jeudi 16 juin 2011

Dépassements d'honoraires : madame A attend un enfant. Histoire de consultation 86.


Madame A, 25 ans, débarque pour la première fois au cabinet alors qu'elle est enceinte de 5 mois. Je passe sur les détails de ce qui l'amène (des jambes lourdes dont une phlébologue avisée a dit "Qu'il ne s'agissait pas des veines."), pour ceci : elle me demande, nouvelle arrivée en ville, où elle peut accoucher et si l'hôpital de Mantes... Je la rassure, et cetera, et cetera, la conseille et patali et patalo.
"Où aviez-vous prévu d'accoucher ? - A l'hôpital de Snob City parce que je ne pouvais suivre mon gynécologue qui fait les accouchements à Chic City et il me demandait des dépassements d'honoraires. - Ah oui... - Ben, 300 euro pour un accouchement normal, 500 pour une péridurale et 700 pour une césarienne."
Je ne cite pas la clinique de Chic City car je n'ai aucune preuve, il s'agit des déclarations d'une patiente, charmante au demeurant, que je vois pour la première fois. Mais je me demande bien pourquoi elle aurait affabulé.
Ainsi, j'imagine que le gentil gynécologue choisit le mode de délivrance en fonction d'un questionnement EBM et que le prix des dépassements n'intervient pas dans la décision partagée qu'il prend avec sa future parturiente.
Est-ce que le facteur dépassement d'honoraires est pris en compte dans le nombre des césariennes effectuées en France ?

Oh ! combien de gamins, combien de capitaines,
Qui sont partis joyeux vers des couches amènes...
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !

Doc Gyneco (d'après Victor Hugo).

mardi 14 juin 2011

Mademoiselle A attend un enfant. Histoire de consultation 85


Mademoiselle A, 27 ans, est enceinte de quatre mois. Son compagnon est père d'une fillette de six ans. Je lui demande comment cela se passe avec la "belle fille". Très bien, me répond elle sans hésiter. Je n'en crois pas un mot mais je prends l'air du médecin satisfait d'une réponse qu'il attendait. Nous avons déjà abordé le problème de la vie commune avec un homme plus âgé qu'elle qui a déjà une enfant qu'il verra un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Cela fait 27 ans que je connais Mademoiselle A. Une paie, quand même.
Donc la gamine n'est pas jalouse et je ne pose pas la question suivante : "Et toi, tu n'es pas jalouse de la petite ?" Je ne voudrais pas que l'observateur infère avec le milieu qu'il est en train d'étudier. Mais cela me retombera sur le nez quand elle me parlera, dans quelques années, ou dans quelques mois, de cette terrible jalousie qui est tombée sur les deux femmes.
Mademoiselle A a quelque chose d'important à me dire : "C'est la chatte qui est jalouse. - La chatte ? - Elle me colle le ventre, elle s'enroule autour de moi. - Ah... - Mais surtout (continue Mademoiselle A avec un sourire qui précède ce qu'elle va me dire) elle fait une grossesse nerveuse... - Non ? - Si, elle a le ventre qui gonfle depuis trois semaines. Le véto nous a dit qu'elle n'était pas grosse, d'ailleurs, elle est trop vieille. C'est vraiment une grossesse nerveuse, c'est décrit chez les chattes..."
J'imagine la chatte de Mademoiselle A penchée sur l'épaule de sa maîtresse en train de lire Psychopathologie de la vie quotidienne, et se demandant ce qui pourrait être le plus signifiant pour faire connaître sa jalousie...

samedi 11 juin 2011

La FDA alerte sur Proscar et Avodart : à éliminer !


La FDA annonce dans un communiqué (ICI) le changement des mentions légales des inhibiteurs de la 5 alpha reductase incluant Proscar et Avodart (finasteride et dutasteride).
Ces mentions légales avertissent désormais du risque accru qu'un cancer de la prostate de haut grade soit diagnostiqué sous ces traitements.

Rappelons que la seule indication de ces produits était le traitement symptomatique de l'hypertrophie bénigne de prostate. La FDA n'a jamais approuvé l'indication "réduction du nombre de risques de cancers de la prostate" pour Proscar (finasteride) ou Avodart (dutasteride) mais cet argument a largement été avancé par les deux firmes commercialisant les deux produits. Et de nombreux articles ont été publiés en ce sens (307 publications dans PubMed).

