lundi 28 mars 2011

DIABETE : LA TECHNOCRATIE MEDIATIQUE EN MARCHE

Préambule : Voici le cheminement de ce post :
Je reçois la lettre d'information du docteur H Raybaud que vous pouvez consulter ICI. Parmi les têtes de chapitres, je trouve un commentaire sur le diabète qui me renvoie à un site qui s'appelle ESCULAPEPRO.COM que vous pouvez consulter ICI et dont le titre, pompeux, est Sept propositions pour faire face à l'épidémie du (sic) diabète. Article qui est lui aussi le commentaire d'un livre, Le Livre Blanc du Diabète, écrit par Alain Coulomb (ancien président de l'ANAES), Serge Halimi (endocrinologue hospitalier grenoblois) et Igor Chaskilevitch (directeur d'Edinews, une boîte de communication). Je n'ai donc pas lu le livre en question. Je commente l'article qui commente le livre. Ce n'est pas bien mais cela me suffit.

Introduction : Les technocrates à la tête des Agences Régionales de Santé (ARS) ont décidé d'appliquer les méthodes "modernes" de management à la Santé Publique. Comme ce sont des technocrates, des hauts (?) fonctionnaires et, plus fréquemment des fonctionnaires qui n'ont jamais mis les pieds dans le privé, qui ne connaissent du management que sa théorie et surtout pas sa pratique et dont l'emploi est une placardisation dorée de leur incompétence antérieure, ils osent tout et son contraire. Ils sont entrés dans une croisade néo libérale mais surtout ils s'emploient à plein temps à se médiatiser eux-mêmes et à médiatiser leurs actions sans penser une seconde qu'ils touchent à la Santé Publique qui est une structure fragile faite d'hommes et de matériels, les hommes ayant une valeur et les matériels un prix. Ces ARS sont des machins bureaucratiques dont la fonction régionale est de valoriser leurs chefs, potentats locaux qui ne risquent pas de voir arriver les forces de la coalition jusque dans son repère, mais qui sont les cache-sexe du pouvoir politique et de son bras armé dans le domaine de la Santé, à savoir la Direction Générale de la Santé de sinistre mémoire grippale. Vous remarquerez que cette fameuse DGS est épargnée par le "scandale" du Mediator, le ministre Bertrand tirant tous azimuts sauf dans sa direction et dans celle de Didier Houssin, le chirurgien aux mains nues.

Ainsi la machine bureaucratique est-elle en marche avec ses seniors, Philippe Even et Bernard Debré, ses liquidateurs, Jean-Luc Harousseau pour la HAS et Dominique Maraninchi pour l'AFSSAPS, ses contrôleurs, Frédéric Van Roekeghem et Hubert Allemand, créateurs du CAPI et de SOPHIA, ses larbins, les directeurs des ARS, ses journalistes croupions (voir La Lettre de Galilée) et ses lampistes, les anciens employés des DDAS... qui font la loi à l'hôpital comme en ville. L'hôpital, comme nous le verrons, ou plutôt les hospitaliers disent la super loi et les médecins généralistes sont encore une fois considérés comme la dernière roue du carrosse : de quoi pourraient-ils se plaindre, ils vont disparaître ?

Envisageons les 7 propositions de ce livre dont les trois auteurs résument très bien la politique de Santé Publique française : le technocrate, le patron hospitalier et le communicant.

