Un congrès à Chicago (ASCO 2023)
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Brébant est débordé.
François Brébant a le même objectif que son nouvel ami Pierre Gers : profiter au maximum du congrès pour découvrir des données nouvelles, écouter des présentations brillantes, découvrir des nouveaux intervenants, sentir les tendances, apprécier les questions et les réponses des concurrents, parler avec des pointures en tentant de découvrir quel est le vent dominant, mais il est aussi là pour préparer l’avenir de sa firme, prendre des contacts, organiser des réunions informelles, diriger des réunions stratégiques, s’occuper du board nord-américain, faire sa propre publicité pour se faciliter la vie.
Lui-aussi aimerait bien courir de salle en salle, évitant les fâcheux et les casse-pieds et tenter de refaire le monde avec les ténors de la spécialité. Mais son objectif majeur est que les présentations de Gers et de Frick se passent le mieux du monde afin que les deux futurs articles signés par l’un et par l’autre soient publiés dans le même numéro du prestigieux New England Journal of Medicine au moment de l’autorisation de la molécule par la FDA.
Il y a beaucoup d’argent dans la balance et c’est aux US que tout va se jouer. Son alter ego et pourtant chef états-unien, Aaron Goldstein, est un type charmant qui bosse comme un malade (et ne le fait même pas savoir) et qui aimerait bien que Frick écrase Gers au congrès, pas trop quand même pour le bien de la molécule, mais surtout qu’il soit prêt avant pour soumettre le texte.
Goldstein est une caricature de médecin états-unien qui a dû servir de modèle à la fois pour Taub et Sheperd et dont le prix de ses vêtements pourrait suffire à nourrir une région d’Éthiopie pendant un siècle. Goldstein aime bien Brébant et les deux hommes, au lieu de courir dans les couloirs, sont assis dans un coin de salle avec un retroplanning devant les yeux. Goldstein est un légitimiste et un bureaucrate efficace. Peu d’imagination, pas de folie, mais un respect des règles et une observance des directives à toute épreuve. C’est sa marque de fabrique. Et sa force. Alors que Brébant, le moins rigolo de l’équipe française, passe pour un fou furieux pour les Etats-uniens…
Goldstein comme Brébant sont préoccupés par PV qui a fait des commentaires cinglants sur les deux essais de Frick et Gers, en critiquant violemment la méthodologie et notamment la qualité du bras comparatif et le principe du cross-over. PV est connu de toute la communauté oncologique pour être un emmerdeur de première classe et nul doute qu’un de ses sbires viendra poser des questions embarrassantes après les deux présentations. Le fait que PV soit désormais perçu comme covido-sceptique aidera sans doute la molécule à s’en sortir.
(Si vous voulez lire depuis le début : ICI)
1 commentaire:
Je suis avec une délectation ceertaine les aventures de toute la troupe de nos chers (!) cancero-professionnels, merci Doc16.
Juste une petite remarque: autant je comprends tout à fait que les noms (d'intervenants, de marques, etc...) soient fictifs. Du moins me semble-t-il à moi lecteur de base, peut-être que d'autres lecteurs "bien introduits dans le milieu (et pas seulement en fin de soirée de congrès très arrosée)" décodent ces noms fictifs et savent les remplacer par les vrais?
Autant je trouve dommage -voire dommageable- que le nom de "Prasad", l'empêcheur de cancero-businesser en rond, soit mentionné explicitement: il devrait être possible d'inventer un nom à consonnance indienne pour le représenter, non?
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