mardi 24 novembre 2015

Lendemain de SPRINT : comme un sentiment de s'être fait avoir.


Après que j'ai analysé l'étude SPRINT (ICI), lu ici ou là des commentaires académiques, les commentaires de CMT, conclu qu'il fallait diablement se méfier de ses conclusions en raison de nombreuses incertitudes protocolaires, je me suis rendu compte vendredi et samedi dernier pendant que je consultais que je prêtais plus d'attention qu'auparavant à la prise de la pression artérielle, et pas seulement systolique, et que je me posais même de sérieuses questions.

La culpabilité.

La prise de la pression artérielle est un des gestes rituels de la consultation de médecine.
Rituel au point qu'à la fin de la consultation, si d'aventure le médecin avait oublié de le faire (sciemment ou non) le consultant tend le bras.

J'ai jadis participé à une Thématique Prescrire sur l'hypertension artérielle où mes résultats au questionnaire final avaient été plus que bons... Ce fut la première et la dernière fois. Pour de multiples raisons tenant à la fois à la mauvaise qualité des documents produits (une resucée des articles Prescrire que j'avais déjà lus), aux efforts que j'avais dû fournir pour cette relecture et pour l'inanité de cette réappropriation. J'avais oublié que l'objectif de cette thématique n'était pas de cocher des cases de QCM pour avoir une bonne note mais de mieux prendre en charge les consultants (et non d'être plus savant). 




Quoi qu'il en soit, je me suis rendu compte, pendant ces deux jours, que je tentais de mesurer la pression artérielle avec mon sphygmomanomètre non électronique en essayant de me rappeler tout ce que j'avais retenu de ma formation thématique Prescrire. Sans oublier les vidéos que j'avais vues sur internet, les conseils multiples et variés sur les conditions de mesure, et cetera.

L'étude SPRINT était en train de me polluer l'esprit.

Et nul doute que c'était, dans l'esprit de ses promoteurs, le seul objectif.

Car, au delà des critiques émises sur le protocole, sur la façon de le mener, sur la cible théorique visée et sur les conclusions à en tirer, je me sens coincé par mes croyances, le socle de mes croyances et sur une vision idéale de la médecine qui serait une médecine parfaite où tout pourrait être contrôlé, où le contrôle serait possible à condition que le médecin soit lui aussi parfait, c'est à dire qu'il mesure "bien" la pression artérielle, qu'il "éduque" "bien" son patient, et cetera.

La normalisation de la prise de la pression artérielle est sans doute une bonne chose en soi puisqu'elle pourrait permettre d'homogénéiser les mesures et ainsi de pouvoir appliquer d'autres directives normalisées, thérapeutiques celles-là, voire, comme c'est déjà le cas dans certains pays, dans certaines institutions, remplacer la prise manuelle de la pression artérielle par des appareils automatiques considérés comme la norme, c'et à dire robotiser cette mesure comme si une mesure pouvait avoir une valeur absolue, et ainsi le protocole SPRINT pourrait-il conduire à la suppression pure et simple des médecins, des infirmières et conduire un appareil Omron à non seulement mesurer la pression artérielle, la comparer à la mesure précédente mais aussi à délivrer une prescription tenant compte des dernières données biologiques du patient contenues dans son Dossier Médical Personnalisé ainsi que de ses antécédents dûment répertoriés par un questionnaire rempli chez soi par le patient derrière son écran d'ordinateur, sans influences donc (?)... une prescription de molécules anti hypertensives vendues par les laboratoires partenaires...

L'étude SPRINT, dont la caractéristique principale est d'avoir modifié constamment en cours d'essai le protocole d'inclusion des patients et les modalités de leur prise en charge en ouvert (seule l'attribution des groupes était randomisée), c'est à dire que le médecin, pas le robot Omron (et encore, on ne sait pas), était au courant du groupe auquel appartenait le patient, l'étude SPRINT avait pour but, comme toujours dans les processus néo libéraux pseudo démocratiques (rationnalisation et contrôle des pratiques) de fixer des objectifs intenables (la façon de prendre la pression artérielle par exemple) et non tenus dans le protocole lui-même, afin que les conclusions de l'essai deviennent des impératifs thérapeutiques, c'est à dire de la prescription à outrance, au cas où, et, suprême élégance de la chaîne de commandement, la responsabilité du non suivi des recommandations non recommandables sera attribuée au pékin en bout de chaîne, c'est à dire le médecin généraliste.

