Les deux jeunes femmes assises en face de moi sont, j'ouvre trente-six fois les guillemets, filles de parents maghrébins arrivés en France dans les années quatre-vingt, la deuxième génération, déjà mères de familles, et elles sont des Françaises de chez Françaises.
Et que le premier qui commence avec les mots intégration, assimilation, naturalisation, identité nationale aille lire ailleurs pour faire de la sémantique ou de la sociologie.
Elles sont des Françaises nées en France et elles subissent la triple peine sociale : filles d'immigrés analphabètes, filles d'ouvriers travaillant à la chaîne et/ou de femmes de ménages, et filles musulmanes. La triple peine française comprend en plus : ghettoïsation des quartiers, écoles de merdre, absence d'ascenseur social. En réalité, il s'agit d'une quadruple peine qui était déjà évidente dans ma formulation : la peine anthropologique des filles (et ici de ces jeunes femmes) liée à la structure originelle de leurs familles maghrébines se confrontant aux structures familiales du pays d'arrivée et aux injonctions sociétales européennes concernant ces mêmes filles.
Précisons pour les gens qui ne vivent pas dans les "quartiers" ou qui y vivent mais se tamponnent de l'histoire de leurs voisins, voire pire, de leurs propres histoires, que les structures familiales au Maghreb sont en plein bouleversement (en raison notamment de l'urbanisation des populations et de la "modernisation" des structures étatico-sociales dans un contexte plus général de mondialisation économique et de tensions mondialisées dans la religion) et que ces bouleversements sont amplifiés par l'immigration (les cultures des pays d'origine et les cultures des pays d'arrivée s'entrechoquent comme on l'a déjà vu et comme en témoigne par exemple l'effondrement du taux de fécondité des femmes entre leur pays d'origine --surtout s'il s'agit de l'Afrique sub saharienne et presque pas quand il s'agit de la Tunisie-- et la France) et par l'émigration (les pratiques modifiées des émigrés transforment par contamination les pays d'émigration). J'ai déjà abordé le problème du non communautarisme (c'est à dire que les populations immigrées, fussent-elles issues d'un même pays ne pensent pas d'une seule façon, ne se comportent pas d'une seule façon, et cetera) et du communautarisme redouté, la question des pratiques modifiées dans les populations immigrées (LA) et l'observation d'une autre double peine (ICI).
Vous suivez ?
Chacun de ces bouts de phrase devrait permettre de planifier des thèses de sociologie à des générations d'étudiants... Je laisse cela aux spécialistes. En sachant, et je l'avais découvert en situation (voir ICI), que les thèses anthropo-sociologiques faites par des fils et filles d'immigrés sont rares ou s'autocensurent pour des raisons éminemment communautaristes et compréhensibles (désir d'appartenance).
Quoi qu'il en soit, la deuxième jeune femme vient pour la déclaration de grossesse, bla bla, la partie proprement médicale a déjà été faite lors des consultations précédentes, il s'agit de collecter les données, de leur donner un sens, de renouveler les conseils et de rappeler le calendrier. Brutalement, elle me parle de l'angoisse qu'elle a ressentie lors de sa première grossesse dans l'attente des résultats pour la trisomie (ce que l'on appelle les marqueurs sériques et qui concernent également le tube neural).
Je pense en moi-même à cette femme musulmane foulardisée dont j'ai déjà parlé LA et cette autre, tout aussi foulardisée, qui me disait avoir une petite soeur trisomique et que "c'était la joie de toute la famille et que donc, docteur, ne me parlez pas d'avortement".
Revenons à notre consultation.
Elle : "C'est long d'attendre les résultats, on se fait des films..."
Son amie : "Je confirme."
Elle : "Mais, de toute façon je n'aurai pas avorté."
Son amie : "Moi non plus, je ne l'aurais pas fait, de toute façon."
Moi (idiot) : "Ah bon ?"
Ni l'une ni l'autre n'ont jamais parlé de religion avant cette consultation.
J'ajoute : "Alors ? Pourquoi accepter le dosage ?"
L'un ou l'autre (je ne me rappelle plus laquelle) : "Pour se préparer."
