - 2002)

A l'occasion de ma lecture du livre de Jean-Pierre Dupuy, La marque du Sacré, dont je vous parlerai une autre fois, permettez-moi de vous rapporter une partie des propos tenus par Ivan Illich le 14 septembre 1990 à Hanovre. Le titre de la conférence était : Health as one's responsability ? No, thank you ! ICI !
Ces propos sont éclairants mais, à mon avis, outranciers, en cela qu'ils risquent de livrer les plus démunis (et je ne parle pas seulement en termes économiques) aux risques du laisser faire et du laisser aller. Ce qui ne pourrait manquer de plaire aux partisans définitifs du désengagement de l'Etat comme exprimé hypocritement par les adhérents des Tea Parties aux Etats-Unis. Hypocritement car ces libéraux ne souhaitent pas dans le même temps le désengagement de l'Etat dans le domaine militaire... Mais ces réflexions d'Illich sont indispensables pour tenter de comprendre vers où nos sociétés occidentales sont entraînées en raison de la contre-productivité des grandes institutions de la société industrielle (Ecole, Santé, Transports, Energie...) Mais nous y reviendrons aussi un autre jour. Je ne voudrais pas que vous puissiez bouder votre plaisir de lire ces quelques phrases.

Il ne m'apparaît pas qu'il soit nécessaire aux Etats d'avoir une politique nationale de "santé", cette chose qu'ils accordent aux citoyens. La faculté dont ces derniers ont besoin, c'est le courage de regarder en face certaines vérités :
- nous n'éliminerons jamais la douleur ;
- nous ne guérirons jamais toutes les affections ;
- il est certain que nous mourrons.
C'est pourquoi, nous qui sommes dotés de la faculté de penser, nous devons bien voir que la quête de la santé peut être source de morbidité. Il n'y a pas de solutions scientifiques ou techniques. Il y a l'obligation quotidienne d'accepter la contingence et la fragilité de la condition humaine. Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L'urgence s'impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu'individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l'Etat.
Oui, nous avons mal, nous tombons malade, nous mourons, mais il est également vrai que nous espérons, nous rions, nous célébrons ; nous connaissons les joies de prendre soin les uns des autres ; souvent nous nous rétablissons et guérissons par divers moyens. Si nous supprimons l'expérience du mal, nous supprimerons du même coup l'expérience du bien.
J'invite chacun à détourner son regard et ses pensées de la poursuite de la santé et à cultiver l'art de vivre. Et, tout aussi importants aujourd'hui, l'art de souffrir et l'art de mourir.

La Marque du Sacré. Jean-Pierre Dupuy. Champs Essais, 2010

PS du 4 juillet 2019 : un hommage de Richard Smith à Illich : ICI.

mardi 23 novembre 2010

QUE DIRE A UNE FEMME QUI VEUT UNE MAMMOGRAPHIE DANS LE CADRE DU DEPISTAGE DU CANCER DU SEIN ?


C'est bien entendu la question à mille euros.
Je vous propose deux étapes (après, bien entendu un interrogatoire serré recherchant des antécédents familiaux et d'autres banalités de la médecine).
Première étape : Je suis d'accord pour que vous fassiez une mammographie pour dépister un possible cancer du sein potentiellement mortel. A une condition : c'est moi qui choisis en accord avec vous par qui et où sera pratiquée la mammographie ; c'est moi qui choisis en accord avec vous la stratégie qui sera décidée au décours de la mammographie dans le cas où quelque chose d'anormal serait détecté sur les clichés. Nous conviendrons donc ensemble de l'endroit et par qui sera réalisée la ponction si elle est nécessaire. Nous déciderons d'un commun accord de l'oncologue qui sera consulté afin de mettre en place les modalités de votre prise en charge. Mais nous en parlerons plus tard si vous le voulez bien. Aujourd'hui il s'agit simplement de faire pratiquer une mammographie dans les meilleures conditions. Et, bien entendu, à chaque étape vous aurez le droit de changer d'avis et de rompre cet accord tacite. Mais il faut quand même parler de tout cela car la mammographie n'est ni anodine, ni banale, la pratiquer entraîne des conséquences dont celle de découvrir un cancer mortel mais aussi un cancer non mortel et une tumeur bénigne.
Deuxième étape : Je vais, chère Madame, vous lire vos droits repris dans la Collaboration Cochrane : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

Il est temps de prescrire la mammographie.

