mardi 5 juillet 2022

Respecter les prostates ? Histoire de santé publique sans consultation 3.

Simon Hantaï (1922 - 2008)


Je croise Monsieur A, 77 ans, dans la rue, le salue et nous nous arrêtons pour parler.

Monsieur A est boucher charcutier et je suis son client depuis plus de trente ans. Il vend des produits de choix.

Cet homme a beaucoup travaillé dans sa vie, il travaille encore mais il a laissé les rênes de l'entreprise à son fils et à sa belle-fille.

Je trouve Monsieur A amaigri. Mais je ne dis rien.

Il sait que je suis médecin.

"Bonjour, comment ça va ? Vous avez l'air fatigué...
- Ah, j'ai été opéré de la prostate... et après l'opération j'ai beaucoup saigné.
- Mince... Cela arrive...
- Oui, mais là, j'ai été servi."
Je ne sais pas comment poser la question du pourquoi du comment de l'intervention.

" Vous étiez très gêné ?
- Oui, je pissais quatre à cinq fois par nuit. Et dans la journée cela devenait difficile, les déplacements en voiture devenaient difficiles. Le chirurgien m'a dit que j'avais une énorme prostate...
- Vous aviez combien de PSA ?
- C'était peu élevé. Six ou sept.
- Ah...
- Mais, surtout, j'ai été opéré par voie haute.
- Par voie haute ? Ah... Et pourquoi ?
- Parce que le chirurgien m'a dit qu'il y avait un truc bizarre à l'IRM, qu'il voulait voir.
- Et vous avez eu des biopsies ?
- Oui, elles sont revenues négatives. Mais j'ai été opéré dans un très bon service, par un professeur qu'on m'avait conseillé, en privé, bien entendu, ils ont été formidables. Je suis quand même resté trois semaines...
- Hospitalisé ?
- Oui. Le temps m'a paru long.
- Et vous avez un traitement ?
- Non. Enfin, si, du proscar. Je dois faire redoser mes PSA dans trois mois, c'est tout.
- Et vous allez moins souvent pisser ?
- Oui. C'est beaucoup mieux."

Je n'ai pas demandé à Monsieur A, nous sommes dans la rue et je ne le connais pas assez, s'il bandait encore...

Cette histoire de non consultation est navrante.

Il est clair qu'une non consultation dans la rue ne cadre pas avec les données de la science. Le patient me dit ce qu'il a envie de me dire, il se trompe peut-être sur les chiffres de PSA, il rapporte les propos du chirurgien qui ne lui a peut-être pas du tout dit ça. Il me cache un cancer dont il n'a pas envie de me parler. Et cetera.

Mais l'histoire qu'il me raconte compte quand même. C'est quand même son ressenti.

La cascade d'examens complémentaires et d'événements n'est malheureusement pas banale. Mais quand on met le doigt dans l'engrenage...

Et, en plus, que demande le peuple ?, Monsieur A est content de sa prise en charge.

Monsieur A me demande : "Vous avez quel âge ?" - Presque 70. - Et votre PSA ? - Je ne sais pas. - Je ne vous crois pas. Vous êtes médecin, vous devriez vous tester... Vous avez vu ce qu'il m'est arrivé..."

Je m'arrête là. Je ne vais quand même pas lui raconter ce que je pense du PSA, comment pourrait-il ne pas mal le prendre ? Et en quoi cela lui servirait pour qu'il aille mieux ? 

1967

PS : Monsieur A ne s'appelle pas Monsieur A. Il n'a pas 77 ans. Il n'est pas boucher.

1 commentaire:

Kyra a dit…

Rien que pour ça (ne plus avoir à gérer les demandes de dosage de PSA), je suis contente d’être à la retraite depuis un an…