mardi 10 septembre 2013

Quand la e-cigarette entraîne la désinformation.


(Ce billet m'a été suggéré par un tweet de @cl_lazarus que je cite à l'insu de son plein gré)
Après l'affaire baclofène (voir ICI), voici l'affaire e-cigarette, où nous assistons à des phénomènes curieux dans la bloggo-tweetosphère.  
Tout est cul par dessus tête.
Nous retrouvons les nouveaux Modernes.
Qui sont-ils ?
Ce sont donc les tenants de la Modernité contre l'Archaïsme. Ce sont les nouveaux médecins, les nouveaux scientifiques, les nouveaux gourous, ceux qui se moquent des preuves ou qui les anticipent, certains de la vérité de leur point de vue avant même que les études ne soient parues. Ils ont raison donc ils font les malins.


L'affaire e-cigarette est encore plus drôle que celle du baclofène car elle associe de façon incroyable : experts profanes, mensonges, conflits d'intérêts, copinage, anti Etatisme, anti hygiénisme...


(Je suis contraint d'ouvrir une parenthèse : je ne suis pas contre l'e-cig et encore moins pour sa médicalisation)

L'addiction au tabac est un problème complexe, vous me direz, pas plus complexe que l'addiction à l'alcool, si, plus complexe car il n'existe pas de tradition française. Dans le cas de l'alcool il existe une excellence française, les vins français sont les meilleurs du monde (c'est encore vrai), des faits curieux (ce ne sont pas dans les régions viticoles que l'alcoolisme fait le plus de ravages), et une tradition économique, culturelle, voire anthropologique.
Dans le cas du tabac l'addiction est quasi immédiate, d'autant plus forte que l'âge de début est bas, et il existe une organisation mondiale, qui existait bien avant la mondialisation, que l'on appelle Big Tobacco, qui a un pouvoir considérable. Last but not least, le tabac est vendu chez les buralistes (qui cumulent en un seul lieu les addictions à l'alcool, au tabac et au jeu) qui sont une corporation, si j'ose dire, au sommet du corporatiste (et d'extrême-droite), aux pouvoirs semble-t-il importants.

Dans le cas du tabac, les tabacologues ont réussi à imposer leur spécialité (?), en mélangeant pneumologues, psychiatres, médecins généralistes, psychologues et autres addictologues.

Je passe sur les critiques très fortes à l'encontre des tabacologues émises par Robert Molimard, pneumologue, repenti de Big Tobacco, et fondateur de l'alter-tabacologie. Vous pouvez lire ses écrits, que j'ai souvent critiqués (pour des raisons que je ne peux développer ici mais cela viendra à son bon moment), sur le site du Formindep qui l'héberge (ICI en bas à droite). Robert Molimard doute de l'addiction à la nicotine et doute ainsi de l'efficacité des traitements qui pourraient entraîner son arrêt (LA) (1) et c'est pourquoi il a toujours écrit, dans la période récente, que les tabacologues étaient de simples employés de Big Pharma commercialisant des thérapeutiques peu efficaces, coûteuses dont certaines partiellement remboursées par la sécurité sociale.

Robert Molimard a donné le LA aux partisans de la e-cigarette après avoir publié le 23 mai 2013 un article très documenté et a priori d'un bon degré de validité vantant l'innocuité du produit (ICI). Cet article a marqué un tournant car la tabacologie traditionnelle, infiltrée dans les différentes associations anti cancer, a été contrainte de réfléchir. Il existe des enjeux majeurs au centre de la tabacologie : Big Tobaco, Big Pharma, la TVA, et l'entrée sur le marché du vapotage (dans lequel Big Tobaco est en train d'investir massivement).

Puis les suiveurs suivent. Le 6 juillet 2013 le site Atoute reprend à son compte les propos de Robert Molimard (LA) en publiant "La cigarette électronique est utile et n'est pas dangereuse", puis l'article est actualisé après la sortie le 24 août 2013 d'un dossier dans la revue 60 millions de consommateurs (LA) qui affirme que "la cigarette électronique n'est pas si inoffensive que cela". Dominique Dupagne, l'administrateur et auteur de l'article, écrit, entre autres, ceci : "Certes, la cigarette électronique n’est pas une panacée, elle ne fonctionne pas chez tout le monde, mais le progrès qu’elle apporte dans la lutte contre le tabagisme dépasse tout ce que nous connaissions jusqu’ici. Une publication récente le démontre solidement... " Bon, je clique sur le lien et je me rends compte que l'étude contrôlée (LA) citée par l'administrateur du site comprend trois groupes de patients vapoteurs non désireux d'arrêter la cigarette traités pendant 12 semaines : groupe A (nicotine 7,2 mg), groupe B (7,2 puis 5,4 mg) et groupe C (pas de nicotine). Les résultats sont les suivants (je traduis) : "La diminution de l'utilisation journalière de cigarettes et des niveaux de CO exhalés a été constatée  dans les 3 groupes à chaque visite (p inf 0,001 par rapport au début) mais il n'a pas été constaté de différences entre les groupes." Je ne crois donc pas qu'il s'agit d'une démonstration solide. En tous les cas il semble que le fait de mettre de la nicotine dans les e-cigarettes soit d'un intérêt médiocre. J'ajoute qu'un des auteurs de l'article (RP ou Riccardo Polosa) a des liens d'intérêts majeurs (2) et qu'il a changé de sponsors avec le vent. J'ai également retenu le commentaire d'Alain Braillon sur le site d'Atoute qui me semble d'une grande pertinence et qui indique de façon démonstrative que l'intérêt pour la e-cigarette ne doit pas nous faire perdre notre sens critique (3).

Atoute cite également le docteur Farsalinos qui a publié de façon précipitée un article le 27 août 2013 sur le site Absolut Vapor (LA) (qui, en d'autres lieux, vend du matériel de vapotage), contredisant certaines données du dossier de 60 Millions. Pour les liens d'intérêt  de Farsalinos, voir la note (3). Nonobstant la note (3) il semble convaincant. En consultant PubMed (LA) on se rend pourtant compte qu'il a en tout et pour tout publié 4 articles sans intérêt clinique dans des revues corporatistes.

Les associations de vapoteurs s'en remêlent et l'une d'entre elles écrit le 28 août 2013, par l'intermédiaire de Brice Lepoutre, Président de AIDUCE, une lettre ouverte à 60 Millions (LA) où l'on apprend que le premier expert scientifique cité pour ses qualités de chercheur pour contrer le dossier de 60 Millions est Dominique Dupagne (le bon docteur Farsalinos est lui aussi cité en bonne place). L'association AIDUCE (Association indépendante Des Utilisateurs de Cigarettes Electroniques (LA) ne mentionne aucun financement extérieur. En revanche, on apprend sur tweeter que 60 Millions est subventionné en partie par l'Etat, ce qui induit pour l'auteur du tweet que le dossier a été piloté par Bercy. Vous me suivez ?

Le complot de l'Etat est dénoncé : l'Etat est un dealer de tabac qui ramasse de l'argent grâce à la manne tabagique ; il laisse commercialiser des produits anti nicotine inefficaces (qui obtiennent cependant l'AMM et une partie de remboursement) ; il subventionne des tabacologues pour prescrire des produits inefficaces ; et il s'oppose au vapotage pour ne pas perdre d'argent ; et il aimerait bien que la e-cigarette soit vendue chez les buralistes et / ou chez les pharmaciens ; et l'Etat ne comprend pas que c'est l'ère de la Médecine 2.0 qui arrive avec son intelligence coopérative ; mais aussi le e-business.

