mardi 22 décembre 2020

Jour 22 des pratiques médicales françaises et internationales non fondées sur des preuves : la prévention et le dépistage.

L'Eglise bicéphale de Préventologie et de Dépistologie nous a fait croire pendant des années que l'allongement de l'espérance de vie était un phénomène irrémédiable et continu.

Il n'en est rien.

L'espérance de vie est stagnante dans les pays développés et elle régresse même dans certains groupes sociaux aux Etats-Unis d'Amérique comme au Royaume-Uni.

Le cas états-unien est tout à fait démonstratif car ladite crise des opioïdes a touché l'espérance de vie des blancs de la classe moyenne et ce ne sont pas les mauvaises conditions d'hygiène ou le niveau socio-économique qui l'ont entraînée mais l'idéologie (préventive) du zéro douleur, la prescription de médicaments et l'attrait du profit de laboratoires voyous et de médecins corrompus.

On aurait pu se douter de cette future stagnation de l'espérance de vie en lisant un article de 1988 (ICI) qui indiquait que l'élimination du cancer en Suède entre 15 et 65 ans allongerait la vie de 7 mois seulement.

Quant à l'espérance de vie en bonne santé, elle se détériore en France alors même que l'espérance de vie n'augmente plus.

Nous avons vu au Jour 1 de l'Avent qu'aucun essai contrôlé de qualité n'avait montré que le dépistage des cancers diminuait la mortalité globale (LA).

On peut même dire que la prévention en général ne sert pas à grand chose puisque l'espérance de vie à la naissance dans les pays riches approche celle de la longévité biologique.

On pourrait ajouter, comme McCormick et Skrabanek que "les mesures préventives ont plus de chances d'être efficaces quand elles ne reposent pas sur une modification des comportements des individus eux-mêmes." l'exemple du paludisme est édifiant : c'est la démoustication qui a entraîné la plus grande baisse de la mortalité, pas le fait de dormir sous des moustiquaires ou de prendre des médicaments prophylactiques.

Rappelons la phrase magnifique de David Sackett :

La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations.

Enfin, pour rire, et de façon datée, voici ce qu'écrivait GS Myers cité par Zola IK in "Medicine as an institution of social control" (1975), pour tracer le profil idéal de l'individu à faible risque coronarien : "un employé municipal ou par exemple un embaumeur, efféminé, totalement dénué de vivacité physique ou mentale, sans énergie et sans esprit de compétition... Il aurait peu d'appétit, se sustenterait de fruits et de légumes, de maïs et d'huile de baleine, détesterait le tabac, refuserait avec mépris radio, télévision et automobile. Sa chevelure serait abondante, son allure efflanquée et non athlétique, bien qu'il exerce sans cesse ses frêles muscles... et cetera" ; et ce qu'écrivait Howard en 1983, "un nain de sexe féminin, au chômage, faisant de la bicyclette, maigre, en pré-ménopause, hypo lipidique et hypobetaprotéinémique, vivant dans une pièce surpeuplée de l'île de Crête avant 1925, et se nourrissant de céréales entières, d'huile de tournesol et d'eau."

Nul doute que nos préventologues actuels trouveraient un profil plus adéquat et plus moderne en y ajoutant nombre d'examens de dépistage pour rythmer cette vie trépidante.

lundi 21 décembre 2020

Jour 21 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non validées par des preuves : la prise de la pression artérielle avec un tensiomètre manuel.

La généralisation des tensiomètres électroniques a rendu obsolète la mesure de la pression artérielle avec les sphygmomanomètres manuels tant la synchronisation oeil main est subjective.

Nous ne disons pas que la grande imprécision de la mesure avec un appareil manuel rend précises et non critiquables les trois mesures effectuées en consultation avec un tensiomètre électronique validé mesurant la pression artérielle au bras. Non.

Nous ne disons pas non plus que les trois mesures successives à une minute d'intervalle conduisent à des décisions "justes" qui seraient "objectives", opposables et"vraies". Non.

Nous disons que mesurer la pression artérielle avec un tensiomètre manuel n'est plus possible quand il s'agit de décider si un patient est ou non hypertendu (et ce n'est pas le sujet ici de discuter des valeurs d'entrée dans le monde merveilleux des hypertendus, nous ferons cela un autre jour), de décider s'il faut ou non intensifier ou, au contraire, diminuer un traitement anti hypertenseur, mais nous le disons quand même.