Je vous précise : ces deux jeunes femmes sont habillées "à l'européenne", plutôt pimpantes, ont bac + 3 et je ne les ai jamais entendues, devant moi, cela fait des années que je les connais, faire une référence à l'islam.
Cette consultation ne signifie pas grand chose d'un point de vue statistique mais j'ai déjà "remarqué" combien il existait un léger décalage sur l'IVG entre le discours officiel des femmes que je rencontre ici ou là dans mes relations sociales (toutes favorables à l'IVG au nom du droit des femmes à pouvoir disposer de leur corps) et celles que je rencontre dans mon cabinet, celles des "quartiers". Mais pas toutes celles des "quartiers", ce serait généraliser abusivement.
Et j'ai connu, je connais des jeunes femmes qui sont parties en train pour Amsterdam, seules, l'échographie dans le sac et l'argent, faisant l'aller et retour dans la journée, des musulmanes aussi, mais qui étaient acculées aux impossibilités, non pas religieuses mais sociales, de de faire autrement.
Le refus théorique de l'IVG (pour la pratique, chacun s'adapte aux circonstances, on vient de le lire) n'est pas seulement le fait de quelques exaltés catholiques ou de juifs ultra orthodoxes, elle est le fait de certains musulmans. Et, ici, dans ma patientèle, c'est palpable. Est-ce que quelqu'un aurait le culot de dire que ces deux jeunes femmes sont des anti modernes ?
Et que le premier qui commence avec les mots intégration, assimilation, naturalisation, identité nationale aille lire ailleurs pour faire de la sémantique ou de la sociologie.
Elles sont des Françaises nées en France et elles subissent la triple peine sociale : filles d'immigrés analphabètes, filles d'ouvriers travaillant à la chaîne et/ou de femmes de ménages, et filles musulmanes. La triple peine française comprend en plus : ghettoïsation des quartiers, écoles de merdre, absence d'ascenseur social. En réalité, il s'agit d'une quadruple peine qui était déjà évidente dans ma formulation : la peine anthropologique des filles (et ici de ces jeunes femmes) liée à la structure originelle de leurs familles maghrébines se confrontant aux structures familiales du pays d'arrivée et aux injonctions sociétales européennes concernant ces mêmes filles.
Précisons pour les gens qui ne vivent pas dans les "quartiers" ou qui y vivent mais se tamponnent de l'histoire de leurs voisins, voire pire, de leurs propres histoires, que les structures familiales au Maghreb sont en plein bouleversement (en raison notamment de l'urbanisation des populations et de la "modernisation" des structures étatico-sociales dans un contexte plus général de mondialisation économique et de tensions mondialisées dans la religion) et que ces bouleversements sont amplifiés par l'immigration (les cultures des pays d'origine et les cultures des pays d'arrivée s'entrechoquent comme on l'a déjà vu et comme en témoigne par exemple l'effondrement du taux de fécondité des femmes entre leur pays d'origine --surtout s'il s'agit de l'Afrique sub saharienne et presque pas quand il s'agit de la Tunisie-- et la France) et par l'émigration (les pratiques modifiées des émigrés transforment par contamination les pays d'émigration). J'ai déjà abordé le problème du non communautarisme (c'est à dire que les populations immigrées, fussent-elles issues d'un même pays ne pensent pas d'une seule façon, ne se comportent pas d'une seule façon, et cetera) et du communautarisme redouté, la question des pratiques modifiées dans les populations immigrées (LA) et l'observation d'une autre double peine (ICI).
Vous suivez ?
Chacun de ces bouts de phrase devrait permettre de planifier des thèses de sociologie à des générations d'étudiants... Je laisse cela aux spécialistes. En sachant, et je l'avais découvert en situation (voir ICI), que les thèses anthropo-sociologiques faites par des fils et filles d'immigrés sont rares ou s'autocensurent pour des raisons éminemment communautaristes et compréhensibles (désir d'appartenance).
Quoi qu'il en soit, la deuxième jeune femme vient pour la déclaration de grossesse, bla bla, la partie proprement médicale a déjà été faite lors des consultations précédentes, il s'agit de collecter les données, de leur donner un sens, de renouveler les conseils et de rappeler le calendrier. Brutalement, elle me parle de l'angoisse qu'elle a ressentie lors de sa première grossesse dans l'attente des résultats pour la trisomie (ce que l'on appelle les marqueurs sériques et qui concernent également le tube neural).
