jeudi 5 mai 2011

L'hormone de croissance : Tout va très bien Madame la Marquise.

Une fois n'est pas coutume je reproduis in extenso un papier de Marc Girard qui est paru sur son site (ICI).
C'est à pleurer.
Sans compter les victimes.
Vous avez la première partie.
La deuxième est ICI : l'exception française.

Hormone de croissance : autopsie d’un désastre judiciaire

I - L’INCOMPÉTENCE À L’OEUVRE
jeudi 5 mai 2011 par Marc Girard

La scène se passe au téléphone, dans le courant de l’année 2004. Chargé par le juge d’instruction d’une expertise visant à expliquer les causes de « l’exception française » – pourquoi, toutes choses égales par ailleurs, l’hormone de croissance a-t-elle fait bien plus de victimes en France que dans les autres pays ? –, je lui fais part de ma perplexité : tout bien considéré, quel est l’intérêt de ma mission quand il apparaît que l’instruction dispose, et depuis des années, d’un rapport signé entre autres par le Prof. Jean-Hughes Trouvin qui répond à la question de façon précise, avec une crudité d’ailleurs inattendue chez un membre aussi éminent de l’establishment pharmaceutique ? Sur un ton de surprise contrariée, le juge me demande d’où je tiens ce document avant de m’expliquer que je ne dois pas l’utiliser attendu qu’il s’agit d’un rapport « de biochimie » et que je ne suis pas moi-même biochimiste : « cela vous serait reproché. »

Il y a tout le désastre judiciaire de l’hormone – et, par delà, du « Pôle santé » – dans cet échange minuscule.

L’anarchie procédurale, d’abord : par quel mystère un simple collaborateur occasionnel de la Justice aurait-il pu se procurer un document dûment coté, bien entendu couvert par le secret de l’instruction ? De deux choses l’une : ou bien, d’une façon ou d’une autre, il y a eu violation dudit secret, et le magistrat en charge de l’instruction serait fondé à s’en émouvoir – alors que le sentiment exprimé se limite à la simple contrariété d’une mission parasitée par une pièce qu’il considère manifestement comme inopportune. Ou bien c’est le magistrat lui-même qui m’avait communiqué le rapport de Trouvin ; qu’il ne s’en souvienne plus en dit long sur les modalités de circulation des pièces au cours de l’instruction et, plus encore, sur son niveau de conscience quant à l’importance de ce rapport – pourtant unique contribution relativement à une problématique évidemment cruciale pour la judiciarisation de l’affaire : si la contamination de l’hormone par le prion était une fatalité liée à l’état des connaissances de l’époque, pourquoi les Français ont-ils fait plus mal, et de loin, que leurs collègues étrangers ?

En admettant, deuxièmement, que – pourtant spécialiste éprouvé du médicament et ayant donné moult preuves documentables d’une forte inclinaison vers l’interdisciplinarité – je sois dans l’incapacité de maîtriser une contribution réputée aussi spécialisée que celle de Trouvin, qui l’exploitera ? Quand même pas un juge ! Dès lors, à quoi bon prolonger l’instruction par des mesures d’expertise débouchant sur des contributions que leur technicité rend inexploitables ? De fait, je ne cesserai de découvrir dans la suite que ce rapport accablant était bien passé inaperçu et du juge, et des parties civiles. Et je comprendrai mieux, rétrospectivement, cette rebuffade d’une magistrate du Pôle santé de Marseille rencontrée au hasard d’une réunion publique, à qui j’avais cru bon de me présenter comme très impliqué symétriquement dans les affaires du Pôle parisien : avec une absence d’aménité frisant l’impolitesse, elle m’avait froidement rétorqué que, à Marseille, « on n’aimait pas les usines à gaz »…

Mais, dans sa portée, cette saynète inaugurale va encore plus loin. Car jusqu’à plus ample informé, l’excellent J H. Trouvin n’a jamais été biochimiste : il est pharmacien, docteur d’Etat en pharmacologie, professeur de pharmacologie, il a assumé de multiples fonctions tant à l’Agence française du médicament qu’à l’Agence européenne du médicament. Au moment des faits, il est « Directeur de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques » : en gros, Monsieur Numéro 1 dans la France des médicaments et produits biologiques – qualification fort distincte de « la biochimie » mais qui pourrait, en revanche, s’avérer très utile dans une affaire judiciaire où, comme chacun sait, un produit biologique, justement, – l’hormone de croissance – s’est vu, et durant des années, placé dans une exception radicale par rapport aux règles qui s’appliquent normalement aux médicaments, fussent-ils d’origine extractive (insuline, hormones thyroïdiennes, gonadotrophines, etc.) Et de fait, loin de toute « biochimie », l’expertise de Trouvin concerne (comme attendu sur la base de ses titres et travaux) la problématique pharmaceutique de l’hormone considérée comme médicament.

Il apparaît donc que plus de 13 ans après l’ouverture d’une instruction dans une affaire qui, par quelque bout qu’on la prenne, relève d’abord et avant tout d’un exercice illégal de la pharmacie [1], le juge qui la conduit, emblème surmédiatisé d’une politique de spécialisation judiciaire, n’a toujours pas une maîtrise même élémentaire – non pas des problèmes techniques, encore moins scientifiques qui sous-tendent la pharmacie ou la thérapeutique modernes – mais simplement des lois et réglementations gouvernant la fabrique et la distribution des médicaments… Car au terme d’une tradition juridique qui, depuis des siècles et sans doute même des millénaires, a constamment contraint l’exercice de la pharmacie d’une forte exigence de sécurité, la commercialisation d’un médicament repose sur une évaluation tripartie : 1) données pharmaceutiques (nature chimique, composition, matières premières, fabrication, contrôle des impuretés et contaminations, stabilité, etc.), 2) données toxicologiques (essentiellement : tests chez des animaux), 3) données cliniques (tests chez des humains). Conformément aucurriculum vitae connu de ses cosignataires, l’expertise de Trouvin et coll. est justement concernée par l’évaluation pharmaceutique (et non pas « biochimique ») de l’hormone de croissance considérée comme médicament : on est bien là au cœur le plus traditionnel du métier pharmaceutique, car si l’exigence de données animales, puis cliniques ne s’est fait jour qu’assez récemment, on n’aurait aucune peine à documenter la conscience séculaire des autorités quant aux risques de la préparation médicamenteuse – particulièrement ceux de l’extraction (qu’elle concerne le venin de serpent, la bave de crapaud ou les excréments de bouc) – partant leur souci constant d’imposer un minimum de règles à ceux qui prétendent fabriquer des remèdes.