Pour ce qui est de son indication princeps, à savoir améliorer la symptomatologie fonctionnelle (i.e. I-PSS) en réduisant la taille de la prostate, je n'ai jamais été convaincu de l'efficacité de la finasteride (la molécule la plus étudiée) et j'ai même toujours été surpris que la diminution par deux du taux de PSA ne pose aucun problème aux tenants du dépistage à tout crin du cancer de la prostate... Sans compter (expérience interne) que les effets de la finasteride sur la puissance masculine n'étaient ni anodins ni rares...

Quoi qu'il en soit, la communication de Merck and Co, insistait sur la coprescription de la finasteride avec un alpha-bloquant (pour masquer l'inefficacité clinique de sa molécule et pour tenter de masquer les effets indésirables sur l'érection) et sur la possible possibilité de diminuer l'incidence des cancers de la prostate.

Et voilà que l'on apprend que, non contents d'être peu efficaces sur la symptomatologie fonctionnelle, non contents de modifier le taux de PSA de façon aléatoire, et incapables de ne rien prouver sur la prévention des cancers de la prostate, les inhibiteurs de la 5 alpha réductase entraîneraient l'apparition de cancers de la prostate de haut grade !

On voit ici que l'imposture de ces molécules est désormais totale.
Merck and Co est une firme influente qui peut se permettre de faire publier pratiquement n'importe quoi dans la plus grande revue américaine, le New England Journal of Medicine, ce qu'ils ne se sont pas privés de faire avec Proscar (et Vioox également dont on connaît la saga médicale et judiciaire, et Fosamax alendronate et Zocor simvastatine), pour des raisons de proximité géographique (Merck and Co est installé dans le New jersey), de proximité académique (la firme "arrose" les plus grands centres américains dont la prestigieuse faculté de Harvard qui est située non loin du siège du NEJM), de proximité économique (Merck and Co est une des plus grosses valorisations de Wall Street), et cetera, et cetera...

Mais plus encore : la stratégie de Merck and Co a été d'une exemplaire filouterie.
  1. Story telling malin avec une enzyme (la 5 alpha reductase), un concept parlant "Shrink the prostate" (réduire la prostate) et des résultats cliniques peu évidents
  2. Masquer les effets indésirables sur la puissance masculine en les noyant dans le bruit de fond de développements annexes comme la réduction des saignements post prostatectomies
  3. Faire croire que la baisse de moitié du taux de PSA pourrait être un avantage pour la prévention des cancers de prostate
  4. Développer des essais de prévention de la Rétention Aiguë d'Urine
  5. Imposer l'association thérapeutique avec un alpha bloquant pour masquer l'inefficacité clinique de la molécule
Mais surtout : Merck and Co a pratiqué le doute et le confusionnisme en associant de façon incongrue l'hypertrophie bénigne de prostate et le cancer de la prostate ; en laissant croire que l'on pouvait prévenir des cancers alors qu'ils n'auraient pas été "graves" (comme les urologues opèrent des cancers qui ne sont pas malins) ; et en permettant que des cancers de haut grade puissent se développer (ce qui n'était pas prévu).
Il s'agit donc d'un double Disease Mongering : sur l'hypertrophie bénigne de prostate et sur le cancer de la prostate. Sans oublier la calvitie...

L'urologie ne s'est pas grandie, encore une fois, dans cette affaire en acceptant le story telling de Merck and Co et en marchant dans toutes les combines associées.
Pas fameux, tout cela.

PS (du deux avril 2015 : un article sur le propecia : ICI)

