EST-IL
SOUHAITABLE D’ELIMINER LA ROUGEOLE EN FRANCE ?
Ou le mieux
est souvent l’ennemi du bien
Alors que lors de la récente flambée épidémique française des
discours alarmants et stéréotypés ont été tenus, il s’agit de replacer les événements
dans un contexte historique international mais aussi dans une perspective
scientifique et de long terme.
« L'esprit scientifique nous
interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur
des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout il faut
savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les
problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème
qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit
scientifique toute connaissance est une réponse a une question. S'il n'y a pas eu
de question il ne peut pas avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi.
Rien n'est donné. Tout est construit »
Gaston Bachelard
Non seulement aucune
question pertinente n’a été posée quant à la vaccination contre la rougeole mais
bien plus encore des réponses stéréotypées ont été apportées avant que nous n’ayons
eu le temps de poser des questions. Ces réponses stéréotypées répétées à
l’identique et amplifiées par les organismes de santé publique nationaux et
internationaux, sont devenues des vérités établies qui ont empêché l’émergence
de tout questionnement ou débat.
Or, la réalité n’est pas
ainsi faite que face à des maladies contagieuses nous disposerions d’armes
absolues qui nous permettraient, sans inconvénients ni questionnements, de
passer d’une situation A problématique, présence d’une maladie « non
bénigne » sur le territoire, à une situation B supposée idéale,
élimination de la maladie » non bénigne » du territoire. Et cela par
le seul truchement d’une réponse quantitative : l’augmentation de la
couverture vaccinale.
L’illusion de la
simplicité ne naît que de la capacité à éviter que les bonnes questions soient
posées. Et les mouvements
anti-vaccinalistes contribuent au consensus en occupant les esprits avec de
mauvaises questions, donnant ainsi des arguments à ceux qui prétendent qu’il
n’y a aucune question à se poser.
PREMIERE PARTIE : LE VACCIN ET LA MALADIE
Le vaccin contre la rougeole
Le vaccin contre la rougeole est un vaccin dont le composant
actif est un virus vivant atténué, la souche vaccinale pouvant différer selon
les fabricants. Le virus vivant atténué est, de fait, un virus rougeoleux
sauvage rendu moins virulent par des passages successifs sur des cultures
cellulaires. Pour obtenir cette atténuation du pouvoir pathogène du virus, celui-ci
est habituellement cultivé sur des cultures de fibroblastes d’embryon de poulet.
Le vaccin
ainsi produit se rapproche des vaccins pasteuriens des origines. Le virus
garde, en effet, sa capacité à infecter le sujet, mais sa virulence, c'est-à-dire sa capacité à se
multiplier dans l’organisme infecté, est moindre que celle des virus sauvages.
Un article
de synthèse du CDC ( Center for Disease Control and Prevention) des Etats Unis (ICI) décrit
le vaccin contre la rougeole comme produisant
« une infection inapparente [sans
symptômes cliniques] et non transmissible.
Le vaccin
contre la rougeole se différencie donc de la plupart des vaccins commercialisés
plus récemment (comme le vaccin contre le pneumocoque par exemple) qui
contiennent des fragments viraux ou des virus tués, car il contient un virus
vivant, bien qu’atténué.
Historiquement,
le premier vaccin vivant contre la
rougeole a été introduit aux Etats Unis en 1963, il s’agissait du Rubeovax de Merck (LA). Son utilisation était complexe car, insuffisamment atténué, le
vaccin nécessitait l’injection simultanée d’immunoglobulines (anticorps) pour
éviter des rougeoles sévères. La même année, d’autres vaccins, inactivés
ceux-là, autrement dit tués, ont été commercialisés par plusieurs laboratoires.
Ils ont été retirés du marché
américain en 1967 car, d’une part, leur pouvoir protecteur était de courte
durée, d’autre part, ils provoquaient des cas graves de rougeole atypique accompagnés
de pneumopathies sévères (ICI).
A partir de
1968 Merck a commercialisé un autre vaccin, l’Attenuvax,
plus atténué que le Rubéovax, qui autorisait l’administration du vaccin seul,
sans provoquer les mêmes effets indésirables que le précédent.
Le virus
de la rougeole n’a pas de réservoir autre que
l’homme malade. Le virus pourrait donc être éradiqué en théorie s’il n’y
avait plus de foyer infectieux humain sur la planète. C’est un virus particulier
car il se propage dans l’organisme en infectant les leucocytes ou globules
blancs, les cellules impliquées dans la défense contre les infections, dont il
se sert pour se multiplier. Il génère ainsi donc une immunodépression transitoire
d’une durée de 2 à 6 semaines, plus prolongée chez les
très jeunes nourrissons et chez l’adulte. L’aspect
paradoxal des mécanismes infectieux et immunitaires concernant le virus
de la rougeole réside en ce qu’il semble bien que l’infection
et donc l’immunodépression soient indispensables pour provoquer une réaction
immunitaire durable, qui ne peut être obtenue avec des virus inactivés ni avec
des fragments viraux (ICI).
Quel
est le problème posé ?
Nous
voyons donc, à ce stade, que le problème s’est posé en des termes très
différents de celui qui nous est expliqué actuellement de manière plutôt
simpliste. Il ne s’agit pas en réalité, de supprimer
l’infection rougeoleuse mais de remplacer l’infection par les souches sauvages du virus de la rougeole par
une infection par une souche vaccinale atténuée. Il s’agit donc de la
recherche d’un compromis entre le degré d’atténuation de la souche
vaccinale, la quantité de virus dans le vaccin d’une part, et les capacités de défense de l’organisme ciblé par la
vaccination d’autre part, afin de produire un vaccin qui provoque une infection suffisamment
atténuée pour être moins dangereuse pour la plupart des individus que
l’infection naturelle et non transmissible dans la majorité des cas, tout en
permettant une réponse immunitaire durable.
Le fait que
le virus vaccinal soit vivant comporte au moins un avantage, à savoir que les adjuvants ne sont pas nécessaires pour accroître
la réponse immunitaire.
En France
les vaccins les plus utilisés sont le PRIORIX, de GlaxoSmithKline, qui contient
la souche Schwartz (ICI et LA), et le MMR vaxpro
de Sanofi Pasteur MSD, qui contient la souche Edmonston Enders (ICI). Ces deux vaccins font partie de ce qu’on appelle des vaccins pédiatriques améliorés parce qu’ils sont
composés d’une combinaison de trois virus différents, les virus contre la
rougeole, les oreillons et la rubéole. On les appelle aussi vaccins trivalents.
On trouve
aussi un vaccin plus ancien, contenant uniquement la valence rougeole (vaccin
monovalent) le ROUVAX, qui a obtenu une AMM en 1966 et était fabriqué par l’institut Mérieux. Il est
désormais commercialisé par Sanofi-Pasteur-MSD. Ce vaccin, qui contient la
souche Schwartz du virus de la rougeole à la même concentration que les vaccins
trivalents, est préconisé pour la
vaccination des nourrissons de 6 à 8
mois dans des situations épidémiques (dans les 72 h après un contact
avec un cas de rougeole).
Le succès de la vaccination au niveau individuel,
c'est-à-dire l’obtention d’une immunité protectrice et durable sans produire
d’infection grave, résulte donc, comme avec l’infection par le virus sauvage de
la rougeole, d’un équilibre entre la virulence du virus vaccinal et le terrain
du sujet vacciné.
Contre-indications,
précautions d’emploi
Compte tenu
du risque de maladie rougeoleuse sévère, le vaccin contre la rougeole est donc contre-indiqué
chez les personnes ayant un déficit immunitaire grave,
congénital ou acquis (SIDA déclaré avec immunodépression sévère par
exemple, ou traitement immunosuppresseur), mais également chez la femme enceinte, et en cas d’allergie
à la néomycine contenue dans le vaccin ou à tout autre composant de
celui-ci. De plus, en France, on évite d’administrer des vaccins vivants à des
nourrissons nés de mères séropositives tant qu’on n’est pas certain de leur statut
HIV.
L’intolérance
au fructose, maladie rare due à un déficit enzymatique, contre-indique
également le vaccin qui contient du sorbitol.
Les
antécédents d’allergie sévère à l’œuf avec des
manifestations de type œdème, urticaire généralisé, ou choc anaphylactique
constituent une précaution d’emploi. Il est certainement préférable d’éviter de
faire le vaccin dans ce cas. En revanche, l’allergie à l’œuf sans
manifestations sévères n’est pas considérée comme une contre-indication (LA) .
L’administration
du vaccin en même temps que de nombreux autres vaccins est autorisée. Mais on
dispose de peu de données sur les conséquences de ces associations, en
particulier avec les vaccins récents. Il est donc certainement préférable
d’éviter d’administrer le vaccin en même temps que d’autres vaccins, en
particulier avec des vaccins récents (Prevenar).
Par
précaution, on devrait éviter de vacciner au cours des infections
aiguës fébriles, qui en outre, diminuent l’efficacité du vaccin.
Le vaccin
peut induire une négativation des tests tuberculiniques pendant 6 semaines.
L’intervalle
minimum entre deux vaccins trivalents ou rougeoleux est de 28 jours. Entre le vaccin trivalent et un autre
vaccin, elle est de un mois.
Il faut
attendre trois mois pour vacciner après une transfusion ou si le patient a reçu
des gammaglobulines.
Efficacité du vaccin : importance de l’âge
de la vaccination et du statut vaccinal de la mère
L’efficacité
du vaccin est jugée importante, même si elle est variable en fonction de
facteurs tels que l’âge du nourrisson, le statut vaccinal de la mère, ou des
pathologies intercurrentes.
Elle peut être appréciée au niveau de la population par les résultats épidémiologiques sur la diminution du nombre
de cas de rougeole, diminution imputable à la vaccination, à condition de disposer de systèmes de surveillance fiables. Et, au niveau
individuel, par la séroconversion, apparition
d’anticorps spécifiques de la rougeole lors du deuxième prélèvement de sang,
effectué 10 à 21 jours après le premier. Est considérée comme l’équivalent
d’une séroconversion lors des études cliniques, une augmentation d’un facteur
quatre de la concentration dans le sang de ces anticorps spécifiques pour
atteindre un taux généralement
admis comme protecteur de 120 UI/ml ou au-delà avec le test ELISA, utilisé
par la plupart des laboratoires.
Néanmoins
l’efficacité du vaccin varie pour des raisons qui ne sont pas toujours clairement
expliquées, ou, en tous cas, qui ne font pas consensus.
Ce qui est
généralement admis c’est que l’efficacité du vaccin en
termes de séroconversion est d’autant plus faible pour un groupe de nourrissons
que ceux-ci sont vaccinés tôt. A savoir que si l’on considère un groupe
de nourrissons vaccinés au même âge, plus cet âge est précoce, plus la
proportion de nourrissons qui seront considérés comme protégés après
vaccination, selon les critères individuels évoqués plus haut, sera faible.
Il peut y
avoir deux types d’explications à ce phénomène.
La neutralisation du
vaccin par les anticorps d’origine maternelle
L’explication citée le plus souvent est
le phénomène de neutralisation du vaccin par les
anticorps d’origine maternelle. Ces anticorps, transmis
passivement par la mère, persistent plus longtemps chez le nourrisson
lorsque les mères ont contracté la rougeole naturellement que lorsqu’elles ont
été vaccinées. Ceci s’explique parce que les mères ayant contracté la rougeole
naturellement ont des concentrations plus élevées d’anticorps spécifiques que
les mères qui ont été vaccinées. Cette diminution du taux d’anticorps chez les
mères vaccinées a été montrée par une étude publiée aux Etas Unis en 1996. Les
auteurs ont montré que la moyenne géométrique des titres des anticorps des
mères qui étaient nées après le début de la campagne de vaccination était 4,85
fois inférieure à celle des mères qui étaient nées avant 1957 et n’avaient donc
pas été vaccinées (ICI) .