Cependant – spécialisation oblige – cette évidence historico-juridique aussi ancestrale que facilement documentable échappe manifestement aux juges du « Pôle santé » : la requalification « biochimique » d’un exercice éminemment pharmaceutique dit assez l’ignorance des magistrats en charge du dossier hormone relativement aux pré-requis législatifs élémentaires en matière de médicament…

Cette désinvolture du juge à l’égard des lois et réglementations régissant la « spécialité » qu’il est censé représenter n’est pas un cas d’espèce, mais semble refléter un état d’esprit dont on retrouverait sans peine d’autres indicateurs. Lors du procès lui-même, on entendra les mis en examen soutenir que l’hormone de croissance n’était pas à proprement parler un « médicament », avant d’insinuer qu’il pouvait aussi s’agir d’un « médicament orphelin » : ce, sans qu’aucun des magistrats présents (incluant les représentants d’un parquet organiquement lié, lui aussi, à la structure « spécialisée » du Pôle santé) ne fronce le sourcil devant l’énormité juridique d’assertions aussi aisément réfutables sur la seule base des textes en vigueur, pour ne point parler de la jurisprudence.

Au moment de ce même procès (en première instance), alors que, par suite de la médiatisation inhérente, l’affaire hormone de croissance s’imposait comme référence naturelle, des témoins fiables entendront mon juge d’instruction déplorer au cours d’un colloque que les magistrats ne fassent pas assez de médecine et que les médecins, de leur côté, soient trop ignorants du droit… D’où l’on comprend rétrospectivement que si, dans l’affaire précédente du sang contaminé, relativement superposable, le magistrat en charge de l’instruction s’est ainsi obnubilé sur une histoire de faute médicale là où il y avait d’abord et avant tout exercice illégal de la pharmacie, il n’ait rien trouvé de mieux que la qualification atterrante « d’empoisonnement » pour évacuer avec brio cette histoire abominable vers une relaxe généralisée que d’aucuns considèrent désormais comme « le scandale judiciaire du 20e siècle » [2] …

Ainsi obsédés de médecine quand il se fût agi de qualifier des manquements accablants à la législation pharmaceutique, les magistrats – de l’instruction ou du Parquet – s’inscriront paradoxalement aux abonnés absents lorsqu’il s’agira d’examiner la contribution spécifique des médecins aux drames sanitaires susmentionnés – dans la mesure où, du moins à l’époque moderne, le plus frelaté des remèdes reste largement inoffensif tant qu’il n’est pas prescrit : élémentaire, mon cher Watson, mais manifestement ignoré des juges dont la « spécialisation » reste pourtant la seule justification d’une initiative centralisatrice aussi redoutable qu’un Pôle santé permettant à l’autorité judiciaire de concentrer sur quelques têtes connues – largement prévisibles – l’essentiel des affaires dont l’ampleur, loin d’appeler une sanction en rapport, justifie simplement une classification sous la rubrique « santé publique » et la captation subséquente… Ainsi, on ne sache pas que l’instruction ait été très active pour examiner si toutes les personnes contaminées par le sang avaient été sérieusement justiciables d’une transfusion ou d’une administration de produits dérivés – alors que, secret de Polichinelle dans le milieu médical, il y aurait eu beaucoup à dire sur cet aspect du problème. Semblablement, lorsque, après plus de dix ans d’instruction, un prescripteur se trouvera enfin mis en examen par suite de ma première expertise consacrée à l’hormone [3], le juge restera ensuite obstinément sourd à mon exhortation de refaire la même évaluation critique de la prescription dans chaque cas particulier, pavant ainsi en avenue la route qui permettra ensuite au Parquet de demander la relaxe pour ce médecin dont on voit effectivement mal au nom de quoi, parmi bien d’autres au comportement identique, elle aurait dû être la seule sanctionnée : illustration, au passage, de cette stratégie que nous ne cesserons de retrouver, qui consiste à ponctuer une instruction interminable de mesures aussi anodines que frénétiquement médiatisées , finalement destinées à ne déboucher sur rien. Quand, 7 ans plus tard, dans l’une de mes dépositions au procès, j’introduirai que, aux antipodes de la pratique pédiatrique recommandable, les médecins de France Hypophyse se seront comportés en « incendiaires de l’anxiété parentale » pour imposer leurs prescriptions abusives, le Président m’interrompra immédiatement comme « sorti du sujet » – sans susciter la moindre protestation chez les avocats des parties civiles (lesquelles, néanmoins, viendront ensuite me dire à quel point l’expression correspondait à leur triste expérience : j’étais, précisément, au cœur du sujet)… Ainsi, dans cette affaire hormone de croissance, l’inconfort psychologique compréhensible d’une pauvre praticienne hospitalière supportant le joug d’une mise en examen durant quelques années malgré une prévisible relaxe aura été le moins de ce qu’il fallait payer pour accréditer devant des parties civiles exténuées la perspective d’un procès censément « exemplaire » [4] , pourtant voué à les ridiculiser et à insulter la mémoire des victimes.

Ainsi démasquées à l’épreuve, les insuffisances individuelles sont assez voyantes et répétitives pour conduire à s’interroger sur les véritables motifs ayant conduit l’autorité politique à dépouiller les juridictions françaises de tout droit de regard sur les affaires de quelque ampleur sous le prétexte désormais intenable d’une « spécialisation » dont on chercherait vainement le moindre indicateur crédible. Techniquement bien plus complexe que celle du sang contaminé ou de l’hormone, aussi médiatique, l’affaire du dopage dans le cyclisme, traitée localement par le TGI de Nanterre, n’a pas exigé une instruction interminable et n’a pas débouché sur un procès honteux : on ne sache pas que le magistrat instructeur fût doté de quelque « spécialisation » que ce soit… Le présent article, cependant, se soucie peu des défaillances personnelles, mais trouve sa justification dans une réflexion citoyenne qui va bien au-delà de la dénonciation : le détail des turpitudes individuelles, aussi anonymisé que possible, ne valant que pour documenter en fait – sur la base d’une expérience aussi dense qu’intensive – une interrogation inquiète sur l’évolution de la Justice française et dont on aurait aucune peine à trouver un écho qui dépasse largement l’horizon d’un seul témoin : rendant compte d’un livre consacré au « fiasco » du Pôle financier [5] (dont le Pôle santé n’est lui-même qu’une excroissance tardive), le Canard enchaîné n’écrivait-il pas (21/11/06) que « la hiérarchie judiciaire semble aussi s’entêter à nommer des magistrats qui ignorent tout des techniques financières » (c’est moi qui souligne)…

