lundi 8 avril 2013

Les lanceurs d'alerte désormais protégés par une loi : les résistants vont sortir du bois !


Une loi proposée par EELV vient d'être adoptée par le Parlement français.
En gros, et je reprends une phrase citée dans un article (ICI) du journal Le Monde : "le texte veut éviter que les lanceurs d'alerte soient victimes de discrimination professionnelle "pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi", à leur employeur ou aux autorités, "des faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l'environnement" dont ils auraient eu connaissance par leurs fonctions."
On est soulagés. 
Cela signifie qu'au lieu d'être vidés de leur entreprise privée ou publique les lanceurs d'alerte seront placardisés, n'assisteront plus aux réunions et toucheront leur salaire. C'est un moindre mal.
On voit que les progrès sont sensibles.

Si seulement cette loi avait pu être instaurée auparavant, que n'aurait-on pas vu ? 
Au lieu de continuer à travailler normalement dans l'administration française de nombreux hommes et femmes seraient allés rejoindre de Gaulle à Londres... pour résister. Comme Stéphane Hessel, par exemple. Ou auraient pu empêcher les convois allemands de circuler sur les rails français...
Au lieu de rester tranquillement à l'Académie des sciences, Alexandre Sakharov aurait pu résister au pouvoir soviétique et se lancer dans les samizdats ; au lieu d'écrire tranquillement des romans à l'eau de rose Alexandre Soljenitsine aurait écrit L'Archipel du Goulag.
Au lieu d'écrire des pièces de théâtre Vaclav Havel aurait pu résister aux Soviétiques et aux staliniens...
Au lieu d'aller tranquillement en Allemagne travailler chez Messerschmitt les ouvriers français auraient pu déserter le STO pour entrer dans la résistance...
Au lieu, au lieu, au lieu.

Et dire que les gens qui n'ont pas signé le ROST s'appellent eux-mêmes des refuzniks... Qu'est-ce qu'ils ont risqué sans cette loi ?

Grâce à cette loi des membres du PS auraient pu alerter leur direction sur DSK et ses pratiques sexuelles inappropriées pour briguer un poste de Président de la République...
Grâce à cette loi Pierre Moscovici aurait pu se rendre compte que Jérôme Cahuzac n'était plus médecin généraliste depuis belle lurette...
Grâce à cette loi les militants écologiques auraient pu alerter leur direction sur le bilan carbone de Madame Duflot quand elle prend l'avion pour un entretien à la télévision ou quand Monsieur Mamère fait semblant de venir en vélo à une réunion alors qu'il utilise une voiture.
Grâce à cette loi les militants de l'UMP auraient pu alerter Monsieur Woerth sur le conflit d'intérêt existant entre lui et sa femme, le Ministre du Budget et une gestionnaire de patrimoine.
Grâce à cette loi les militants du Front de Gauche auraient pu alerter Monsieur Mélenchon sur les immolations de bonzes au Tibet ou sur les atteintes à la liberté de la presse au Venezuela.
Grâce à cette loi les militants du Front national auraient pu alerter leur direction sur les propos antisémites de certains de leurs dirigeants pendant des banquets républicains...

J'espère n'avoir oublié personne.
Ah, si.
Grâce à cette loi la disparition des lanceurs d'alerte a posteriori, ceux qui ne l'ont pas fait quand ils étaient en poste, serait possible : ils auraient pu parler avant, comme le professeur Even ou le professeur Béraud... sans risquer de perdre leurs voitures et appartements de fonction...
Grâce à cette loi, des pharmacovigilants indéboulonnables auraient pu se réveiller avant que le Pandemrix n'endorme ou que le Mediator ne valvule et auraient pu ne pas dire :"Je l'avais dit mais je suis resté dans mon coin de peur d'être dérangé."

Mais j'ai aussi oublié les journalistes qui ont peur de leur ombre ou qui ne se sentent pas protégés par l'anonymat de leurs sources ou qui ne veulent pas risquer leur salaire.