Si les mères
sont vaccinées le taux de séroconversion,
c'est-à-dire la proportion de nourrissons vaccinés qui présentent une
séroconversion et qui, donc, seront protégés contre la rougeole par le vaccin,
sera plus important chez des nourrissons de 9 mois. Ceci s’explique parce que
les anticorps des mères vaccinées, qui sont à des concentrations plus faibles
dans le plasma que ceux des mères ayant contracté la rougeole-maladie, sont
plus rapidement éliminés de l’organisme des nourrissons. Ainsi, le taux de séroconversion, c'est-à-dire la proportion
de nourrissons que l’on peut considérer comme protégés, pour des nourrissons
vaccinés à 9 mois est inférieur à 80% dans une population dont les mères n’ont
pas été vaccinées et qui ont contracté la rougeole naturellement et de 90%
quand les mères ont été vaccinées. Et, respectivement, de 90 et de 98% à 15
mois (LA).
La
signification de ce constat est, à contrario, que les
nourrissons qui sont nés de mères ayant contracté la rougeole naturellement
sont protégés par les anticorps transmis par la mère plus durablement en
moyenne que les nourrissons de mères vaccinées.
L’immaturité du système
immunitaire
Mais cette
approche, qui est la version évoquée généralement, ne tient pas compte d’un autre aspect : il existe une limite inférieur à l’âge de vaccination indépendamment
de la concentration en anticorps d’origine maternelle chez le nourrisson. Une
étude montre que la majorité des nourrissons de 6 mois ne séroconvertissent pas, probablement en raison de l’immaturité
de leur système immunitaire. Dans cette étude seulement 10/23 (36%) des
nourrissons vaccinés à 6 mois et n’ayant pas d’anticorps d’origine maternelle
ont atteint un titre d’anticorps protecteur (ICI).
Sur
recommandation de l’OMS en 1989, des essais pour surmonter cette limite
naturelle à la vaccination dans les pays pauvres en augmentant la quantité de
virus dans le vaccin (vaccins à haut titre) se sont soldés par une augmentation
anormale de la mortalité des enfants vaccinés (LA).
Une
méta-analyse des études menées en Afrique avec des vaccins à haut titre a
confirmé une surmortalité féminine chez les nourrissons des pays en
développement lorsqu’ils étaient vaccinés avant 6 mois par ces vaccins par rapport
à ceux vaccinés par la dose standard et ont motivé le retrait de ces vaccins
par l’OMS (ICI).
D’autre
part, une étude canadienne, à propos d’une épidémie de rougeole en milieu scolaire
en 1989, a démontré, qu’en cas d’épidémie, les enfants sont d’autant mieux
protégés qu’ils ont été vaccinés plus tard entre 12 et 18 mois, avec une différence de l’ordre de 10% pour le risque de contracter la
rougeole selon l’âge de vaccination. Et cela dans un pays où la
quasi-totalité des femmes étaient vaccinées. Cela serait en faveur d’une
meilleure qualité de la réponse du système immunitaire au vaccin à un âge plus
tardif chez les nourrissons. On estime que le système immunitaire du nourrisson
atteint une certaine maturité vers
deux ans.
D’autres facteurs comme la malnutrition, en
particulier la carence en vitamine A, peuvent affecter fortement l’efficacité
du vaccin. Il en est de même en cas d’immunodéficience, qui, comme on l’a vu, constitue
une contre-indication au vaccin.
Recommandations générales en France
En France, les recommandations officielles telles
qu’elles sont présentées dans le calendrier
vaccinal 2012 (N° 14-15 du BEH d’avril 2012, p 170), sont de faire une
première dose à 12 mois et une deuxième entre 13 et 24 mois. Il est recommandé
d’administrer le vaccin trivalent à 9 mois pour les nourrissons gardés en collectivité avec une
deuxième dose entre 12 et 15 mois.
A partir du calendrier vaccinal
2011 on a préconisé deux doses de vaccin trivalent, à au moins un mois
d’intervalle, pour les personnes
nées depuis 1980.
Effets indésirables
Le vaccin provoque une rougeole,
souvent inapparente, selon la définition du Center for Disease Control and
Prevention américain, comme on l’a vu plus haut.
Les effets indésirables du vaccin
seront surtout en relation avec cet aspect et avec des phénomènes allergiques
induits par les composants du vaccin.
Outre les effets indésirables
locaux, très fréquents (15 à 25% des cas selon la voie d’administration avec le
vaccin MMR-vax pro) mais généralement bénins, on va observer de fréquentes
réactions fébriles (fièvre supérieure à 38°C dans plus de 10% des cas, fièvre
supérieure à 39,5°C dans 1 à 10% des cas ) des rhinites, des conjonctivites,
des éruptions transitoires, survenant dans les 5 à 12 jours après la vaccination.
Les éruptions peuvent survenir pour un nourrisson sur 20 à un sur 30 environ.
Les réactions allergiques, ou réactions
d’hypersensibilité immédiate qui peuvent se traduire par une
éruption de type urticaire, un œdème de Quincke, des sifflements respiratoires dont
la fréquence est évaluée à moins de 3% des cas. Les éruptions pouvant aussi
bien évoquer une rougeole post-vaccinale qu’une réaction allergique seraient
présentes dans 1 à 10% des cas.
Les fréquences respectives de
l’ensemble des réactions allergiques, dont certaines peuvent être très graves,
ne sont pas explicitées dans les résumés des caractéristiques du produit. Une
étude anglaise estimait que la fréquence des réactions allergiques sévères,
pouvant avoir une issue fatale,
pour les vaccins ne comportant que la valence rougeoleuse, était
probablement supérieure à 18,9 pour 100 000 (LA).
Les autres effets secondaires,
graves mais rares, rapportés étaient la diminution des plaquettes sanguines
(thrombopénie), l’encéphalopathie, les convulsions fébriles. Les deux derniers
sont évalués à un pour plusieurs millions d’enfants vaccinés.
Mais ces estimations, fondées sur
les effets indésirables déclarés, sont probablement minorées en raison de la
sous notification des effets secondaires.
La sévérité des effets
indésirables est souvent liée à un terrain, notamment en cas d’immunodépression
congénitale ou acquise. La prévention des réactions de type allergique
nécessite la recherche d’antécédents dans ce domaine, de même que la prévention
des convulsions.
Il existe aussi des effets
indésirables spécifiquement liés
aux autres valences ou virus présents dans le vaccin trivalent, notamment l’arthrite,
généralement transitoire, habituellement présente lors des infections par le
virus de la rubéole, se voit aussi avec le vaccin, avec une fréquence qui
augmente très nettement en fonction de l’âge de vaccination. De 0 à 3% chez les
enfants elle est de 12 à 20% chez les femmes. C’est donc une réaction au vaccin
qui a tendance à augmenter en fréquence et en durée avec l’âge. Ces douleurs
articulaires peuvent rarement devenir chroniques. [source Vidal]
Donc la vaccination contre la rougeole
n’est pas un sujet simple. Nous évoquerons d’autres aspects polémiques plus
loin.
Mais qu’en était-il avant ?
Avant la vaccination
Forme classique de la rougeole
Pour pouvoir apprécier le chemin parcouru,
il est préférable de savoir d’où l’on vient
Nous avons
un peu oublié ce qu’est la rougeole, très fréquente chez l’enfant jusque dans
les années quatre-vingt.
La rougeole
est donc une maladie virale survenant habituellement pendant l’enfance due à un
virus de la famille des paramyxoviridae, et
du genre morbilllivirus. C’est le seul
morbillivirus pathogène pour l’homme et il est antigéniquement stable dans le
temps. C’est un virus dit à ARN (son
matériel génétique est contenu dans des molécules d’ARN et non d’ADN comme
d’autres virus) enveloppé. Cette dernière caractéristique, son enveloppe, le
rend fragile, et ce virus ne résiste ni à la chaleur ni aux détergents. Il ne
survit pas plus de 36 h dans l’environnement à température ambiante.
La contagiosité
de la rougeole, mesurée par le taux de reproduction
(nombre de transmissions/ nombre de sources) est très élevée, plus que celle de
la grippe.
Le réservoir exclusif du virus de la rougeole est l'homme infecté. Le virus ne subsiste pas dans l'organisme à l'état dormant après l'infection comme le fait le virus de la varicelle par exemple et il n'existe pas non plus de porteur sain comme pour le méningocoque qui provoque des cas de méningite.
L'éruption survient 7 à 18 jours après la contamination par les gouttelettes de salive émises par un sujet infecté. Dans la forme classique ou cliniquement apparente la maladie débute par d ela fièvre supérieure ou égale à 38,5 °C et un rhume accompagné ou non de conjonctivite ou coryza, plus ou moins de la toux. A ce moment l'individu est déjà contagieux. Ces symptômes durent 2 à 4 jours avant que ne survienne l'éruption, sous forme de taches rougeâtres légèrement surélevées qui apparaissent d'abord derrière les oreilles et s'étendent ensuite au visage et au reste du corps de manière descendante. Juste avant l'éruption on peut trouver des petits points blancs sur la face interne des joues très spécifiques de la maladie : c'est le signe de Köplick.
La prise en
compte des cas de rougeole par l’INVS peut se faire d’après les symptômes
observés à l’examen, c’est le diagnostic clinique. Ou alors quand les
symptômes les plus typiques, comme l’éruption, sont couplés à un contact avec un sujet malade dans les 7 à
18 jours avant leur début, c’est le diagnostic épidémiologique. Mais seuls les cas confirmés par des examens de laboratoire c'est-à-dire par un diagnostic biologique sont certains (ICI).
Il faut aussi
savoir que, lorsque la rougeole devient rare dans un pays, la capacité des
médecins à la diagnostiquer
correctement d’après les seuls symptômes observés, appelée aussi Valeur
Prédictive Positive (VPP) du diagnostic clinique, diminue beaucoup,
car la rougeole peut être confondue avec de nombreuses maladies éruptives. Les
diagnostics cliniques portés dans ces conditions ont plus de neuf chances sur dix d’être faux
(LA).
En période de résurgence de la rougeole dans un
pays où elle est devenue rare, seuls les diagnostics confirmés par la biologie
sont totalement fiables.
Epidémiologie
Mais quelle
était donc la situation avant la vaccination, au début des années
soixante ?
Nous allons nous intéresser au cas de
la Grande Bretagne.
En
Grande-Bretagne
Pour donner
une idée claire de la gravité d’une épidémie de rougeole au début des années
soixante en Grande Bretagne, je vais me référer à une enquête menée par les
services publics anglais pour évaluer les complications de l’épidémie de
rougeole survenue il y a un demi siècle pendant l’hiver 1963 en Angleterre et
au Pays de Galles. Celle-ci est rapportée dans un article intitulé :
« Fréquence des complications de la rougeole, 1963 » et publiée dans
le British Medical Journal en 1964 (LA).
Nous
apprenons, dans cet article, que la population, déjà à l’époque, manifestait
des doutes quant à l’utilité d’une vaccination généralisée, en raison de la
« croyance parmi de nombreux parents et médecins, que la rougeole est une
maladie bénigne pour laquelle les complications graves sont rares et presque
jamais fatales, pour les enfants normaux ».