Or, justifiant l’abandon à mes risques et périls de ma confortable activité de consultant privé pour mettre ma compétence à son service, le mystère et la beauté de la Justice sont justement que, dans son principe, elle est invulnérable aux défaillances individuelles. Dans la préface (1865) de son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Pierre Larousse écrivait :

Nous savons qu’il y a des grâces d’état ; c’est la sagesse des nations qui a proclamé cet axiome, dont personne ne conteste la vérité : un juge, assis sur son tribunal, nous inspire du respect, même quand nous le savons indigne de juger ses semblables, parce que notre connaissance du cœur humain nous persuade qu’il y a dans ses fonctions mêmes quelque chose qui doit réveiller en lui le sentiment de la justice.

La question profonde consiste justement à se demander par quelle malédiction la justice française a perdu cette « grâce d’état » qui permettait aux citoyens de croire que les plus indignes des juges visaient toujours au Juste – tout simplement parce que, comme me l’avait dit en parallèle, 125 ans plus tard, l’éminent juriste qui a déterminé ma vocation d’expert judiciaire, « ils sont possédés par le Droit ».

Les quelques éléments de fait qui viennent d’être évoqués fournissent déjà une première réponse à l’angoissante question qui précède : les juges français sont aujourd’hui d’autant moins « possédés par le Droit » qu’à l’évidence, ils sautent sur tous les prétextes pour n’en plus faire. Et quel prétexte que l’expertise « scientifique » [6] pour évacuer la charge du Juste !... Car ce qu’illustrent plus que tout les affaires de santé publique – qui relèvent pourtant d’un corpus législatif et réglementaire quasi millénaire –, c’est la difficulté des magistrats à s’ancrer dans une épistémologie adéquate ; c’est leur coupable inclinaison à se laisser déporter vers une technique à laquelle ils n’entendent manifestement rien au lieu de s’en tenir d’abord et avant tout aux lois et règlements qui régissent – depuis des décennies, voire des siècles – l’exercice de la technique en question.

Quand, du plus haut magistrat au plus humble greffier en passant par tous les avocats de passage, l’intimité du Palais bruit d’une rumeur aussi récurrente qu’unanime – « il/elle est nul(le) en droit » ! – on peut s’interroger sur la perversion qu’exerce sur les catégories habituelles du monde judiciaire le prestige des affaires censément spécialisées. Quand, de la Chancellerie aux escaliers du TGI de Paris en passant par la Cour de cassation, le même hochement tête aussi entendu que résigné ponctue l’évocation de tel ou tel indéboulonnable juge, on en vient à se demander si la « spécialisation », au fond, ce n’est pas le prétexte infernal par quoi les représentants du monde judiciaire abdiquent leurs concepts naturels et, pour tout dire, leur esprit critique.

De façon légèrement antérieure au procès hormone de croissance, j’étais tombé par hasard sur un reportage télé consacré au désastre judiciaire du sang contaminé. Des victimes interrogées aux éminents magistrats associés à la Cour de Justice de la République, une seule conviction : en s’attaquant à la Transfusion française, on s’était heurté à trop forte partie. Or, dans le monde médical, l’organisation de la transfusion n’a jamais été quelque "forte partie" que ce soit et, pour s’en convaincre, il suffit de constater de quelle façon – et avec quelle brutale célérité – elle s’est trouvée exterminée dans les suites du scandale : on a vu des directeurs de centre sangloter d’humiliation au traitement qui leur était réservé par l’autorité de tutelle. Dans la hiérarchie médicale académique plus généralement, l’appartenance à cette organisation a toujours été traitée avec condescendance : commentant l’exaspérante médiatisation d’un histrion heureusement disparu que la presse avait l’habitude d’évoquer comme « le grand cancérologue », l’un de ses anciens chefs de clinique me dit un jour que l’intéressé n’avait jamais été cancérologue [7], mais qu’il n’était que « médecin de transfusion » – sur ce ton d’absolu mépris dont on ne trouve l’équivalent que dans les chansons de geste, quand il s’agit d’informer l’auditeur que, si dissimulé qu’il fût, le félon ne pouvait celer qu’il était malingre, borgne, boiteux, basané et le plus probablement lépreux… Intenable à l’épreuve, l’idée que la Transfusion était invulnérable apparaît d’autant plus fantasque qu’elle sert surtout à préserver un fantasme fort du monde judiciaire, à savoir « l’indépendance » des juges : qui donc aurait plié devant cette organisation de la transfusion, et sous quel type de pression ?

Mais pour imaginaire qu’elle soit, cette idée d’une forteresse médicale imprenable permet d’esquiver la triste réalité, bien plus prosaïque : à savoir que le désastre judiciaire du sang contaminé provient d’abord et avant tout de l’incapacité radicale où se sont trouvés les magistrats en charge du dossier à qualifier les faits de façonjuridiquement appropriée. Tant il est vrai qu’invoquer une faute d’indépendance laisse ouverte l’hypothèse de défaillances individuelles, alors que reconnaître les effets de l’incompétence, ce serait remettre en cause l’institution dans son ensemble – notamment dans ses procédures de formation, de sélection et de discipline interne.

On en revient - comme par hasard - à la question de l’incompétence - si récurrente sur le présent site. Car de même que les liens d’argent ne résument pas à eux seuls les conflits d’intérêts, cette question de l’incompétence est loin de se limiter au seul monde expertal.

On vient d’en avoir une superbe confirmation aujourd’hui...

[1] Strictement ignoré par l’ordonnance de renvoi.