Donc, je continue à mesurer la pression artérielle en mon cabinet et je me sens coupable inconsciemment de ne pas être à la hauteur d'une si belle étude, ce qui me conduira, n'en doutons pas, quand on est confronté à une situation d'impossibilité pratique ou de refus intellectuel, à renoncer.


Rappelons tout de même le génie de Philippe Geluk.

PS du 28 août 2016 : The European Society of Cardiology dit non à Sprint (ICI). Ce n'est pas parole d'Evangile mais...

8 commentaires:

CMT a dit…

Tu dis : » L'étude SPRINT était en train de me polluer l'esprit.

Et nul doute que c'était, dans l'esprit de ses promoteurs, le seul objectif. »
C’est ce que je pense aussi. Et c’est tellement facile. Puisque la médecine n’est pas une science exacte, que nous avons tendance à nous fier aux études qui, comme celles-ci, sont présentées comme des études d’une haute rigueur scientifique, dans des grands journaux médicaux, et amplifiée par des multiples relais médiatiques.
En réalité la rigueur de cette étude laisse beaucoup à désirer et elle ne peut pas être utilisée pour informer la pratique.
Cette étude n’est ni faite ni à faire, ce n’est ni du lard ni du cochon.
Soit on voulait faire une étude avec des implications universelles, et c’est apparemment la finalité qu’avaient en tête les auteurs, soit elle n’avait pour but que d’étudier l’effet du traitement agressif de l’hypertension sur certains groupes à risque. Dans le premier cas, une obligation plutôt élémentaire d’une étude prétendant à une portée universelle était la représentativité de la population étudiée par rapport à la population cible, à savoir, en cas de portée universelle, par rapport à toute la population américaine hypertendue de plus de 50 ans. Or, au lieu de cela, l’étude superpose des groupes à risques sélectionnés non représentatifs selon des critères qui ne sont pas clairs et prétend ensuite être généralisable à toute la population cible.
A l’évidence, cette visée à l’universalité était un objectif dès le départ, car aussitôt l’étude arrêtée en plein milieu sans explications satisfaisantes Whelton, auteur principal, qui préside, opportunément, le comité de la société américaine de cardiologie qui rédige les recommandations sur l’hypertension artérielle demande une révision de ces recommandations .
On peut faire d’autres remarques concernant cette étude.
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CMT a dit…

