dimanche 16 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : John Williams se défend. 29

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

29

John Williams se défend.


Le modérateur, Michael-Ren Kurosawa, est un oncologue d’une quarantaine d’années connu dans le milieu pour ses positions centristes, c’est-à-dire qu’il accepte de participer à des essais cliniques car il n’est pas possible de mener des recherches cliniques sans recevoir de l’argent de l’industrie, car les budgets publics fédéraux sont limités et car le faible nombre d’équipes élues élimine de nombreux oncologues de talent comme de nombreux oncologues plus médiocres... C’est un pragmatique car il se permet d’accepter de l’argent des industriels et de les critiquer. Le problème de cette attitude tient à la position du curseur à la fois pour les industriels et pour les puristes. Aaron Goldstein n’est pas loin de son collègue Brébant dans la salle. Ils se font un signe amical de la main, le pouce dressé. Goldstein défend l’idée à l’intérieur de la Firme 1 qu’il est nécessaire de ne pas se couper de conseils universitaires comme Michael-Ren Kurosawa ou Afshâr Fallahi en raison de leur intelligence, de leur agilité conceptuelle et de leur capacité à déceler au premier coup d’œil ce qui cloche dans un protocole tout en proposant des solutions, mais certains de leurs collègues et plus largement dans l’industrie pensent qu’il ne faut pas introduire de loups dans la bergerie et qu’il ne faut travailler qu’avec des moutons bien-pensants. Quant aux puristes, ceux qui ne viennent pas à l’ASCO ou qui s’y rendent à leurs propres frais, s’ils sont trop intransigeants, ils sont condamnés à ne plus faire de recherches et à n'écrire que des éditoriaux ou des articles critiques sur les travaux de leurs collègues, sans montrer leur propre savoir-faire…

« Afshâr Fallahi vous a posé des questions sur la méthodologie de l’essai. Merci pour la bonne tenue de cette séance de lui répondre. » Williams se crispe mais la salle est tellement grande, il y a environ trois mille personnes, que peu de congressistes le remarquent. « Afshâr Fallahi a eu raison d’avoir remarqué quelques imperfections méthodologiques mais vous conviendrez que les résultats obtenus sont une telle révolution, un tel changement de paradigme, un tel espoir, qu’il vaut mieux se tourner vers l’avenir que de se pencher sur des détails… J’ajouterais que l’éthique voulait que nous fassions un cross-over tant l’efficacité du wallstreetgenumab était patente… »

Afshâr Fallahi agite la main afin de pouvoir reprendre la parole mais son temps est passé et il a juste le temps d’ajouter avant que le micro ne soit coupé « … nous attendons des éclaircissements… » Un autre congressiste prend la parole en commençant par remercier l’orateur et en continuant par des éloges sur cette percée dans le monde du cancer. Amen. Le modérateur n’a même pas le temps de donner la parole à ses deux collègues assis à côté de lui qu’il annonce déjà la prochaine oratrice car le temps imparti est passé.

Une petite cour se forme autour d’Afshâr Fallahi qui est coutumier de ce genre d’interpellations. Brébant voit cela de loin et dit à sa voisine dans le brouhaha de la salle : « Penses-tu qu’Afshâr Fallahi deviendra un jour un John Williams ? … - Tu es pessimiste… - Réaliste. »


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jeudi 13 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : John Williams est challengé. 28

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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John Williams est challengé.


La présentation de John Williams, ce n’est pas le compositeur de musiques de films, mais il est aussi célèbre que lui dans la communauté oncologique mondiale, se fait dans une grande salle bondée : il faut y être pour voir et écouter le stand-up d’un des tsars des tumeurs solides. Les gens sont debout, adossés aux murs, assis par terre et on s’attend à ce que la sécurité vienne évacuer avant qu’un incendie émotionnel ne se déclare… La majorité des présents ont lu le titre de l’abstract ou sa conclusion voire seulement les communiqués de presse triomphalistes du laboratoire qui sait que le marketing des produits commence bien avant que les molécules n’aient fait la preuve de leur efficacité. Il s’agit d’un essai contrôlé d’une nouvelle molécule, le wallstreetogenumab, dont l’objectif est d’améliorer la survie dans un cancer non opérable, tueur à 95 % entre trois et six mois. Les visiteurs et les visiteuses médicales de la Firme 5, ce que l’on appelle les Key Opinion Leaders, ont commencé le boulot depuis longtemps, des articles dithyrambiques ont été publiés dans le Wall Street Journal, le Financial Times, le Nihon Keizai Shinbun et autres revues scientifiques mondiales comme Les Echos ou La Tribune en France…