Les cas de
rougeole devaient être déclarés par les médecins. On estimait que 80% des cas
étaient alors déclarés. Le taux de létalité (nombre de décès par rapport aux
malades dans une population donnée)
était estimé à deux pour 10 000 cas de rougeole, c'est-à-dire
moindre que le taux de létalité admis pour la grippe actuellement, de un pour
1000 (c'est-à-dire 1000 décès pour un million de malades, probablement
surestimée), et on estimait que la moitié de ces décès survenaient chez des patients
ayant des pathologies chroniques graves ou des handicaps les rendant plus
fragiles.
L’enquête
publiée par le British Medical Journal portait sur quelques 53 000 cas,
c'est-à-dire un sixième des 340 000 cas déclarés en 1963 pour une
population de 45 millions d’habitants
97% des cas avaient moins de 10 ans et 3,8% des
cas avaient moins de un an. Au total 93% des cas avaient entre 1 et 9 ans.
Les complications étaient présentes pour 6,8% des cas,
dont 2,5% d’otites, 3,8% de complications respiratoires dont les deux tiers
étaient des bronchites et 0,4% de complication neurologiques dont 0,1%
c'est-à-dire le quart (un pour 1000 des malades) étaient des encéphalites. Un total de 610 sujets ont été hospitalisés mais seulement 496 pour des complications soit 81 % des personnes hospitalisées. Donc un peu moins de 1 % des cas (496 / 52 992) ont été hospitalisés pour des complications.
Au total parmi les patients présentant
des encéphalites 39% ont été hospitalisés et 18% des patients présentant des
complications respiratoires.
Les encéphalites étaient peu fréquentes (de l’ordre de 1 pour 1000)
entre 0 et 9 ans mais de cinq à six fois plus fréquentes au delà de 20 ans.
Tandis que les complications pulmonaires étaient environ 1,5 fois plus
fréquentes avant un an par rapport à l’âge où le risque était le plus faible,
entre 3 et 4 ans (risque de complications pulmonaires augmenté de 50% avant un
an).
12 enfants sont
décédés, 6 pour des complications pulmonaires, 4 pour des
complications neurologiques. 5 des
enfants avaient des pathologies chroniques ou des handicaps graves tels que tétraplégie, trisomie 21 avec
malformation cardiaque, encéphalite chronique. Dans ce cas les auteurs considéraient
que la rougeole était une cause fortuite de décès.
Ainsi, cela
correspond aux estimations d’environ 2 décès pour 10 000 cas dont la
moitié préalablement fragilisés par le handicap ou la maladie.
N’oublions pas que cette enquête a été menée il y a un demi siècle et que la
mortalité infantile c'est-à-dire avant un an a, depuis lors, a été divisée par
sept en France, tandis que la mortalité globale pour une population
équivalente, a été divisée par deux.
En France
Nous ne
disposons pas de chiffres fiables car il semble bien que l’ordre intuitif des
choses ait été inversé. En effet, on est en droit de supposer qu’on vaccine
contre une maladie lorsqu’on a la notion claire, confirmée par un suivi
épidémiologique spécifique, que celle-ci représente un réel problème de santé
publique. Or, dans le cas de la rougeole il semble que ce soit
le fait d’avoir introduit la vaccination qui ait motivé le suivi
épidémiologique des cas, car il n’y avait pas de suivi
épidémiologique spécifique avant l’introduction de la vaccination à part une
veille assurée par un réseau de laboratoires d’analyses, le réseau Rénaroug, travaillant avec des
services de pédiatrie. La rougeole était néanmoins sujette à déclaration obligatoire depuis 1946. Mais
les médecins se pliaient de moins en moins à cette obligation qui a été abrogée
en 1986 pour être à nouveau mise à l’ordre du jour en 2005 lors de la campagne mondiale d’éradication (LA). .
Le vaccin a
été introduit dans le calendrier vaccinal français en 1983, et le réseau Sentinelles de l’INSERM, formé de médecins libéraux
volontaires, n’a exercé une surveillance des cas de rougeole vus en ville que
depuis 1985.
Les chiffres
avancés par l’INVS pour la période avant la vaccination sont de 300 000 à
500 000 cas de rougeole annuels en France, dont 4000 à 6000 hospitalisations. Soit environ 1%
d’hospitalisations. Comme pour la Grande Bretagne, ces cas
touchaient une très grande majorité d’enfants entre 1 et 9 ans.
Pour les décès une surveillance était exercée par
le CépiDc, laboratoire de l’INSERM, depuis
1979. Elle montre un nombre de décès variant de 15 à 35 chaque année. Donc de un décès
pour 10 000 à un pour 20 000 cas de rougeole cliniquement apparente
et un décès pour 2 à 4 millions d’habitants chaque année. La cause
des décès n’était pas déterminée pour la plus grande partie d’entre eux. Dans
les autres cas la cause était l’encéphalite ou des complications pulmonaires.
Extrait de : Surveillance des
maladies infectieuses en France, D Antona, INVS 2009. Source Cepidc
Sévérité de la rougeole : variable selon
l’état nutritionnel, la localisation géographique, les pathologies et le
handicap, et l’âge
La sévérité de la
rougeole et sa létalité sont globalement faibles, de l’ordre de 1 pour
10 000 dans des pays semblables à la France, et dépendent donc avant tout du « terrain » du sujet
infecté, c'est-à-dire de son état de santé et de la capacité à réagir de son
système immunitaire.
La rougeole est potentiellement plus grave :
- Chez les enfants de moins de un an à cause de l’immaturité du système immunitaire entraînant un risque relativement accru de pneumopathie en particulier
- Chez les adultes, surtout après 20 ans. Ceux-ci ont en moyenne quelques cinq fois plus de risques de présenter une encéphalopathie
- Surtout en cas de fragilité préalable due à une pathologie chronique ou à un handicap graves
- Ou en cas de malnutrition et notamment de carence en vitamine A, qui sont les principaux facteurs expliquant une mortalité élevée dans les pays pauvres. Dans certains groupes de populations pauvres n’ayant pas accès à la nourriture et aux soins, l’OMS affirme que la létalité due à une épidémie de rougeole peut atteindre 10% , soit une létalité 1000 fois supérieure à celle retrouvée chez des enfants en bonne santé des pays occidentaux (ICI)
Dans les pays occidentaux la létalité varie donc
avec l’âge. Elle est plus faible aux âges habituels de survenue de
la rougeole hors vaccination, d’environ 10 pour 100 000 cas entre 5 et 9 ans,
mais quatre fois plus fréquente avant un an (43 pour 100 000) et plus de
huit fois plus fréquente après 20 ans (85 pour 100 000) (LA).
Cette augmentation de la sévérité
de l’infection avec l’âge pourrait s’expliquer aussi par la fréquence plus importante
du handicap et de pathologies chroniques parmi les adultes. En
effet, la proportion de personnes souffrant de pathologies chroniques et de
handicaps graves préalables parmi les décès dus à la rougeole augmente avec l’âge comme l’a déterminé Barkin dans
une étude portant sur les 454 décès consécutifs à la rougeole survenus aux
Etats Unis entre 1964 et 1971 (ICI).
·
·
Source
: Ramsay M. et al. The epidemiology of measles
in England and Wales : rationale for the 1994 national vaccination campaign. Communicable
Disease Report 1994;4:R141-6.
·
Cela revient à dire que la raison
pour laquelle on relève une plus grande létalité chez les adultes, serait que
la proportion de personnes fragiles parmi les adultes (maladies chronique ou
traitements immmunosupresseurs) est plus grande que parmi les enfants. La létalité de la
rougeole chez les adultes en général devrait donc être pondérée par rapport à
la proportion des adultes présentant
une pathologie préalable.
DEUXIEME PARTIE :
LE ROLE DE L’OMS ET DES FONDATIONS PRIVEES
Vers l’éradication de
la rougeole ? Des bons sentiments… et du business
Le contexte des
programmes mondiaux
de vaccination
soutenus par l’OMS
La Conférence Internationale sur les Soins Primaires de Alma Alta en
1978, a constitué un tournant dans l’approche des politiques de santé de l’OMS.
Les politiques de soins primaires
orientées vers la
prise en charge globale des problématiques de santé, et donc prenant
en compte les aspects sociaux et environnementaux, ont été critiquées par des
experts, des donateurs de l’OMS et des sociétés privées ayant des intérêts dans
le secteur car « trop coûteuses » et peu efficaces. (Collado
Rodriguez L. La marchandisation du Droit a la santé : brevets
pharmaceutiques ; Annuaire des actions humanitaires et des Droits de
l’Homme, 2009)
Derrière un vocable lénifiant la Déclaration de Alma Alta (ICI) réaffirme la définition de la
santé comme étant un « état de complet bien-être… » et réoriente les
politiques de santé dans un sens plus conforme aux intérêts du secteur marchand
.
L’OMS accepte donc, en cette
occasion, sous la pression du secteur privé, d’introduire dans ses principes la
notion de coût/efficacité et d’adopter une approche sélective de la santé, par pathologie, et non plus
globale. On va donc moins se soucier d’élever le niveau sanitaire
des populations mais on va en revanche essayer de combattre des maladies.
C’est de cette vision
fragmentaire et parcellaire de la santé que sont nés les programmes mondiaux de vaccination entrant dans le cadre des programmes spéciaux de l’OMS largement
voulus et financés par des sociétés privées, souvent des laboratoires
pharmaceutiques, et des fondations.
L’évolution de cette forme élaborée de
partenariat public-privé qu’est l’OMS ne cesse de se faire vers une
part croissante des financements d’origine privée.
Les Etats financent en fait la
part fixe du budget de l’OMS, celle qui concerne les frais de fonctionnement et
les infrastructures ainsi que ceux des programmes
de base (par opposition aux programmes spéciaux), dont la part dans
l’activité de l’OMS ne cesse de diminuer, qui abordent la santé de manière
globale.
Les sociétés et fondations privés
fournissent désormais 80% du budget global de l’OMS. Les apports de ces
acteurs privés ont lieu sous forme de contributions
volontaires à objet désigné, à savoir que ces acteurs ne financent que ce qui les intéresse
pour leurs objectifs propres, comme, par exemple, les programmes de vaccination (LA).
Un exemple
paradigmatique de l’influence des fondations privées dans les orientations
sanitaires en matière de vaccination et de santé publique : la fondation
Bill Gates
La seule Fondation Bill Gates, bien que privée et gérée par trois administrateurs Bill et
Melinda Gates ainsi que Warren Buffet, dispose, pour l’ensemble de ses
multiples activités, d’un budget de 37 milliards d’euros, quelques huit fois supérieur à celui de l’OMS
. Cette fondation, très liée aux laboratoires pharmaceutiques, est le deuxième
contributeur volontaire (contributions à objet désigné) de l’OMS après les
Etats Unis. Pour l’exercice 2010-2011, la Fondation Bill Gates a contribué pour
220 millions de dollars, soit environ 5% du budget total de l’OMS. Bill Gates
se montre un allié fidèle des firmes pharmaceutiques en prônant la protection
de leurs brevets contre l’intérêt des populations des pays pauvres. Une part
importante des financements de cette fondation, est destinée à soutenir des
programmes de vaccination, que Bill Gates considère comme une priorité (ICI).
Mais certaines personnalités
issues des pays en voie de développement sont très citriques envers les
programmes de vaccination de l’OMS qui ne tiennent pas compte des problématiques de santé
particulières à chaque pays. Ces personnalités déplorent que de tels programmes
s’imposent aux pays pauvres. Elles les jugent très coûteux, absorbant
l’essentiel des maigres ressources, en particulier personnel médical et
para-médical, dont ces pays disposent pour la santé, et désorganisant en outre
le système de soins au profit de programmes qui s’avèrent parfois être des
échecs, justement en raison de
l’approche par pathologie et de l’absence de vision globale des problématiques
de santé, comme dans le cas de la poliomyélite (ICI, LA et encore ICI).