vendredi 10 juin 2011

La double peine de Madame A. Histoire de consultation 84


Madame A, 56 ans, est femme de ménage. Elle vient consulter pour des "mal de dos" qui s'avèrent être des lombalgies communes. L'histoire pathologique est classique : je n'y reviens pas. "Pas d'arrêt de travail ? - Pas d'arrêt de travail." Mais une lettre pour le médecin du travail de la Territoriale (elle travaille pour le Conseil Général).
Nous discutons de choses et d'autres, je lui demande des nouvelles de ses enfants, de ses petits-enfants, du moins ceux que je connais : le médecin de la famille A ne peut pas plaire à toutes les belles-billes ou gendres.
Madame A n'a jamais eu une existence très heureuse, enfin, c'est elle qui me l'a toujours dit, et je n'ai jamais eu la version de son mari qui n'en parlait jamais. Rappelez-vous que je pose peu de questions et que je n'engage les discussions qui, au lieu d'effleurer la surface des individus, s'enfoncent comme des forets dans le cerveau ou ailleurs, que si le patient ou la patiente en expriment le désir.
J'apprends ceci : le mari de Madame A, plus âgé qu'elle de dix ans, en retraite, fait de longs séjours au pays (de l'autre côté de la Méditerranée), trois à six mois par an, et s'y trouve très bien. Il appelle peu la France et s'inquiète peu de ses enfants et de ses petits-enfants (c'est elle qui le dit).
Je pense bien entendu à ce que tout le monde pense et Madame A, bien qu'elle sache que j'exerce depuis plus de 30 ans dans le coin, que je connais sa famille et de nombreuses autres familles alentour, ne se doute pas que je sais un peu ce qui se passe.
Monsieur A a pris femme de l'autre côté de la Méditerranée.
Madame A, cinq enfants, a commencé à travailler assez tardivement.
Ce n'était pas un mariage d'amour.
Elle a été mariée à 16 ans.
Elle a eu son premiers fils à 17.
Puis elle est arrivée en France.
Elle s'en est sortie avec vaillance. Son mari travaillait dur dans l'automobile sur des chaînes de montage qui n'étaient pas aussi automatisées, protégées, surveillées et... propres qu'elles ne le sont maintenant (n'allez pas croire que je pense que travailler à la chaîne est devenu aussi facile que de faire des photocopies à la Territoriale). Le logement était petit. Les appareils ménagers moins fréquents. Les facilités plus difficiles.
Puis elle s'est mise à travailler.
Je résume : le travail, les enfants, le mari, la dure condition des femmes qui sont peu aidées par leur mari qui ne comprend même pas qu'il pourrait donner un coup de main et une femme qui ne se plaint pas, qui agit, qui frotte, et cetera (je glisse vers la bien pensance à une vitesse effrénée).
Maintenant que les enfants sont élevés, qu'il y a une certaine "aisance", Madame A conduit sa petite voiture, s'habille de façon pimpante, elle se retrouve seule à la maison et son mari, celui qu'elle n'avait pas choisi, s'est marié à la mode musulmane avec une jeunesse de 25 ans ! Mais il n'en a rien dit à sa femme qui l'a appris par la bande, une vantardise d'une cousine de la famille de son mari.
J'interroge quand même Madame A : elle dit s'en moquer, elle n'est pas amère, elle prend les choses comme elles viennent. C'est ce qu'elle dit mais elle sourit en le disant, il faut donc que je la croie, ou il me plaît de faire semblant de la croire.
Madame A fait partie de ces femmes maghrébines qui, selon Rachid Taha, se sont fait violer le soir de leur mariage, et qui, le soir venu (de leur vie), se font faussement plaquer par leur mari qui va en violer une plus jeune de l'autre côté de la Méditerranée (ou de l'océan).
La double peine, vous dis-je.
Mais, je le répète, je suis plus triste, en cette fin de consultation, que Madame A qui me sourit, reprend sa carte vitale, se saisit de son ordonnance et me dit à bientôt.
A bientôt.

(photographie du chanteur Rachid Taha)

jeudi 9 juin 2011

La FDA alerte sur la simvastatine !


La FDA vient de publier un communiqué d'alerte (ICI) sur l'utilisation de la simvastatine (Zocor). (la simvastatine est aussi contenue en France dans le produit Inegy (ezetimibe plus simvastatine 20 ou 40 mg)), communiqué qui me rend perplexe car, si je connaissais les dangers des statines en général au point de doser, notamment dans les populations d'origine africaine, les CPK avant toute prescription, je ne connaissais pas la gravité potentielle des interactions avec d'autres molécules.

Que dit ce communiqué ?
  1. Ne pas cesser le traitement par simvastatine 80 mg si les patients sont traités depuis plus de 12 mois sans preuve de toxicité musculaire
  2. Ne pas initier de nouveaux traitements avec simvastatine 80 mg
  3. Donner d'autres molécules aux patients qui n'atteignent pas les objectifs de LDL cholestérol sous simvastatine 40
  4. Suivre les recommandations des AMM concernant les autres produits qui peuvent entraîner des risques d'atteinte musculaire en coprescription avec la simvastatine : Contre-indiqués : itraconazole, ketoconazole, posaconazole, erythromycine, clarithromycine, telithromycine, inhibiteurs des protéases (HIV), nefazodone, gemfibrozil, cyclosporine et danazol ; NE PAS DEPASSER 10 mg par jour de simvastatine en coprescription avec amiodarone, verapamil et diltiazem et ne pas oublier de ne pas les prescrire avec INEGY qui contient plus de 10 mg de simvastatine ! NE PAS DEPASSER 20 mg par jour de simvastatine avec amlodipine et ranozaline
  5. Changer le traitement d'un patient qui aurait besoin d'une molécule qui interagirait avec la simvastatine
  6. Rapporter les effets indésirables.
Ces instructions sont données à partir des résultats d'un essai (SEARCH) qui comparait simvastatine 80 vs simvastatine 20 en post infarctus (ICI).