[2] Les malins formalistes ne manqueront pas de remarquer qu’à l’époque des faits, les produits dérivés du sang, justement, n’étaient pas considérés comme médicaments. Occasion excellente, en vérité, d’examiner la responsabilité de l’administration et des politiques dans les dérives consécutives à cette regrettable carence. Encore eût-il fallu que – normalement synthèse des investigations opérées au cours de l’instruction – l’ordonnance de renvoi fût disponible pour être mise à la disposition de la Cour de Justice de la République, ce qui ne fut malheureusement pas le cas.

[3] Hormone de croissance : le premier médecin prescripteur mis en examen, Le Figaro, 09/08/2001.

[4] Hormone de croissance : le procureur de Paris promet un procès exemplaire, Le Monde, 11/11/04.

[5] E. Decouty. Un fiasco français. Histoire secrète du pôle financier. Paris, Denoël, 2006.

[6] N’a-t-on pas vu, 24 ans après les faits, le Parquet relancer l’affaire Grégory au motif préoccupant que les progrès de « la Science » (en l’espèce, du typage génétique) pourraient permettre de retrouver le chemin du Juste que la machine judiciaire avait complètement perdu après les embardées effarantes de l’instruction.

[7] Comme illustré, d’ailleurs, par les bases de données bibliographiques permettant d’inventorier sur pièces les contributions effectives de tout un chacun.


Patrick Roy : les leçons dramatiques de la transparence.


Patrick Roy

Il fut un temps où l'on mentait aux malades en ne leur disant pas de quelle maladie grave ou mortelle ils souffraient (la période paternaliste hypocrite) et, par un tour de passe passe idéologique et moral, il est licite désormais de dire la vérité aux malades surtout quand leur maladie est grave ou mortelle (la période libérale hypocrite, libérale au sens philosophique, pas économique).
Aujourd'hui, je pense certes aux proches du député Patrick Roy qui vient de mourir d'un cancer du **** (et vous lirez ICI une analyse politique de Christian Lehman), mais moi, et j'ai hésité à écrire ce post, je l'ai fait après avoir consulté une famille de patient, je pense surtout à tous les malades qui ont actuellement un cancer du **** et qui viennent d'apprendre en direct qu'ils sont foutus. Je pense aux familles qui, telles un Etat policier, ont tenté de couper la télévision, internet ou supprimé les journaux de la maison (grève très vraisemblable des NMPP) afin que leur mari, père, fils (et la même chose dans l'autre sexe) ne perde pas définitivement l'espoir de guérir.
J'ai déjà parlé ici de la pratique barbare de dire la vérité au malade quel qu'en soit le coût moral mais je voudrais souligner ici combien la transparence et la publicité, considérées comme geste éthique fondamental vis à vis des medias, de la maladie des hommes politiques, par exemple, est une des composantes, je pèse mes mots, du totalitarisme moderne des sociétés libérales, celui de l'intrusion de la démocratie d'opinion dans la vie privée de tout un chacun.
Non, chers malades, le cancer du **** du député Patrick Roy n'est pas toujours mortel. Ayez de l'espoir.

dimanche 1 mai 2011

Le Conseil d'Etat donne raison au Formindep : les recommandations sur le diabète étaient "corrompues"

Déontologie et indépendance (selon HAS)

L’indépendance, qui est l'un des 3 principes fondateurs
de la HAS, se manifeste, entre autres, par des exigences déontologiques
aussi bien pour les membres du Collège et les personnels permanents,
que pour les membres des commissions spécialisées et les collaborateurs
extérieurs.En effet, dans le cadre de ses missions,
la Haute Autorité de santé doit mettre en oeuvre une compétence
d’expertise scientifique et technique, notamment sur les produits,
actes et prestations de santé. Elle est ainsi en interface avec des
acteurs dont les intérêts peuvent diverger.L’obligation de déclaration
publique d‘intérêt résulte du décret n° 2004-1139 du 26 octobre 2004
(art. R.161-84 à R.161-86 du code de la sécurité sociale) et du
règlement intérieur du Collège (art. III.2 et 3). Socle déontologique
de la Haute Autorité de santé, la DPI contribue à en garantir
l’indépendance.

Un formulaire de déclaration d'intérêts est remis à toute personne qui
souhaite collaborer aux travaux de la HAS. Le formulaire doit être
retourné à la HAS avant le début de l'exécution de la mission. La
personne y indique tout lien direct ou indirect avec :

- les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l'HAS

- les organismes professionnels de ces secteurs

- les société de conseil intervenant dans ces secteurs

Symbole d’une approche préventive privilégiant la transparence des liens entre
industriels et experts, la DPI participe à la crédibilité de nos avis.

Afin d’inscrire la démarche dans une dynamique d’amélioration continue et de
bénéficier des apports qui s’attachent à un regard externe, la Haute
Autorité de Santé a souhaité en outre s’adjoindre le conseil d’un
groupe indépendant dénommé «Déontologie et indépendance de
l’expertise». Présidé par un conseiller d’État (M. Christian
Vigouroux), et composé de personnalités issues du monde médical et
scientifique (Pr. Jacques Roland et Pr. Charles Caulin), d’un juriste
(M. Joël Moret-Bailly) ainsi que d’un membre du Collège de la Haute
Autorité (M. Etienne Caniard), ce groupe a pour fonction d’évaluer en
toute indépendance les procédures mises en œuvre, de formuler toute
proposition de nature à améliorer les règles déontologiques et de se
prononcer - à la demande du Président ou du Directeur - sur des
situations individuelles.