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Par exemple, alors que l’insuffisance rénale chronique fait partie des 4 principaux critères d’éligibilité elle est exclue du critère composite d’évaluation des résultats et évaluée à part. Comme les résultats sur cet aspect ne sont pas bons son intégration au critère composite aurait rendu les résultats d’ensemble moins favorables.
Pour la PAS du groupe « traitement standard » il y a une borne inférieure (130mm Hg) mais pas de borne supérieure. Comme, dans les paramètres de base avant intervention 33% du groupe « traitement standard » avait une tension égale ou inférieure à 132 mm Hg les investigateurs ont donc dû diminuer les posologies ou supprimer des traitements pour certaines personnes de ce groupe, ce qui ne se fait jamais en pratique courante.
Dans cette interview http://www.medscape.com/viewarticle/854500?src=wnl_edit_specol&uac=140536CR&impID=897459&faf=1#vp_3 , citée par Jean-Claude, Whelton fait preuve d’une mauvaise foi évidente, face à un cardiologue, le Dr Mandorla, qui , tout en restant poli et cordial, a visiblement une très mauvaise opinion de cette étude. Whelton élude donc toutes les question gênantes avec des réponses bateau visiblement préparées à l’avance mais Mandorla arrive à extraire quelques bribes de vérité. Ainsi, on apprend que si les diabétiques ont été exclus de l’étude c’est parce qu’une autre étude, l’étude ACCORD, n’avait pas montré d’efficacité du traitement agressif de l’HTA sur ce groupe.
Whelton ne peut pas non plus expliquer la fréquence mensuelle du suivi du groupe traité intensivement et l’assimile à un suivi de routine alors qu’à l’évidence aucun médecin ne suit ses patients hypertendus mensuellement pendant trois ans.
Whelton parle tout d’un coup d’un seuil à 20% à 10 ans pour le score de Framlgham alors qu’il est de 15% dans l’étude.
Tout cela sent très mauvais et des cardiologues sont plutôt surpris par cette étude comme les médecins généralistes américains qui font remarquer , pour leur part, que les critères choisis s’appliquent à un sixième des hypertendus américains de cette tranche d’âge et que la moitié des la différence des décès toutes causes n’est pas due à des maladies cardio-vasculaireshttp://www.medscape.com/viewarticle/854378?src=wnl_edit_specol&uac=140536CR&impID=897459&faf=1 , pointant ainsi clairement vers : soit des différences dans les paramètres de base des groupes non pris en compte, soit vers une différence dans le suivi et la prise en charge rendue très probable par le fait que l’étude n’est pas faite en aveugle induisant un biais.
Cet « étude révolutionnaire » est publiée dans une revue qui, visiblement lasse de voir ses ambitions financières limitées par la gestion des conflits d’intérêts, a déclaré publiquement il y a peu vouloir considérer que tout se vaut et que les études promues directe ou indirectement par l’industrie pharmaceutique ont la même valeur que les études menées par des chercheurs indépendants http://www.healthnewsreview.org/2015/06/former-nejm-editors-slam-backtrack-on-conflict-of-interest/ .

CMT a dit…

SPRINT : un rapport bénéfice/risque défavorable malgré de nombreux biais tendant à assurer un résultat positif

J'ai eu un échange avec Dominique Dupagne qui a qualifié l'étude SPRINT de "révolutionnaire ", puis a dit que je disais n'importe quoi dans les commentaires et m'a gratifié de quelques autres qualificatifs dans des mails privés. Je lui ai demandé de venir argumenter mais il m'a répondu qu'il n'avait "ni le temps ni l'envie".

Je me demande qu'est-ce qu'un MG libéral peut avoir de plus important à faire en ce moment que de réfléchir à cette étude qui risque de bouleverser ses pratiques. C'est, en tous cas, la ferme volonté des auteurs.

Un milliard de personnes hypertendues, nous explique SPRINT et pour les MG français le traitement de l'hypertension est le résultat le plus fréquent de la consultation, et représente plus de 14% http://www.sfmg.org/theorie_pratique/demarche_clinique/dictionnaire_des_resultats_de_consultation/quelques_chiffres_sur_les_resultats_de_consultation.html . Cela représente quelques 35 à 40 millions de consultations par an. Cela revient aussi à dire qu'un MG qui voit 30 patients par jour prescrira des anti-hypertenseurs à 4 d'entre eux en moyenne.

Quelle que soit la complexité du design de cette étude , pour le médecin cela va se traduire par un choix binaire: ajouter ou ne pas ajouter un troisième ou un quatrième médicament à ce patient dont la PAS est de 14, traiter ou ne pas traiter ce patient dont la PAS est de 13.

Les conséquences de la modification des recommandations voulue par les auteurs et dont on anticipe déjà la transposition en Europe et en France seraient concrètes et massives : explosion du nombre de consultations pour HTA, explosion du nombre de patients plus ou moins âgés présentant une polymédicalisation (définie par la prise simultanée d’au moins 5 médicaments)[« Chaque nouvelle spécialité ajoutée à l'ordonnance majorerait de 12 à 18 % les effets indésirables (Calderon-Larranaga et al., 2012). Cette iatrogénie génère 5 à 25 % des admissions hospitalières et 10 % des admissions aux urgences (Pirmohamed et al., 2004 ; Hohl et al., 2001 ; Lazarou et al., 1998). https://www.vidal.fr/actualites/14959/prevalence_de_la_polymedication_chez_les_personnes_agees_en_france_enquete_de_l_irdes/ )] explosion des consultations dues à la iatrogénie aux urgences😄 et de la gestion d'effets indésirables par les MG.
Cela vaut donc la peine de prendre un peu de temps pour examiner si cette étude est légitime pour modifier à ce point les pratiques.