Le nœud papillon parfaitement ajusté (Brébant dit à Florence Maraval : « Il les porte autour du cou »), John Williams, avec au premier rang une nuée d’assistants, commence son exposé. La salle retient son souffle. Le discours est rodé, le passage des diapos sur les deux écrans est parfait, on voit à peine qu’il s’agit de Power Point, il plaisante entre deux, il est sérieux le plus souvent et il termine cette hymne au wallstreetogenumab par un trait d’humour dont les Anglo-saxons ont le secret. De nombreux intervenants se sont rangés derrière le micro posé debout dans l’allée centrale.

Un questionneur non identifié : « Merci John pour cette étude magnifique qui donne enfin un espoir… » Un autre : « Ces résultats magnifiques nous donnent une claque… » Afshâr Fallahi (un jeune type de UCLA) connu pour ses éditoriaux percutants : « … il est assez étonnant que le signataire des guidelines de l’ASCO ait mené un essai qui contrevient à toutes les recommandations qu’il a préconisées… » (Mouvements houleux dans la salle…) « … le groupe contrôle est sur dosé pour augmenter les effets indésirables, la survie est exprimée en pourcentage relatif, il n’y a pas d’échelle de qualité de vie et nous manquons de données contrôlées au-delà de trois mois… Avec une survie augmentée de deux mois, ce qui serait considérable s’il s’agissait d’années, on est en droit de savoir si les patients sont morts en souffrant deux mois de plus… » Williams est furieux et s’agite derrière son pupitre. « Y aurait-il deux poids et deux mesures ou deux professeurs John Williams, celui qui fait des recommandations et celui qui mène des essais ? » Williams : « Je remercie notre jeune collègue pour ses commentaires. Cet essai est pourtant une innovation majeure, une révolution qui profitera à nos malades. » Le modérateur intervient…



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mercredi 12 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Brébant est débordé. 27

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Brébant est débordé.


François Brébant a le même objectif que son nouvel ami Pierre Gers : profiter au maximum du congrès pour découvrir des données nouvelles, écouter des présentations brillantes, découvrir des nouveaux intervenants, sentir les tendances, apprécier les questions et les réponses des concurrents, parler avec des pointures en tentant de découvrir quel est le vent dominant, mais il est aussi là pour préparer l’avenir de sa firme, prendre des contacts, organiser des réunions informelles, diriger des réunions stratégiques, s’occuper du board nord-américain, faire sa propre publicité pour se faciliter la vie. 

Lui-aussi aimerait bien courir de salle en salle, évitant les fâcheux et les casse-pieds et tenter de refaire le monde avec les ténors de la spécialité. Mais son objectif majeur est que les présentations de Gers et de Frick se passent le mieux du monde afin que les deux futurs articles signés par l’un et par l’autre soient publiés dans le même numéro du prestigieux New England Journal of Medicine au moment de l’autorisation de la molécule par la FDA. 

Il y a beaucoup d’argent dans la balance et c’est aux US que tout va se jouer. Son alter ego et pourtant chef états-unien, Aaron Goldstein, est un type charmant qui bosse comme un malade (et ne le fait même pas savoir) et qui aimerait bien que Frick écrase Gers au congrès, pas trop quand même pour le bien de la molécule, mais surtout qu’il soit prêt avant pour soumettre le texte.