Mais le bon docteur Farsalinos est, lui, un pur.

Et voilà qu'arrivent les démonstrations définitives qui vont clore le bec à tous ces blancs-becs. Je lis un tweet qui affirme que les anti e-cigarette sont comme les anti ceintures de sécurité dans les années 80 : des retardataires. Il ne sert à rien de réfléchir puisque la messe est dite.
Eh oui, la messe est dite.
Antoine Flahault, l'homme des millions de morts A/H1N1, twitte le 5 septembre 2013 : Disagree. .. ” I know. I think you focus on the wrong cause. You should support the right one. Millions of lives in stake!. Il recommence et il utilise les mêmes arguments que les baclofénistes (il est d'ailleurs pour).

C'est la publication du Lancet. Avec, pour pimenter le tout, une histoire d'embargo sur l'article (je signale aux ignorants qu'il n'existe pas de Comité de lecture au Lancet qui a été au centre de nombre de scandales éditoriaux ces dernières années) qui permet de claironner pour certains (le 7 septembre 2013) (LA) et de donner dans le sensationnel (LA). Puis la présentation de l'étude elle-même. Ne parlons pas de la façon dont les journalistes présentent les résultats (ICI de façon neutre dans Le Point, et LA de façon erronée dans Le Monde) parlons de ce que dit l'auteur principal (cela me fait penser irrésistiblement à un billet de JM Vailloud (ICI) sur la façon de présenter fallacieusement des données).
L'auteur : " "Nos résultats ne montrent pas de différence très nette entre e-cigarettes et patchs pour l'arrêt, mais il semble bien que les cigarettes électroniques soient plus efficaces pour aider les fumeurs à réduire leur consommation", explique le professeur Bullen dans un communiqué de The Lancet."
Vous voulez le texte complet ?
Vous trouverez l'abstract ICI et, en cherchant un peu sur le web (trois secondes) le texte complet (quand le Lancet lâche un article c'est qu'il y a de l'argent derrière et un promoteur. LA). Pour les résultats en anglais (5) et pour le commentaire de l'article en anglais (6).

Voici en français les résultats dans leur éminente crudité : A 6 mois le nombre d'abstinents était de 7,3 %, de 5,8 % et de 4,1 % dans respectivement les groupes e-cig nicotine, patchs nicotine et e-cig sans nicotine. Pas de différence significative inter groupe. La e-cig est donc au moins aussi "efficace" que les patchs. D'après les données que nous avons rapportées dans la note (1) on peut considérer que les patchs à la nicotine peuvent être raisonnablement considérés comme des placebos (notamment IRL - In real Life, c'est à dire hors essais). Chris Bullen a donc démontré que la e-cig était au moins aussi efficace qu'un placebo mais que c'était le placebo préféré des patients. Certains tenants de l'e-cigarette, du moins sur le site Atoute, "croient" à l'e-cigarette qui contient de la nicotine pour lutter contre le tabagisme tout en "croyant" aux écrits de Robert Molimard qui nie l'addiction à la nicotine.
Des études supplémentaires sont donc nécessaires.
Fermez le ban.
(Le sujet est loin d'être épuisé)

Notes

(1) Thus, a meta-analysis of 14 randomized trials found that, in specialized consultations, the success of nicotine gum and placebo were respectively 27% vs 18% at 6 months and 23% vs 13% at 12 months. However, this success rate is much less bright in general practice 17% vs 13% at 6 months, and 9% vs 5% at 12 months [21]..
(2) Competing interests: RP has received lecture fees and research funding from Pfizer and GlaxoSmithKline, manufacturers of stop smoking medications. He has served as a consultant for Pfizer and Arbi Group Srl, the distributor of the Categoria™ e-Cigarette. The other authors have no relevant conflict of interest to declare in relation to this work. This does not alter the authors’ adherence to all the PLOS ONE policies on sharing data and materials..
(3) Alain Braillon sur Atoute
1 : l’expert "réputé" n’a semble t il jamais publié un seul article dans une revue à comité de lecture. A 86 ans, ce n’est pas le temps qui a manqué. Pourtant il a dit tout et son contraire. 
Il a eu des liens financiers avec l’industrie du tabac. Ceux anciens sont bien documentés. N’en déplaise à certains qui se piquent d’indépendance. Encore récemment il a commenté avec complaisance un rapport étranger qui avait été financé par l’industrie du tabac. 
2 : la cigarette électronique est elle efficace ? Il n’y a pas d’essais controlés randomisés ! S’il y en a je suis preneur, je ne les connais pas. Il n’y a pas de preuve. Sur le principe, pourquoi pas, on peut espérer "un peu" d’efficacité mais pas plus. A priori, dans les formes actuelles, il ne semble pas que l’on puisse espérer plus qu’un effet marginal. Surtout, actuellement il n’y a pas de qualité pharmaceutique pour plus et il faut vraisemblablement des doses plus fortes. Il n’y a pas d’homogénéité, de stabilité et de maitrise de la qualité pour les différentes formes disponibles. C’est terrible d’avoir la mémoire courte, il suffit de se rappeler de l’hormone de croissance, on prescrit quelque chose qui n’a pas la qualité pharmaceutique, sans évaluer le bénéfice réel. 
Enfin, il faut se rappeler que plus de la moitié de ceux qui arrêtent de fumer, le font sans aide médicale. Acupuncture, percing de l’oreille, musicothérapie et autres sont ils des ttt efficaces parce que certains ont arrêté et font une relation de cause à effet ??? 
On est dans une discussion niveau café du commerce, dans un pays où il y a 30% de fumeurs, où la prise en charge normale est défaillante, tant individuelle qu’en terme de santé publique. Théorie du complot + naiveté (le traitement miracle dont les intérêts divers et variés empêchent la commercialisation...) c’est un mélange qu’on aime bien, cela évite de réfléchir et de se fatiguer à analyser les choses. 
3/ La seule personne qui mérite d’être citée au sujet des cigarettes electroniques, c’est JF Etter. Il a participé à la rédaction du rapport demandé par le ministre de la santé à Bertrand Dautzenberg. Des 10 experts consultés il est le seul qui a refusé de signer le rapport. Il explique très bien pourquoi. Il faut noter que c’est le seul qui ait publié sur le sujet, et cela assez tôt. 
4/, c’est le grand écart en la médecine entre la situation de santé publique (situation de masse) et la situation dans un cabinet, face à face avec un malade. Il faut le comprendre pour apprécier les différents points de vue 
5/ Que diriez vous si un labo avait obtenu une AMM pour la cigarettes électronique : Ces évaluation des autorités, c’est du grand n’importe quoi ? Ces labos cela peut se permettre encore tout ... ?.