La pratique des automesures par le patient ou par le sujet avec un tensiomètre électronique validé mesurant la pression artérielle au bras matin et soir et pendant trois jours consécutifs entre aussi en ligne de compte pour prendre des décisions dans les deux cas cités au paragraphe précédent. 

Qu'on se le dise.

dimanche 20 décembre 2020

Jour 20 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : les dépistages organisés des cancers.

Est-ce quels dépistages organisés des cancers sauvent des vies ? La réponse est : non.

Nous avons déjà donné l'exemple du cancer du sein (ICI).

L'exemple du cancer de la prostate : le dépistage organisé par le dosage du PSA chez les hommes au delà entre 50 et 70 ans ne sauverait pas de vies (je parle au conditionnel car le dépistage organisé n'a jamais été institué).

Le dépistage organisé du cancer du colon par la pratique de la recherche de sang dans les selles ne sauve pas de vies : j'ai longuement exposé les tenants et les aboutissants de tout cela ICI.

Plus généralement

Il faut encourager les soignants à être francs sur les limites du dépistage -- les dommages sont certains, mais les bénéfices en termes de diminution de la mortalité totale ne le sont pas. Refuser le dépistage peut être un choix raisonnable et prudent pour de nombreuses personnes.

Nous appelons à de meilleurs critères de preuves, non pour satisfaire à des critères ésotériques, mais pour rendre possible une prise de position partagée raisonnable entre médecins et patients. 

Comme le dit souvent Otis Bradley (American Cancer Society) : "Nous devons être honnête à propos de ce que nous savons, de ce que nous ne savons pas, et de ce que nous croyons simplement."

Enfin, pour les sceptiques, rappelons que le dépistage se fait chez des personnes saines et que les comparaisons ne se font pas contre rien mais contre le suivi régulier des personnes et des patient.e.s 


samedi 19 décembre 2020

Jour 19 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : les bêtabloquants en première intention dans le traitement de l'hypertension.

L'utilisation d'un bêtabloquant ne se justifie pas en première intention pour traiter l'HTA d'un patient sans autre comorbidité.

La HAS le dit en 2016 (ICI)

Les interprétations des recommandations de l'ESC/ESH publiées en 2018 sont différentes selon que l'on se réfère à Cardio online (LA) ou à la Revue Médicale Suisse (ICI) mais les bêtabloquants peuvent quand même être utilisés en association (après échec des autres associations) et a fortiori s'il existe des comorbidités cardiovasculaires (maladie coronarienne, postinfarctus, insuffisance cardiaque ou fibrillation auriculaire) ou un terrain particulier (femme ayant un désir de grossesse). 

Pour le reste : non.

Nous reviendrons un jour sur le problème des seuils d'intervention pour traiter l'HTA.


vendredi 18 décembre 2020

Jour 18 des pratiques médicales répandues françaises et internationales et dont le rapport bénéfices/risques est défavorable : le diclofénac/Voltarène.

L'utilisation des formes orales de diclofénac (nom de marque Voltarène) mais aussi d'aceclofénac/Cartrex) n'a aucune justification en première intention dans le cas où il est indiqué d'utiliser un anti-inflammatoire non stéroïdien ou d'utiliser un antalgique de palier 1.

Il existe en effet un surcroît de risques cardiovasculaires avérés même si la molécule est utilisée pendant des périodes courtes (30 jours).

Il existe des possibilités parmi les AINS (ibuprofène et/ou naproxène) et bien entendu la paracétamol en cas d'utilisation dans des buts antalgiques.

L'ANSM le disait en 2018 (ICI) et La Revue Prescrire l'a rappelé en 2020 (LA).

jeudi 17 décembre 2020

Jour 17 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : le traitement pharmacologique de l'énurésie primaire.

Trois médicaments sont utilisés en France : la desmopressine en première intention et, en deuxième intention, les imipraminiques et, encore un peu en retrait, les anticholinergiques.