1. Inventer pour réduire l'impact du diabète. La première phrase est assez gratinée : Il est primordial d'inventer une nouvelle offre de soins pour les 2,5 millions de patients pour lesquels l'hôpital n'est pas un passage obligé.
Le trio part donc du principe que tout diabétique doit, devra ou a dû fréquenter un hôpital ! Cela commence mal ! Et ensuite, dans une envolée sarkozyenne du plus mauvais aloi, ils parlent de façon dithyrambique des ARS, comme c'est bizarre, dont la seule fonction est de couper dans les coûts et de rationnaliser la médecine parle haut. Les ARS, grâce aux connaissances et aux expériences de terrain des professionnels de santé spécialisés dans le diabète... Qui sont-ils ? Ah oui : les diabétologues.
2. Médiatiser le diabète pour mieux le prévenir. Nous sommes en plein dans la communication pro domo. Le représentant de l'Agence de Com fait son marché ou, comme on dit, son marketing mix, en proposant des actions médiatiques qu'il facturera au prix fort en remettant une couche d'ARS et en alignant les voeux pieux comme "agir auprès des professionnels de l'agro-alimentaire". Il est possible que la médiatisation du diabète passe aussi par les publicités pour les aliments sucrés pour enfants aux heures où les enfants regardent la télévision...
3. Centrer l'organisation sur le malade et non pas sur la maladie. On touche au sublime. Après avoir convoqué les spécialistes du diabète (c'est à dire les prétendus spécialistes d'une maladie qui serait en phase épidémique, ils doivent se prendre pour l'OMS), on parle de "Projet de vie, milieu social, capacité à être autonomes, souhaits, désirs d'ordre culturels..."
Ainsi les auteurs inventent-ils le communautarisme médical : les diabétiques n'ont pas les mêmes goûts que les non diabétiques, ne lisent pas les mêmes livres, n'écoutent pas la même musique, ne regardent pas les mêmes expositions, ne zappent pas de la même façon devant leur poste de télévision... Notre trio vient d'inventer les gender studies pour diabétiques. Ouaf !
4. Améliorer la qualité de vie des malades.
Certes, comment ne pas être d'accord ? Pourquoi ne pas enfiler les perles du médicalement correct ? Et vous savez comment on améliore la qualité de vie des malades (diabétiques) ? Grâce à la télémédecine ! Je cite :"Elle devient pour le diabète un outil formidable pour prévenir l'hospitalisation." C'est tout ? C'est tout ! C'est tout pour la qualité de vie. Les auteurs ont séché. Je pourrais cependant leur souffler des idées. Ou des images. Des diabétiques en train de courir les bras en l'air dans un champ inondé de soleil en marchant sur des betteraves à sucre.
5. Orchestrer les synergies et mises en réseau des professionnels pour assurer une meilleure prise en charge des patients. Onze professionnels de santé sont cités (dont un coach sportif) et qui arrive en onzième position ? Le médecin généraliste. Vous avez envie de continuer ?
Je sens que non mais je continue quand même : pour y parvenir nos auteurs avisés proposent d'une part de renforcer les points forts de l'hôpital et d'autre part de permettre au diabétologue hospitalier ou libéral d'être au centre de l'organisation du système de soins... Et tout le reste est l'avenant.
6. Mieux former les professionnels de santé à l'éducation thérapeutique (ETP). La reconnaissance de l'ETP est une des grandes victoires des diabétologues ! Il n'y a qu'eux qui le savent. ET là, je ne peux m'empêcher, avec malice, de citer la phrase suivante qui fera plaisir aux signataires du CAPI considéré comme une avancée vers la médecine au forfait : A la ville le paiement au forfait mériterait d'être expérimenté pour les professionnels de santé qui souhaitent s'impliquer dans des actions d'ETP (après avoir été formés par les diabétologues pionniers).
7. Innover vers une recherche translationnelle et transversale commune à la majorité des maladies chroniques et explorer de nouvelles voies. Et dans ce chapitre jargonnant les auteurs arrivent à placer, comme dans un exercice de style, les mots translationnel, proximité, sciences cognitives... Pour terminer par : Les diabétologues pourraient faire des sciences cognitives leur nouveau cheval de bataille après celui de l'éducation thérapeutique.
On rêve.

Ce que je pense de cela ? Non, non et non !
Les ARS hospitalocentrisent, les ARS, spécialocentrisent, les ARS veulent recréer des réseaux qui n'ont jamais fonctionné, des réseaux hiérarchiques dirigés par l'hôpital et par les spécialistes, les ARS, forts du rapport de l'IGAS de 2006 (Améliorer la prise en charge des maladies chroniques : ICI), veulent associer l'Education Thérapeutique du Patient et le Disease Management (qui est aussi le cheval de Troie de Big Pharma) en omettant le médecin traitant (comme le rapporte fort justement et, selon moi, très maladroitement, un article de F Baudier et G Leboube : ICI). Les ARS mentent et font mentir.
Voilà une nouvelle sauce à laquelle nous allons être mangés.
celle concoctée par les diabétologues, ces diabétologues qui n'ont rien vu venir avec les glitazones, ces diabétologues qui prescrivent à tout va de nouvelles spécialités non validées, de nouvelles drogues dont le seul bénéfice est de faire maigrir les patients en baissant anecdotiquement l'HbA1C et, de toute façon, sans agir sur la morbi-mortalité.

5 commentaires:

Michel ARNOULD a dit…

Il te reste un peu de Vogalène® ???