Je pense en moi-même à cette femme musulmane foulardisée dont j'ai déjà parlé LA et cette autre, tout aussi foulardisée, qui me disait avoir une petite soeur trisomique et que "c'était la joie de toute la famille et que donc, docteur, ne me parlez pas d'avortement".
Revenons à notre consultation.
Elle : "C'est long d'attendre les résultats, on se fait des films..."
Son amie : "Je confirme."
Elle : "Mais, de toute façon je n'aurai pas avorté."
Son amie : "Moi non plus, je ne l'aurais pas fait, de toute façon."
Moi (idiot) : "Ah bon ?"
Ni l'une ni l'autre n'ont jamais parlé de religion avant cette consultation.
J'ajoute : "Alors ? Pourquoi accepter le dosage ?"
L'un ou l'autre (je ne me rappelle plus laquelle) : "Pour se préparer."
Je vous précise : ces deux jeunes femmes sont habillées "à l'européenne", plutôt pimpantes, ont bac + 3 et je ne les ai jamais entendues, devant moi, cela fait des années que je les connais, faire une référence à l'islam.
Cette consultation ne signifie pas grand chose d'un point de vue statistique mais j'ai déjà "remarqué" combien il existait un léger décalage sur l'IVG entre le discours officiel des femmes que je rencontre ici ou là dans mes relations sociales (toutes favorables à l'IVG au nom du droit des femmes à pouvoir disposer de leur corps) et celles que je rencontre dans mon cabinet, celles des "quartiers". Mais pas toutes celles des "quartiers", ce serait généraliser abusivement.
Et j'ai connu, je connais des jeunes femmes qui sont parties en train pour Amsterdam, seules, l'échographie dans le sac et l'argent, faisant l'aller et retour dans la journée, des musulmanes aussi, mais qui étaient acculées aux impossibilités, non pas religieuses mais sociales, de de faire autrement.
Le refus théorique de l'IVG (pour la pratique, chacun s'adapte aux circonstances, on vient de le lire) n'est pas seulement le fait de quelques exaltés catholiques ou de juifs ultra orthodoxes, elle est le fait de certains musulmans. Et, ici, dans ma patientèle, c'est palpable. Est-ce que quelqu'un aurait le culot de dire que ces deux jeunes femmes sont des anti modernes ?
Epilogue en forme de réflexion.
Il y a environ dix-huit mois je discute avec une petite cousine de vingt ans. Je lui dis avec précaution que je suis, éthiquement, contre l'IVG mais que je ne m'y oppose jamais quand mes patientes (il est tellement rare qu'un homme soit dans le cabinet à cet instant) en font la demande. Et parce que je suis contre éthiquement il m'arrive d'en faire "trop" pour l'accompagnement de ces femmes ("trop" signifie que je m'implique plus qu'il ne serait nécessaire, enfin, je quitte ma position empathique pour une position sympathique, en tentant de ne pas parler, seulement anticiper, ne pas l'induire, la violence symbolique de l'IVG). Ma cousine me regarde et me dit ceci (avec encore plus de prudence) : "Tu sais, tous les jeunes de maintenant considèrent que l'avortement, c'est naturel." Elle me parle prudemment car, dans une partie lointaine de la famille, il y a des catholiques qui ne sont pas très favorables à l'avortement. Je ne suis pas catholique et je ne suis pas croyant. Je suis même athée.
Il y a environ dix-huit mois je discute avec une petite cousine de vingt ans. Je lui dis avec précaution que je suis, éthiquement, contre l'IVG mais que je ne m'y oppose jamais quand mes patientes (il est tellement rare qu'un homme soit dans le cabinet à cet instant) en font la demande. Et parce que je suis contre éthiquement il m'arrive d'en faire "trop" pour l'accompagnement de ces femmes ("trop" signifie que je m'implique plus qu'il ne serait nécessaire, enfin, je quitte ma position empathique pour une position sympathique, en tentant de ne pas parler, seulement anticiper, ne pas l'induire, la violence symbolique de l'IVG). Ma cousine me regarde et me dit ceci (avec encore plus de prudence) : "Tu sais, tous les jeunes de maintenant considèrent que l'avortement, c'est naturel." Elle me parle prudemment car, dans une partie lointaine de la famille, il y a des catholiques qui ne sont pas très favorables à l'avortement. Je ne suis pas catholique et je ne suis pas croyant. Je suis même athée.