(4) Le Dr Farsalinos est un chercheur du Centre de chirurgie cardiaque Onassis  à Athènes, en Grèce et au Centre de recherche en imagerie médical à l’Université/Hôpital   Gathuisberg à Louvain, en Belgique. Il est activement engagé dans la recherche sur la sécurité et les risques de la cigarette électronique. Pour certains de ses travaux, l’institution « Centre de chirurgie cardiaque » a reçu un financement de la part d’entreprises de cigarette électronique, mais il n’a personnellement reçu aucune compensation financière...
(5) 657 people were randomised (289 to nicotine e-cigarettes, 295 to patches, and 73 to placebo e-cigarettes) and were included in the intention-to-treat analysis. At 6 months, verified abstinence was 7·3% (21 of 289) with nicotine e-cigarettes, 5·8% (17 of 295) with patches, and 4·1% (three of 73) with placebo e-cigarettes (risk difference for nicotine e-cigarette vs patches 1·51 [95% CI −2·49 to 5·51]; for nicotine e-cigarettes vs placebo e-cigarettes 3·16 [95% CI −2·29 to 8·61]). Achievement of abstinence was substantially lower than we anticipated for the power calculation, thus we had insufficient statistical power to conclude superiority of nicotine e-cigarettes to patches or to placebo e-cigarettes. We identified no significant differences in adverse events, with 137 events in the nicotine e-cigarettes group, 119 events in the patches group, and 36 events in the placebo e-cigarettes group. We noted no evidence of an association between adverse events and study product..
(6)  E-cigarettes, with or without nicotine, were modestly effective at helping smokers to quit, with similar achievement of abstinence as with nicotine patches, and few adverse events. Uncertainty exists about the place of e-cigarettes in tobacco control, and more research is urgently needed to clearly establish their overall benefits and harms at both individual and population levels..

dimanche 8 septembre 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 7 bis : l'adressage et ses problèmes pratiques.


Nous avons vu la théorie dans le billet précédent (ICI). Nous avons vu que, d'après les études dont nous disposons, tout est dans tout et réciproquement, c'est à dire que les préjugés que nous avions ne sont pas confirmés : le taux d'adressage des médecins n'est lié ni à leur degré d'activité, ni à leur situation géographique, ni à la structure de leur cabinet, ni au nombre de leurs associés...
Je veux bien. 
L'adressage est-il un problème ? Oui.
L'adressage est-il une solution ? Oui.
L'adressage au sens large, c'est à dire incluant la prescription d'examens complémentaires (disons en première analyse qu'il est possible de prescrire les laboratoires d'analyse médicales en DCI -- c'est à dire sans s'inquiéter de l'accueil, de la couleur des chaises, des figures respectives de la réceptionniste et de la piqueuse ou de la charte iso 2002 du laboratoire lui-même...), doit comprendre la prescription des radiographies, échographies, scanners et autres IRM.
L'adressage est au centre de la profession car il reflète l'état d'esprit du médecin par rapport à ses compétences ou aux données qu'on lui a apprises ou transmises et l'état des relations entre lui et son patient ainsi que la volonté du médecin de faire ou ne pas faire. Mais, pour faire de la théorie, l'adressage est un des éléments de la coordination des soins. Terme que je n'aime pas.

Les commentaires du billet précédent ont ouvert des champs, je cite sans ordre :

  1. m bronner souligne (LA, commentaire 14) que l'adressage pose problème pour le patient ou, plutôt, interroge la relation médecin patient et, plus précisément, l'état de confiance ou la représentation qu'a le patient de la décision médicale. Ce point est fondamental et méritera d'être développé. Pour résumer : il existe une croyance selon laquelle il existerait une vérité scientifique et, lors du processus de l'adressage au spécialiste, le patient, d'abord rassuré parce que son médecin tente de connaître la vérité de son cas ou d'abord inquiet car la démarche de son médecin traitant signifie peut-être incertitude et gravité, touche du doigt l'incertitude de la vie, de la maladie et du diagnostic, ce qui peut le choquer surtout quand il est le sujet de cette incertitude et qu'il aimerait une réponse claire à un problème existentiel complexe : sa maladie.
  2. popper 31 développe (ICI, commentaire 19) les raisons pour lesquelles la perception de l'adressage est biaisée selon les points de vue de l'adresseur, du destinataire et, surtout, du patient. En réalité, il illustre avec brio le point de vue de la médecine générale, le seul point de vue à mon avis, le point de vue du questionnement incessant de l'EBMG (LA)... et le fait que les médecins spécialistes ne "fassent" pas assez de médecine générale (ICI). Mais le danger de ce questionnement incessant est double : conduire à l'inertie dans la décision / non décision (sans préjuger des bénéfices / maléfices théoriques de la médicalisation) et faire du paternalisme sans le savoir (le concept de paternalisme en médecine est difficile à saisir en totalité, j'espère pouvoir, dans le cadre de cette Refondation, écrire un billet à ce sujet. Mais je suis preneur pour toute contrbution)
  3. Il y a quelques jours est paru un billet de blog du docteur V(ICI) qui répondait à un billet d'humeur ophtalmologiste (ICI) et qui trouve normal de prescrire des lunettes directement sans passer par l'ophtalmologiste. Il fait confiance. Il a tort, me semble-t-il. De nombreux commentaires en son blog et sur celui du spécialiste, @zigmundoph pour tweeter, qui me paraît très Bon esprit. A vous de juger.
Je vais suivre les conseils du pr mangemanche (LA, commentaire 13) et m'intéresser seulement aux biais de l'adressage.

Il faut d'abord tenir compte de l'environnement. Le MG prescripteur a-t-il le choix quand il a décidé, avec pertinence (ou impertinence), d'adresser ? Existe-t-il plusieurs spécialistes dans la même spécialité : cardiologues, échographistes, scanneristes, dermatologues, ophtalmologues ? Quid de l'hôpital ? Quid du ou des cliniques ? Quid de la maternité ? Existe-t-il un problème géographique d'accès ?
Il faut aussi tenir compte de la formation initiale du MG et de sa formation ultérieure. Encore que la revue de littérature que je citais dans le billet précédent aie trouvé une publication indiquant que plus on était formé dans une spécialité et plus on adressait dans cette spécialité...
Dans un commentaire précédent pr mangemanche souligne l'intérêt de l'analyse du courrier d'adressage en fonction de la situation clinique. Certes, mais, heureusement, il n'est pas possible de quantifier ou de qualifier, il s'agit donc, le plus souvent, d'une réflexion individuelle.

Voici quelques situations où, non seulement se pose la pertinence de l'adressage mais surtout la pertinence du choix du spécialiste.


