Un congrès à Chicago (ASCO 2023)
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La session cancer du poumon : deuxième partie.
La machine est bien huilée et les organisateurs connaissent le boulot sur le bout des doigts. Par ailleurs, ils ne marchent pas sur des œufs mais sur une solide moquette bien épaisse qui est celle de la croyance quasi unanime des cancérologues sur l’efficacité du dépistage du cancer du poumon par scanner basse intensité chez les gros fumeurs. Il y a bien quelques têtes brûlées qui ont des avis contraires mais il est difficile d’exprimer de tels avis sans se faire traiter de charlatan ou d’ennemi du progrès, ce qui rend les carrières difficiles. Il existe aussi des personnes comme François Brébant, Pierre Gers ou Florence Maraval qui osent parler, et il serait fastidieux de vous présenter les quelques oiseaux rares qui pensent comme eux, et sont persuadés que ce dépistage est peu convaincant et que l’on va dépenser beaucoup d’argent, mobiliser beaucoup de professionnels pour des résultats décevants et entraîner surtout l’annonce de diagnostics désastreux et la pratique de traitements lourds à des patients qui n’en auraient pas eu besoin.
Leur ami Brent Marshall, un ténor épidémiologiste non-médecin et statisticien occupe une position particulière : il est à la fois membre de l’ASCO et activiste anti-dépistage. Mais il n’a pas encore reçu de balle dans la tête et il est écouté, même s’il n’est pas suivi et si les fabricants de scanners, les scannerologues, les oncologues et les pneumologues le détestent. Pendant la période Covid il a occupé une position médiane, ce qui aux Etats-Unis est assez difficile à comprendre, entre Trump, Fauci et DeSantis, et il a droit à une session de vingt minutes. Le trio des Français n’apprend rien qu’ils ne sachent sur l’étude Nelson et ses analyses post hoc sinon, comme d’habitude, que le pourcentage de surdiagnostics a été mal et sous-évalué.
Marshall est peu interrogé car ses challengers savent qu’il a réponse à tout et qu’il connaît le sujet mieux que quiconque. Il en est désolé car son style direct et son sens de la repartie infaillible, il en est fier et il aimerait qu’on puisse le remarquer.
Maraval à Gers : « Ca sert à quoi, tout ça ? » Il hausse les épaules parce qu’il y a longtemps qu’il a cessé de lutter. Tout comme Brébant qui constate avec plaisir que l’impuissance avouée des deux autres justifie sans doute qu’il ait accroché son gauchisme présumé au porte-manteau du fric. La morale et l’éthique ont eu raison de ses habitudes de vie. Il lui semble de plus en plus compliqué de s’opposer aux théories ambiantes qui flattent les financeurs, les revues et ses confrères. Il va se laisser porter par le courant et ne sera pas un rebelle. Un rebelle dans sa tête et dans les quelques réflexions qu’il peut lâcher ici ou là pour montrer son indépendance et son intelligence. Il ne lui reste plus, et il y arrivera, de décrocher le titre envié et le salaire colossal de directeur médical de la Firme M*** Quoi d’autre ?
Les partisans français du dépistage sortent gonflés à bloc de cette session de pneumologie. Comment le Ministre de la Santé pourrait-il refuser un tel programme politique ?
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