Ces analyses sont corroborées par
une enquête très approfondie, menée par
une équipe de journalistes du Los Angeles Times dirigée par l’un d’entre eux,
Charles Piller, en 2007. Cette enquête journalisitique, sans doute l’une
des plus sérieuses et approfondie jamais menées, intitulée « Des nuages
sombres planent au-dessus des bonnes œuvres de la fondation Bill Gates »
mettait en avant un certain nombre de points noirs dans le financement de la fondation et dans son
influence dans les pays en développement (LA).
Pas d’éthique sur l’étiquette de la fondation Bill Gates
Les fondations sont des personnes
morales ayant des objectifs d’intérêt général. Aux Etats Unis, contrairement à
la France, les fondations peuvent investir dans des sociétés privées et sont
taxées. Aux Etats Unis on peut donc très bien conjuguer bienfaisance, affaires
et enrichissement personnel en s’impliquant
dans des œuvres réputées servir l’intérêt général.
Un premier point noté par les
journalistes du LA Times est que la fondation Gates ne fait de donations que à
hauteur de 5% de ses actifs, c'est-à-dire, au niveau précis qui lui permet de
réduire ses impôts au minimum. Les autres 95% étant investis dans des secteurs
à forte rentabilité. De fait, on ne peut que constater que si investir dans des
œuvres caritatives a valu à Bill Gates d’étendre son pouvoir personnel en
détenant la fondation la plus riche et la plus influente au monde, cela n’a pas
nui à sa fortune propre qui est passée de 45 milliards en 1998, lorsqu’il a
commencé à s’adonner aux œuvres de bienfaisance, à 61 milliards en 2012 .
Mais ce n’est pas là le point
central soulevé par l’enquête. Le problème est ailleurs. Il est d’essayer de savoir si, par son
action, la fondation Bill et Melinda Gates favorise d’avantage l’intérêt des
populations des pays pauvres pour lesquels elle offre des dons, notamment pour
des programmes de vaccination, ou nuit à ces populations tout en favorisant les
intérêts de certaines
multinationales, pharmaceutiques entre autres.
Les journalistes du LA Times
ayant enquêté en Afrique, ont découvert que, la fondation investit dans des
compagnies pétrolières, telles Total,
Eni, Exxon, Royal Dutch Shell, etc qui polluent l’air, avec des torchères
dont les émanations sont chargées en composés toxiques comme le mercure, le
benzène ou le chrome, bien au-delà des normes autorisées en occident, par
simple souci de maximisation des gains. C’est le cas, par exemple, dans une
métropole nigérienne de plus de 200 000 habitants, Ebocha. Les pathologies
respiratoires, deuxième cause de mortalité infantile dans les pays à faible
revenu, rendant compte d’environ un décès sur 7 parmi les enfants, y sont
légion. Mais grâce à la fondation Bill Gates, la plupart d’entre eux seront
bien vaccinés.
D’autre part ces mêmes compagnies
creusent des fosses qui constitueront des réservoirs d’eau stagnante et feront
le lit de toutes sortes de maladies infectieuses, comme la polio, le paludisme
la dysenterie, le choléra…
D’après l’enquête du LA Times 41% des investissements
de la fondation, équivalents à 8,7 milliards de dollars, sont faits dans des
entreprises qui n’ont pas réussi les test d’évaluation par les organismes de
notation évaluant les sociétés selon qu’elles adoptent ou non des comportements
socialement responsables. Les sociétés mal notées, comme celles où la fondation
Bill Gates investit 41% de ses actifs, sont celles qui violent les droits de
l’Homme en général dans un objectif de maximisation des bénéfices (atteintes à
l’environnement, discrimination, non respect du droit du travail comme, par
exemple, travail des enfants, comportement non éthique comme la pratique de la
corruption, etc.).
Ainsi, l’enquête du LA Times a
établi que dans le même temps où la fondation Bill Gates versait 218 millions
de dollars pour lutter contre la rougeole et la polio dans les pays pauvres,
elle en investissait 423 dans des firmes pétrolières épinglées pour leur
absence d’éthique
Il est permis de penser que c’est
même probablement cette absence totale de souci de l’éthique dans les
investissements qui a permis à la fondation Bill Gates de devenir la plus
puissante des fondations américaines, très loin devant les autres, puisque pour
10 dollars dépensés par les fondations privées américaines, 1 dollar proviendrait
de celle de Bill Gates (LA). Les autres fondations, dans un souci de
cohérence et d’éthique, font en sorte d’investir dans des sociétés dont le
comportement ne va pas à l’encontre de leurs objectifs affichés et s’efforcent
à travers leur participation, d’infléchir le comportement des firmes dans un
sens plus conforme aux droits de l’Homme.
Interrogés sur ces aspects
problématiques, les époux Gates se contentaient de répondre qu’ils ne
connaissent pas en détail les investissements de leur fondation et qu’ils faisaient
bien attention à ne pas investir dans l’industrie du tabac (ICI).
Malgré l’opinion
d’administrateurs d’autres fondations, qui pensaient que si la fondation Bill
Gates, avec son immense pouvoir, montrait l’exemple en refusant d’investir dans
des sociétés non éthiques, cela aurait un impact très important sur ces
sociétés, une porte-parole de la fondation Bill Gates expliquait, peu de temps
après ces faits, qu’aucun changement ne surviendrait dans la politique
d’investissement de la fondation.
Bill Gates avait néanmoins
promis, en 2007, suite aux révélations des journalistes, de s’amender et d’être
plus circonspect à l’avenir, concernant ses investissements. En dépit de quoi il
a encore été épinglé en 2010 pour sa prise de participation dans la
multinationale Monsanto (LA) .
Un bilan « globalement positif » ?
Un autre aspect non moins important, est l’évaluation des
conséquences de l’influence de la fondation Bill Gates sur les politiques de
santé dans les pays pauvres.
Ainsi, les efforts pour diminuer
la mortalité par des programmes de vaccination sont contrebalancés, outre les
effets néfastes des investissements privés de la fondation Bill Gates, par la
capacité de ces programmes à attirer le personnel médical et paramédical formé
par des salaires alléchants (trois à quatre fois les salaires payés par les
administrations). Dans ces pays où la densité médicale est très faible et les
besoins sanitaires très importants, le fait de laisser ainsi dépourvues les
institutions prenant en charge les soins primaires de manière globale, induit
immédiatement une augmentation de la mortalité pour les maladies non couvertes
par la vaccination, qui peut contrebalancer, voire surpasser, les bénéfices de
celle-ci. C’est ce qui explique l’incapacité de plusieurs de ces programmes à
réduire la mortalité globale des enfants, malgré des investissements
importants.
Un aperçu des conséquences de ces
politiques sélectives à courte vue est donné par l’exemple de cette femme,
incitée à faire plusieurs heures de route, pour se rendre au centre mobile
assurant la campagne de vaccination contre la rougeole avec son nourrisson
chétif. Beaucoup de personnes des régions isolées d’Afrique subsaharienne peuvent
ne pas voir de médecin pendant plusieurs années.
Elle aurait aimé poser des
questions sur l’état de son enfant et le faire tester pour le SIDA. Mais,
arrivée sur place, il lui est demandé de ne poser aucune question autre que
concernant la vaccination, comme à tous les autres. Il n’est pas possible non
plus d’effectuer des tests. Cela ralentirait le rythme de la campagne de
vaccination et empêcherait d’atteindre les objectifs en matière de couverture
vaccinale.
L’influence de cette politique
sanitaire sélective est donc loin d’être univoque malgré les chiffres
triomphalement affichés sur la réduction de la mortalité par la vaccination
contre la rougeole qui ne sont que des estimations, calculant le nombre de vie
sauvées en fonction du nombre de vaccins distribués. Une telle démarche
prêterait à sourire en Occident. Mais on verra plus loin qu’il est très
difficile, même pour un pays développé, de se faire une idée précise du nombre
de cas de rougeole sur son territoire.
La majeure partie des dons de la
fondation concernant les programmes de vaccination vont au GAVI. Le GAVI étant l’organisme,
issu d’un partenariat public-privé et soutenu par la fondation Bill Gates, qui
achète et distribue les vaccins pour les programmes de vaccination dans les
pays en développement. En 2007, sur 1,8 milliards de dollars de dons destinés
aux programmes de vaccination par la fondation Bill Gates, 1,5 avaient été
octroyés au GAVI (LA).
Pourtant, selon l’enquête du LA
Times, la mortalité globale des enfants s’est plus souvent améliorée dans les
pays qui ont reçu moins d’aides que la moyenne du GAVI .
Un professeur d’études urbaines
de l’université de la ville de New York, disait qu’on ne peut pas affirmer que
des vies ont été sauvées avant que les enfants grandissent. En effet, les
causes de mortalité sont multiples en Afrique. Avec, en tête, particulièrement
pour les enfants, la diarrhée et les infections respiratoires basses.
Les résultats globaux en matière
de mortalité sont loin d’être à la hauteur des espérances et des
investissements, en particulier en Afrique subsaharienne, où sur un territoire avec une
population de 425 millions d’habitants, représentant un habitant sur sept de la
planète, sont rassemblés le quart des naissances mais aussi la moitié des décès
mondiaux des enfants de moins de cinq ans. Dans sept des pays qui ont reçu plus de fonds
que la moyenne de la part du GAVI la mortalité des enfants a progressé.
Certains
auteurs, comme ceux de cet institut nigérien, ont voulu évaluer l’impact des facteurs
environnementaux, non infectieux comme ceux affectés par les
sociétés financées par la fondation de Bill Gates, dans cette mortalité. Ils
sont arrivés à la conclusion que l’on pouvait obtenir 70% de réduction de la mortalité en
corrigeant ces facteurs. [Environmental
Determinants of Child Mortality in Nigeria Mesike, Chukwunwike Godson, 2011 ICI]
Bien sûr cela ne peut pas se faire
de manière magique, et d’autres ont, depuis longtemps, mesuré la part de la pauvreté
et, notamment, de la malnutrition, dans la mortalité des enfants et l’évaluaient
à plus de 50% sur l’ensemble des pays à faible revenu. Avec un rôle prépondérant
de la malnutrition, y compris quand celle-ci était légère a modérée (LA).
On comprend mieux dès lors
pourquoi une maladie bénigne comme la rougeole peut provoquer un décès sur
10 000 dans des pays où les enfants sont bien nourris et où il existe des
systèmes sanitaires accessibles et bien dotés et 100 voire jusqu’à 1000 fois
plus de décès parmi les enfants des pays pauvres.
La carence en vitamine A jouant
un rôle majeur dans la sévérité de l’infection due à la rougeole et dans le développement d’une immunité suite au
vaccin, lors des campagnes de vaccination, on distribue de la vitamine A aux
enfants.
Bill Gates, une personne influente
L’influence de Bill Gates au sein de l’OMS est aussi
patente.
Il y a quelques années, un
mémorandum du directeur de projet de l’OMS sur le paludisme avait été rendu public
et avait fait sensation dans la presse anglo-saxonne. Ce directeur avait fait
une note interne à Margaret Chan, directrice de l’OMS, qui ne lui avait pas
répondu pour lui faire part de sa préoccupation concernant l’influence
croissante et néfaste de la fondation Bill Gates dans les plans de lutte contre
les maladies les plus meurtrières dans les pays pauvres. Selon cet expert
l’influence de la fondation faussait les priorités en matière de lutte contre
ces maladies et empêchait le débat au sein de l’OMS et la compétition
intellectuelle entre chercheurs attirés par l’argent proposé pour financer
leurs recherches dans une sorte de cartel sous le contrôle de la fondation où
celle-ci les maintenait enfermés (LA).