Goldstein est une caricature de médecin états-unien qui a dû servir de modèle à la fois pour Taub et Sheperd et dont le prix de ses vêtements pourrait suffire à nourrir une région d’Éthiopie pendant un siècle. Goldstein aime bien Brébant et les deux hommes, au lieu de courir dans les couloirs, sont assis dans un coin de salle avec un retroplanning devant les yeux. Goldstein est un légitimiste et un bureaucrate efficace. Peu d’imagination, pas de folie, mais un respect des règles et une observance des directives à toute épreuve. C’est sa marque de fabrique. Et sa force. Alors que Brébant, le moins rigolo de l’équipe française, passe pour un fou furieux pour les Etats-uniens…

Goldstein comme Brébant sont préoccupés par PV qui a fait des commentaires cinglants sur les deux essais de Frick et Gers, en critiquant violemment la méthodologie et notamment la qualité du bras comparatif et le principe du cross-over. PV est connu de toute la communauté oncologique pour être un emmerdeur de première classe et nul doute qu’un de ses sbires viendra poser des questions embarrassantes après les deux présentations. Le fait que PV soit désormais perçu comme covido-sceptique aidera sans doute la molécule à s’en sortir.



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Milan Kundera (premier avril 1929 - 12 juillet 2023)

Le kitsch fait naître tour à tour deux larmes d'émotion. La première larme dit: Comme c'est triste, la mort de Milan Kundera !
 La deuxième larme dit: Comme c'est beau d'être ému avec toute l'humanité à la pensée de la mort de Milan Kundera !
Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est kitsch.



 

A l'angle du Boulevard Diderot
Et de la rue de l'Opéra
Un homme aux manières de séducteur
Converse en un français très sentimental
Avec deux jeunes femmes
Plutôt belles
Une blonde et une brune
Assises à la terrasse
D'un café littéraire
Deux grandes jeunes femmes à la mode
Une Italienne et une Bohémienne
Qui montrent avec élégance
Leurs jambes hâlées
Croisées
Excitantes


Mais l'homme est le seul sur cette terrasse
Très parisienne
A leur parler et à ne pas les regarder
Concentré sur ce qu'il dit
Pour ne rien dire
Evitant leurs corps parfaits de jeunes femmes
Fatales
Occupé à parler pour les séduire
Ces deux jeunes femmes qui sourient d'être jeunes
Et belles
Assises à côté de cette homme plus âgé qu'elles
Qui parle avec accent
Dans ce qui n'est pas sa langue maternelle
Qui parle de sa voix douce et légère
A ces deux jeunes femmes qui l'écoutent
Et font semblant
Insouciantes
De croire à ce qu'il dit
Alors qu'elles se savent déjà séduites
Par le séducteur
Aux manières de séducteur
Persuadées d'avance
Par le rythme de ses phrases
Et la délicatesse de son timbre
Ne se demandant même pas
Les ingénues
A laquelle
De la brune Romaine
Qui s'appelle Tamina
Et qui n'a jamais lu Milan
Ou
De la blonde Praguoise
Qui s'appelle Jenufa
Et qui n'a jamais vu Milan
Il téléphonera ce soir
Et à qui il proposera
En italien pour l'une
Et en tchèque pour l'autre
De partager la soirée
Ou la vie
En leur parlant de sa même voix douce et légère
Et en continuant d'écrire des romans
Où elles se chercheront en vain
Des romans écrits d'un style aérien
Pour parler
Avec détachement
De sujets légers et profonds comme :
Comment séduire deux jeunes femmes
Belles et grandes à la terrasse d'un café
Parisien
En faisant plaisir à l'une et à l'autre ?
Comment faire semblant d'être un séducteur
Quand ce sont les jeunes femmes
Grandes, belles et fatales
Qui vous ont séduit avant même d'avoir esquissé
Le moindre geste de séduction ?
Ou encore :
Comment être un romancier célèbre
Et passer inaperçu
Dans sa vie et dans ses romans ?


Le séducteur séduit
Se regarde
Assis à la terrasse d'un café
Avec deux jeunes femmes
Qu'il trouve belles et séduisantes
Et il se promet
Tout en continuant de parler de sa voix
Douce et légère
Que jamais il n'osera
Romancier pudique
Raconter dans un roman
L'histoire d'un séducteur
Attablé avec deux jeunes femmes à la mode
A la terrasse d'un café parisien 
L'une parlant italien
Et l'autre dans la langue maternelle du séducteur écrivain
Dans laquelle il n'écrit plus


Les deux jeunes femmes séduites
Regardent le romancier séducteur
Qui s'écoute parler
Assis à la terrasse
Ensoleillée
D'un café littéraire parisien
Avec deux jeunes femmes
Qu'il trouve belles et attirantes
Et se promet de continuer à n'être qu'un romancier respectueux
De la vie des humains
Qu'il fréquente
Ou qu'il a fréquenté
A Prague
Comme à Paris
Ou ailleurs
N'importe où
Entre Diderot et Opéra

Zak Menkiewicz

(Octobre 1993)


mardi 11 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La Firme Quatre lance une molécule. 26

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La Firme 4 lance une molécule.