Une méta-analyse Cochrane de 2002 (comportant des essais de faible niveau de preuves) indiquait une amélioration significative du nombre de nuits sèches (-1,34 jour/semaine) et une meilleure capacité à obtenir 14 nuits sèches dans le groupe desmopressine vs le groupe placebo mais aucune différence entre les deux groupes à l'arrêt du traitement : ICI.

En 2017 une méta-analyse Minerva analysait d'ailleurs une stratégie de retrait de la desmopressine avec comme conseil de faible niveau de preuves de diminuer progressivement les doses.

L'utilisation des imipraminiques n'a pas non plus fait la preuve de son efficacité à long terme (sans oublier les problèmes posés par l'utilisation de tels produits chez l'enfant).

Les anticholinergiques purs (oxybutynine) ont fait l'objet de peu d'essais et ont de nombreux effets indésirables.

Par ailleurs l'intervention par alarme (LA) a donné les résultats intéressants mais ne garantit à long terme que pour un enfant sur deux.

Quant aux méthodes comportementales simples (ICI), on ne dispose pas de suffisamment d'essais et il faut d'emblée envisager ses conséquences négatives sur un plan familial (querelles et investissement affectif très fort).

Certains auteurs ont proposé de mêler ces différentes interventions mais la littérature ne renseigne pas sur des niveaux de preuve suffisants.

Cet article de 2005 est, me semble-t-il, très bien écrit et très prudent : ICI, beaucoup moins affirmatif qu'un article de l'AFU : LA.

mercredi 16 décembre 2020

Jour 16 des idées médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : l'utilisation de la Metformine dans le diabète non insulino-dépendant.

La metformine (Glucophage ou Stagid en France) est recommandée par les sociétés savantes comme traitement pharmacologique de première intention chez le patient diabétique de type 2 en excès pondéral (ICI).

Mais le Collège National des Généralistes Enseignants précisait ceci en 2016  (et rien n'a changé) :

Dans un article de synthèse (1) l’intérêt thérapeutique de la metformine, qui est le traitement de référence initial des patients DT2 est contesté.

Ce principe actif :

  • N’a jamais fait la preuve de son efficacité en termes de réduction de la morbimortalité cardiovasculaire et de la mortalité totale, ni dans un essai randomisé en double insu indemne de biais (UKPDS 34 (2) et son extension (3) ne répondaient pas à cet impératif), ni dans les méta-analyses (4, 5)
  • N’a jamais démontré son efficacité dans la prévention des complications microvasculaires cliniques spécifiques du DT2 2, 6).
  • Augmente la mortalité (RR = 1,60 ; IC95 = 1,02-2,52) quand il est associé à un sulfamide versus un sulfamide seul, résultat initialement attribué à l’aléa (2), mais qui a été confirmé dans 2 méta-analyses (4, 7).

Ces données doivent conduire à n’utiliser la metformine qu’en connaissance de cause, c’est à dire pour un ratio bénéfice/risque favorable sur la seule réduction de l’HbA1c (critère intermédiaire) avec une tolérance bien évaluée.


Bibliographie

  1. Boussageon R, Gueyffier F, Cornu C. Metformin as first line treatment for type 2 diabetes: are we sure? BMJ 2016;352:h6748 doi: 10.1136/bmj.h6748.
  2. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34). Lancet 1998;352:854-65.
  3. Holman RR, Paul SK, Bethel MA, Matthews DR, Neil HAW. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89.
  4. Boussageon R, Supper I, Bejan-Angoulvant T, et al. Reappraisal of metformin efficacy in the treatment of type 2 diabetes: a meta-analysis of randomized controlled trials. Plos Med 2012;9:e1001204.
  5. Stevens RJ, Ali R, Bankhead CR, et al. Cancer outcomes and all-cause mortality in adults allocated to metformin: systematic review and collaborative meta-analysis of randomised clinical trials. Diabetologia 2012;55:2593-603.
  6. Boussageon R, Gueyffier F, Cornu C. Effects of pharmacological treatments on micro and macrovascular complications of type 2 diabetes: what is the level of evidence? DiabetesMetab 2014;40:169-75.
  7. Lamanna C, Monami M, Marchionni N, et al. Effect of metformin on cardiovascular events and mortality: a meta-analysis of randomised clinical trials. DiabetesObesMetab 2011;13:221-8.