jeudi 25 septembre 2008

EBM : LES INCERTITUDES, LES CRITIQUES ET LES RETICENCES

L’Evidence Based Medicine (EBM) : une idéologie ou une méthode ?


2) Les incertitudes, les critiques et les réticences
L’EBM, on l’a vu, c’est tenter de relever les défis de la formation continue, de l’intégration méthodique du nombre croissant des publications médicales, de l’évaluation des pratiques et de la communication avec le patient / malade.

L'EBM, c’est l’intégration à l’expertise clinique et aux valeurs du patient des meilleurs faits (ou preuves) issus de la recherche

C’est une aide à la compréhension, au diagnostic et à la décision.

C’est pourquoi s’opposer à l’EBM paraît curieux.
L' EBM, avec ses trois piliers (expertise interne, expertise externe et patient) requiert de la part du clinicien une grande exigence ce qui peut entraîner des inquiétudes chez ses tenants convaincus (pourrais-je jamais être au niveau de ces impératifs inatteignables ?) comme chez ses tenants de circonstance (comment me faire passer pour un bon ebéèmien ?) mais devrait encourager ses adversaires qui peuvent crier en montant sur la table « Vive l’EBM ! » et faire ce qu’ils veulent.
On comprend alors les inquiétudes des tenants de l’EBM mais moins de ses adversaires qui pourraient y voir une porte ouverte sur le "On fait comme d'habitude".
Tout médecin, confronté à une situation clinique et à un patient unique, devrait faire de l’EBM sans le savoir, voilà une phrase que les partisans de l’EBM n’aiment pas (car elle supprime l’exigence) et que ses détracteurs apprécient (parce qu’elle simplifie la tache).
Parce que la méthode EBM implique des contraintes. Les « scientifiques » se voient accuser de privilégier l’expertise externe (et surtout les essais contrôlés) et les artistes de privilégier l’expertise interne (l’intuition libre).

La difficulté fondamentale de l’EBM vient de ce qu’il existe une double relation asymétrique :

- entre l’expertise interne et l’expertise externe d’une part (il est toujours possible de soupçonner l’expertise externe « objective » de dominer a priori l’expertise interne « subjective » et surtout d’induire qu’il existe toujours des « preuves » applicables méconnues susceptibles d’infirmer l’expérience du praticien)

- et entre l’expert praticien et le patient / malade soigné potentiel (dont la seule expertise est sa demande, la façon dont il la vit et le contexte de ses valeurs et de ses préférences – sans compter ses agissements).

Mais le principal problème est : le médecin praticien doit arbitrer entre ces trois angles de vue afin de prendre une décision qui soit le plus en accord avec l’Etat de l’Art et celui de la société dans laquelle vit, pense et agit son patient. On le voit, la véritable asymétrie vient de ce que le praticien est juge et partie et peut se croire le maître du monde en se servant consciemment ou inconsciemment de la méthode EBM).
Dernier problème (et non des moindres) : s'il existe un consensus sur les deux premiers piliers, la partie patient / malade est extrêmement négligée par la littérature. Nous y reviendrons.
EN CONCLUSION : L'EBM définit un cadre théorique dans lequel le praticien se doit de s'intégrer pour pratiquer une médecine "moderne", c'est à dire informée et pratique. En quoi cela pourrait-il être gênant ou contraignant ? Chacun peut y voir une incitation à "mieux" diagnostiquer, prescrire, améliorer le contact avec ses malades.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

2008-2012 : 4 ans ! Mon commentaire arrive bien en retard ! Et c'est tant mieux, puisqu'il se propose juste de signaler un article d'Élie Azria paru le 26 juin 2012 et intitulé "L’humain face à la standardisation du soin médical".

On y lit ainsi :
"Oubliant sa mission de former les praticiens et de leur garantir une certaine autonomie critique face à une connaissance scientifique difficile à manier, l’EBM est rapidement devenue le nom générique d’un système producteur et prescripteur de normes médicales et est ainsi devenue l’instrument de cette volonté de standardisation des pratiques soignantes".
Et aussi : "Il apparaît aujourd’hui assez clairement que les objectifs n’étaient autres que la mise en place de dispositifs de gestion de la santé d’inspiration néolibérale empruntés au secteur industriel et aux théories du New Public Management [4]. Pour gérer la santé au même titre que tout processus industriel, il fallait être en mesure de standardiser les pratiques en instaurant une approche procédurale du soin, et pour ce faire de disposer, vis-à-vis des soignants, d’une base solide et convaincante.
"http://www.laviedesidees.fr/L-humain-face-a-la-standardisation.html#nh9
Que le Dr Azria soit gynécologue obstétricien n'est pas peu important en l'affaire : http://www.laviedesidees.fr/_Azria-Elie_.html