Pour un résumé clair de l’étude : cf article précédent http://docteurdu16.blogspot.fr/2015/11/letude-sprint-vue-de-la-medecine.html .
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CMT a dit…

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Étude "internationale " ?

En fait d'étude internationale , il s'agit d'une étude où les 102 centres de recrutement des patients sont en très grande majorité américains avec quelques centres porto-ricains.

La finalité de l’étude

Bien que la population recrutée le soit dans les groupes à risque, la finalité ultime de l’étude est de modifier les seuils d’hypertension pour l’ensemble de la population comme cela apparaît à la fois dans l’interview de Paum Whelton, investigateur de l’étude, et dans le protocole de l’étude.

Le choix de groupes à risque était uniquement destiné à servir d’accélérateur de résultats et à avoir un effet de loupe sur ces résultats. Mais dans l’esprit des auteurs il n’y a pas de différence entre une population à haut risque et symptomatique et une population à risque faible et asymptomatique (inclusion d’un sous-groupe « sub-clinique » dans l’étude).

[ interview de P Whelton http://www.medscape.com/viewarticle/854500?src=wnl_edit_specol&uac=140536CR&impID=897459&faf=1#vp_1 :” The big unanswered question in clinical practice is how low do you take that blood pressure? That was really the basis for designing the SPRINT trial.”

Protocole de l’étude http://www.nejm.org/doi/suppl/10.1056/NEJMoa1511939/suppl_file/nejmoa1511939_protocol.pdf p 12 :” Furthermore, results in a diverse high risk population will likely generalize to lower risk
populations, at least in terms of relative risk reduction.” )

Population, représentativité et recrutement

Comme Jean-Claude l’a expliqué, les critères d’inclusion de cette étude sont d’une complexité inouïe.
Il s’git d’une superposition de sous groupes et le principal critère qui semble avoir présidé à la sélection de ces groupes est l’exclusion de tous les groupes pour lesquels les résultats d’un traitement intensif avaient des forts risques d’être négatifs. A savoir ceux pour lesquels les études effectuées précédemment n’avaient pas montré de bénéfices, les diabétiques (étude ACCORD ayant montré que le traitement intensif de la PAS avec une cible à 120 n’apportait pas de bénéfice) et les patients ayant des antécédents d’AVC..

Le fait que des sous-groupes aient dû être exclus et également le fait que les résultats étaient différents parmi les sous-groupes est une démonstration suffisante de ce que les résultats obtenus sur des sous groupes sélectionnés ne sont pas généralisables à l’ensemble de la population.

L’hypersélection des patients recrutés transparaît dans le fait que plusieurs amendements destinés à élargir les critères d’inclusion ou à restreindre les critères d’exclusion ont dû être adoptés pour que chacun des 102 centres arrive à recruter les quelques 90 patients prévus. Or l’HTA, selon sa définition actuelle touche un tiers de la population américaine.

[amendements p 230 du protocole : abaissement de l’âge d’inclusion de 55 à 50 ans, inclusion d’un groupe supplémentaire de patients ayant une TA comprise entre 130 et 140 et prenant 4 médicaments, inclusion de tous les patients de plus de 75 ans et pas seulement de ceux qui ont un score de framingham élevé, etc etc]
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CMT a dit…

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Biais méthodologiques, chimères et artéfact

La population recrutée pour l’étude est donc une chimère non représentative de la population. Le groupe traitement intensif sera comparé à un groupe traitement standard pour lequel, pour les besoins de la démonstration, on va modifier le traitement si la PAS est en dessous d’un seuil de 130 lors d’une consultation de suivi, ou de 135 lors de deux consultations. Cela ne se fait pas en pratique courante, sauf en cas d’effets indésirables du traitement. L’étude crée donc une chimère, groupe traitement standard éventuellement sous-traité, qu’il compare à un groupe traitement intensif sélectionné selon des critères arbitraires : cela ne peut donner pour résultat qu’un artéfact, non reproductible dans la vie réelle.