Après un long combat qui a dû coûter temps et argent au Formindep, le Formindep a gagné. Les Recommandations que la HAS a consacrées au traitement du diabète étaient, selon le Conseil d'Etat, "corrompues".
Enfin, j'interprète, les termes exacts sont : Le Conseil d'Etat abroge la Recommandation professionnelle relative (élaborée par la Haute Autorité de Santé) au traitement médicamenteux du diabète de type 2 (ICI).
Mais je vous mets en lien avec le site du Formindep, il le mérite bien, il vous expliquera cela mieux que moi (LA).
Nul doute que la Haute Autorité de Santé va réagir mais le recours sur les recommandations consacrées à l'Alzheimer va certainement lui aussi être invalidé pour Conflits d'intérêts non déclarés.
Cette affaire est grave.
Car la HAS est au centre d'un système décisionnel, voire opposable, qui tente de définir la norme et ce système produit de la matière qui sert de caution à l'Assurance Maladie, pour la prise en charge des ALD, par exemple, ou pour installer le CAPI. Ne parlons pas non plus de la
Justice qui prend en compte ses recommandations pour dire le Droit.
Cette affaire est grave car, même si le Formindep n'a attaqué que sur deux Recommandations, la validité des avis de l'HAS en général devient plus flou et moins opposable.
Cette affaire est grave car elle pose désormais le problème de l'expertise
indépendante (vaste sujet) dans un monde universitaire et libéral corrompu par l'industrie depuis les premières années de médecine jusqu'aux FMC pour retraités remplaçants.
Nous avons besoin d'une HAS qui travaille, nous avons besoin d'une HAS qui soit ouverte, nous avons besoin de la publicité des débats (et, éventuellement, de la publicité des ébats), nous avons besoin d'experts, de praticiens, de médecins, de pharmaciens, qui ne soient pas des potiches quand, au moment de la décision, c'est la DGS qui rend la médecine au nom des intérêts supérieurs de la Nation (et du lobby politico-administrativo-académico-industriel).

Je suis sérieusement dubitatif comme je l'avais été pour la réorganisation de l'AFSSAPS, de la non réorganisation de l'INVS (toutou de la DGS) et du Haut Conseil de Santé Publique ou de la reconduction des experts à vie de la vaccination au décours de la fabuleuse campagne H1N1, via le Comité Technique des Vaccinations.

Rendons grâce au Formindep de son action déterminante mais soyons aussi attentifs aux autres vaches sacrées qui ne peuvent être critiquées pour des raisons idéologiques comme la Revue Prescrire et pour ne pas, comme on disait dans les années 50, donner des armes à Big Pharma.

(Nous ne savons toujours pas pourquoi des membres de la rédaction de Prescrire
participent à des organismes officiels sans le dire.)

vendredi 29 avril 2011

Bronchiolite : que faire ? Rien !


Je rappelle ici que la bronchiolite du nourrisson est une infection virale respiratoire du nourrisson touchant les petites bronches et due dans 80 % des cas au Virus Respiratoire Syncitial. Le diagnostic est ainsi généralement défini par un premier épisode de sifflements bronchiques dans une ambiance virale (rhume et / ou fièvre) chez un enfant de moins de deux ans. L'infection des bronchioles conduit à un oedème des voies aériennes, une inflammation, un épaississement muqueux, une nécrose, tous phénomènes qui entraînent une obstruction des voies aériennes.

C'est une maladie fréquente et l'infection virale la plus fréquente du bas appareil respiratoire chez le nourrisson de moins d'un an. Les chiffres de fréquence sont variables selon les auteurs : certaines sources parlent de 2 à 3 % et d'autres de 10 % dans la tranche d'âge.
Quoi qu'il en soit cette infection virale est le plus souvent bénigne même si elle entraîne 10 % d'hospitalisations. 99 % des décès (0,2 à 0,5 %) surviennent dans les pays en voie de développement. Les facteurs de risque induisant une plus grande sévérité sont : la prématurité, une affection pulmonaire chronique et une maladie cardiaque congénitale.
Les essais les plus récents, dont vous trouverez le recensement dans l'article ICI, n'arrivaient pas à montrer l'efficacité des bronchodilatateurs, de l'adrénaline, de l'oxygène inhalé, des anticholinergiques et des corticostéroïdes.
La majorité des Recommandations ne conseille pas les bronchodilatateurs et déconseille fortement les corticostéroïdes, des antiviraux (palivizumab) et des antibiotiques.

Petit historique.
Quand j'ai commencé la médecine générale, on se posait peu de questions (enfin, je me posais peu de questions) : le traitement était, je prends ma respiration, antibiothérapie, corticothérapie per os à doses fortes (2 à 3 mg / kg), désinfection rhinopharyngée, fluidifiant bronchique, ventoline en sirop, aspegic ou paracétamol pour la fièvre, kinésithérapie ! Je ne mens pas. L'EBM était un mot inconnu. C'était l'étape numéro 1.

Et maintenant que l'EBM a été popularisé, enfin, je plaisante, l'EBM est encore un OMNI (Objet Médical Non Identifié) pour nombre de médecins qui pensent qu'il s'agit simplement de prendre en compte le résultat des essais contrôlés randomisés pour "traiter" les patients ; ou pour nombre de médecins qui pensent que c'est une intrusion scientiste intolérable dans le "colloque singulier" avec le malade ; ou pour nombre de médecins qui pensent que seuls les essais contrôlés ont une valeur décisionnelle ; ou pour nombre de médecins qui pensent que leur expérience personnelle (expérience interne) vaut mieux que tout questionnement ; ou pour nombre de médecins qui pensent que l'avis des patients (valeurs et préférences) n'est rien par rapport à leurs agissements.

Quoi qu'il en soit, la prise en charge des bronchiolites du nourrisson a changé : les experts (étape numéro 2) ont dit la médecine : les antibiotiques sont inutiles (on le savait plus ou moins mais à l'époque il était de bon ton, pour certains, de dire : qu'il y avait des risques de surinfection, que chez le nourrisson on ne savait jamais, que c'était grâce à l'antibiothérapie systématique que l'on voyait moins de complications, que l'on hospitalisait moins, et autres fadaises que certains faisaient semblant de croire...) ; la corticothérapie pas plus (certains ont eu du mal à abandonner le célestène en gouttes) ; le sirop de ventoline ne sert à rien et, qui plus est, peut être dangereux, il est donc à proscrire (cette injonction ayant été rendue plus facile par la suppression du sirop en question) ; il ne faut plus utiliser l'aspirine chez le nourrisson en raison du risque de syndrome de Rye ; paracétamol utilisable à doses plus fortes : 50 à 60 mg / kg ; pas de kinésithérapie (nous sommes le seul pays du monde à penser .

Etape 3 : les praticiens ont eu du mal à s'adapter et ce, d'autant, qu'au fur et à mesure qu'ils se conformaient aux données de la science, les ordonnances de sortie des urgences hospitalières comportaient de nouveau de la corticothérapie per os et à des doses quasiment toxiques... Par
ailleurs, des campagnes d'information grand public soulignent le rôle majeur de la kinésithérapie dans le cas des bronchiolites du nourrisson avec installation des urgences kinésithérapiques dans chaque département... Et, cerise sur le gâteau, il n'est plus possible de prescrire des sirops quels qu'ils soient chez des enfants de moins de deux ans...