Nous parlons un peu. Je lui explique ma position.
Ma position (résumée) : je suis défenseur de la vie ; je suis contre la peine de mort ; je suis contre l'infanticide (et là, les lecteurs commencent à dire : le mek confond tout) ; je suis contre l'IVG. Je ne sais pas à quel moment commence la vie, à combien de jours, à combien de semaines, à combien de mois... J'essaie, mais ce n'est pas facile, de ne pas pratiquer la division de la conscience. Mais je ne suis pas pour l'interdiction de l'IVG. Pour des centaines de raisons. L'actualité récente des pro vie... Un projet de loi dans le Wisconsin...
Quoi qu'il en soit, la conversation avec la petite cousine m'a rendu, d'un seul coup, vieux, réactionnaire, en dehors des courants dominants. Et je dois le dire, prudent. Dire, écrire, que l'on n'est pas pour l'IVG, renvoie à des figures tutélaires de la réaction, du conservatisme, du catholicisme activiste, et cetera. Aurais-je tellement peur de ne pas être dans le coup, c'est à dire d'être considéré comme un acolyte des tueurs d'obstétriciens pratiquant l'IVG comme aux Etats-Unis.
La question que l'on m'a posée cent fois : "Puisque tu considères que l'IVG est, de ton point de vue, éthiquement inacceptable, pourquoi ne le refuses-tu pas complètement et n'envoies-tu pas promener les patientes qui désirent le pratiquer ?"
La question que je ne me suis pas posée cent fois. Les positions ou les points de vue sont évolutifs. En 1973, dans le hall du CHU à Cochin, des étudiants et des médecins pratiquaient des IVG selon la méthode Karman (entre parenthèses : Karman n'était pas médecin) et je trouvais cela génial. J'étais tout jeune étudiant en médecine (troisième année) et je vivais en plein dans l'âge lyrique post soixante-huitard : contraception, IVG, et cetera. Voulez-vous que je vous parle de l'âge lyrique politique auquel je ne participais pas ? Maoïsme, castrisme, et cetera ?
Aujourd'hui je cherche "Karman" sur Google. Je ne trouve pas grand chose (parce que je ne connais pas son prénom). Je cherche "Karman aspiration" et j'obtiens peu de choses mais le prénom "Harvey". Pas d'article wiki en français. Un petit article wiki en anglais. Puis un article tout à fait intéressant que je vous conseille de lire : LA. L'histoire de l'IVG par aspiration est tout à fait surprenante. Surprenante d'un point de vue technique, réglementaire, idéologique et politique. On y apprend que Karman a pratiqué un avortement mortel en 1955 pour lequel il a connu la prison, et, ensuite, un peu plus tard, que les gouvernements américains de l'époque ont suscité le développement de la technique par aspiration dans les pays à faible niveau de vie...
It’s hard to believe now, after years in which the United States has exported its antiabortion movement all over the globe, that the American government was once responsible for bringing safe abortion to great swaths of the developing world. Hard to believe, too, that support for distributing contraceptives to remote corners of the planet was once a solidly bipartisan undertaking.
Donc, en théorie je suis contre l'IVG et en pratique je suis contre son interdiction et je favorise sa réalisation chez les jeunes femmes qui me le demandent. Avec énormément d'empathie (enfin, je crois).
Je ne fais donc pas partie du main stream de la bonne conscience progressiste qui ne se pose pas de questions car se poser des questions, selon nos bons apôtres de la modernité, c'est faire le jeu des réactionnaires, des conservateurs, des libéraux, des néo-libéraux, des capitalistes, des traders (sauf Kerviel, notre Dreyfus), des marchands d'armes, des je ne sais quoi. Se poser des questions sur la légitimité de l'IVG, c'est, bien entendu, être anti féministe, ne pas respecter le droit des femmes à disposer de leur corps, et cetera. J'accepte, je gère et j'assume. Pourquoi devrais-je mentir ?