  1. Evacuons le problème classique du patient qui veut consulter un spécialiste en particulier. Soit parce qu'il le connaît déjà personnellement, soit parce qu'il le connaît de réputation. Nous sommes en plein dans le questionnement EBMG. Quand je dis, évacuons, je suis bien optimiste car c'est une situation de médecine générale qui pose des problèmes aigus touchant l'éthique, la confraternité, les valeurs et préférences du patient et du médecin et qu'il n'est pas facile de résoudre comme cela. Le patient veut voir le docteur C que je trouve nul, comment fais-je ? Que je trouve dangereux, que fais-je ?
  2. Le patient veut être opéré à l'hôpital Z parce que sa femme (son mari) vont pouvoir venir le voir facilement. Je pense que l'orthopédie en cet hôpital ne me convient pas et que je n'y enverrai pas quelqu'un de la famille. Que fais-je ? 
  3. J'apprends que le docteur B, un ami à moi, a confié sa femme au chirurgien C, chirurgien qui est à la limite de la dangerosité mais qui est sympa et tapeur d'épaule. Pourquoi le fait-il ? Vais-je lui téléphoner pour lui dire qu'il vaudrait mieux qu'il ne fasse pas ?
  4. J'adresse un patient aux urgences. Qui va l'examiner ?
  5. J'exerce dans une ville où il n'existe qu'un seul cardiologue que je ne trouve pas "bon" pour des raisons qui peuvent être variées mais surtout subjectives. Que fais-je ? J'envoie mes patients cardiologiques à 50 kilomètres ?
  6. J'adresse beaucoup de mes patients au rhumatologue B qui est un copain, qui est un "bon" rhumatologue mais qui prescrit les produits à la mode. Pourquoi le fais-je ? Est-ce lié au fait qu'il joue au golf dans le même club que moi et que j'ai un meilleur handicap que lui ? Est-ce parce qu'il m'écrit des courriers flatteurs ? Est-ce que j'ai oublié ses prescriptions massives de vioxx ? 
  7. J'adresse mes patients dans un cabinet de kinésithérapie où la rapidité des séances n'a d'égale que la légèreté des manoeuvres... Je boycotte ? (Il faudra que j'écrive un billet sur la kinésithérapie au risque de me faire des amis...)
  8. Une suspicion d'appendicite adressée à la clinique V : opération immédiate. Je fais quoi ? Je ne peux adresser qu'aux chirurgiens peu nombreux qui récusent...
  9. Cet ORL yoyote tous les tympans, je le boycotte ?
  10. Ce pneumologue spirivate toutes les BPCO, je ne lui adresse plus personne ? 
  11. Cet endocrinologue lantusse tous les patients, je le néglige ?
  12. Dans cette clinique, seul un(e) iérémologue est "bon": je n'adresse qu'à lui (elle) ?
  13. Ad libitum.
Non, le problème essentiel est le lien caché qui nous fait adresser tel patient à tel spécialiste : lassitude, proximité, copinage, éviter les complications, ne pas perdre de temps...

Images de guerre sur la route de Damas (LA) : Le photographe Laurent Van der Stockt et le journaliste du "Monde" Jean-Philippe Rémy se sont rendus clandestinement en Syrie, de la frontière libanaise à la capitale, Damas, où ils ont été témoins de l'usage de gaz toxiques par l'armée syrienne. 
(ceci n'est pas une incitation à l'intervention, je suis volontiers contre, mais pour témoigner que la guerre en Syrie est plutôt dramatique)

lundi 2 septembre 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 7 : la quantification de l'adressage est-elle un critère de qualité en médecine générale ?


La signification qualitative et quantitative de l'adressage d'un patient chez un spécialiste par un médecin généraliste est peu évoqué en France mais il est institutionnalisé puisque c'est le principe du médecin traitant (ICI). 
La CPAM, probablement pour limiter l'accès direct au spécialiste (pour des raisons qui semblent être économiques, évitez des consultations inutiles, raisons que le patient a un peu de mal à comprendre, il faut d'abord payer une consultation chez le médecin généraliste pour qu'il écrive une lettre afin de consulter un  médecin spécialiste qu'il paiera encore) a donc institué le principe du médecin traitant adressant pour que le malade soit le mieux remboursé possible. Un rapport de l'IGAS de juin 2012 (LA) (1) n'est pas très convaincu par la mesure : Quant au médecin traitant, ce dispositif n’a pas permis de structurer en profondeur le recours aux soins66, même si 90 % de la dépense en honoraires médicaux sont désormais réalisés dans ce cadre. 

Je pensais qu'à l'étranger et pour d'évidentes raisons économiques le phénomène serait plus étudié qu'en France. J'ai été déçu bien que des études existent mais elles sont plus théoriques qu'explicatives.
En pays anglo-saxons, l'adressage est étudié en terme de fréquence (ICI). De cette dernière étude comparative entre GB et EU j'extrais ceci : Among patients who visit their primary care physician, about one in three patients in the United States are referred to a specialist annually compared with one in seven in the United Kingdom. Our data do not provide information on whether the US rates are too high or the UK rates are too low. Nevertheless, the twofold difference in referral rates held true for the healthiest as well as the sickest patients. Disposons-nous de tels chiffres en France ? S'agit-il d'un malade sur trois qui est adressé annuellement à un spécialiste comme aux EU ou un sur sept comme en GB ? 
En analysant une étude américaine de 2012 j'ai pu, au delà des différences de système de santé, relever un certain nombre de points qui intéressent les chercheurs américains et qui pourraient être source de réflexion en France et, pour le coup, dans notre réflexion sur la Refondation. Aux EU le taux d'adressage a presque doublé entre 1999 et 2009 (ICI) passant de 4,8 % à 9,3 % par consultation de patient ambulatoire. L'étude souligne le coût important de l'adressage par rapport au non adressage en tenant compte  des différentes pathologies mais sans conclure sur l'efficience des attitudes, adresser ou pas (2). Les auteurs précisent que l'on dispose de peu de données sur les raisons des disparités de taux d'adressage entre médecins mais que cela mériterait d'être étudié car l'adressage est une des principales causes d'augmentation des dépenses de santé. (3)

Une étude britannique analysant la littérature internationale existante et datant malheureusement de 2000 (LA) rapporte qu'en GB des variations dans l'adressage des patients vont de 1 à 20 avec des coûts hospitaliers (nous sommes en GB où les spécialistes sont hospitaliers) variant de 1 à 10. Les 4 variables explicatives retenues dans l'analyse de la littérature ont été : les caractéristiques des patients, les caractéristiques des cabinets, les caractéristiques des médecins généralistes et la possibilité  d'accès aux spécialistes. Les caractéristiques des patients entrent pour 40 % des variations d'adressage des patients et, de façon étonnante, les caractéristiques des MG ne correspondent qu'à 10 % des variations. Plus en détail, et sous réserve de la qualité des données, parfois de petits échantillons, l'âge, l'expérience des MG  ou leur appartenance ou non à une société savante n'ont pas d'influence (sauf dans une étude finlandaise), les pathologies rencontrées non plus (les plus forts adresseurs adressant dans toutes les pathologies), pas plus que les caractéristiques des cabinets (nombre d'associés, importance de la clientèle, localisation géographique -urbaine / rurale, proximité d'un hôpital) ou la couverture sociale des patients. Paradoxalement, les médecins intéressés a priori dans une spécialité adressent plus dans cette spécialité.

Au bout du compte, cette étude n'arrive pas à déterminer les raisons des variations des taux d'adressage mais, surtout, ne sait pas déterminer la pertinence de ces adressages par rapport à la catégorie de l'adresseur (gros, moyen ou faible). Des auteurs ont retenu le  pourcentage d'adressages pertinents ou d'adressages non justifiés.  D'autres ont voulu considérer que le sur adressage était moins "grave" que le sous adressage, d'autres encore que c'était le retard à l'adressage ou pas d'adressage du tout qui faisait la différence. Sans succès.  Des critères objectifs ont été recherchés pour quantifier cette pertinence (le nombre de diagnostics, la valeur prédictive positive, la concordance entre MG et spécialistes), mais aussi pour tenir compte de la satisfaction de l'adresseur, du patient et du destinataire, tout ceci dans la perspective de mettre au point des référentiels d'adressage. Pour l'instant, rien de probant n'a été démontré, notamment quant à l'intérêt de ces référentiels ou guide-lines. Un des biais concernant la quantification de la pertinence de l'adressage vient, à notre avis, de ce que l'adresseur ne recherche pas toujours un diagnostic mais parfois un simple avis, un renforcement positif par rapport au malade, une adaptation thérapeutique, une façon "élégante" de se débarrasser d'un patient difficile ou, à l'inverse, la demande  d'une prise en charge commune.

