La médecine à quatre vitesses.
Cette conception purement économique de l'accès aux soins est une réalité quand on analyse le taux de consultations et de recours aux examens complémentaires des CSP+ par rapport aux CSP- et surtout quand on constate les écarts d'espérance de vie à la naissance et à 40 ans entre les CSP+ et les CSP-, les écarts d'espérance de vie en bonne santé entre les CSP+ et les CSP-, les écarts de mortalité infantile entre les CSP+ et les CSP-, les écarts de mortalité en couche entre les CSP+ et les CSP-, et cetera.
N'oublions pas non plus que nous vivons dans un pays de l'OCDE. Que les écarts constatés au paragraphe précédent ne sont rien par rapport aux écarts entre pays riches et pays pauvres. Je peux vous donner de multiples exemples. Elles sont là sur ce blog.
Mais cette médecine à 2 vitesses est en réalité une médecine à 4 vitesses.
Car à chaque vitesse il existe des praticiens qui exercent une médecine selon les preuves et d'autres qui ne le font pas. Il existe des médecins qui lisent les recommandations (dont on connaît le niveau de corruption par l'industrie), des médecins qui tiennent compte des recommandations, des médecins qui tentent de les appliquer et des médecins qui le font une fois sur deux, une fois sur trois ou jamais.
Sans oublier l'utilisation de la marche arrière.
La disparition des soins primaires libéraux : objectif conjoint de la gauche et de la droite.
Il est paradoxal de constater qu'un exécutif libéral étatique comme celui de Macron fait tout (mais comme dirait l'autre avant de penser au complot il faut se rappeler la bêtise) pour supprimer la médecine libérale, la kinésithérapie libérale, les soins infirmiers libéraux, et cetera. Dont la pharmacie libérale, les laboratoires d'analyse libéraux...
Les soins primaires libéraux sont une aubaine pour l'Etat français qui subventionne en partie (cotisations sociales) en favorisant l'abattage (la rentabilité) avec un prix faible des actes et qui récolte des impôts chez des CSP+.
Ainsi, cette destruction est actée dans le but de reconstruire la maison-mère, l'hôpital, dans la communauté. Cette vision hospitalo-centrée des soins primaires va conduire les libéraux à se salarier dans des structures hospitalolike (avec une inflation de personnels non médicaux, depuis les coordinateurs administratifs jusqu'aux laveurs de carreaux), à ne plus faire que de la télé consultation, à se déconventionner ou à faire autre chose.
L'Etat sait (mais la bêtise des hauts fonctionnaires est à prendre en considération car, comme l'échelle de Richter, elle n'a pas de limite) que les soins primaires hospitalolike ne sont pas vivables financièrement. L'Etat français va donc spolier la médecine libérale, les soins infirmiers libéraux, la kinésithérapie libérale et déléguer au privé financiarisé les soins primaires (aux mutuelles, aux assurances, aux fonds de pension, aux requins, et cetera) comme ils l'ont fait avec les hôpitaux privés, les EHPAD, l'analyse médicale et sont en train de le faire avec l'ophtalmologie et la dentisterie.
Ces structures privées, pour être rentables et profitables, devront faire de la médecine rapide, de la médecine compériste (beaucoup d'examens complémentaires inutiles effectués dans des structures administrées par des grands groupes), de la médecine prescriptive (des antibiotiques dans les rhino-pharyngites, ça permet de ne pas revoir les patients)...
La médecine libérale inégalitaire sera remplacé par des fast-foods où les CSP+ s'encanailleront, où les CSP- paieront le prix fort, et où les CSP- finiront par ne plus aller en raison du reste à charge qui deviendra trop important.
La disparition des soins primaires libéraux (et nous n'oublierons pas les critiques sur son fonctionnement, ses abus, et cetera...) profitera aux fonds de pension avec la bénédiction de l'extrême-gauche (la gauche n'existe plus depuis longtemps) et fera disparaître les soins primaires indispensables à la Santé publique.