Etape 4. Donc, le "bon" docteur généraliste, quand il diagnostique aujourd'hui une bronchiolite, il évalue certes l'intensité de la maladie puis, après avoir éliminé une hospitalisation en urgence, rassure les parents tout en prenant un air contemplatif et en conseillant quand même : la désinfection rhinopharyngée avec démonstration sur le lit d'examen, prescription éventuelle d'un mouche-nez, des conseils de couchage et du paracétamol pour la fièvre avec, en raison de la pression médiatique (cf. plus haut), une prescription à tout hasard de quelques séances de kinésithérapie respiratoire. Que pourrait-il faire d'autre qui ne soit médicalement correct ?

Avant de vous faire un cours sur la bronchiolite à partir de l'Etat de l'Art actuel, je voulais aussi vous rappeler les propos contradictoires des pédiatres et pneumo-pédiatres, voire des allergo-pédiatres (ça existe... on a trouvé un nid à l'hôpital Robert Debré de Paris), sur la bronchiolite qui a) n'est surtout pas de l'asthme, b) qui est surtout de l'asthme, c) mais que l'on doit annoncer avec prudence aux parents... car on n'en sait rien. Enfin, en ville, il est assez difficile de faire la part de ce qui revient à la bronchiolite proprement dite et à la bronchite sifflante (wheezing) dont l'étiologie n'est pas univoque mais volontiers asthmatique... On comprend donc que depuis mon installation en 1979 (je suis désolé de ce commentaire autocentré mais mon histoire de la bronchiolite a commencé le jour de mon installation, la Faculté de médecine Cochin-Port-Royal n'ayant pas jugé bon de me former sur le sujet sinon en trois minutes et demie) tout le monde, des experts aux spécialistes en pneumologie en passant par les spécialistes en pédiatrie et les spécialistes en médecine générale, ait hésité et que les traitements soient fluctuants, non seulement en fonction de l'ignorance des intervenants (moi, moi et moi) mais aussi des croyances, des publications sur un coin de table ici et là dans le monde et, désormais, des différentes publications existantes de bon niveau mais aussi en fonction des résultats de cette méta analyse cochranienne qui ne semble pas régler grand chose (surtout en lisant le courrier des lecteurs du BMJ qui, je le rappelle, n'est pas modéré).

Je lis donc dans le BMJ une méta-analyse (4897 patients et 13 comparaisons) analysant le traitement des bronchiolites par les stéroïdes et les bronchodilatateurs chez les enfants de moins de deux ans (ICI).

Par où commencé-je ?

La conclusion de l'article (traduction personnelle) : "Il existe des preuves montrant l'efficacité et la supériorité de l'adrénaline (inhalée) sur les critères cliniques les plus pertinents chez les patients présentant une bronchiolite aiguë et encore des preuves tirées d'un seul essai pour la combinaison de l'adrénaline et de la dexamethasone)."
Dans le détail, voici ce que l'on peut retenir de cette méta analyse : 1) Chez les patients ambulatoires les doses répétées d'adrénaline inhalée réduisent le taux d'admission le même jour ; 2) chez les patients passant par les urgences, l'association adrénaline inhalée aux urgences + dexamethasone per os pendant cinq jours (analyse vs placebo) réduisent significativement le risque de réadmission dans les 7 jours suivants (ce qui est d'autant plus intéressant que les résultats antérieurs montraient l'inefficacité de la dexamethasone seule).
Les critiques : 1) C'est une méta analyse avec des critères d'inclusion peu clairs selon les essais et, surtout, peu opérationnels en médecine générale : comment faire la différence entre une bronchiolite et une simple bronchite sifflante ? 2) Pourquoi éliminer des enfants ayant déjà fait un épisode de bronchiolite alors que 30 % des patients admis aux urgences sont "récidivants" ? 3) Les doses de dexamethasone sont extraordinairement élevées (10 mg le premier jour et 6 mg les jours suivants) : quid des effets indésirables potentiels ?

En conclusion de cette analyse, il serait utile de disposer de nouveaux essais pour conclure.
Je fais quoi, demain, dans mon cabinet ?
Une publication américaine de 2003 avait affirmé que "rien ne marchait" (1). Alors, ne reste-t-il plus que les urgences kinésithérapiques (non citées par ces ignorants d'anglo-saxons) ?

(1) Management of Bronchiolitis in Infants and Children. Rockville (MD): Agency for Healthcare Research and Quality (US); 2003 Jan. AHRQ publication n? 03-E014.

jeudi 28 avril 2011

Un spécialiste en endocrinologie addict au competact / actos / pioglitazone. Histoire de consultation 79.

Gynécomastie féminine ?