Le dernier point souligné par cette étude, décidément très riche, est l'aspect psychologique, les variations d'adressage pouvant être expliquées par la personnalité des médecins adresseurs et il serait possible de définir un profil individuel d'adressage pour chaque médecin : entraînement, expérience, tolérance à l'incertitude, sens de l'autonomie, confiance en soi, enthousiasme... Sans compter ce que dit Dowie : le processus cognitif peut expliquer les variations des taux d'adressage : confiance en son propre jugement, conscience du risque d'événements graves, état de leurs connaissances médicales, et le désir d'obtenir l'estime de leurs collègues (4).


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L'adressage, en dehors des situations d'urgence, est par ailleurs considéré par certains médecins généralistes comme une faute, une erreur ou une preuve d'incompétence. Des Spence, le fameux généraliste écossais éditorialiste dans le BMJ, indique que La valeur de la médecine générale ne tient pas à ce qu'elle fait mais à ce qu'elle ne fait pas. Et il écrivait cela dans un article intitulé de façon provocatrice : "Are nurses better than doctors ?" (LA) où il développait l'idée, franchement antisociale, que les MG adressaient moins que les infirmières, ce qui faisait leur force (5). On peut donc interpréter la phrase de Des Spence de deux façons contradictoires pour qualifier l'adressage : 1) ne pas adresser est une façon de ne rien faire et c'est donc la meilleure solution ; 2) ne pas adresser est une façon de tout faire tout seul et c'est donc la moins bonne solution.
D'autres médecins généralistes pensent que le non adressage peut être considéré comme une perte de chance pour le patient puisque l'avis spécialisé permet d'augmenter la valeur prédictive positive et, donc, la résolution des problèmes. Un médecin qui n'adresse pas pouvant être considéré comme arrogant, inconscient ou incompétent.
Il est aussi des situations, facilitées ou induites par le statut de médecin traitant, où c'est le patient qui impose l'adressage pour de multiples raisons à un médecin qui pense que le client est roi... 
Est-on un bon médecin si l'on adresse beaucoup, moyennement ou peu ? Quand je saurais dans quelle catégorie je me situe, je répondrai...

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Quoi qu'il en soit, et ne pouvant me comparer à moi-même avec des chiffres précis, sentant que dans nombre de pathologies j'adresse moins et plus dans d'autres, difficile donc de comprendre, mais aussi que l'expérience nous apprend, me semble-t-il, à moins nous méfier des pathologies "bénignes" et plus des pathologies "graves", encore que l'argument de fréquence puisse, comme en pharmacovigilance, nous induire en erreur (comme je n' ai jamais vu de complications, cela ne peut donc pas se produire) et ne pouvant encore moins me comparer aux autres, je voudrais souligner ceci, le fruit d'une expérience unique aux urgences : Soignez vos courriers d'adressage. Ce n'est pas la peine d'en mettre des kilomètres, plus les lettres sont longues et moins l'essentiel est là, le collègue qui lit le courrier est un humain comme un autre, il a besoin d'un message clair, c'est vous le médecin traitant après tout, c'est vous le connaisseur du patient, celui qui a lu dans son passé, qui connaît le père du grand-père de la fille qui a vu le chat, c'est vous le chef, c'est vous qui recevrez les doléances du patient après, je suis resté trois heures ou plus dans le couloir à cause de votre courrier illisible, on a dû faire venir Champollion pour le décryptage, il y avait même un interne égyptien aux urgences, envoyez des courriers tapuscrits et pas des saloperies écrites à la main sur un coin de table avec une écriture de médecin qui a des comptes à rendre à son stylo, adressez des courriers qui sont faciles à lire, qui éveillent l'intérêt du lecteur, le destinataire, celui qui reçoit tellement de courriers de merdre tous les jours de la part de médecins généralistes qui s'étonnent ensuite qu'on les prenne pour des khons, respectez votre malade, respectez votre collègue,  pas seulement le cardiologue avec qui vous dînez les soirs de Rotary mais aussi l'interne des urgences qui a appris le français il y a trois jours, rappelez le traitement courant avec des posologies lisibles, le traitement non courant vous n'en savez rien, soignez votre style car c'est vous qui récupérerez le patient après l'examen au dermoscope ou après l'echodoppler veineux...
Compris ?  

Je n'ai donc pas répondu à la question de départ mais il est clair que l'adressage est une des décisions majeures et quotidiennes du médecin généraliste qu'il ne peut considérer comme banale ou sans conséquences. Cette démarche s'inscrit de façon naturelle dans le questionnement permanent en médecine générale qui est celui de l'Evidence Based Medicine où le patient a un rôle central en raison de ses valeurs et de ses préférences. 
Merci d'avance de vos commentaires.

Notes
(1) Il faudra qu'un jour nous nous interrogions sur le rôle de l'IGAS, sur ses "experts", tant en qualité qu'en intérêts, sur la porosité des rapports entre Haute Administration et IGAS et donc entre les politiques qui décident et les politiques qui contrôlent. On se rappelle cette membre de l'IGAS passée à l'Agence du Médicament et qui était là pour défendre la politique Mediator...
(2) Patients who are referred to specialists tend to incur greater health care spending compared with those who remain within primary care, even after adjusting for health status..
 (3) In conclusion, we found that referrals in the United States from PCPs to specialists grew rapidly from 1999 to 2009, with potential implications for health care spending. As federal and state policymakers consider policies for reforming the health care system, developing methods to measure referral appropriateness and using these to promote appropriate referrals may be an important strategy for controlling growth in health care spending. .
(4) Nous n'oublierons pas  non plus que les médecins spécialistes sont, en raison de la découpe académique du corps des malades, des adresseurs potentiels fréquents....
(5) Pour relire ce que j'écrivais sur le sujet : LA.

Illustration : Ludo au Québec (ICI).

dimanche 25 août 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 6 : Donner envie aux spécialistes de faire de la médecine générale.


Donner envie aux médecins spécialistes d'organes (je suis désolé d'utiliser une expression aussi connotée et, pour certains médecins spécialistes, une formulation qu'ils peuvent percevoir comme péjorative) d'exercer la médecine générale dans le cadre de leurs activités habituelles de spécialistes au niveau institutionnel et / ou libéral, n'est pas illusoire à condition que la médecine générale, refondée (et l'exercice paraît difficile, on le voit à partir des commentaires des différents billets publiés sur la refondation, tant le sujet est vaste, le traumatisme profond et l'injustice criante), soit une façon d'élargir le champ de leurs compétences.

J'ai déjà écrit ceci et LA qu'il n'était pas possible aux médecins généralistes de se passer des spécialistes d'organes pour exercer une médecine générale de qualité. Car nous nous priverions : 1) de leur expérience externe ("faire" la littérature, enseigner, étudier, discuter, et cetera...) ; 2) de leur expérience interne (leurs façons de faire, leurs techniques, l'appréciation du résultat de leurs techniques, leurs correspondants, et cetera...) ; 3) et des valeurs et préférences des patients consultant un spécialiste et l'idée qu'ils se font de ces consultations et / ou hospitalisations.