Il n’y a pas d’aveugle, ce qui est justifié par la conception de l’étude, mais cette justification ne suffit pas à annuler l’existence du biais ainsi généré : http://www.minerva-ebm.be/fr/article/182 .

Un autre biais est généré par le suivi différent des deux groupes : les deux groupes, traitement standard et intensif, sont suivis initialement mensuellement pendant trois mois, puis le groupe traitement intensif continuera à être suivi mensuellement tandis que le groupe traitement standard sera suivi trimestriellement.

Cela témoigne d’une part de la difficulté de maintenir une PAS à 120 mm Hg car pour atteindre cet objectif il a fallu un suivi mensuel dans des conditions expérimentales idéales.

Mais cela biaise également les résultats, parce que dans le groupe traitement intensif les médecins ont eu trois fois plus d’opportunités pour corriger les effets indésirables avant qu’ils deviennent cliniquement apparents, d’adapter les traitement et de prévenir des décès .

Résultats

Le critère composite choisi par les investigateurs a montré un résultat positif (critère composite : » comprenant 1-infarctus du myocarde, 2-syndrome coronarien aigu (n'entraînant pas un infarctus du myocarde), 3-AVC, insuffisance 4-cardiaque aiguë ou 5-décès dus à une cause cardiovasculaire »).

MAIS lorsqu’on regarde dans le détail (tableau 2http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1511939#t=article ) on s’aperçoit qu’en fait les résultats ne sont significativement positifs que pour l’insuffisance cardiaque aigûe et les décès de cause cardio-vasculaire, donc pour deux critères sur 5. Or, la population recrutée présente un IMC moyen proche de l’obésité de 29,8 à 29,9 (un tiers de la population américaine est obèse) et l’insuffisance cardiaque aigüe ainsi que l’hypertension sont directement liées à l’obésité et au surpoids.

D’une part cette étude ne montre pas d’effet significatif du traitement intensif de la PAS sur 3 ans sur les AVC, le syndrome coronarien aigü et l’infarctus du myocarde.

D’autre part elle n’est pas transposable aux populations où l’obésité est moins fréquente, comme la population française.

La traduction correcte des résultats de l’étude serait donc que, dans des sous groupes sélectionnés et majoritairement en surpoids ou obèses un traitement intensif de la PAS permet éventuellement mais sans certitude, compte tenu des nombreux biais, de réduire les insuffisances cardiaques aigües et les décès d’origine cardio-vasculaire.

Biais portant sur les effets indésirables

Les effets indésirables non graves, tels que l’asthénie, sujet fréquent de plaintes et de baisse de la qualité de vie n’ont pas été pris en compte.

...

CMT a dit…

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Rapport bénéfice/risque

Il est plutôt contestable d’envisager le rapport bénéfice/risque qui peut résulter d’une étude aussi massivement biaisée.
Mais, si, on prend les chiffres annoncés, et qu’on les considère littéralement on peut dire que, au bout de 3,2 ans de traitement intensif de la PAS d’un groupe sélectionné dans le but d’obtenir les résultats les plus favorables possibles on aura, relativement à un groupe standard sous-traité :

Pour 100 patients traités dans chaque groupe et en termes de réduction absolue du risque dans le groupe traitement intensif par rapport au groupe traitement standard :

- Une réduction de 0,4 des infarctus du myocarde non statistiquement significative
- Une absence totale de réduction des syndromes coronariens aigus
- Une réduction de 0,2 des AVC non significative
- Une réduction de 0,8 des insuffisances cardiaques aigues significative
- Une réduction de 0,6 des décès cardio-vasculaires, significative
Ce qui fait une réduction globale de 2 de l’ensemble des évènements cardio-vasculaires, sous réserve +++