Quoi qu'il en soit, la conversation avec la petite cousine m'a rendu, d'un seul coup, vieux, réactionnaire, en dehors des courants dominants. Et je dois le dire, prudent. Dire, écrire, que l'on n'est pas pour l'IVG, renvoie à des figures tutélaires de la réaction, du conservatisme, du catholicisme activiste, et cetera. Aurais-je tellement peur de ne pas être dans le coup, c'est à dire d'être considéré comme un acolyte des tueurs d'obstétriciens pratiquant l'IVG comme aux Etats-Unis.
La question que l'on m'a posée cent fois : "Puisque tu considères que l'IVG est, de ton point de vue, éthiquement inacceptable, pourquoi ne le refuses-tu pas complètement et n'envoies-tu pas promener les patientes qui désirent le pratiquer ?"
La question que je ne me suis pas posée cent fois. Les positions ou les points de vue sont évolutifs. En 1973, dans le hall du CHU à Cochin, des étudiants et des médecins pratiquaient des IVG selon la méthode Karman (entre parenthèses : Karman n'était pas médecin) et je trouvais cela génial. J'étais tout jeune étudiant en médecine (troisième année) et je vivais en plein dans l'âge lyrique post soixante-huitard : contraception, IVG, et cetera. Voulez-vous que je vous parle de l'âge lyrique politique auquel je ne participais pas ? Maoïsme, castrisme, et cetera ?
Aujourd'hui je cherche "Karman" sur Google. Je ne trouve pas grand chose (parce que je ne connais pas son prénom). Je cherche "Karman aspiration" et j'obtiens peu de choses mais le prénom "Harvey". Pas d'article wiki en français. Un petit article wiki en anglais. Puis un article tout à fait intéressant que je vous conseille de lire : LA. L'histoire de l'IVG par aspiration est tout à fait surprenante. Surprenante d'un point de vue technique, réglementaire, idéologique et politique. On y apprend que Karman a pratiqué un avortement mortel en 1955 pour lequel il a connu la prison, et, ensuite, un peu plus tard, que les gouvernements américains de l'époque ont suscité le développement de la technique par aspiration dans les pays à faible niveau de vie...
It’s hard to believe now, after years in which the United States has exported its antiabortion movement all over the globe, that the American government was once responsible for bringing safe abortion to great swaths of the developing world. Hard to believe, too, that support for distributing contraceptives to remote corners of the planet was once a solidly bipartisan undertaking.
Donc, en théorie je suis contre l'IVG et en pratique je suis contre son interdiction et je favorise sa réalisation chez les jeunes femmes qui me le demandent. Avec énormément d'empathie (enfin, je crois).
Je ne fais donc pas partie du main stream de la bonne conscience progressiste qui ne se pose pas de questions car se poser des questions, selon nos bons apôtres de la modernité, c'est faire le jeu des réactionnaires, des conservateurs, des libéraux, des néo-libéraux, des capitalistes, des traders (sauf Kerviel, notre Dreyfus), des marchands d'armes, des je ne sais quoi. Se poser des questions sur la légitimité de l'IVG, c'est, bien entendu, être anti féministe, ne pas respecter le droit des femmes à disposer de leur corps, et cetera. J'accepte, je gère et j'assume. Pourquoi devrais-je mentir ?
9 commentaires:
Je ne vois pas ou il y a un problème puisque tu respecte à la fois le choix de la patiente et la loi, tout en accompagnant dans la démarche.
L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de john Irving parle très bien du dilemne moral que vous évoquez: on ne peut pas être contre ni pour lorsqu'on choisit de soigner, mais on se doit d'accompagner sans juger sans étiquette.Hors à la lecture du post, on voit très bien combien il est difficile de réfléchir, de se positionner en dehors d'un groupe, d'un mouvement de pensée, c'est peut-être aussi cela la Common Decency: se concentrer sur le fond du problème simplement en se débarassant des symboles sociaux, religieux, politiques, philosophiques qui finissent par devenir des dogmes et nous entrainent dans une certaine culpabilité, alors que l'on se trouve en dissonance cognitive.
je pratique des IVG.