ACTE I
Monsieur A, 72 ans, est un homme charmant, plein de ressources conversationnelles, apte à tous les raisonnements, à toutes les ouvertures politiques ou religieuses, enfin, dans certaines limites que je ne me suis pas permis de franchir, je ne suis quand même pas un téméraire capable de livrer mon moi intime dans une simple colloque, fût-il singulier, mais, brisons-là, venons-en à l'essentiel : Monsieur A n'aime cependant pas beaucoup parler de ce qu'il faut ou de ne ce qu'il faut pas manger quand on est diabétique non insulino-dépendant.
(On me dira : il y a belle lurette que les diabétiques de type II ont le droit de manger ce qu'ils veulent. Même du sucre ? Même du sucre ! Il n'y a donc plus qu'à tirer l'échelle. Je rentre chez moi et je fais de la télé-médecine ou j'écris une rubrique de conseils médicaux pour Voici ou Veillées des Chaumières. L'article de Prescrire que je voulais vous faire lire n'est pas en ligne mais je vous mets en relation avec un article que vos patients peuvent lire, peu contraignant et, à mon avis, peu informatif, sauf pour les initiés : ICI)
ACTE II
Pourquoi vous parlé-je donc de Monsieur A ? Parce que, ce matin, la presse grand public est remplie de nouvelles sur le nouveau Mediator, nous voulons dire les deux nouveaux monstres de la pharmacie mondiale qui donnent des migraines aux pharmacovigilants de l'AFSSAPS, Actos et Competact des laboratoires Takeda (et, au fait, a-t-on passé le compteur Geiger sur les boîtes d'anti-diabétiques japonais ? Le principe de précaution l'exigerait m'a dit mon citoyen écologiste favori) qui ne savent toujours pas sur quel pied danser entre l'Europe qui va se décider et le pouvoir politique qui écoute le lobby diabétologique qui aime les "nouveaux" médicaments parce que le lobby a compris que le diabète n'est pas une maladie que l'on peut traiter avec des médicaments, de nouveaux permettant de noyer le problème, qu'il s'agit d'une maladie de civilisation, la trop bouffe et la mal bouffe, et que, dans un mouvement de valse particulièrement réussi Big Pharma danse avec Big Junk Food pour pousser à la fois les Mac Do et les antidiabétiques non évalués.
ACTE III
Donc, Monsieur A est diabétique non insulino-dépendant, avec un IMC au plafond et des médicaments à n'en plus finir pour "traiter" "son" diabète, "son" hypertension artérielle, "sa" dyslipidémie et "ses" rhumatismes, et, il y a un an, cédant à l'insistance de ses fils qui trouvaient que son HbA1C était trop élevée (ils lisent Que Choisir Santé et parcourent le web à la recherche d'informations leur permettant de comprendre pourquoi leur père n'est pas "équilibré" pour ce qui concerne "son" diabète, nonobstant le fait qu'il mange beaucoup, vraiment beaucoup, gras et le reste, et que, pour l'exercice physique quotidien de 20 minutes, il en est loin, très loin, d'une part parce qu'il n'aime pas ça et d'autre part parce que son arthrose bilatérale des genoux l'empêche de marcher plus de cinq minutes, sans compter le surpoids qui n'améliore pas la dite arthrose, cercle vicieux bien connu des praticiens mais non connu des diabétologues, des promoteurs d'essais cliniques et des ghost-writers de ces mêmes essais) et que son médecin "ne faisait pas le boulot", je l'ai adressé chez le (la) diabétologue (je précise : dans mon coin il y a une et un diabétologue).
Le (la) spécialiste a changé le traitement, ce qui n'est pas surprenant, et a prescrit competact en arrêtant la metformine (normal) et en laissant le daonil (je parle comme dans le monde des "vraies" gens ou des "vrais" docteurs quand les ordonnances comprennent la dci et / ou le nom de marque selon l'inspiration du moment où selon l'inspiration du moment du pharmacien). A ce propos il faudrait quand même savoir si, quand la metformine, par exemple, ou le daonil, autre exemple, utilisés seuls deviennent "inefficaces" sur le critère intermédiaire ou de substitution (pour les discussions sémantiques, nous le ferons à un autre moment) HbA1C, on ajoute soit du daonil soit de la metformine au traitement initial les risques de mortalité sont si importants...
ACTE IV
Quand j'ai revu le malade au bout de six mois (il fallait que notre spécialiste prenne son temps pour évaluer le patient si mal pris en charge par le médecin généraliste) l'HbA1C avait baissé, preuve que Competact était efficace ou preuve que le malade, qui était allé consulter avec l'un de ses fils (un privilège qui m'a été refusé jusqu'à présent), a saisi que manger moins ne pourrait pas nuire à sa santé.
Malgré mes réticences, exprimées, pour le competact, j'ai represcrit.
ACTE V
Je l'ai revu trois mois après (il n'était pas allé au laboratoire se faire doser l'HbA1C mais comme je n'ai pas signé le CAPI, je n'en ai rien à faire, mais il l'a refait quand même dans les jours suivants et elle était remontée en flèche : effet lune de miel pour le (la) diabétologue ou le competact ?). Autre chose : il m'a signalé une gynécomastie. Je me suis plongé dans les mentions légales du competact : la gynécomastie est indiquée. J'ai noté dans ma déclaration d'effets indésirables (il faut que je publie) et j'ai fait une lettre à le (la) diabétologue dans laquelle...
ACTE VI (je sais, je ne respecte pas la loi des trois unités pas plus que la syntaxe classique...)
La lettre de le (la) diabétologue : "Je crois que la gynécomastie n'est pas due au competact mais à une hyperoestrogénie relative (sic) -- et j'ai droit au bilan avec testostérone, et cetera... mais la gynécomastie a disparu à l'arrêt du competact..." Car le malade avait arrêté sur mes conseils et bien que le (la) diabétologue lui ait dit de continuer. Et maintenant, que vais-je faire ? Je signale, entre parenthèses, que l'HbA1C ne s'est pas aggravé à l'arrêt du competact et à la reprise du traitement précédent (daonil et metformine).

Je ne sais pas trop (ou je sais trop) quoi penser de cet "attachement" diabétologique au competact (ou actos pioglitazone), contre toute évidence. Je ne peux pas croire qu'il s'agit seulement des largesses du laboratoire Takeda...

Voici en outre un article "lisible" de Prescrire sur pioglitazone : ICI.



lundi 25 avril 2011

Pharmacritique ferme les commentaires.


Assomption de la Vierge - Sienne (circa 1370 - 1389)


Nous apprenons ce jour qu'Elena Pasca, propriétaire du blog Pharmacritique, à la suite vraisemblablement d'une polémique dont nous avons rendu compte sur ce blog, a décidé de fermer les commentaires.

Nous vous proposons de lire les raisons d'Elena Pasca, soit directement sur le blog, soit ci-dessous :

Tous les commentaires sur l'ensemble du blog, pour les articles actuels et pour ceux à venir, sont désormais fermés.

Pharmacritique n'a jamais été un forum, cela a toujours été dit. Seuls les articles comptent. Merci à tous les lecteurs qui ont posté des informations instructives. Je suis sûre qu'ils comprendront mes raisons.

Il existe actuellement dans la blogosphère une tendance qui n'a rien d'un débat théorique, mais qui verse dans l'instrumentalisation à des fins diverses

- tenter d'inonder un blog de liens menant vers des sectes, de sites de vente ou autres desseins publicitaires

- lancer des défis du genre :

si vous ne postez pas ceci ou cela, c'est que vous êtes un censeur, totalitaire, fermé aux opinions différentes, intolérant, trop pro vaccin ou trop anti vaccin, trop médecine ou trop anti-médecine, trop bio ou trop technique, trop ceci ou trop cela

- autres formes de procès d'intention
- instrumentalisation de détails
- spirale infinie d'interprétations d'un commentaire dans un autre commentaire.