Il faut évacuer un sujet sensible et mal compris de mon discours : je ne défends pas mordicus les médecins généralistes, je défends mordicus la médecine générale exercée par des médecins conscients de ce qu'ils font. Je ne résume pas le champ de la médecine générale à un exercice, entreprise déjà tentée, je mets en avant le champ de l'activité cérébrale du médecin généraliste, c'est à dire le questionnement incessant de l'Evidence Based Medicine en Médecine Générale (EBMG) comme préalable et l'Etat d'Esprit (ou le point de vue) comme décor (Merci à martine bronner).

Je pense que nos collègues spécialistes sont conscients, au delà du sentiment de supériorité qu'ils affichent ouvertement pour les plus sots d'entre eux par rapport à leurs pratiques, mêmes ceux qui ne font (bien) que des RTU (résections trans urétrales) ou des BUD (bilans urodynamiques), ou des dialatations de l'IVA (interventriculaire antérieure), ou des poses d'endoprothèses biliaires, ou des lectures d'ECG compliqués (la liste n'est pas exhaustive mais tout le monde se reconnaîtra) à vie leur fait oublier qu'ils sont aussi des médecins généralistes, je veux dire des médecins de l'organe, de la personne et de l'environnement (OPE) (un grand salut à JF Massé) et qu'une médecine générale refondée est une chance pour leur propre exercice de leur spécialité.

Les grands problèmes médicaux soulevés ces dernières années par les médecins généralistes, et indépendamment du fait que le levier initial fut parfois du corporatisme (voir la pseudo pandémie), sont le fruit de leurs pratiques et, de leur statut, de leur façon d'être perçus par la société, par les patients (et les politiques), et de leur connaissance conjointe de la transversalité / longitudinalité de l'historique individuel.

La grande médecine triomphante, celle de l'hyper technique, se heurte à l'individu plongé dans une société qui lui fait miroiter la vie éternelle, la vie sans douleur, la vie sans contrariétés et qui ne peut faire que des sur promesses sources de désillusions. Et où finissent par se retrouver les patients déçus de la société ? Chez leur médecin généraliste qui, souvent, n'en peut mais.

La course à l'ego touche tout le monde mais les spécialistes sont plus stratégiquement contaminables puisqu'initiateurs des prescriptions et plus facilement introductibles dans les instances décisionnelles des Agences et des Gouvernements. Les spécialistes sont flattés pour être le relais des politiques marketings des firmes d'abord en local (les correspondants) puis en locorégional (les réseaux), puis au niveau national (participation aux comités Théodule ou aux Agences gouvernementales) où c'est la nomination qui rend expert mais non les travaux publiés auparavant et à l'international pour les anglophones. Comment résister ?

Et nous entrons dans le domaine de la corruption généralisée de la médecine, ce que Peter Götzsche appelle le Crime organisé. Corruption des institutions, corruption des politiques, corruption des professionnels, corruption des entreprises... Qui a commencé ? Il existe un  lobby politico-administrativo-industriel qui empêche de voir, d'entendre et d'écouter. Il existe un lobby qui crée des experts bien pensants (voir la fabrique des experts ou Expert Mongering) qui font la pluie et le beau temps pour le bien-être des populations soumises.

Et donc, le lobby nous dit que le dosage du PSA doit être individuel et non collectif, que la mammographie est un des Beaux-Arts, que le Pandemrix est sûr, que les vaccinodromes étaient l'avenir de la médecine, que les examens périodiques de santé servent à quelque chose (1), que les benzodiazépines à longue demi-vie sont dangereuses, que la pilule oestro-progestative est moins thrombo-embolique que la grossesse...

La médecine générale est la chance de la médecine de spécialité si la Refondation se fait.
La médecine générale est la chance de la médecine de spécialité si le Bon Esprit de la médecine générale (EBMG et Etat d'esprit) élargit le champ des compétences des spécialistes.
La médecine générale est la chance de la médecine de spécialité si les médecins généralistes cessent d'être soumis statutairement aux diktats des experts.
La médecine générale est la chance de la médecine de spécialité si les médecins généralistes haussent la qualité des informations qu'ils délivrent à leurs collègues...

Vaste programme.


Notes :
(1) On aimerait qu'une CPAM invitât un expert pour faire un exposé sur l'inutilité des examens périodiques de santé, ce qui montrerait qu'elle peut, elle-aussi, lutter contre le lobby mais dans le champ de ses compétences...

PS du 18 janvier 2020 : le BMJ se penche sur la question : ICI

Illustration : Häuser in Unterach am Attersee, 1916, by Gustav Klimt

vendredi 16 août 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 5 : vers la Sécession.


Après seulement 4 billets sur la refondation de la Médecine Générale et en pleine période estivale où l'audience est moins soutenue que d'habitude, je me rends compte de l'inanité d'une telle entreprise et les commentateurs que je remercie vivement sont aussi désolés que moi. J'avais prévu de développer sur nombre de sujets concernant à mon sens la médecine générale, et il n'est pas exclu que je le fasse, mais j'ai l'impression d'aligner des truismes, d'accumuler des évidences et de parler dans le désert.
La médecine générale que nous avons envie de pratiquer (et ce nous est informel et contient toutes les expériences personnelles) ne nous a pas été enseignée, ne continue pas à être enseignée et ne le sera jamais dans le contexte actuel.
Le contexte actuel est connu : les Facultés de Médecine ne préparent pas, dans les années de formation, à exercer la médecine mais à passer l'Examen Classant National (ECN) qui permettra aux gagnants de devenir des spécialistes et, au pire, des ultra spécialistes d'organes ou de sous-organes, et aux perdants d'être des médecins généralistes non formés au terrain sociétal.
Le contexte actuel est connu : la Société (on excusera ce terme générique) veut médicaliser la vie en se servant des médecins comme des instruments zélés et obéissants ce cette ambition totalisante et consumériste. Les médecins (pardon pour cette généralisation qui choquera certains mais qui se fonde sur les chifres de vente de certains médicaments ou sur le nombre de prescriptions d'examens complémentaires) participent allègrement à cette perversion de la médecine, acceptant d'être des "opérateurs", des facilitateurs, des prescripteurs, des artisans de la remédiation, des roues de secours pour réintégrer les salariés et autres dans le circuit productif ou des enfants dans le circuit éducatif, voire des tueurs dans le cas de l'euthanasie active...
Le contexte actuel est connu : le consumérisme médical est entretenu, voulu, au nom de la croissance, au nom du CAC 40, au nom de la santé des cabinets médicaux, des centres de santé ou de la CNAM sous le regard bienveillant de l'industrie (les médicaments et les matériels) qui conduit en sous main (et n'y voyez pas un complot) la commercialisation et la vente des médicaments et des matériels. 
La contexte actuel est connu : la médiatisation de la médecine consumériste fondée sur le désir du bonheur absolu, de l'hédonisme, du recul de la mort, est entretenue par la télévision où les journalistes vedettes et médecins tels MC et JDF surfent sur la vague en invitant les professeurs les plus pervertis et en soutenant les campagnes de l'Eglise de Dépistologie  avec un zèle touchant et trébuchant (comme les espèces).
Le contexte actuel est connu : les patients veulent être entendus et font tout pour l'être, cédant parfois aux sirènes des subventions de l'industrie, des agences de communication, changeant de médecins quand le médecin refuse de se laisser faire et de laisser entraîner dans les délires hédonistes, considérant non l'organe malade mais le patient malade et magnifiant des charlatans qui les "écoutent" et leur promettent des lendemains qui chantent.
Le contexte actuel est connu : les services hospitaliers sont devenus des lieux d'hyperspécialisation où les spécialistes du ménisque gauche du genou droit opèrent sans avoir parlé au patient et chronomètrent leurs interventions pour tenter de battre des records... A quoi cela peut-il bien servir que d'avoir passé l'ECN si c'est pour dilater à vie l'interventriculaire antérieure ?
Le contexte actuel est connu : faire disparaître les médecins généralistes (je n'ai pas dit la médecine générale qui sera toujours "pratiquée" à la va-vite, comme Monsieur Jourdain pratiquait le prose sans le savoir, ou à la va-comme-je-te-pousse) qui contestent en tous domaines les diktats de la Faculté et les remplacer (délégation des tâches) par des officiers de santé à la Charles Bovary.
Je m'arrête là.