En contrepartie on aura parmi ces 100 personnes traitées intensivement comparées au groupe traitement standard des effets indésirables supplémentaires sérieux ou nécessitant une visite aux urgences :
- 2,7 (de 1,1 à 3,8) patients sans antécédents rénaux chez lesquels on verra apparaître une réduction du débit de filtration glomérulaire d’au moins 30% avec une forte significativité statistique
- Et aussi 1,4 patient de plus chez qui on verra apparaître une hypotension grave
- 1,1 patients de plus chez qui se produira une syncope
- 0,4 patients de plus chez qui se produira une bradycardie, non significatif
- 1 patient de plus chez qui se produiront des anomalies électrolytiques graves
- 0,7 patients de plus chez qui on aura des anomalies électrolytiques graves
- Pas d’augmentations des chutes avec blessures ( ?)
- 1,8 patients de plus qui présenteront une insuffisance rénale aigüe ou une détérioration rénale brutale

Donc 7,6 effets indésirables graves supplémentaires pour les 100 patients traités intensivement, malgré un suivi très rapproché.

Je crois que la démonstration se suffit à elle-même.

La précipitation des auteurs qui? deux mois à peine après avoir arrêté l’étude prématurément et sans laisser le temps de terminer l’analyse, pressent les comités qui rédigent les recommandations de les modifier disent assez clairement qu’il ne s’agit pas d’une étude scientifique neutre mais d’une étude totalement partisane.

Compte tenu des conséquences massives sur la santé des populations sur les coûts des prises en charge et sur les soins courants il me semble que la prudence s’impose.

CMT a dit…

En attendant que des moins idolâtres et moins acritiques que Dominique Dupagne et de plus compétents sur le sujet que moi fassent une analyse, voici un résumé des critiques qu’on peut adresser à l’étude SPRINT, ni plus ni moins basées sur les règles élémentaires de l’épidémiologie qu’on peut trouver ici : http://www.spc.univ-lyon1.fr/lecture-critique/textelong/texte1.htm .

Différents biais de l’étude

Biais de sélection des populations étudiées

nous avons été nombreux à en parler et l’ultrasélection de la population s’est traduit en pratique par la difficulté de recruter 90 patients sur 2 ans pour chacun des 102 centres et la nécessité de faire des multiples amendements pour arriver à terminer le recrutement.
La question qui en découle directement c’est celle de la validité externe, sachant que le but affiché est de modifier le seuil de TA à partir duquel on propose des traitements médicamenteux pour toute la population : à qui s’appliquent réellement les résultats de cette étude. Probablement à la population de l’étude uniquement.

Biais de non insu ou de non respect de l’aveugle

Visiblement les auteurs étaient très motivés, quelles que soient les raisons, à trouver des résultats positifs en faveur du plus bas c’est mieux c’est, donc ce biais n’a pu qu’avoir une influence importante sur le suivi des patients . [« L’absence, ou une mauvaise réalisation, du double insu est susceptible d’entraîner différents biais : biais de suivi, biais d’évaluation. »]

Biais de suivi

Ce biais peut se manifester de différentes manières pas toujours facilement mesurables, comme l’attention portée au groupe de patients chez qui ont espère un résultat favorable. Il nous manque aussi une donnée mesurable dans l’étude pour en avoir une idée : le nombre moyen de visites effectuées tout le long de l’étude dans le groupe standard comparé au groupe intensif.

Ce biais de suivi a notamment pu induire une différence dans les traitements : certains traitements sont plus cardio-protecteurs que d’autres. L’information qui nous manque est donc celle du détail des traitements dans les deux groupes, pour savoir si la différence entre les deux groupes n’est pas en partie due à une différence dans les traitements.