Bon, n'oubliez pas que les atteintes musculaires peuvent aussi se produire en buvant du jus de fruit.

Il ne nous reste plus qu'à savoir s'il s'agit d'un effet de classe, les statines, ou d'un effet lié à la seule simvastatine.

Trois conseils (avis d'expert) : 1) prescrire des statines n'est pas anodin et de nombreux articles indiquent que la prescription chez des patients sans facteurs de risque a un faible effet préventif mais je vous citerai celui de la Revue Cochrane (ICI) qui est particulièrement dubitatif (je vous propose de lire le résumé en anglais à la fin de ce post) ; 2) doser les CPK avant de prescrire des statines ; 3) les cardiologues ont tendance à croire que le moins (de cholesterol) est magnifique avec (toujours) plus de statine, ce qui n'est pas toujours vrai, d'une part parce qu'il ne faut pas traiter des patients sur des valeurs tirées d'essais rétrospectifs et, d'autre part, parce que le niveau de cholestérol est un indicateur parmi d'autres des risques cardiovasculaires.

On attend avec impatience les réactions de l'AFSSAPS (qui vient de retirer du marché la pioglitazone, Actos, Competact) et de l'EMEA.

Pour ce qui est des squalènes, on attend encore (pandemrix et narcolepsie pour ceux qui ont oublié).


Revue Cochrane

Statins for the primary prevention of cardiovascular disease

Cardiovascular disease (CVD) is ranked as the number one cause of mortality and is a major cause of morbidity world wide. Reducing high blood cholesterol which is a risk factor for CVD events is an important goal of medical treatment. Statins are the first-choice agents. Since the early statin trials were reported, several reviews of the effects of statins have been published highlighting their benefits particularly in people with a past history of CVD. However for people without a past history of CVD (primary prevention), the evidence is less clear. The aim of this systematic review is to assess the effects, both in terms of benefits and harms of statins for the primary prevention of CVD. We searched the Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE and EMBASE until 2007. We found 14 randomised control trials with 16 trial arms (34,272 patients) dating from 1994 to 2006. All were randomised control trials comparing statins with usual care or placebo. Duration of treatment was minimum one year and with follow up of a minimum of six months. All cause mortality. coronary heart disease and stroke events were reduced with the use of statins as was the need for revascularisations. Statin treatment reduced blood cholesterol. Taking statins did not increase the risk of adverse effects such as cancer. and few trials reported on costs or quality of life. This current systematic review highlights the shortcomings in the published trials and we recommend that caution should be taken in prescribing statins for primary prevention among people at low cardiovascular risk.

mardi 7 juin 2011

Des médecins américains prônent la décroissance : un exemple à suivre ?


Une association américaine de médecins, la NPA (National Physicians Alliance), dont vous trouverez ICI le site, fait des propositions pour réduire 5 activités médicales. La NPA refuse toute contribution émanant d'industriels du médicament ou de fabricants de matériel. Mais il serait utile d'en savoir plus sur ses tenants "idéologiques" et / ou "politiques".

Quoi qu'il en soit, la NPA fait 5 propositions :
  1. Ne pas proposer d'imagerie dans les 6 premières semaines suivant la survenue de lombalgies à moins que des critères de gravité ne soient présents.
  2. Ne pas prescrire de façon systématique des antibiotiques pour une sinusite d'intensité légère à modérée, à moins que les symptômes -- qui doivent inclure des sécrétions nasales purulentes et des douleurs maxillaires, ou une sensibilité faciale ou dentaire à la percussion -- ne durent depuis 7 jours ou que les symptômes s'aggravent après une amélioration clinique initiale.
  3. Ne pas prescrire chaque année un ECG ou examen cardiovasculaire de dépistage chez des patients asymptomatiques à faible risque.
  4. Ne pas prescrire de frottis vaginal chez des femmes de moins de 21 ans ou chez des femmes ayant subi une hystérectomie liés à une affection bénigne.
  5. Ne pas prescrire d'ostéodensitométrie chez des femmes de moins de 65 ans ou des hommes de moins de 70 ans sans facteurs de risque.
On le voit, la NPA n'est pas une organisation révolutionnaire.
Elle avance à petits pas.
Elle ne menace pas l'équilibre des revenus des médecins généralistes mais elle peut entrevoir des résistances de la part des cardiologues et / ou des gynécologues et / ou des rhumatologues.