Car tandis que les Etats se
montrent de moins en moins exigeants sur l’allocation de leurs contributions,
les contributeurs privés, avec, en tête, Bill Gates et sa fondation, dont le
rôle croît de facto dans la détermination des priorités à travers les
contributions volontaires à objet désigné, prétendent de plus en plus réduire
le rôle organisateur et de coordination de l’OMS, et le ramener à un simple rôle normatif des
politiques de santé mondiales dans une vision parcellaire de la santé.
De fait, ces
contributions privées, de par leur rigidité, tendent à empêcher toute révision
des orientations des politiques sanitaires afin de les mettre en adéquation
avec les besoins réels des pays en développement, comme cela a été noté lors
d’une consultation préalable au vote du budget de l’OMS en 2010.
Cela aboutit à la diminution des crédits pour ce qui concerne les maladies non
transmissibles, qui dominent pourtant de plus en plus les
problématiques de santé mondiales, et pour les programmes ayant pour objet la
santé maternelle et infantile (ICI) .
Selon Paul Eisenberg, attaché de recherche à l’institut des politiques
publiques de l’université de Georgestown, il risque d’y avoir d’autres
milliardaires qui vont vouloir créer leur fondation. « Le danger pour
notre démocratie-dit-il- c’est que nous allons avoir de plus en plus de ces
méga-fondations dirigées par deux ou trois familles et qui vont dicter la
manière dont les fonds doivent être dépensés… ».
Lorsqu’on observe le
développement fulgurant de la fondation de Bill Gates, la manière dont le
milliardaire essaye d’inciter les plus riches à donner pour ses « bonnes
œuvres », on peut se demander si le risque ne serait pas plutôt de voir
émerger sous peu une fondation en situation de monopole dans le domaine de la
bienfaisance. Domaine qui, comme nous l’avons vu, tend à empiéter sur les
politiques mondiales en matière de santé (LA).
Mais il n’y a pas de loi
anti-trust dans le domaine de la bienfaisance. Est-ce un hasard si Bill Gates a décidé de quitter la
direction de Microsoft et de s’investir dans les œuvres caritatives lorsque
plusieurs de ses partenaires en affaires l’ont assigné en justice pour abus de position dominante ? (ICI)
Le problème, en ce qui concerne Bill
Gates, c’est que s’il croit, peut-être, en la possibilité de réduire les effets
de la pauvreté par des moyens techniques sophistiqués et grâce à l’innovation,
Il croit sans doute encore plus à l’ultra-libéralisme économique, au rôle des multinationales et à la
nécessité de leur laisser le champ libre pour engranger un maximum de
bénéfices, même au détriment de l’éthique et des populations les plus pauvres.
Le problème c’est aussi que
d’avoir le talent de s’enrichir à grande vitesse en investissant dans des
secteurs à forte rentabilité au mépris du respect des droits de l’Homme ne le
rend en rien légitime pour jouer un rôle majeur dans l’orientation des
politiques sanitaires mondiales en s’asseyant sur la démocratie et en réduisant
au silence ceux qui ne partagent pas son avis.
Interrogé sur ces sujets Bill
Gates estimait que le rôle des philanthropes, même s’ils peuvent faire des
erreurs, c’est de prendre des risques en matière de bienfaisance que les
pouvoirs publics n’osent pas prendre.
Nous aurions envie de lui
dire : «Très bien. Mais il y a un hic. C’est que les risques de vos idées
« philanthropiques » et » innovantes » ce n’est pas vous
qui les prenez. C’est aux populations que vous les faites prendre. Et surtout
aux populations des pays pauvres ».
Poussé par les idées
philanthropiques de Bill Gates, le GAVI (LA) est en train d’essayer de diffuser à
grande échelle dans les pays pauvres les vaccins contre le pneumocoque et le
HPV, des vaccins qui, contrairement aux vaccins pédiatriques de base distribués
jusqu’à maintenant à ces pays, sont encore sous brevet exclusif des grandes multinationales
pharmaceutiques. Ils sont donc beaucoup plus chers que les vaccins utilisés
jusqu’à maintenant, car, par exemple, le vaccin contre la rougeole fabriqué par
des petits laboratoires de pays en développement et des laboratoires publics ne
coûtait en 2011 que quelques 0,24 euros par dose au GAVI.
Pour le vaccin contre le
papillomavirus humain, le coût de la mise en oeuvre pour les pays pauvres et de
sa généralisation resterait totalement prohibitif en relation avec les
budgets de santé de ces pays même si on divisait le prix du vaccin par plus de 20, comme le démontre
une modélisation faite au Brésil avec un vaccin contre le papillomavirus à 5
dollars (au lieu d’environ 130 dollars). Cette modélisation était construite
avec des hypothèses d’efficacité prenant pour argent comptant les allégations
des firmes fabriquant le vaccin, donc excessivement favorables (LA). L’intérêt du vaccin contre le HPV
dans les pays les plus pauvres, en Afrique subsaharienne, serait de toutes
manières très limité, car bien que dans ces pays la prévalence du
papillomavirus parmi les femmes soit importante, l’espérance de vie est faible,
souvent inférieure à 50 ans. Les femmes ont de grandes chances de mourir des
conséquences de la pauvreté avant d’avoir le temps de développer un cancer du
col.
Pour le vaccin contre le
pneumocoque, il s’agit du Synflorix,
un vaccin fabriqué par GSK que
celui-ci compte vendre à raison de 300 millions de doses au GAVI. GSK se vante
d’avoir accepté de réduire le prix de 90% pour les pays en développement. Mais
le prix étant d’environ 45 dollars dans les pays développés, cela veut dire
qu’il serait de 4,5 dollars pour le GAVI soit 18 fois plus cher que le vaccin
contre la rougeole.
Et ce n’est pas là le plus
important. Ce vaccin contre le pneumocoque ne contient que 10 sérotypes. Il a
été testé cliniquement à partir du milieu des années 2000. Il ne comporte donc
pas le sérotype
19 A, qui a été la cause d’une augmentation des cas
d’infection grave à pneumocoque en France, par exemple. Les effets délétères
étant démultipliés dans les pays pauvres, le Synflorix pourrait y provoquer une
catastrophe sanitaire sans précédent.
Les pays pauvres sont ils la poubelle des laboratoires
pharmaceutiques ?
Dans quelle mesure tout ceci nous concerne-t-il, pourriez
vous dire ?
Dans la mesure où les politiques
vaccinales de notre pays sont aussi très largement déterminées par l’OMS. Et que
c’est derrière son autorité que nos institutions sanitaires se sont abritées
pour appeler à la vaccination généralisée contre le virus grippal H1N1
pandémique. Comme c’est derrière son autorité qu’elles s’abritent pour appeler
à la vaccination généralisée contre la rougeole dans une perspective d’élimination.
TROISIEME PARTIE :
PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES
De l’éradication à
l’élimination, un choix discutable
Après que le PAHO (Agence Panaméricaine pour la Santé, agence régionale de l’OMS pour le
continent américain) eut officiellement annoncé avoir atteint sur le continent
américain l’objectif d’élimination de la rougeole, en 2002, le Groupe
spécial International pour l’éradication des maladies s’est réuni au Centre Carter (une fondation privée du
nom de l’ancien président américain) et a déclaré la faisabilité de
l’éradication mondiale de la rougeole (ICI) .
Dès lors, sous l’égide de l’OMS, divers plans nationaux d’élimination ont été lancés, l’OMS fixant dans le
même temps des échéances
pour l’éradication mondiale de la rougeole, sans cesse reportées.
Ces échéances ont été fixées successivement à 2007, à 2010, puis 2015 (LA)
Mais en 2009, l’OMS a semblé
prendre acte du caractère illusoire du projet d’éradication de la rougeole,
alors que la moitié des pays d’Afrique
subsaharienne ont des taux de couverture vaccinale oscillant entre 40 et 80%
malgré des programmes de vaccination récurrents depuis une trentaine d’années.
En même temps l’institution prend acte des effets néfastes des programmes de
vaccination sur les systèmes de santé locaux (ICI).
Il semblerait qu’entre 2009 et
2010 il y ait eu une période de
flottement à l’OMS, où l’on a envisagé d’abandonner les tentatives
d’éradication pour se borner à un contrôle de la maladie, moins contraignant et
laissant plus de latitude pour aborder les problématiques de santé publique des
pays pauvres de manière globale. Finalement, il a été décidé de poursuivre les
politiques d’élimination dans les grandes régions de l’OMS.
L’élimination
de la rougeole constitue un objectif à la fois ambitieux et contraignant,
mobilisant de gros moyens, car elle nécessite, d’après l’OMS, à la fois
d’atteindre puis de maintenir la couverture vaccinale à des niveaux très élevés, 95% pour la
première dose à 24 mois, et 80% pour la deuxième, et de mettre en
place un système
élaboré de surveillance des cas (LA).
Pour que l’objectif d’élimination
de la rougeole soit atteint dans une aire géographique il faut :
1) Atteindre un taux d’incidence de la rougeole inférieur à un cas confirmé par million d'habitants par an en excluant les cas confirmés importés
2 ) Atteindre un pourcentage de personnes réceptives
au virus de la rougeole inférieur à
15% chez les 1-4 ans, inférieur à 10% chez les 5-9 ans,
inférieur à 5% entre 10 et 14 ans
et inférieur à 5% dans chaque cohorte annuelle d’âge
au-delà de 15 ans
Pour
évaluer si de tels objectifs sont atteints, il faut organiser et entretenir des
systèmes de surveillance performants et consommateurs de moyens.
Et
nous voyons déjà que pour que ces objectifs soient atteints et maintenus de
manière pérenne, il ne faut pas seulement une couverture vaccinale très élevée, mais qu’il
faut aussi que le vaccin, dont les deux doses sont majoritairement administrées
en France entre 9 et 24 mois, assure une protection contre la maladie à vie.
Vaccination et résurgence de la rougeole en France,
mais pas seulement en France
En France la vaccination contre la rougeole a été introduite
dans le calendrier vaccinal en 1983, vingt ans après l’apparition des premiers
vaccins aux Etats Unis.
En 1987, le vaccin monovalent
contre la rougeole a été remplacé par le vaccin
trivalent contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Puis en 1996 a
été introduite une deuxième dose du vaccin trivalent à 11-13 ans, qui a été
rapidement rapprochée de la première dose entre 3 et 6 ans. En 2005, à la
faveur de la campagne mondiale
d’éradication de la rougeole promue par l’OMS, traduite en Europe par le Plan stratégique d’élimination de la rougeole et de la rubéole
2005-2010 (ICI) (tableau en annexe 3 p 26) , cette
deuxième dose était désormais recommandée entre 13 et 24 mois, donc très proche
de la première dose, ce qui constitue une quasi exclusivité française, les seuls autres pays
européens, sur 52 états membres, qui recommandent la deuxième dose avant deux ans sont Monaco, la Suisse l’Allemagne, l’Autriche et la République
Tchèque.
Les campagnes de vaccination ont permis une réduction rapide
du nombre de cas estimés de rougeole en France, comme cela avait été le cas
dans d’autres pays auparavant.
Extrait
de : Surveillance des maladies infectieuses en France, D Antona, INVS,
2009 (source réseau Sentinelle)
Une augmentation progressive mais continue de la couverture
vaccinale a eu lieu.