Dans mon cabinet, en 2015, beaucoup de femmes arrivent encore en disant: " je suis a priori contre l'IVG mais là, aujourd'hui, j'ai un problème" ou "je n'aurais jamais cru venir un jour pour ça".
bonsoir ,
j'ai avorté. j'ai bien fait .Je le dis rétrospectivement PARCE QUE lorsque j'ai appris ce début de grossesse , tous les discours féministes , politiques , moraux , societaux, philosophiques se sont retrouvés totalement dénués de sens. Totalement vides. Totalement inappropriés voire ridicules. j'étais enceinte et tout en moi s'y refusait. Ce n'était plus qu'une question de corps de chair. C'était uniquement une question de tripes. c'était NON. C'était tout bonnement NON.
Voilà, maintenant que j'ai avorté , je veux bien réfléchir à nouveau et, si cela peut apporter quelque chose , en discuter………………………..
Je crois être une des rares femmes de ma génération "pilule" a n'avoir jamais avorté, pour la simple raison que cela me révulsait tant que je n'ai jamais oublié la dite pilule. Une chance, ai-je pu constater, de ne pas avoir été esquintée par un médecin - chose qu'elles découvrent en nombre à la 1ère grossesse- ni n'être habitée d'enfants fantômes tant de femmes finissent par dire "Il aurait eu tel âge...". Ceci dit, je défends le droit de chacune à l'avortement, sans état d'âme.
j'ai avorté je suis MG ;j'avais 3 enfants et un mec qui me disait je n'en veux plus ; je ne voulais rien imposer ; je me disais que la vie devait être respectée ; j'ai été déçue de son attitude ; j'y suis allée seule sans lui dire ; je lui en ai voulu ; pendant plusieurs années cette chose a été entre nous puis s'est estompée ; quand je vois des femmes qui viennent pour une IVG je me dis a chaque fois que si le mec en face est présent, si ce n'est pas un "accident", la décision d'IVG est plutôt celle du mec que celle de la nana, j'ai peut être tort
il me semble qu'il dans votre post il y a une confusion entre IVG et IMG... Dans le cas d'un "avortement" pour une Trisomie 21 ou autre anomalie chromosomique dont vous semblez parler au début, quand bien même ce serait fait avant 15SA, cela reste une interruption de grossesse pour raison médicale... et il y a un monde entre IVG et IMG, même si les deux se terminent, j'en conviens, par l'interruption de la grossesse. Je suis MG, je suis femme, j'ai vécu une IMG, et j'ai vécu aussi une IVG. Ce qu'on pense être bien ou mal sur le sujet avant d'y être confronté, et quand on le vit, ça n'a rien à voir. Avant on croit savoir, mais on ne sait rien. L'humilité reste la meilleure approche, comme souvent en médecine.
Donc, en théorie je suis contre l'IVG et en pratique je suis contre son interdiction et je favorise sa réalisation chez les jeunes femmes qui me le demandent. Avec énormément d'empathie (enfin, je crois).
???? le "énormément d'empathie" n'a pas de sens !Que vous soyez contre,(sans savoir pourquoi Oo),passe, mais que vous envoyiez les femmes se faire avorter avec beaucoup d'empathie ,............
@ Anonyme du 12 juin à 11:14. Merci de signaler la différence entre IVG et IMG. Mais, là encore, il s'agit d'un problème de déplacement du curseur de la conscience. On entend ici et là s'indigner contre l'eugenisme et pourtant la suppression quasiment systématique des foetus trisomiques n'a jamais suscité aucun débat sociétal. "On" trouve cela normal. Rappelons que la conscience est une valeur éminemment "construite" et que l'infanticide, si condamné aujourd'hui (et condamnable), était pratique courante dans la Rome antique, qu'en Inde et en Chine le ratio garçon/fille montre la destruction des filles à n'importe quel stade de leur développement...
@ Anonyme du 13 juin 2015 à 00:45. Empathie sociale, sans doute. Culpabilité de l'homme face à la détresse d'une femme isolée. L'expression que j'ai utilisée était sans doute exagérée. Mais je l'ai ressenti comme cela.
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