Anonyme a dit…

Pour compléter les propos de JCG, il faut savoir que les ARS (Agences Régionales de Santé) sont inscrites dans un des volets de la Loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoire) votée en 2009 et réformant profondément plusieurs aspects de la gestion de la santé en France, notamment celle des hôpitaux, de la santé publique et des établissements publics de santé (concerne surtout les personnes âgées et handicapées). Le projet initial du gouvernement était de mettre la totalité des politiques des santé sous le contrôle des ARS. Finalement les ARS ne contrôlent qu’une partie (quelques 10%) de ces budgets. C’est heureux car elles sont très étroitement reliées au pouvoir central par un double cordon ombilical. Les directeurs des ARS, comme les préfets, sont nommés en conseil de ministres. Et elles sont aussi contrôlées par un conseil de surveillance présidé par le préfet de région. Les ARS fonctionnent par objectifs et les financements qu’elle accorde se font sur cette base. Les partenariats public privé sont présentés comme la panacée. Mais cela pose problème dans la mesure où les objectifs du secteur public et ceux du secteur privé ne sont pas les mêmes. D’un côté il s’agit de faire des profits (et rendre un service n’est en ce cas pas l’objectif mais le moyen) de l’autre côté il s’agit d’appliquer l’Etat de Droit et d’assurer l’égal accès de tous aux services. Assurer le service est dans ce cas bien l’objectif et même la mission et non le moyen.
Quand on parle d’une « épidémie » de diabète, le mot épidémie, judicieusement choisi, tend à faire croire qu’il s’agit d’une sorte de malédiction tombée du ciel, une fatalité. En réalité le lien entre la qualité de l’alimentation et le développement plus ou moins précoce et diffus de diabète dans une population est bien établi. Le lien entre la publicité télévisée et l’alimentation et entre celle-ci et l’obésité facteur de risque de diabète est aussi bien établi. Si l’on veut s’attaquer au problème de l’augmentation des cas de diabète dans la population, en particulier chez les jeunes, la mesure immédiate et évidente, totalement gratuite et indolore pour la communauté c’est la suppression de la pub TV pour des aliments hypercaloriques réclamée depuis des années à cors et à cris par tous les pontes de la nutrition.
Une telle incohérence ne s’explique que si on accepte le fait que le but de cette réorganisation et de tous les plans qui s’ensuivent n’est pas tant d’améliorer la santé publique mais de faire en sorte que le maximum de l’argent dépensé au nom de la santé profite à des multinationales de l’agro-alimentaire et aux labos pharmaceutiques.
Jean Claude Grange est lucide quand il prévoit la disparition de la médecine générale. La médecine générale n’est pas assez technique et productive de plus-value.C’est une maigre consolation mais je pense qu’elle n’ira pas seule dans la tombe : elle sera accompagnée par les services publics, l’intérêt général et, probablement par tout ce qui donne sens à la démocratie.
CMT

Anonyme a dit…

A JCG
Je me permets d'apporter une correction.
Au milieu du texte il ne faudrait pas dire :"ce livre dont les trois auteurs résument très bien la politique de Santé Publique française : le technocrate, le patron hospitalier et le communicant."
Mais:"ce livre dont les trois auteurs résument très bien la politique de Santé Publique française : le technocrate, le patron hospitalier BLINDE DE CONFLITS D'INTERETS et le communicant."
En effet je me suis rappelée que j'avais vu le nom de Serge Halimi quelque part. C'était sur la liste des 9 personnalités PARTICULIEREMENT REPRESENTATIVES EN TANT QUE LEADERS D'OPINION INFLUENCANT LE COMPORTEMENT DES POPULATIONS ET PRESENTANT DES LIENS D'INTERETS AVEC L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE EVIDENTS qui avaient fait l'objet d'un recours devant le Conseil D'Etat en 2009 par le Formindep et Que choisir, conjointement http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/12/08/recours-devant-le-conseil-d-etat-contre-les-liens-entre-medecins-et-laboratoires_1277625_3224.html
Conclusion: vous n'avez pas lu leur livre blanc: n'ayez aucun regret, vous auriez perdu votre temps.
CMT

Anonyme a dit…

Le diabétologue - endocrinologue que je ne connais a une affiche dans sa salle d'attendre (c#est un professeur exerçant en milieu hospitalier): uniquement le type 1 dépend du diabétologue, le type 2 est confie aux soins du médecins généralistes, sauf en cas de problèmes graves (qui une fois résolus revient chez son MG). Il prône aussi la perte de poids (sans faire un drame en cas de reprise et sans pression de résultat exiger) , l'exercice physique régulière tout en sachant et disant qu'il y a une différence entre le poids à avoir et le poids de "bien-être" (et c'est celui qu'on atteint en cas de régime, mais pas ou peu le poids soi-disant idéal, le IBM n'est qu'un indice et non une règle).

Suite à votre note, je crois que c'est un médecin intelligent et surtout réaliste.

Bonne soirée
CHantal

Anonyme a dit…

Bonjour,
Vous suivez de près le délire médical autour du diabète, j'aimerais bien, un jour, lire ce que vous pensez du dépistage du diabète gestationnel. J'ai lu ce qu'en dit Prescrire, mais comme toujours c'est difficile de résister à la pression d'une majorité de soignants...