La Firme Quatre, une firme nippo-états-unienne aux dents rayant le parquet et dont le sens éthique a depuis longtemps été oublié malgré son slogan répété à longueur de communiqués à l’intention des boursiers, des actionnaires, des décisionnaires de santé, des assureurs, des médecins et des malades, « La Science au service des patients », est en effervescence car, demain, l’étude-pivot de sa molécule phare, son futur blockbuster, doit être présentée en plénière par Kenzo Unisawa, un cancérologue de l’université de Kyoto dont la réputation est bien établie dans le monde fermé des essais cliniques de mauvaise qualité et dont la fluidité en anglais ne cache pas un accent à faire mourir de honte Maurice Chevalier… La partie US de la firme a bien essayé de convaincre le siège de la Firme Quatre à Okinawa qu’un autre intervenant servirait mieux les intérêts de tous, cela a été considéré comme un crime de lèse-nipponité. 

Il existe dans la Firme Quatre une multitude d’avis sur la molécule, le nipponumab, allant de l’enthousiasme le plus débridé à la crainte la plus irraisonnée. Les enthousiastes ont forcément raison car il est nécessaire que tout le monde regarde dans la même direction, c’est-à-dire celle des profits maximums, que la moindre réserve exprimée en public pourrait interférer avec le niveau des rémunérations et parce que les enthousiastes le font avec tellement de cœur qu’ils en oublient sans se forcer tout esprit critique. Les craintifs ont au contraire bien tort car la Firme Quatre a développé un tel réseau d’influences, a arrosé tellement de médecins, d’administratifs, de membres de commissions, a favorisé tant d’essais cliniques inutiles largement payés pour s’implanter ici et là dans de nombreux hôpitaux du monde entier qu’il serait étonnant que la reconnaissance du ventre ne joue pas à plein.

Les champions du marketing-mix ont appliqué leurs recettes, coché toutes les cases (en s’inspirant des fameux articles de Weiner et al parus dans le New England Journal of Marketing), respecté la hiérarchie des institutions, des hommes, des tâches, mobilisé toutes les ressources de l’entreprise, tous les contacts, tous les relais, tous les personnels amis de la Firme Quatre à l’intérieur du complexe mondial santéo-industriel, à coups de pré-rapports, de pré-abstracts, de communiqués de presse à l’intention des journaux économiques, des journaux médicaux, des journaux grand public, en insistant lourdement sur le fait que le cancer est féminin, que la santé des femmes bla-bla, que c’est une opportunité unique… Quant aux futurs prescripteurs, dont ceux de l’ASCO, ils n’ont pas été oubliés et nul ne doute qu’une invitation à un concert de Paul Simon pendant le congrès n’apparaîtra pas dans EurosForDocs … Enfin, les patients-experts sont de tournée… Mais il y a encore du marketing-mix à venir.


(Pour lire depuis le début : LA)


lundi 10 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La course dans le centre des congrès. 25

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La course dans le centre des congrès.


A partir de maintenant Pierre Gers se met à courir. Il doit courir pour aller de salle en salle, d’étage en étage, de salle plénière en salles annexes, en foulant la moquette épaisse et criarde qui recouvre le sol, en tentant de ne rien oublier, de noter tous les détails qui tuent, de serrer les mains qu’il faut, de rencontrer les personnes ad hoc. En cancérologie, toutes les disciplines médicales et chirurgicales participent, toutes les sensibilités sont présentes, toutes les tares des sous et des sur spécialistes sont évidentes, les préjugés comme les sous-entendus, les rancunes comme les vengeances et, par-dessus tout, l’envie et la jalousie. 