Ainsi, la couverture pour une dose à deux ans était de 87,5%
en 2004 et de 90,1% en 2007.
La couverture pour deux doses des élèves de CM2 est passée de 56,8% en 2001-2002 à
74,2% en 2004-2005
Malgré l’augmentation de la
couverture vaccinale, n’atteignant pas, toutefois le fameux seuil de 95% de
couverture pour la première dose fixé par l’OMS, une flambée de rougeole a été
observée en France.
Des flambées épidémiques
qui n’ont rien d’exceptionnel, même dans des pays à forte couverture vaccinale
Ce type de flambée avait été déjà
observé dans de nombreux pays ayant débuté la vaccination plus tôt que la
France comme le Canada en 1985, ou les Etats Unis en 1989-1990, années pendant
lesquelles plus de 50 000 cas avaient été notifiés. Mais il était aussi
courant que surviennent des petites épidémies et, aux Etats Unis, entre 1985 et
1986, plus de 20 ans après
l’introduction du vaccin, l’épidémiologiste L. Markowitz avait recensé 152 épidémies ou cas groupés concernant
de 5 à 954 individus chacune [Patterns of Transmission in Measles Outbreaks in
the United States, 1985–1986 NEJ 1989]
En Europe, la récente résurgence
n’est pas particulière à la France. Elle est retrouvée dans 40 pays européens
sur 52 y compris des pays comme l’Espagne, la Roumanie, la Finlande qui ont une couverture
vaccinale élevée de l’ordre de 95% ou au-delà pour la première dose (ICI) .
Cette flambée épidémique
succédait à une autre en Europe, entre 2006 et 2007, concernant 32 pays et pour
laquelle plus de
12 000 cas biologiquement
confirmés de rougeole avaient été comptabilisés dans le cadre d’une
étude danoise, principalement en Allemagne, Grande Bretagne, Roumanie, Suisse et Italie (LA).
En France, cette flambée a commencé en 2008 et à cette période il y avait des cas plus
nombreux en Allemagne , en Italie, au Royaume Uni et en Suisse, qu’en France
qui en déclarait 604 cette année là sur un total de 7822. La Suisse, avec un nombre 8 fois
inférieur d’habitants par rapport
à la France, représentait alors 27% des cas (2062 cas répertoriés) (ICI) (tableau p 437)
En septembre 2011, toutefois, la
France déclarait quelques 17 900 cas à savoir plus de la moitié des 26 000 cas
européens (LA) .
Surestimation de la
sévérité de l’épidémie de rougeole en France
Il est nécessaire de préciser,
que, parmi les cas déclarés pris en compte et étudiés en tant que cas de
rougeole, c'est-à-dire 17 960 cas,
seulement
3835 ont été confirmés biologiquement. Ceux-ci correspondaient à 53% des cas pour lesquels on
disposait d’informations complètes, .
Il était en même temps admis
qu’il y avait une sous-déclaration de l’ordre de 50%, mais cette estimation
était assez imprécise.
Tandis que le pourcentage des
personnes hospitalisées (3956 soit 22% du total des cas déclarés) était présenté comme particulièrement
représentatif de la supposée sévérité de la rougeole, en réalité seulement 30,8% de
ces personnes avaient été hospitalisées pour des complications dues à la
rougeole. Les autres avaient été hospitalisées pour leur jeune âge ou en raison
de leur mauvais état de santé. Dans le cas de l’épidémie observée en Grande
Bretagne en 1963, avant l’introduction du vaccin, 81% des personnes
hospitalisées l’avaient été en raison de complications. Cette hospitalisation
de précaution peut expliquer en partie le taux important d’hospitalisation par
rapport aux cas déclarés.
Contrairement à ce qui survient
dans une épidémie classique, l’âge était plutôt élevé, 50% des cas ayant plus de 15 ans. On
se souvient que lors de l’épidémie décrite plus haut en Grande Bretagne,
pendant l’ère pré-vaccinale, seulement 3% des cas avaient plus de 10 ans.
Parmi les 10 décès répertoriés, tous avaient
plus de 10 ans. Sept
des personnes décédées présentaient un déficit immunitaire soit
congénital, pour une personne, soit acquis pour six autres.
L’évaluation du statut vaccinal a
été faite sur une petite fraction des cas, c'est-à-dire sur 2655 alors que les
nourrissons de moins de un an, ne devant à priori pas être vaccinés à cet âge,
représentaient 1251 cas.
L’INVS note aussi que, dans les groupes plus
âgés, la proportion des cas vaccinés atteint 30%, alors qu’ elle est
estimée pour l’ensemble des cas à 15%. Mais elle n’en tire pas la conclusion
que la vaccination devient inefficace avec le temps.
Aucune tentative d’évaluation du nombre de cas de rougeole
inapparente n’a été faite.
On peut tirer la conclusion que,
malgré les efforts fournis par l’INVS pour préciser les chiffres, l’estimation du
nombre de cas reste extraordinairement imprécise, même s’il est
probable qu’il s’agit de plusieurs dizaines de milliers de cas, en particulier
si l’on tient compte des cas de rougeole inapparente. La proportion des personnes hospitalisées, mise
sans cesse en avant, ne peut certainement pas être considérée comme un
indicateur de sévérité, dès lors qu’on ne connaît pas le nombre
total des cas, et que la plupart des personnes ont été hospitalisées à titre de
précaution, en raison de leur fragilité propre, et non en raison de la gravité
de la rougeole (ICI).
Un total de 146 cas étaient des cas importés. Ce
qui montre qu’avoir un taux de couverture vaccinale élevée et interrompre la
circulation virale ne serait pas suffisant, dans le pays le plus touristique au
monde, pour garantir l’absence d’épidémies.
Il faudrait aussi que la proportion de la
population ayant des concentrations protectrices en anticorps, reste à un
niveau très élevé.
Hors vaccination, la proportion des adultes
protégés par des anticorps dans des pays où le virus circule est de l’ordre de
99%.
IDEES FAUSSES SUR LA
VACCINATION CONTRE LA ROUGEOLE
Un certain nombre d’idées sont
ressassées par les institutions nationales et internationales de santé,
retrouvées à l’identique dans tous les documents officiels. Certaines de ces
idées ne reposent néanmoins sur aucune étude solide, voire sont démenties par
de nombreuses études.
Idée reçue : le phénomène de la lune de miel comme
unique explication aux épidémies de rougeole dans les populations vaccinées
Le phénomène de résurgence s’expliquerait
uniquement par une insuffisance de couverture vaccinale. On nous
explique que lorsqu’une population n’atteint pas les valeurs seuils de
couverture vaccinale définies par l’OMS d’après une modélisation mathématique en tenant compte de la
contagiosité de la rougeole (un individu présentant la maladie en contamine 15
à 20 en moyenne), 95% pour la première dose et 80% pour la deuxième, il se
produit un phénomène appelé lune de miel. Celui-ci
consiste en ce qu’une couverture vaccinale élevée mais insuffisante occulte,
pendant quelques années, le fait qu’il existe des individus
susceptibles, c'est-à-dire non protégés par des anticorps,
qui peuvent contracter la rougeole. Le nombre global de ces personnes n’est
initialement pas assez important pour provoquer des épidémies importantes. Pendant la période de lune de miel on
assiste à une diminution progressive du nombre de cas de rougeole, et on a donc
l’impression que la rougeole est en passe d’être éliminée du territoire.
Mais lorsque, avec le temps, et l’arrivée de nouvelles
cohortes de nourrissons qui ne sont pas suffisamment vaccinés, le nombre
d’individus non protégés par des anticorps ou susceptibles (non vaccinés et qui
n’ont pas eu la rougeole) s’accroît et atteint un seuil critique, on assiste alors
à la résurgence de la rougeole sous forme d’épidémies plus ou moins importantes.
Il nous est expliqué qu’une
première dose de vaccin confère une protection immunitaire à la plupart des
sujets vaccinés. Une moyenne de 90 à 95% de nourrissons protégés par une
première dose dans les pays développés est évoquée, mais nous avons vu que ce
pourcentage présente une grande variabilité selon l’âge du nourrisson et le
statut vaccinal de la mère.
Bien que cette protection soit
présentée dans tous les sites officiels comme se prolongeant indéfiniment (ICI), la proportion d’individus protégés par une première dose serait insuffisante
car 5 à 10% des nourrissons n’ayant pas « pris » le vaccin,
s’ajoutant aux 5% (en cas de couverture à 95%) de nourrissons non vaccinés,
constitueraient, leur nombre
augmentant au cours des années, une proportion suffisante de sujets
susceptibles pour provoquer de nouvelles flambées épidémiques.
Ce serait la raison pour laquelle
une deuxième
dose de vaccin a été introduite. Celle-ci n’est pas présentée comme un rappel (il n’y a
pas d’effet rappel possible en présence d’anticorps contre la rougeole) mais
comme une deuxième chance d’immunisations pour les 5 à 10% de sujets qui n’ont
pas été immunisés par une première dose.
Cette deuxième dose a été introduite en 1990 aux Etats Unis
et en 1996 en France.
…mais que nous disent les études ?
Peut-être la plus probante de ces
études à nos yeux, la plus complète en tous cas, est une étude chinoise menée
par Daï et coll dans la province de Zhejiang, une
province isolée de la Chine pendant 15 ans entre 1973 et 1988 (ICI).
Un aparté pour remarquer que des
études de la qualité de celle que nous allons présenter n’existent simplement
plus dans le paysage éditorial de l’édition scientifique. Les études publiées sont
de plus en plus courtes, d’une durée qui ne dépasse souvent pas quelques
semaines, comportent un nombre limité de sujets, quelques dizaines voire moins,
rendant toute interprétation
statistique aventureuse, sont souvent grevées par des défauts méthodologiques
et par une interprétation tendancieuse des résultats obtenus qu’on peut fréquemment attribuer à l’existence de conflits
d’intérêts chez les auteurs, de plus en plus souvent financés par des fonds
privés. Ces études n’apportent simplement rien à nos connaissances sur les
sujets qu’elles abordent, mais noient les quelques études de bonne qualité et
génèrent la confusion sur des sujets d’intérêt pour la mise en œuvre des
politiques sanitaires.
L’étude de Daï et coll a suivi quelques 3233
enfants, dont 2882 ont pu être suivis pendant la totalité de la durée de
l’étude, c'est-à-dire pendant 15 ans. Seuls les résultats obtenus
pour ces 2882 enfants ont été pris en considération dans les conclusions
Le vaccin contre la rougeole a
été introduit en Chine dès 1965. La motivation de l’étude était de comprendre les raisons de
la recrudescence des cas de rougeole en Chine survenue après une baisse rapide des cas dans un premier
temps par suite des grandes campagnes de vaccination. Des cas de
rougeole étaient de plus en plus souvent observés, même chez des enfants
vaccinés.
Pour s’assurer que la rougeole
était contrôlée dans la province, 300 000 enfants de moins de 15 ans ont
d’abord été vaccinés en 1 mois en 1973 contre la rougeole, sans tenir compte de
leur statut vaccinal. Le taux de couverture et de séroconversion parmi ces
enfants était alors supérieur à 95%. Cela a permis de maintenir une incidence
très faible de la rougeole dans la province, de l’ordre de 1 pour 100 000,
pendant les douze premières années de l’étude.
Quatre souches vaccinales étaient
utilisées, dont deux chinoises et deux étrangères. Elles étaient administrées
sous forme d’aérosol ou par voie sous-cutanée. Parmi les deux souches
étrangères se trouvait la souche Schwartz, originaire des Etats Unis, et
utilisée dans le vaccin Priorix de GSK et dans le vaccin Rouvax de
Sanofi-Pasteur MSD.