Biais d’interprétation

Avant même la sorite de l’étude des informations » filtraient » laissant supposer des résultats spectaculaires sur tous les évènements cardio-.
[But SPRINT showed a 25% relative reduction in myocardial infarction (MI), other acute coronary syndromes, stroke, heart failure, or death from cardiovascular causes (P<0.001) http://www.medpagetoday.com/MeetingCoverage/AHA/54681 ]
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CMT a dit…

SUITE

En réalité les chiffres du tableau 2 ne montrent pas de résultats significatifs pour 3 évènements sur 5 du critère composite. C'est-à-dire ne montrent pas une réduction significative après un suivi médian de 3,2 ans sur les AVC, sur les syndromes coronariens aigus et sur les infarctus du myocarde.

Infarctus du myocarde Hazard ratio : 0,83 IC95 [0,64-1,09] ; p :0,19
Syndrome coronarien aigü HR : 1 IC95[0,64-1,55] ; p :0,99
AVC HR : 0,89 IC 95[0,63-1,25] ; p : 0,5
Insuffisance cardiaque aigüe : HR :0,65 IC95 [0,45-0,84] ; p :0,002
Décès de causes cardio-vasculaires : HR : 0,57 [0,38-0,85] ; p : 0,005


On voit que l’effet global sur le critère composite est pour partie due à l’adjonction de résultats non significatifs.

Ces différences importantes entre les différents résultats réputés être influencés par l’hypertesion, devrait faire s’interroger sur le rôle d’autres facteurs (outre les biais déjà mentionnés).

L’insuffisance cardiaque, sur laquelle repose 60% environ de la différence entre les deux groupes une fois écartés les autres critères non significatifs est influencée de manière indépendante par l’obésité , chaque point d’IMC supplémentaire augmentant le risque d’insuffisance cardiaque de 5 à 7% [« there was an increase in the risk of heart failure
of 5 percent for men and 7 percent for women for each
increment of 1 in body-mass index.” http://www.masterclinicalpharmacy.it/wp-content/uploads/2011/12/GIUA-2-BMI-E-INSUFFICIENZA-CARDIACA.pdf ]. L’information qui nous manqué est donc est-ce que le groupe présentant une insuffisance cardiaque avait un IMC significativement different de la moyenne?

La validité externe de l’essai

N’est pas garantie par la sélection des groupes mais aussi par le fait que le score de Framingham tend à nettement surestimer le risque de décès dans la population française [« The resulting rates were compared with those derived from national vital statistics.
Results
Framingham overestimated French coronary deaths by 2.8 in men and 1.9 in women, and cardiovascular deaths by
1.5 in men and 1.3 in women. SCORE overestimated coronary death by 1.6 in men and 1.7 in women, and underestimated
cardiovascular death by 0.94 in men and 0.85 in women. http://www.researchgate.net/publication/40870196_SCORE_should_be_preferred_to_Framingham_to_predict_cardiovascular_death_in_French_population )



Concernant la mortalité, la différence dans les morts non attribuées ou de cause inconnue, la différence de morts par cancer, la différence des morts par accident/suicide /homicide, la mort subite, toujours en faveur du groupe intensif ,c e qui doit poser question, représentent 33 décès et constituent 60% (33/55) de la différence des décès toutes causes.



Le résultat le plus incontestable de cette étude est d’avoir multiplié par plus de 3 le nombre de patients pour lesquels on utilise 4 médicaments au moins pour faire baisser la PAS, 6,9% dans le group standard à 24,3% dans le groupe intensif http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=4330 .

Si cela se traduit en des recommandations générales, transposé à la France cela représente, sur 12 millions de patients actuellement traités plus de 2 millions de patients supplémentaires traités par au moins 4 médicaments pour la tension artérielle et encore deux millions de plus qui seraient traités par 3 médicaments au lieu de 2. Sans compter tous ceux qui seraient traités à partir de seuils plu bas.

Considérer un seuil supérieur à 120 de PAS ménerait à traiter la majorité de la population adulte de plus de 35 ans http://www.sfhta.eu/wp-content/uploads/2012/09/mona-lisa.pdf .