La liste des sujets abordés est impressionnante en ce vendredi 2 juin (à partir de 13 heures) : les cancers héréditaires, construire un partenariat avec les patients, cancer du sein (plusieurs sessions), cancer du poumon, tumeurs hématologiques, leucémies, myélomes, cancers en neurologie, en gastro-entérologie, sarcomes, thyroïde, nouvelles thérapeutiques (et comment les intégrer dans la pratique), biomarqueurs, ORL, pancréas, chirurgie cancéro-gynécologique, parcours des patients atteints de métastases, comment faire une présentation, immunothérapie, lymphomes, sarcomes encore…

Il y a de quoi être étourdi et ce d’autant que tous les sessions ne se valent pas, que certaines sont désespérément inintéressantes, mal fichues ou bien fichues mais présentées par des vedettes dont tout le monde sait soit qu’ils modifient les résultats pour qu’ils soient « parlants », soit qu’ils sont meilleurs en congrès que dans leurs services, que tel chirurgien qui fait la malin avec une vidéo est considéré dans son hôpital comme un médiocre opérateur… A propos des médiocres B. a décidé, il l’attendait lors de la distribution des badges, de coller aux fesses de Gers, « Ça ne te dérange pas ? », que répondre ?, l’envoyer paître ? B. ne le fait pas par malice mais parce qu’il sait que Gers l’emmènera aux bons endroits et qu’il pourra pallier ses défaillances en anglais, le cas échéant. Ce qui est plus amusant : ils rencontrent Florence Maraval, une Marseillaise qui portera toute sa vie sur la conscience les raoulteries de la Cannebière, et qui est la plus charmante des oncologues, c’est-à-dire cortiquée, à jour de la littérature et fan du Choose Wisely qui fait défaut à nombre de ses collègues, à défaut d’être la plus sexy des cancérologues… 

- Tu sais où tu vas aller ?

Elle montre à Gers la liste des sessions qu’elle a cochées et surtout les heures de présentation.

- Je vois que l’on est sur la même page.

La course commence.

Et Gers sait que si B. sera un boulet pendant cet après-midi, Florence Maraval sera un plaisir pour écouter, partager, commenter et prendre des notes.



(Pour lire depuis le début : LA)


dimanche 9 juillet 2023

Bilan médical du lundi 3 au dimanche 9 juillet 2023 : euthanasie et Alzheimer avancé, médecine générale en Ecosse, dépistages.

 

Le service public en train de sauver la médecine générale.

249. Euthanasie en cas d'Alzheimer avancé.

Un tweet d'un gériatre des hôpitaux.


Vous pouvez suivre le fil de discussion : LA

Quelques réflexions : 

  • L'euthanasie, selon la définition historique retenue par Wikipedia (voir ICI l'article) "désigne le fait d'avoir une mort douce, qu'elle soit naturelle ou provoquée". Cette définition est surprenante.
  • Les définitions modernes de l'euthanasie sont multiples et variées. Retenons encore celle de Wikipedia : "l'euthanasie est décrite comme une pratique (action ou omission) visant à provoquer — particulièrement par un médecin ou sous son contrôle — le décès d'un individu atteint d'une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales ou physiques intolérables."
  • Dans le cas de la maladie d'Alzheimer qui nous occupe se posent les problèmes de la mémoire (la personne malade ne reconnaît pas, ici, son mari), à peine celui du consentement puisqu'il n'est pas possible de communiquer, celui des directives anticipées et comment elles sont formulées et comment elles sont interprétables, de la souffrance de la personne malade (elle ne se rappelle pas mais quel est son monde, comment vit-elle cet isolement), de la souffrance des aidants (ici encore son mari) et :
  • La position idéologique des médecins et les risques médico-légaux : l'euthanasie est actuellement considérée par assimilation comme un homicide (article 221-5 du code pénal : "Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle." Et l'on apprend dans le fil que le gériatre sus nommé est contre l'euthanasie
  • La souffrance des médecins et des personnels de soins non médecins, notamment dans UHR (unités d'hébergement renforcées)

L'avis de la famille mais plus encore des aidants familiaux est primordial s'il n'existe pas de directives anticipées ou s'il en existe.