La Sécession semble être une solution.
Je parcourais hier, à la suite d'une discussion sur twitter (@docdu16), le site du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE, ICI) que j'ai souvent critiqué pour ses molles positions sur la vaccination, sur les dépistages du cancer du sein et de la prostate, entre autres, et, à ma grande surprise, je me suis rendu compte que sur nombre de sujets et de commentaires, ils étaient à cent lieues de la politique officielle de la Faculté de Médecine. Et que cela ne changeait rien.
Sécession donc pour ne pas nous laisser dicter nos conduites par des universitaires véreux qui "croient" aux dépistages multiples et variés, ne pas nous laisser dicter nos conduites par la CNAM qui "croit" aux bilans systématiques de santé (privatisés par ailleurs), ne pas nous laisser dicter nos conduites par des enseignants académiques qui délivrent des messages scientifiques erronés en raison de leur ignorance, de leur cupidité et de leur soif de pouvoir. 

La Sécession, donc. 
Et maintenant : comment l'organiser ?
Nous disons oui à tout et à tout le monde.

(Image : Le Palais de la Sécession à Vienne (Autriche) de Joseph Maria Olbrich - 1897)

mercredi 14 août 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 4. L'enseignement de la médecine ne prépare à rien et encore moins à la médecine générale.


(Je me rends compte en regardant les commentaires des billets précédents que cela part dans tous les sens.
Tant mieux.)
Je suis en vacances en famille et ma nièce prépare l'ECN (Examen Classant National). Elle a emporté 34 kilos de bouquins.
Je jette un regard distrait sur la pile des livres.
Je l'interroge sur les spécialités les plus recherchées, ce qui me rend rêveur : orthopédie en premier...
Elle fait une prépa qui coûte une fortune à ses parents.
Les cours ne sont pas sur internet car il faut bien faire du business avec les conférences, les ventes de polycopiés, de livres.
Cela me rappelle l'internat, les confs, les sous-colles, les polycopiés, les années d'il y a longtemps.
J'attrape le bouquin de Dermatologie écrit par le Collège des Enseignants. Je réfléchis et je sélectionne deux sujets qui m'intéressent a priori parce que c'est une interrogation assez fréquente en médecine générale. Erysipèle et Mélanome cutané.
Cela me rappelle encore plus furieusement les questions d'internat de ma jeunesse (cela devait être en 1976). Comme c'est "moderne" il est écrit en début de question : "Objectif pédagogique" et l'objectif pédagogique est creux et sans intérêt. Je parle du point de vue d'un médecin généraliste. Mais du point de vue d'un spécialiste, c'est pas mieux.
Erysipèle : c'est une longue bouillie verbale où les arguments de fréquence sont oubliés, où tout est placé sur le même plan, les tableaux graves comme les tableaux légers. Enfin, c'est 34 ans de pratique de l'érysipèle en médecine générale qui me le fait dire. C'est non seulement une bouillie mais un catalogue sans queue ni tête, une sorte d'accumulation à la Arman (désolé, ce n'est pas dans le programme) et j'imagine l'impétrant qui n'a jamais vu un érysipèle de sa vie et qui, lorsqu'il en verra un pour la première fois à l'EHPAD du coin, envisagera d'emblée l'amputation.
Mélanome. C'est du lourd : tout médecin doit savoir diagnostiquer un mélanome à temps... et cetera. Bon, c'est encore un catalogue, c'est plutôt bien structuré, il y a des digressions académiques sur un peu tout et n'importe quoi et sur cette masse de mots, on finit par découvrir celui de dermoscope. En passant. Les dermatologues ne doivent pas utiliser de dermoscope, les dermatologues ne doivent pas s'être formés à la dermoscopie, les médecins qui ont rédigé le truc ont dû recopier les questions d'externat de Claude Bernard. C'est nul.
J'attrape un bouquin d'Urologie moins épais signé par un certain H. Goncalves qui serait un médecin qui a été bien classé à l'ECN. Les tumeurs de la prostate occupent les pages 37 à 49. J'ai l'impression que je connais deux ou trois trucs sur le cancer de la prostate (voir ICI ou LA). Cette question est un florilège de khonneries. Je souligne.
Vous voulez des exemples ? En italique, c'est écrit dans le marbre.
 Dosage du PSA : 
Dépistage individuel  recommandé par l’AFU (pas de mentions d’autres recommandations contraires)
But du dépistage : diminution de la mortalité
Pour tous les hommes entre  50 et 75 ans si espérance de vie supérieure à 10 ans
Normal, n’élimine pas le cancer, à renouveler de façon annuelle
Anormal (TR ou PSA) implique la réalisation de biopsies prostatiques.
Et après il y a des gens qui accusent les médecins généralistes de doser le PSA ! Nul doute que l'AFU sélectionne les urologues avec bienveillance... 
J'ai eu beau chercher le mot sur diagnostic, je n'ai pas trouvé.

On se résume : le peu que j'ai consulté des documents de préparation à l'ECN sont de la daube en cubi. Et j'imagine ce que j'aurais découvert en regardant Cancer du sein ou Vaccination contre le papillomavirus.

J'apprends aussi qu'à la Pitié-Salpétrière il existe en fin d'études 10, j'ai bien dit 10, maîtres de stages en médecine générale. Que certains stages, comme en 1972 quand j'ai commencé médecine sont de la daube en conserve (avariée) et que l'on apprend ni la médecine ni la médecine générale.
Passons sur le fait que la majorité des profs utilisent des diapositives issues directement de Big Pharma (ils n'enlèvent même pas la marque...).

La médecine générale n'est donc pas une spécialité.
Je le savais.

La médecine universitaire est sclérosée (les mêmes questions d'internat qu'il y a plus de 30 ans), pourrie (sponsorisée par Big Pharma), malhonnête, anti scientifique et ne prépare à rien sinon à la recréation et la reproduction des "élites" dont la caractéristique principale est l'illettrisme médical (ICI).

Bon. On refonde quand ?

(Illustration : Accumulation - Arman (Pierre Fernandez) : 1928 - 2005)

dimanche 28 juillet 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 3. Peut-on exercer la médecine générale en se passant de spécialistes d'organes ?