PS (du trois novembre 2011) : je me permets de vous renvoyer à un post postérieur concernant le dépistage et la mammographie (ICI). Informer les patients devrait comprendre les 15 points que j'ai évoqués.

lundi 22 novembre 2010

DES ACOUPHENES ET LE BON ORL - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 55

Vincent Van Gogh - Autoportrait à l'oreille coupée. 1889

Monsieur A, 40 ans, rappelle le cabinet : il veut l'adresse d'un autre ORL car celui chez qui je l'ai adressé n'est pas bien. Ou plutôt : cela s'est mal passé. La secrétaire m'en parle et je ne bouge pas. Le lendemain, Monsieur A me rappelle pour expliquer : l'ORL lui a dit qu'il n'y avait rien à faire. Il veut voir un ORL à Paris et, sur Internet, il a trouvé, c'est moi qui caricature, un acouphènologue. En fait il a trouvé un spécialiste des acouphènes : n'est-ce pas la même chose ?
Monsieur A, 40 ans, souffre d'acouphènes depuis environ six semaines, il n'a jamais travaillé en atmosphère bruyante, il ne se plaint pas d'hypoacousie, sa pression artérielle est normale, ses conduits auditifs sont libres, il y a eu un épisode vertigineux qui pouvait être attribuable à un Vertige Paroxystique Positionnel Bénin mais la manoeuvre de Dix a été négative. J'ai demandé un scanner avec injection afin de visionner sa fosse postérieure : le scanner est normalissime.
C'est le problème des acouphènes.
C'est le problème de la médecine symptomatique.
J'aurais dû envoyer le patient à un ORL moins direct, à un ORL qui sait parler aux patients, un ORL qui sait ce que la placebothérapie est, un moyen de trahir la confiance du malade (je sais, je sais, j'entends déjà les cris des bons docteurs qui me rappellent, qui me hurlent le chamanisme, que ça a toujours existé, et cetera et cetera, que ça peut rendre service au malade), un ORL qui est toujours prêt à prescrire des placebos remboursés par l'Assurance maladie, vous voulez des noms ? Vastarel, tanganil, lectil, serc, quoi encore ?
L'ORL à qui j'ai adressé Monsieur A lui a dit la vérité : une fois éliminée une cause possible, les acouphènes s'éteignent d'eux-mêmes ou jamais. Ou presque jamais.
Je ne dis pas que je ne prescris jamais de placebos remboursés par l'Assurance Maladie, je dis que le malade s'attendait à ce que l'ORL lui prescrive quelque chose de différent ou le rassure ou le conforte ou diminue son anxiété. Il n'y est pas arrivé, mais, en plus il ne lui a rien prescrit...
Je continuerai à adresser des patients à cet ORL qui est, en outre, un excellent chirurgien.
Plus généralement, je plains les médecins spécialistes qui sont obligés de prescrire des placebos pour faire croire qu'ils sont des spécialistes. Je ne plains pas, je les comprends, les médecins généralistes qui, en présence d'acouphènes ou d'autre symptôme sans espoir, envoient le patient chez le spécialiste pour se laver les mains, pour se décharger de leurs responsabilités de praticien qui se doit de prendre en charge le patient de façon globale, et qui se plaignent ensuite que le spécialiste dise du mal d'eux ou les conchie, parce qu'ils ne savent pas prescrire des placebos avec conviction.
Mais bien entendu que Monsieur A, j'aurais dû lui dire la vérité : vous avez des acouphènes et je vous envoie chez l'ORL, un bon ORL, parce que les acouphènes ne se traitent pas, je vous envoie chez l'ORL pour qu'il confirme mon diagnostic et mon pronostic. A savoir : il n'y a rien à faire avec ces putains d'acouphènes.
Mais j'aurais pu aussi lui prescrire du vastarel en me disant que l'effet placebo est universellement en moyenne de 35 % de répondeurs. Mais cela peut atteindre les 70 % de répondeurs dans le traitement des symptômes de la dépression...
Je ne l'ai pas fait et "mon" ORL a été traité de nul, ou presque.
Ce qui est embêtant c'est que je n'ai dit la vérité au patient ni soulagé le malade.
Je vous ai déjà parlé de l'effet placebo, notamment ici.
Je ne voudrais pas me paraphraser sur les médecins qui prescrivent des placebos en toute conscience et droits dans leurs bottes. Je ne suis pas d'accord. Bien que je le fasse. Existe-t-il une différence entre être content de faire mal et se poser des questions quand on fait mal ? Réponse : oui. Voici ce que j'ai écrit dans le BMJ à ce sujet : ici.
Je le pense toujours et je persiste.