Ma conclusion provisoire (je vous donnerai plus tard ma solution que j'espère élégante mais pas définitive) : Il n'est pas possible de demander à un soignant d'euthanasier un patient mais il est indispensable qu'un soignant puisse donner les instructions à la famille.

(PS du 15/07/2023 : L'Académie nationale de médecine se "rallie" à l'idée d'un "droit" à l'"assistance au suicide" : LA.) 


250. Médecine générale chez les British (et ici une Ecossaise écrit).




Les habitué.e.s de cet blog connaissent Margaret McCartney dont j'ai déjà commenté les livres (LA).

Elle publie un article dans le Financial Times (LA) qui s'inscrit dans le contexte du NHS britannique mais qui va bien au-delà tant l'universalité de la crise de la médecine générale dans les pays développés est à son comble quels que soient les systèmes d'accès aux soins et de rémunération des médecins, une crise qui est aggravée (ou provoquée) par le fait que les jeunes diplômés ne s'y engagent plus et qui se traduit par un surcroit de travail pour les médecins installés et un délai d'attente augmenté pour les patients.

L'indice de satisfaction du public pour le NHS n'a jamais été aussi bas : 35 %

Elle nous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître où les médecins généralistes étaient proches des populations, connaissaient les conditions socio-économiques de l'endroit où ils étaient installés et suivaient les patients depuis le berceau jusqu'à'à la mort.

Il ne s'agit pas de dire "C'était mieux avant" mais d'affirmer qu'une telle médecine de proximité n'est plus possible : 40 % des MG qui ont abandonné l'ont fait pour cause d'épuisement professionnel ; 61 % des MG de plus de 50 ans veulent arrêter dans les 5 ans.

Les MG britanniques consultent en moyenne 50 patients par jour et exercent le plus souvent comme contractant du NHS dans des cabinets qui tiennent plus de la petite entreprise que de nos cabinets libéraux avec des médecins partenaires, des salariés professionnels de santé ou non.

L'objectif des autorités de santé est de passer ces médecins contractants au salariat.

Margaret McCartney est contre. Elle cite pourtant l'exemple danois (LA) où les salaires des MG sont supérieurs à ceux des médecins hospitaliers et où la médecine générale est le centre des soins. Nous y reviendrons un jour.

Quoi qu'il en soit Margaret McCartney est contre le salariat bien qu'il propose en théorie une charge de travail de 25 patients par jour avec un horaire hebdomadaire de 37,5 heures. Mais, selon elle, cela va coûter beaucoup d'argent et, surtout, cela inaugure le sytème de la médecine supermarché disparition des cabinets petites entreprises au profit de cabinets succursales gérés par des groupes financiers. Elle rappelle que cette médecine générale est fondée sur l'accès aux médecins, n'importe quel médecin, mais pas sur l'accès aux soins du berceau à la mort.

Les études montrent que lorsqu'un ou une patiente est suivi.e par le même médecin, l'espérance de vie est augmentée et les coûts secondaires de soins diminués. Elle insiste sur le rôle des MG pour absorber les demandes non urgentes et les demandes ne nécessitant pas un adressage, prendre en compte l'incertitude, ce qui entraîne de prendre mieux soin des patients polymorbides et, en n'adressant pas plus, de désengorger l'aval.

Les solutions qu'elle propose pour rendre la médecine générale plus attractive et moins génératrice d'épuisement au travail, sont malheureusement connues et peu révolutionnaires. On sait cela par coeur. Moins de paperasse, moins prescrire de molécules mal validées, moins prescrire de tests inutiles insuffisamment validés.

Elle est pessimiste.

Elle dit : la médecine générale n'est pas le problème mais la solution.

(Et c'est pareil à San Francisco : ICI)


Avant

1948


Après





251. Le dépistage chez des personnes non symptomatiques : une méta-analyse.

L'article est ICI.

Est-ce que le dépistage diminue la mortalité liée au dépistage ?

Dans quelques cas.

Est-ce que le dépistage diminue la mortalité globale ?

Rare ou jamais


Les donneurs de leçon (de Bordeaux)

Les détails sur Chronimed : LA