Un examen sérologique des enfants participant à
l’étude a été effectué à un rythme
annuel, utilisant la méthode d’inhibition de l’hémagglutination. Bien que peu
précise pour les faibles concentrations en anticorps, cette mesure permettait
de savoir comment évoluaient les anticorps dans les situations suivantes :
·
une seule dose de vaccin et absence de contact
avec le virus de la rougeole,
·
évolution
des anticorps après une deuxième dose de vaccin et en fonction de l’âge où on
administrait cette deuxième dose,
·
infection par le virus sauvage de la rougeole
chez des enfants vaccinés
·
relation entre le taux d’anticorps et le risque
d’infection apparente par le virus de la rougeole
Les résultats de cette étude sont très intéressants, et ont
été corroborés par de nombreuses études, moins importantes, effectuées
ultérieurement.
Premièrement, il a été
montré que quel que soit le mode du premier contact avec le virus de la rougeole,
vaccin ou infection, la
concentration des anticorps (GMT ou moyenne géométrique) dans le sérum, après
s’être élevée très rapidement le premier mois, va décroître, très rapidement
aussi, pendant la première année, puis un peu plus lentement pendant quatre
ans, et puis va décroître très progressivement. La proportion d’enfants devenant séronégatifs, c'est-à-dire n’ayant plus d’anticorps
détectables croissant au cours du temps. Par exemple la proportion d’enfants séronégatifs au bout de
15 ans était de 15,4% chez 39 enfants vaccinés entre 8 et 12 mois par 0,5 ml de
vaccin contenant la souche Schwartz (contre 9,7% des 62 enfants vaccinés entre 13 et 16 mois). Pour 27 enfants
ayant contracté la rougeole naturellement à différents âges, 14,8% d’entre eux
seront devenus séronégatifs au bout de 15 ans.
Cette constatation est confirmée par plusieurs autres études,
notamment celle de Davidkin et coll
en Finlande, publiée en 2008 dans le « Journal of infectious diseases ».
La Finlande est
le premier pays à avoir documenté l’élimination de la rougeole sur son
territoire en 1997 et cela a permis d’effectuer des études sur
l’évolution du taux d’anticorps en l’absence de circulation virale. Davidkin,
dosant les anticorps d’enfants vaccinés 8 ans et 15 ans après la vaccination,
arrive donc à la conclusion que la concentration des anticorps décroît
rapidement pendant les 8 premières années, puis plus lentement pendant les
années suivantes. Au bout de 20 ans la concentration est en moyenne le tiers du
titre initial. Et 13% des individus ont un titre d’anticorps contre la rougeole
« équivoque », donc pas forcément protecteur (LA).
Mossong, en 1999, a estimé qu’en l’absence de circulation du
virus la durée
de l’immunité induite par le vaccin était en moyenne de 25 ans (ICI).
Deuxièmement : il n’y a pas
d’effet de rappel d’une deuxième dose de vaccin, quel que soit le
temps écoulé après une première dose (2-3 ans, 5-7 ans, 10-11 ans). Le taux
d’anticorps atteint après une deuxième dose est environ 10 fois inférieur, en
moyenne, à celui obtenu après une
première dose. La proportion d’individus qui deviennent séronégatifs quelques
années après la deuxième dose est d’autant plus importante que les taux
initiaux d’anticorps étaient faibles. Par exemple, 76% des 25 enfants
revaccinés 2 à 3 ans après une première dose et qui avaient des titres
d’anticorps inférieurs à 2 sont devenus séronégatifs 8 ans plus tard.
En revanche,
pour des taux d’anticorps équivalents, le risque de devenir séronégatif est d’autant plus grand que
la deuxième dose est proche de la première. Par exemple, 46,7% (28)
des 60 enfants revaccinés 2-3 ans après la première dose ayant une moyenne
géométrique d’anticorps à 2, sont devenus séronégatifs huit ans plus tard, mais seulement 14,7% (4) des 27 enfants
ayant la même moyenne géométrique mais vaccinés 5-7 ans après la première dose. D’où l’on peut
conclure que plus on rapproche les doses, plus la concentration en anticorps
diminue rapidement.
Au total, l’auteur conclut
que la deuxième dose ne prolonge pas la durée de l’immunisation.
Troisièmement : l’infection
naturelle par le virus sauvage, qu’elle soit cliniquement apparente (symptômes
visibles) ou cliniquement inapparente (sans symptômes visibles) provoque une
élévation plus importante et plus durable des anticorps qu’une deuxième dose de
vaccin, et la réduction du taux d’anticorps se fait alors plus progressivement
dans le temps. Autrement dit la personne vaccinée puis infectée par
le virus sauvage est immunisée
plus durablement que celle qui reçoit une deuxième dose de vaccin. Un article publié
par Erdman dans le Journal of Medical Virology en 1993 va même plus loin et
affirme que chez des enfants vaccinés, une deuxième dose n’a aucune efficacité
pour augmenter la concentration des anticorps de type IgM, alors qu’une infection
rougeoleuse a une forte efficacité (96%), signant la relance de l’immunité
spécifique (LA).
Quatrièmement : le risque de
contracter une infection et la sévérité de l’infection sont inversement
proportionnels au titre d’anticorps. Ainsi sur 333 enfants ayant été exposés au virus sauvage
pendant la durée de l’étude, en particulier en 1985, 78 d’entre eux, qui n’avaient pas
d’anticorps détectables, ont présenté une infection attestée par une
séroconversion. Parmi ces 78, 74 on présenté une infection cliniquement inapparente et
4 ont présenté une rougeole.
D’autres
études établissent une corrélation entre le taux d’anticorps et le risque d’une
infection cliniquement apparente. Une étude effectuée par Chen et coll aux Etats Unis et publiée en 1990 dans une
collectivité où un don de sang avait eu lieu avant une flambée épidémique,
avait montré que 8 sur 9 individus ayant un taux d’anticorps inférieur à 120
ont contracté une rougeole cliniquement apparente, cliniquement
ou biologiquement (7/8) confirmée. Mais aucun des 71 sujets qui avaient un
titre d’anticorps supérieur. Pour des titres d’anticorps intermédiaires 7 sur
11 donneurs de sang ont présenté une séroconversion sans symptômes cliniques.
Pour les titres d’anticorps les plus élevés il n’y pas eu de séroconvesion.
Cette étude montre que les personnes présentant un titre d’anticorps inférieur
à 120 ont bien un risque de rougeole cliniquement apparente, et éventuellement
de complications (ICI).
Importance de la non élimination du
virus et des rougeoles inapparentes pour le maintien d’un taux élevé de
protection dans la population.
On remarque, dans l’étude de DaÎ en Chine, qu’un grand nombre
d’enfants, parmi les enfants ayant été en contact avec des cas de rougeole et
ayant des titres d’anticorps très bas, ont pu contracter une infection qui serait
passée inaperçue si l’on n’avait pas réalisé une sérologie. De fait, plusieurs études
sont en faveur de l’hypothèse selon laquelle les infections inapparentes
permettent de maintenir une protection chez une très grande proportion de la
population tant que le virus de la
rougeole circule (LA et encore LA).
L’hypothèse a même été évoquée que les formes inapparentes de
la rougeole, en maintenant un taux élevé d’immunisation dans une population
vaccinée, pouvaient entraîner une surestimation de l’efficacité du vaccin (on
attribue au vaccin une
séroprotection qui est en réalité due aux infection inapparentes dues à une
persistance de al circulation du virus) (ICI). Une étude effectuée au début des années 90 dans un hôpital
parisien montrait que sur 117 enfants parisiens non vaccinés 102 avaient des
anticorps alors que seulement 42 avaient présenté une histoire clinique de
rougeole diagnostiquée (contre deux dans le groupe des 133 enfants vaccinés) (LA).
Le paradoxe de la
vaccination contre la rougeole
La diminution progressive des anticorps peut donc expliquer le paradoxe de la
vaccination de masse contre la rougeole. C’est à dire le fait que
plus on vaccine massivement et plus il existe d’individus susceptibles dans une
population comme l’ont montré les enquêtes séroépidémiologiques réalisées par
le réseau Sentinelle de l’INSERM en 1998 et en 2009-10 chez plus de 2000 sujets
âgés de 6 à 49 ans. Cette enquête a montré que la proportion des individus
susceptibles, c'est-à-dire non protégés par des anticorps, augmentait à 10
années d’intervalle de 1 à 2% dans toutes les tranches d’âge, sauf chez les
enfants de 6 à 9 ans (ICI, diapositive 6)
D’autres études de séroprévalence faites dans différents pays
européens grâce à des banques de sérum, montrent que une très haute couverture vaccinale ne signifie pas nécessairement que la
population est protégée. Un pays comme la Lettonie qui a débuté la vaccination contre la
rougeole très tôt, fin des années 60 et qui a un taux de couverture vaccinale
élevée, de 97%, a aussi la plus
importante proportion de sa population (jusqu’à 40% selon les tranches
d’âge) qui n’est pas protégée par
des anticorps (LA).
L’idée qui se dessine, compte tenu de ces différentes
études, est que la circulation naturelle du virus n’a pas que des
inconvénients. Car contrairement à ce qui est soutenu dans les documents et
discours officiels ni la rougeole, et encore moins le vaccin, ne procurent une
protection définitive contre de futures infections.
De ce point
de vue, les épidémies chez les enfants auraient l’intérêt de relancer
l’immunité dans les autres groupes d’âge, en provoquant des infections légères ou inapparentes
chez des adolescents ou adultes ayant déjà contracté la rougeole, et d’éviter ainsi
que des cas sévères apparaissent chez des individus plus âgés. D’autre part,
cette circulation permet d’assurer la transmission de concentrations élevées
d’anticorps maternels aux nourrissons. Ces concentrations élevées d’anticorps leur permettent d’atteindre sans
danger, des âges où la rougeole devient bénigne pour l’écrasante majorité des
enfants en bonne santé.
C’est
pourquoi certains auteurs, notamment nordiques, s’inquiètent du risque que l’interruption durable de la
circulation du virus puisse laisser sans protection une proportion croissante
de la population adulte et de très jeunes nourrissons qui ne peuvent pas être
vaccinés (LA et ICI).
Ce problème est particulièrement flagrant en Afrique, où,
pour des multiples raisons, les anticorps transmis par les mères vaccinées sont
à des concentrations plus faibles
que dans les pays occidentaux. Les nourrissons se retrouvent donc très tôt sans
aucune protection.
D’autre part, dans une étude
datant de 2008, l’auteur, Davidkin,
constate : « Actuellement, 40% des Finlandais ne peuvent
compter que sur la protection induite par le vaccin contre la rougeole, les
oreillons et la rubéole » (LA).
Le problème est également que la
partie de la population que le vaccin laisse sans protection est la partie la
plus à risque, à savoir, les jeunes nourrissons, les personnes immunodéprimées,
mais aussi les adultes, chez qui les anticorps tendent à décliner et pour qui
il n’y a pas de rappel possible. Et que, parmi ces adultes, il y a plus de
personnes à risque de complication de la rougeole.
Le problème du coût des
programmes de vaccination visant à l’élimination
Ce coût est très loin de se
limiter à celui des doses de vaccin. Car pour évaluer l’efficacité du programme
de vaccination, il faut mettre en place un système de surveillance complexe.
Avant la vaccination la maladie était très peu suivie.
Il faut également financer les campagnes en faveur de la
vaccination.