Il n'est pas possible d'exercer la médecine générale sans demander des avis et / ou adresser des patients à des médecins spécialistes (d'organes). Sans compter les malades qui s'adressent tout seuls, soit dans le cadre de la "vraie" urgence, de l'urgence différée ou de l'urgence perçue.
Ma réponse est donc claire : la médecine générale a besoin de spécialistes. Mais c'est "ma" conception de la médecine générale, enfin, une de mes conceptions. Je lis les commentaires du billet précédent (Réflexion 2, Défendez votre territoire, ICI) et notamment celui de Bleu Horizon : "Pour ma part ce n est pas la medecine générale qui se voir définir son périmètre de compétence mais bien la medecine générale qui doit définir les situations qui nécessitent un recours aux spécialistes." Et de proposer le système suisse de formation (que je ne connais pas et qu'il nous définit dans un message suivant). m bronner nous parle d'une médecine générale centrée sur le patient et m (?) écrit ceci "Il ne s'agit pas d'exclure le spécialiste etc. Il s'agit de décrire ou définir une réelle spécialité qui n'est pas un entassement de vulgarisations de spécialités d'organes mais bien une autre spécialité; comme une synthèse et un équilibrage. En fait ce serait la définition d'un "état d'esprit"de médecine générale qui part tout simplement d'un autre point de vue, exemple du peu que je connais en tant que patiente et écoutante d'autres patientes", pr mangemanche écrit à propos des spécialités d'organes "Ce sont elles qui devraient être définies par une réduction, par une soustraction au concept de médecine." et il ajoute "Les généralistes doivent s'emparer de l'exercice médical dans son entier, des procédures usitées dans les spécialités. On reconnaît un bon spécialiste à sa faculté à s'intégrer dans la prise en charge médicale globale= générale du patient, c'est-à-dire la prise en compte de critères cliniques dans les décisions, la hiérarchisation des priorités de prise en charge, etc..Ca vaut aussi pour les MG bien sûr..!"
certes aussi et CMT écrit ceci :"On peut rêver à ce qu'aurait pu être une médecine enseignée, non pas seulement par des généralistes, mais d'un point de vue généraliste."
On en revient donc, inlassablement, à la formation initiale. Je retiens provisoirement deux choses : la médecine générale serait un état d'esprit et un point de vue. Et aussi : l'élargissement du champ des compétences du spécialiste d'organe (et je crois qu'il va falloir abandonner cette désignation que les dits spécialistes d'organes trouvent offensante) vers la médecine générale est l'avenir de la spécialité d'organe et non l'hyperspécialisation.
Illustrons par un exemple volontairement provocateur : un hyperspécialiste de la dilatation de l'interventrivulaire antérieure est-il encore un médecin ? Ce qui compte, pour les médecins qui lui adressent des patients, le plus souvent des cardiologues, c'est sa compétence technique : diagnostiquer, poser une indication, dilater. Sauf erreur de ma part, il ne "voit" pas le patient, il ne lui parle pas, il examine la coronographie et il monte une sonde et il juge des lésions à dilater. Il peut s'agir d'un radiologue ou d'un cardiologue qui, par ailleurs, peut être un homme (ou une femme) aimable, humaniste, empathique, tout ce que l'on veut. Mais il ne fait pas de la médecine générale, je dirais même plus, il n'est plus médecin. Il raisonne en technicien, pas seulement de la dilatation, en technicien cardiovasculaire, envisageant des indices, les fameux Facteurs de Risques, mais, le malade ?

Dans un certain nombre de cas, le médecin généraliste ne peut apporter, techniquement, tous les soins exigés, demandés, nécessaires ou souhaités par le patient. Mais aussi : intellectuellement (je ne parle pas seulement de la technique de l'entretien, mais de sa façon d'aborder un problème psychologique ou psychiatrique ou de ses compétences globales sur les priorités).

Certains médecins généralistes se demandent pourquoi je suis aussi critique à l'égard des médecins spécialistes qu'ils pratiquent régulièrement et dont ils semblent être globalement satisfaits.
D'autres sont étonnés que je puisse être aussi "laxiste" à leur égard.
D'autres, la majorité sont entre les deux : ils font comme moi : contre bonne fortune bon coeur et, parfois, ils sont attirés par les relations techniques et humaines qu'ils entretiennent avec certains spécialistes.
Ce que je reproche, finalement, aux spécialistes dits d'organes, c'est qu'ils ne fassent pas assez de médecine générale.

Mes non amis spécialistes d'organes me demandent parfois pourquoi je leur en veux tant. Eux-aussi, pensent-ils, placent le patient au centre de leurs préoccupations. Et je n'en doute pas.
Mes amis spécialistes d'organes savent intuitivement qu'ils n'exercent pas la médecine générale car ils connaissent ma pratique qui est très différente de la leur. Ils savent beaucoup de choses en dehors de leur spécialité mais ignorent parfois les interactions médecine milieu et surtout les véritables problématiques de prise en charge d'un patient qui a une famille, qui travaille, qui a des opinions sur tout. 

La question qui se pose désormais est celle-ci : la médecine générale est-elle seulement une discipline intellectuelle et manuelle ? Sans instruments ou presque. Ou alors : faut-il s'instrumentaliser avec le risque, non négligeable, d'être moins bon techniquement qu'un spécialiste d'organe ?

Nous avons vu lors de la Réflexion 2 (ICI) qu'il était nécessaire de défendre son territoire (celui de la médecine générale).
Défendre son territoire, est-ce pratiquer des ECG chez tous les patients "cardiovasculaires" de sa patientèle ?
Défendre son territoire, est-ce pratiquer des frottis chez toutes les femmes de sa patientèle ?
Défendre son territoire, est-ce pratiquer des EFR à tous les patients "pneumologiques" de sa patientèle ?
Défendre son territoire, est-ce se former à la dermoscopie, acheter un dermoscope et pratiquer des examens sur tous les patients à risques de sa patientèle (et les autres) ?

Nous sommes au coeur du débat.
Un bon médecin généraliste est-il celui qui en fait autant que le spécialiste ? Ou qui fait son boulot ? Ou qui tente de le faire ? Ou qui a la prétention de techniquement le faire aussi bien que lui ? Personnellement, je n'y crois pas.

Les 4 questions que je pose sont évidemment à interpréter en fonction du contexte : densité médicale, proximité de spécialistes et / ou d'institutions, rémunération des actes. Mais aussi : copinage et / ou intérêts financiers.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de tout faire, ce serait inhumain et, en l'état actuel des choses, non rentable. Ce qui compte, me semble-t-il, c'est d'inscrire la démarche de prise en charge du patient dans le cadre de valeurs qui, dans l'idéal, seraient partagées par le spécialiste à qui l'on adresse le patient. Mais c'est rarement possible pour de multiples raisons : le nombre de spécialistes qui lisent Prescrire, qui lisent Cochrane ou qui consultent Minerva, par exemple, est étonnamment faible ; parce que ce n'est pas fait pour eux à l'origine. En réalité les articles de Prescrire, par exemple, sont faits pour être lus par des spécialistes dans les domaines où ils ne le sont pas. En revanche, et nous pourrons y revenir, les spécialistes peuvent trouver des imprécisions ou des erreurs dans des articles écrits par Prescrire dans le cadre de leur spécialité...

Prenons un seul exemple, celui des maladies chroniques. Il est des malades (et je remercie DB pour sa contribution involontaire) que seul un spécialiste peut gérer (en collaboration avec le médecin généraliste). Car la rareté de la maladie ou la rareté des difficultés que l'on rencontre dans une maladie fréquente, impose une connaissance à la fois quantitative et qualitative de ces problèmes.

Nous aborderons un problème crucial : le taux d'adressage aux spécialistes par le médecin généraliste.
Mais auparavant, intéressons nous à l'enseignement de la médecine générale : ICI.
A suivre.
(Video : crédit : Mayo Clinic).