Etc.

Autant dire aussi que je ne posterai plus jamais d'article anonyme.

Merci à tous.
Elena Pasca

Il est toujours dommage que des espaces de liberté disparaissent.
Même s'il s'agit, comme on l'a vu, d'espaces de semi liberté.

Cette polémique nous a quand même appris un certain nombre de choses sur le site lui-même : Elena Pasca n'est pas seule pour écrire, il existe des ghost writers, Elena Pasca n'est pas seule pour répondre, il existe des commentateurs maisons qui se cachent derrière des commentateurs lambda, il existe une garde rapprochée, des snippers, et des dénonciateurs, voire des divulgateurs de vie privée.

C'est dommage. J'avais déjà décidé de ne plus écrire des commentaires puisqu'ils étaient publiés ou non, puisqu'ils étaient combattus ou non sur des bases anonymes, les mêmes qui dénonçaient des liens, voire des conflits d'intérêt, n'ayant pas la pudeur ou l'honnêteté de déclarer leurs liens d'intérêt, ce qui est un peu fort de café.

C'est dommage car la multiplicité des points de vue est le garant, non de l'indépendance, non de la vérité, non de la compétence, mais de l'esquisse du début de la discussion socratique.

Toutes les entreprises humaines passent par ces crises de croissance et ces crises de foi, il est surprenant qu'Elena Pasca n'y ait pas pensé avant.

Il est amusant que la transversalité, que la société s'appelle Google, Areva ou Coca Cola, fait toujours peur à la hiérarchie. Et la transversalité, c'est donner des adresses de blogs, c'est citer des articles de blogs ou de revues, c'est créer des réseaux, faire de la publicité intellectuelle et / ou idéologique.

Je tenterai donc sur ce "petit" blog de continuer ma politique éditoriale en ne modérant pas les commentaires avant parution mais a posteriori pour éliminer ceux qui n'ont pas de rapports avec le sujet, La médecine générale, seulement la médecine générale, ce qui, on l'avouera, sera difficile, dans la mesure où, la médecine générale, c'est la vie.

On m'a reproché ici et là de tirer dans tous les coins mais je n'appartiens à aucune chapelle, sinon à celle du jugement du Tribunal intérieur, jugement dont on connaît depuis Freud et Kundera la dangerosité conceptuelle et émotionnelle.

Donc : les commentaires sont les bienvenus et permettent d'améliorer les posts.

Pour en revenir à Elena Pasca, nous continuerons de lire et de commenter Pharmacritique, ses commentaires d'Arznei Telegramm, ses références à l'école de Francfort et son soutien aux citoyens.



dimanche 24 avril 2011

Contraception hormonale féminine : halte à la drospirénone (Yaz, Jasmine et consorts)!

Kyusaku Ogino en 1924

Nous vous avions déjà parlé ici du fait qu'il ne fallait pas prescrire en première intention de pilules contraceptives non remboursées (Stop aux pilules non remboursées et à la varnoline) pour prioritairement des raisons scientifiques mais aussi pour des raisons d'observance contraceptive et, peut-être, pour diminuer le taux des IVG.
Nous vous avions parlé du fait que Monsieur Xavier Bertrand voulait imposer aux Assises du Médicament le remboursement des pilules non remboursées, contre tout argument scientifique mais sous influence pharmaceutique (Xavier Bertrand : un visiteur médical qui ne lit toujours pas Prescrire) et, je cite, pour des raisons de Santé Publique.
Nous vous avions aussi parlé, avec outrance m'a-t-on reproché, que la spécialité gynécologie-obstétrique était en panne d'arguments scientifiques et sous la coupe de Big Pharma (La gynéco-obstétrique : une spécialité sinistrée ?).

Deux études alourdissent désormais le dossier de la drospirénone qui est contenue en France dans les spécialités suivantes : Angeliq, Jasmine, Jasminelle, Jaminellecontinu et Yaz.

Pas de panique.

Il est possible d'attendre la fin de la plaquette et de changer en consultant son médecin traitant.

Premier essai sur une population américaine. Il s'agit d'un essai (combinaison cas-témoin et cohorte) mené par deux épidémiologistes sur une base de données américaine (femmes de 15 à 44 ans recevant soit drospirénone, soit levonorgestrel, un cas de phénomène thrombo-embolisme non rapporté à une cause clinique identifiée étant apparié à 4 témoins).
Dans l'étude cas-témoin le rapport de cote concernant les phénomènes thromboemboliques entre les utilisatrices de drospirénone et celles de levonorgestrel était de 2,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,6 à 3,2). L'incidence de ces mêmes phénomènes dans la population étudiée était respectivement de 30,8 et de 12,5 pour 100 000 femmes pour drospirénone et levonorgestrel. Je n'ajoute pas que les calculs ont tenu compte des facteurs confondants.
Deux fois plus d'événements thrombo-emboliques sous drospirénone que sous levonorgestrel.

Deuxième essai sur une population britannique. Il s'agit d'un essai similaire avec un recrutement de femmes du même âge. Voici les résultats : Rapport de cote drospirénone vs levonorgestrel : 3,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,4 à 7,6) ; incidence : 23 et 9,1 pour 100 000 femmes, respectivement pour drospirénone et levonorgestrel.

Il existe certes des imperfections dans ces deux essais, notamment parce que les effectifs sont faibles et parce que manquent des données concernant l'obésité ; et parce que des analyses en sous-goupe n'ont pu être faites en raison justement de la faiblesse des effectifs.
Mais ces deux essais vont dans le sens d'essais déjà publiés comme ICI qui indiquaient un risque plus important avec la drospirénone qu'avec le levonorgestrel, notre molécule de référence.

Rappelons encore, mais là, je le conçois aisément, ce n'est pas une bonne chose à dire, c'est même médicalement incorrect, voire sociétalement incorrect, que l'usage d'une contraception hormonale contenant du levonorgestrel, molécule de référence, multiplie par 4 (rapport de cote 3,6) le risque thrombo-embolique par rapport aux non utilisatrices.