En détruisant les soins primaires libéraux on plombera l'hôpital (pas encore assez plombé) pour des dizaines d'années encore.
Et ce sera un gouffre financier pour les patients.
A quand une action commune de tous les actrices/acteurs des soins primaires ?
Trop de médecine.
La vie d'une prolétaire racisée. |
59 euro en France |
4 commentaires:
Il faudrait plusieurs billets pour répondre et argumenter sur les soins libéraux.
En synthétisant beaucoup.
Depuis 40 ans les décisions concourent en effet à la disparition programmée des soins primaires libéraux.
Les choix ont été faits, et maintenus par tous les gouvernements, de céder les soins au privé, pas au libéral, mais au grands groupes financiers, intéressés par le rendement à court terme.
C'est en fait plus qui se réalise, la disparition du principe de la sécurité sociale.
On peut concevoir des soins primaires salariés, mais il faut y mettre le prix, ce que la doxa économique actuelle ne permet pas.
Il est dommage que trop de soignants aient pu définir la défense de l'exercice libéral comme l'alpha et l'oméga de soins de qualité. Certains par conviction libérale, d'autres par défense des principes d'un système se dévoyant avec son évolution.
Tu as raison.
Mais le mot "libéral" est un mot valise. On peut y mettre ce qu'on veut.
Les soins primaires, selon la doctrine Kouchner, c'est de la bobologie. Donc la bobologie peut disparaître.
J'ai écrit tellement de billets sur la question.
J'ai essayé d'écrire une somme sur les "Représentations collectives de la santé" mais je n'y arrive pas.
Les patients veulent tout tout de suite sans hiérarchisation des besoins et se plaignent de ne pas obtenir une IRM pour des douleurs de genou. "Parce que je le vaux bien".
Et les médecins jouent le jeu de la consommation, non de soins, mais de simulacres de soins.
D'autres médecins de soins primaires pensent qu'ils sont investis d'une mission : refaire le monde (j'entends ces confrères/soeurs affirmer qu'une primo consultation avec un.e malade inconnu.e pour mal de gorge leur demande 30 minutes pour un interrogatoire complet avec qui ils couchent, quelle margarine ils mangent, et cetera.
Encore une fois les soins primaires sont là pour gérer l'incertitude, pour éviter le passage aux urgences, pour éviter le passage chez le cardiologue (ECG, coroscan, épreuve d'effort, angiographie, stents) ou en clinique spécialisée.
Les libéraux vont disparaître (et n'oublions pas les IDE, les MK) au profit de médecins salariés dans des structures semi-étatiques et/ou des structures privées où ils auront les avantages du salariat pour les premiers et les désavantages de la médecine Uber pour les seconds.
Mais, effectivement, il faudrait écrire un traité.
Ça va mal.
N'oublions pas non plus que les urgences font partie des soins primaires.
Et que la doctrine des urgentistes a changé en 5 ans dans le service public du moins, passant du "On voit tout, c'est notre éthique" à "On doit trier, on ne peut faire autrement".
Dans le privé et dans les centres de soins non programmés intégrés ou non à des cliniques, c'est "On voit tout et on fait des examens complémentaires en fonction de l'équipement).
A plus.
Amitiés.
Tu oublies de dire que la valeur limitante du marché des soins primaires ce sont bien les médecins généralistes. Du coup tout le monde essaie d'approprier cette valeur pour mettre la main sur le marché. Voilà pourquoi on essaie de nous faire plier bagage de nos petits cabinet pour rejoindre de nouvelles maison mères, qu'elles soient des groupes privés ou des structures étatisées CPTS gérés par les CTS, gérés par l'ARS de la DGS du ministère.
Merci de le rappeler.
Les soins primaires, ce sont quand même les MG, les IDE, les MK.
Et la disparition des MG va entraîner un déplacement des soins médicaux vers le bien-être remboursé par les mutuelles et assurances privées.
Il y aura confusion entre médecine et patamédecine pour élargir le champ des soins avec du cash à la clé.
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