Pourquoi les associations de médecins généralistes français ne font-elles pas de telles propositions ?

dimanche 5 juin 2011

Voeux pieux : ne plus adresser de patients aux urologues ! Histoire de consultation 83


Monsieur A, 70 ans, revient me voir parce que l'urologue à qui je l'avais adressé veut lui faire des biopsies de prostate.
Cette phrase est erronée.
J'ai adressé Monsieur A, 70 ans, chez un urologue pour un kyste de l'épididyme qui le gênait, associé à une lame d'hydrocèle.
Monsieur A, 70 ans, sans antécédents pathologiques particuliers (il ne prend aucun traitement chronique), n'est pas allé voir l'urologue que je lui avais conseillé et à qui j'avais écrit une lettre tapuscrite, "parce que c'était trop loin".
Si j'ai adressé Monsieur A, 70 ans, à un urologue de ma connaissance qui n'exerce pas dans ma ville, c'est parce que les urologues de ma ville sont des acharnés (chez les hommes) a) du PSA ; b) de l'intervention ; c) des dépassements d'honoraires.
On peut dire aussi que Monsieur A, 70 ans, aurait quand même pu (je monte sur mes ergots) suivre les conseils de son médecin traitant et ne pas se rendre chez un urologue que je n'apprécie guère et à qui je n'envoie des patients qu'une fois tous les ans pour des raisons qui tiennent à l'EBM (vous voulez des explications, les voici : l'EBM - voir ici pour les explications théoriques - est la réponse à un questionnement qui pourrait se résumer à ceci, en langue triviale : qu'est-ce que je fous d'un malade dont les valeurs et les préférences sont opposées ou incompatibles avec les miennes, indépendamment de mon expérience interne et externe ? Et ainsi, devant le malade A qui ne veut pas aller chez l'urologue B pour des raisons de distance, d'intolérance, de feeling, je ne sais quoi d'autre, ou au contraire qui veut aller chez l'urologue C parce que le copain du copain de l'ami qui est au Rotary ou à la CGT ou à l'association des joueurs de belote du Vexin français, urologue C dont les compétences en urologie sont PSA dépendantes, je suis bien obligé -- mais nombre de mes confrères et consoeurs émettent l'opinion qu'il ne faut jamais céder à l'injonction des malades, que l'Etat de la Science est plus important que la conscience, et que, des malades comme cela, il faut les envoyer balader, et cetera, et cetera -- je finis par les adresser là où le malade est capable d'aller, me disant que je contrôlerai mieux la situation que s'ils sont lâchés dans la nature et qu'ils aillent voir un autre confrère qui leur conseillera un autre urologue que j'aime encore moins... Le lecteur avisé me dira que dans le cas particulier j'ai fait un courrier pour l'urologue B et que le patient est allé voir l'urologue C... Ce qui n'est pas la même chose...
Revenons au fil de l'histoire.
Monsieur A, 70 ans, revient me voir, dans le couloir, entre la secrétaire et la salle d'attente, pour me dire qu'il est "convoqué" pour qu'on lui fasse des biopsies de prostate et qu'il voudrait connaître mon avis.
Ne comprenant rien à l'histoire, je lui demande déjà qui est l'urologue et que je vais l'appeler.
Cela demande deux jours car le fameux urologue fait des ménages dans différentes cliniques de la région, un jour ici, un autre jour là et je finis par lui parler. L'histoire est simple : il a lu ma lettre d'un derrière distrait, il a vaguement examiné le patient, il lui a fait un toucher rectal (je vous prie de bien vouloir consulter ICI un article de Des Spence dans le BMJ dont vous n'aurez que les premiers mots mais qui pourrait vous inciter à vous abonner à cette excellente revue, l'article s'intitule, je traduis : Toucher rectal : mauvaise médecine), il a prescrit des PSA qui sont revenues à 7 : il fait des biopsies. J'ai eu beau argumenter au téléphone, il m'a pris pour un instrument de musique thaïlandais (khon), un ignorant, un débile de médecin généraliste.
J'ai revu le patient (avec sa femme) à qui j'ai expliqué l'affaire et il m'a dit, en substance, que j'étais un incompétent parce que je ne lui avais pas fait doser avant le PSA, et qu'il allait se faire biopsier.
Voici la triste histoire de Monsieur A et de son médecin traitant.
Et je ne vous parle pas des risques de la biopsie prostatique qui sont abordés sur différents sites quand on interroge Google mais jamais, au grand jamais, le risque de dissémination de cellules cancéreuses par effraction de la capsule, n'est abordé...