Pour les pays pauvres, il existe
un coût sanitaire indirect important, dü à la désorganisation des services
sanitaires.
Mais concernant le coût du vaccin
en lui-même, le précédent de ce qui s’est passé et se passe encore pour les
pays pauvres est plein d’enseignements. Entre le début des années 2000 et 2010
le prix du vaccin rougeoleux a doublé pour les organismes chargés de les
acheter pour les programmes de vaccination dans les pays pauvres. Le prix de la
dose de vaccin est passé de 0,12
dollars à 0,24. Ce phénomène était dû à la diminution du nombre de fabricants
et au défaut de concurrence.
En France, nous avons déjà le
privilège en tant que pays producteur de vaccins, d’être parmi ceux qui les
payent le plus cher au monde, l’Etat limitant volontairement la concurrence en
autorisant peu de vaccins de chaque type à accéder au marché.
L’évaluation des coûts devrait donc prendre en compte les
risques afférents à une totale dépendance vis-à-vis du vaccin et donc des
laboratoires fabricants.
Autres idées fausses
concernant les effets indésirables : lien entre vaccin trivalent et
autisme
Nous devons évoquer
ici les allégations d’association entre autisme et vaccin contre la rougeole
soutenues par le Dr Wakefield en
Grande Bretagne. Il s’agit d’un chirurgien anglais, spécialisé en chirurgie
gastro-intestinale.
En 1998, avec un certain nombre
de ses collègues, ce chirurgien a publié une étude dans « The
Lancet » une fameuse revue médicale anglaise, portant sur 12 enfants. Cette étude a été
présentée comme ayant établi un lien entre autisme et vaccin trivalent (LA).
Mais l’objet lui-même de cette étude, est déjà un
sujet de controverse.
Initialement, un
ensemble de médecins anglais appartenant au groupe de recherche sur les
maladies intestinales inflammatoires au Royal Free Hospital à Londres, avaient
soumis un protocole de recherche au Comité d’Ethique anglais portant sur la
recherche d’un lien entre les vaccins monovalents contre la rougeole et contre
la rubéole et le trouble désintégratif
de l’enfance, un syndrome très rare, évalué à deux cas pour 100 000
naissances par Orphanet, pouvant être associé à une maladie
inflammatoire intestinale spécifique.
Le Comité d’éthique
n’avait pas donné son accord pour cette étude. La collecte des cas s’était
néanmoins poursuivie sans que l’on sache bien si cela entrait tout de même dans
le cadre d’une recherche ou bien dans le cadre du suivi hospitalier courant de
certains patients. Il n’a pas été demandé aux parents de signer un consentement
éclairé. Les enfants présentés dans le cadre de l’article du Lancet ont été
soumis à des explorations très nombreuses et lourdes incluant coloscopie et
ponction lombaire.
Ces 12 enfants avaient
généralement été vaccinés plusieurs années auparavant. La relation temporelle avec les troubles du
comportement pouvant être évocateurs d’autisme, point central des conclusions et
des interprétations faites ultérieurement par A Wakefield, était établie sur la
seule foi des déclarations des parents.
La totalité des
enfants n’étaient pas diagnostiqués autistes d’après l’article du Lancet. Neuf
auraient été autistes, un aurait présenté une « psychose
désintégrative », et deux une encéphalite qualifiée de post virale ou post
vaccinale.
Les critiques factuelles de l’approche ont été résumées par
Brian Deer, journaliste, dans un article publié dans le British Medical Journal
intitulé « how the case aigainst the MMR was fixed », publié en
janvier 2011 (ICI).
Brian Deer arrive à la conclusion, après enquête détaillée et analyse de nombreux documents que :
·
Neuf seulement sur
12 des enfants étaient autistes
·
Cinq des enfants
présentaient des anomalies développementales, signalées par les parents ou les
médecins, avant la vaccination
·
Certains enfants,
pour lesquels l’étude rapporte une apparition des symptômes quelques jours
après la vaccination, avaient en réalité présenté les premier symptômes
plusieurs mois après la vaccination
·
Dans neuf cas, des
anomalies histologiques minimes constatées sur les prélèvements effectués au
niveau du tube digestif, ont été requalifiées pour la publication finale en
colite non spécifique
·
11 parents
accusaient ouvertement le vaccin rougeole oreillons rubéole d’être responsable
des troubles de leur enfant.
De plus, les parents de l’étude avaient souvent été
orientés vers les membres du groupe de recherche par des adhérents
d’associations anti-vaccinalistes.
En outre, fait jetant une suspicion majeure sur
l’ensemble de la recherche, A Wakefield avait été, contacté , embauché en 1996 et grassement rémunéré,
(plusieurs centaines de milliers de livres) par un avocat spécialisé dans les
affaires concernant les victimes de préjudices d’ actes médicaux, Richard Barr, également président d’une
société d’homéopathie. Celui-ci avait enclenché une action en justice pour le
compte de certains parents, mettant en cause le vaccin trivalent dans la
survenue des troubles autistiques de leur enfant.
Les troubles autistiques sont à la fois beaucoup
plus fréquents et vagues que les troubles désintégratifs puisque ce qu’on
appelle les troubles
du spectre autistique ont une fréquence estimée à 1 cas sur 150
naissances, et ont des étiologies (causes) et des présentations extrêmement
variables, leur principale caractéristique commune étant les troubles de la
communication. Ils sont également très difficiles à diagnostiquer et on utilise
en général des évaluations fondées sur des scores à des échelles d’évaluation
spécifiques. Le diagnostic est donc probabiliste et il est souvent très
difficile d’établir le moment où les symptômes ont débuté.
Donc d’un côté un projet de recherche présenté au
comité d’éthique comme ayant pour but de comprendre la relation entre certains
vaccins monovalents (rougeole, rubéole) et un trouble rare, le syndrome
désintégratif, sans lien d’intérêt déclaré. De l’autre des conclusions d’une
étude sur une petite série d’enfants dans laquelle pratiquement tous les points
menant aux conclusions (diagnostic d’autisme, moment des premiers troubles du
développement) sont entachés de fraude ou pour le moins sujets à
interprétation et où l’investigateur principal a des conflits d’intérêts
majeurs car il est impliqué dans un litige en cours devant la justice.
Tous les éléments de la recherche eussent-ils été
limpides qu’une aussi petite série d’enfants, sélectionnés, qui plus est, sur
des critères discutables, n’eut en aucun cas permis d’établir un lien
statistique entre vaccin et une quelconque maladie. Cela aurait pu être une
première étape, mais cela aurait nécessité des études suffisamment importantes
et rigoureuses pour établir une relation entre vaccin et une augmentation des
cas d’autisme (clairement définis).
Toutes les études épidémiologiques effectuées, y
compris dans les pays nordiques, ont démenti ce lien. En particulier une étude
danoise publiée en 2002 dans le New England Medical Journal portant sur plus de
500 000 enfants nés entre 1991 et 1998 dont 82% avaient été vaccinés.
Compte tenu des 738 enfants ayant
un diagnostic d’autisme ou de troubles du spectre autistique le risque d’être
diagnostiqué autistes, pour ceux vaccinés, semblait-être statistiquement
légèrement moindre que pour ceux non vaccinés (LA).
Car c’est là question, en somme, et ce qui était
sous-jacent à tout le débat : savoir si le vaccin augmente le risque de
devenir autistes pour les enfants.
Rappelons, à ce sujet, que les systèmes nordiques,
finlandais et suédois, ont permis de faire émerger un lien statistique entre
une maladie et un vaccin, pour une affection autrement plus rare que les
troubles du spectre autistique. Je parle du lien entre Pandemrix et
narcolepsie.
Cette affaire a pourtant donné lieu à la plus
longue procédure disciplinaire jamais vue en Grande Bretagne et au plus
important débat concernant la vaccination dans le monde anglo-saxon.
Cela a surtout provoqué une polarisation des
opinions et des débats et empêché toute autre position, plus constructive et
plus étayée, d’émerger.
Les points importants :
Nous avons ainsi appris que :
- La rougeole est une maladie bénigne pour l’écrasante majorité des personnes bien nourries et en bonne santé
- L’efficacité du vaccin varie, selon l’âge, le terrain (pathologies ou traitements, état nutritionnel), la situation géographique
- L’immunité vaccinale, mesurée par les anticorps de type IgG spécifiques est limitée dans le temps, même si elle est prolongée. Certaines estimations (Mossong) basées sur une modélisation mathématique l’évaluent à 25 ans en moyenne.
- L’interruption de la circulation du virus de la rougeole, en cas de poursuite du plan d’élimination, laisserait une part de plus en plus importante de la population sans protection
- La vaccination a fortement diminué les cas de rougeole en France, mais a déplacé l’âge de survenue de la rougeole en cas d’épidémie vers des âges où celle-ci peut être plus sévère et où le vaccin est ou devient inefficace
- Il n’y a pas de possibilité de faire de rappel, l’efficacité du vaccin étant alors très limitée et transitoire
- L’infection par la rougeole peut, en revanche, procurer une protection prolongée chez un individu vacciné et dans le cas d’un individu vacciné cette infection se manifeste généralement par une rougeole inapparente, donc asymptomatique, tant que les anticorps dépassent le seuil de 120 ui/ml
- Atteindre et maintenir un niveau très élevé de couverture vaccinale pour obtenir l’interruption de la circulation du virus est difficile et coûteux, mais ne met pas la population à l’abri d’épidémies tant que l’ensemble des autres pays, en particulier les pays pauvres, n’auront pas atteint le même niveau de protection
- L’efficacité de cette politique est très difficile à évaluer car les données épidémiologiques sont peu fiables
- L’élimination de la rougeole dans les pays développés n’est pas un facteur de protection pour les pays pauvres
- Le vaccin a des effets indésirables, ainsi que des contre-indications et précautions d’emploi qu’il est important de respecter pour éviter ces effets indésirables
·
Pour conclure,
La conférence de Alma Alta a donc initié une réorientation
des politiques sanitaires mondiales impulsées par l’OMS. D’une vision globale
de la santé, ayant pour point de
départ les besoins sanitaires évalués dans chaque pays, nous sommes passés à
une vision fragmentaire où l’on segmente la santé par pathologies, celles-ci
étant présentées comme des entités abstraites et indépendantes de
l’environnement.
Les réponses aux problèmes de santé vus ainsi sont donc
forcément médicamenteuses ou vaccinales et sont censées avoir une valeur
universelle. D’où la promotion des programmes mondiaux de vaccination.
Le programme d’éradication de la rougeole entre dans ce
cadre. En France cette politique a permis de réduire le nombre de décès par
rougeole qui était de 15 à 35 par an, sans effet significatif sur la mortalité
globale.
En 2009, des débats sont apparus au sein de l’OMS, devant
l’évidence de la difficulté de l’éradication de la rougeole, surtout dans les
pays les plus pauvres où la couverture vaccinale reste faible malgré les
programmes de vaccination, et devant la question des effets délétères des
programmes de vaccination pour le systèmes de santé de ces pays.
Ces débats ont été bien vite étouffés et, sous la pression
croissante d’intérêts privés, ont abouti à préconiser la poursuite à tout prix
des politiques d’élimination régionale.
Pour autant, doit-on poursuivre en France cette logique du tout ou
rien qui aurait pour principal effet, en cas d’élimination de la
rougeole et donc d’interruption de la circulation du virus, de rendre la
population de plus en plus dépendante du vaccin sans pouvoir garantir sa
protection ?
Est-ce qu’une politique de contrôle, centrée sur la
protection des personnes fragiles, ne serait pas plus raisonnable ?
La question est posée.
Claudina Michal-Teitelbaum