samedi 20 novembre 2010

UN CERTIFICAT COMME UN AUTRE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 54


Non, je ne vais pas vous parler des certificats de merdre que nous sommes obligés de faire, nous, les médecins généralistes spécialistes en médecine générale et médecins traitants par surcroit, et qui, théoriquement, ne sont pas remboursés par l'Assurance Maladie. Que d'hypocrisie ! Certificats pour jouer à la pétanque (je conseille le port du casque, le dosage de l'acoolémie avant et après, l'essuyage des mains avec un chiffon SHA agréé par la DGS), certificats pour faire de la corde à sauter, du hip hop, des cours de cuisine et, bien entendu, pour jouer au foot-ball ("T'es pour qui, PSG ou OM ? - Non, moi je suis barça"), faire du karaté, et cetera. Tous les médecins font payer et envoient une FSE à l'Assurance maladie pour se faire rembourser. Qui peut dire le contraire ?
Non, aujourd'hui, je reçois Monsieur A, 60 ans, HTA, PSR, pacemaker, UGD, ALD, père de famille (nombreuse), qui me demande un certificat destiné à son organisme de HLM pour pouvoir déménager, car son hall d'immeuble, dans le Val Fourré, comme de nombreux autres, est occupé nuit et jour par des revendeurs, dealers, chieurs, emmerdeurs, qui dealent, qui fument, qui boivent, qui jouent aux cartes dans les escaliers, qui guettent, qui téléphonent, qui pissent, qui font de grands sourires aux locataires tout en les enfumant, en écoutant de la musique, en empuantissant, en réveillant, en empêchant de dormir, en donnant la honte (personne ne peut recevoir de connaissances, d'amis, de famille tant on a honte de ce hall d'entrée de ce petit immeuble de quatre étages) à tous ces locataires... On connaît la sempiternelle ritournelle : mais que fait la police ? Eh bien c'est toujours la même réponse : Ils iront plus loin, dans un autre hall, si l'on intervient. Cela dure depuis au moins trois ans dans l'immeuble de Monsieur A et rien ne change.
Je lui fais un certificat bidon mais bien écrit citant ALD et état de santé (en respectant bien entendu le secret médical) nécessitant un changement de domicile pour des raisons médicales.
Est-ce le rôle du médecin traitant ?
Est-ce le rôle du médecin généraliste ?
Moi, je réponds : OUI !
Les grands spécialistes en médecine générale, qu'en pensent-ils ?
Il eût mieux valu que je me tusse : la droite n'aime pas qu'on dise que la police ne fait pas son travail ; la gauche n'aime pas qu'on stigmatise des populations défavorisées.
Monsieur A fait, lui, partie des populations défavorisées. Et il ne vote pas.
Mais, chut, il ne faut pas le dire.
Il veut déménager, c'est tout.