Grâce à cette loi les refuzniks, les opposants de la première comme de la dernière heure, vont pouvoir dénoncer les scandales avant qu'ils n'éclatent... Ils vont aussi pouvoir poser des micros dans les bureaux, dans les toilettes, dans les chambres à coucher et adresser les bandes à Mediapart, la fin justifiant les moyens.

Quand Milan Kundera est arrivé en France pour les raisons que l'on connaît et que je ne rappellerais pas pour ne pas que l'on m'accuse d'anticommunisme primaire (et les gens auraient raison) alors que tout ce qu'il disait était écouté, que les bandes enregistrées dans les appartements des opposants étaient diffusées à la radio et dans les usines pour que les ouvriers se rendent compte de la trahison des traîtres (ce qui avait provoqué un effet contraire dans la population qui n'admettait pas cette "transparence"), il avait vu dans les journaux les images volées de Jacques Brel sortant de l'Hôpital américain avec sa compagne et son cancer, Jacques Brel traqué par le droit à l'information dicté par des paparazzi sans scrupules, Jacques Brel traqué comme un opposant des régimes totalitaires...

Cool.

Photographie : Angel Parra. Chanteur chilien né à Valparaiso. Crédit photographique : LA

PS : un article de Salman Rushdie dans le New-York Times du 27 avril 2013 qui parle de courage : ICI.

5 commentaires:

lola a dit…

On peut lancer un alerte tout à fait légitime: " attention, quand on prend de l'ibuprofène durant une gastro, il y a un risque de saignement intestinal multiplié, favorisant les hospitalisations", ou une alerte genre " ce méchant confrère a fait ça msieur, ç'est pas bien". La différence entre le discours constructif et la calomnie.

JC GRANGE a dit…

@SBK On ne parle pas de cela. les lanceurs d'alerte sont ceux qui, travaillant pour Big Pharma, révèlent que des dossiers de pharmacovigilance sont jetés à la poubelle ou que, lors d'essais cliniques, l'anonymat est levé au cas par cas pour obtenir la signification ou que des centres qui recrutent des malades pour des essais "inventent" des malades qui n'existent pas. Mais, dans le cas que vous citez il existe aussi des cliniques où le taux d'appendicectomie est dix fois supérieur à celui de la moyenne nationale : sont-ce de grands chirurgiens, des cliniques "magiques" ou des truands ?
Bonne journée.

Anonyme a dit…

« je peux maintenant citer des experts à l’appui de mon souci et personne ne viendra plus me dire que je lis trop de romans la nuit »

C'est ce que Clinton aurait dit à ses hôtes qui venaient tout juste
d’élaborer un plan ambitieux afin de doter le pays des moyens scientifiques de parer à la menace biologique.
C'est du moins ce que nous apprend Patrick Zylberman dans ce document de 2011( http://www.afsp.info/congres2011/sectionsthematiques/st23/st23zylberman.pdf ), document qui a trouvé à s'épandre dans la forme d'un livre "Tempêtes microbiennes: Essai sur la politique de sécurité sanitaire dans le monde transatlantique". Ayant de l'ouvrage à ne plus savoir qu'en faire , je me suis abstenu d'en faire immédiatement l'acquisition. Je le mentionne toutefois ici car il me semble que ce livre aborde des sujets pandémiquement débattus.

Attention ! une des dernières phrases peut donner la jaunisse : "Et puis quoi ! de nos jours, pour un gouvernement, il importe avant tout de ne pas être pris en flagrant délit de naïveté, d’indifférence ou d’impréparation."

Anonyme a dit…

Faut-il préparer le goudron et les plumes ?

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/21/bitume-un-toxique-professionnel_1836600_1650684.html

Anonyme a dit…

« Il ne suffit pas que de bonne volonté et de travail pour faire avancer les lois. L’association Fondation Sciences Citoyennes (FSC) vient de l’apprendre à ses dépends. Après plusieurs années de travail, elle avait mis au point en 2010 une proposition de loi sur les lanceurs d’alerte et l’expertise. Méprisée par l’ancien gouvernement, cette proposition a été reprise mais complètement dénaturée par le nouveau. Récit d’un détricotage en règle.»
http://www.infogm.org/spip.php?article5349